Livre X - Lettres 28 et 29


PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN

Si ma navigation, seigneur, avait été très heureuse jusqu'à Ephèse, il s'en faut bien que je sois aussi content de la route que j'ai faite depuis par terre. Le grand chaud et quelques accès de fièvre m'ont si fort tourmenté, que j'ai été obligé d'arrêter à Pergame. Dans la suite, m'étant embarqué, les vents contraires m'ont retenu. Ainsi, je suis arrivé dans la Bithynie plus tard que je n'avais compté, c'est-à-dire le 17 septembre. Je ne puis pourtant me plaindre de ce retardement, puisque je suis entré dans mon gouvernement assez tôt pour y célébrer le jour de votre naissance ; ce qui est pour moi le plus favorable de tous les présages. J'examine actuellement l'état des affaires publiques des Prusiens, leurs charges, leurs revenus, leurs dettes. Plus j'avance dans cette discussion, plus j'en reconnais la nécessité ; car je trouve d'un côté que, sous divers prétextes, plusieurs particuliers retiennent ce qu'ils doivent à cette république ; et de l'autre, qu'on la surcharge par des dépenses qui ne sont guère légitimes. Je vous ai écrit tout ceci, seigneur, presque en arrivant. Je suis entré dans la province le 17 septembre. Je l'ai trouvée dans les sentiments de soumission et de dévouement pour vous, que vous méritez de tout le genre humain. Voyez, seigneur, s'il serait à propos que vous envoyassiez ici un arpenteur. Il me semble que si les ouvrages publics sont fidèlement toisés, on pourra obliger les entrepreneurs de rapporter des sommes considérables ; au moins cela me paraît ainsi, par l'examen que je fais avec Maxime des comptes de cette république.


TRAJAN A PLINE

Je souhaiterais fort, mon très cher Pline, que vous fussiez arrivé en Bithynie avec vos gens sans que votre faible santé en eût été altérée, et que votre route depuis Ephèse vous eût été aussi commode que votre navigation avait été heureuse. Votre lettre m'apprend quel jour vous êtes entré dans la Bithynie. Je ne doute pas que ces peuples ne demeurent par là bien persuadés de mon attention à leurs avantages ; car je suis sûr que vous n'oublierez rien de ce qui pourra faire sentir qu'en vous choisissant, j'ai choisi le plus propre à tenir ma place chez eux. Vous devez commencer par examiner les comptes des affaires publiques ; elles sont certainement dans un grand désordre. Quant aux arpenteurs, à peine en ai-je ici ce qu'il en faut pour les ouvrages publics qui se font à Rome et aux environs. Mais il n'y a point de province où il ne s'en trouve en qui l'on peut prendre confiance. Vous n'en manquerez donc pas, si vous vous attachez sérieusement à en trouver.

© Agnès Vinas

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