ACCIUS PRISCUS vivait du temps de Vespasien, et était compté au nombre des bons peintres de cette époque. Il approchait, selon Pline, de la manière antique. Il avait peint, avec Cornélius Pinus, le temple de l'Honneur et celui de la Vertu, rebâtis par l'empereur Vespasien.

AETION fut-il contemporain d'Apelles, de Protogènes et de Nicomaque ? Nous n'avons, pour l'affirmer, qu'un passage de Cicéron, qui le nomme avec ces artistes, sans dire cependant qu'il ait vécu dans le même temps. Ce que ce passage permet de soutenir avec plus d'assurance, c'est que, s'il ne fut pas leur contemporain, ii fut du moins leur égal ; et le témoignage de Cicéron est appuyé de celui de Lucien. Du temps de celui-ci, on voyait encore en Italie un tableau d'Aëtion qui représentait les Noces d'Alexandre et de Roxane. L'appartement était de la plus grande beauté, ainsi que le lit sur lequel Roxane était assise, tenant les yeux fixés sur la terre : cette expression peignait en même temps la pudeur de la jeune épouse et le respect que lui inspirait le héros. Un Amour placé derrière Roxane lui enlevait en riant son voile, et la montrait à son époux ; un autre ôtait une des sandales du prince, comme pour l'inviter à prendre place sur le lit ; un autre le prenait par son manteau et le tirait vers Roxane. Alexandre présentait une couronne à la princesse. Héphestion tenait le flambeau nuptial, et s'appuyait sur un adolescent d'une grande beauté qui représentait l'Hymen. Toute la scène inspirait la gaieté, tous les Amours étaient riants ; ils se jouaient avec les armes d'Alexandre : on en voyait deux qui portaient sa lance ; ils pliaient sous le poids, comme des ouvriers qui portent une poutre ; deux autres en tiraient un troisième qui était couché sur le bouclier, comme s'ils eussent traîné en triomphe le héros lui-même ; un autre encore, pour les effrayer quand ils passeraient près de lui, s'était caché dans la cuirasse. Aëtion exposa ce tableau aux jeux Olympiques, et Proxenidès, qui cette année était le juge des jeux, fut si charmé de l'ouvrage, qu'il donna sa fille à l'auteur. Lucien ne dit que par conjecture que l'enfant sur lequel s'appuyait Héphestion était un Hyménée, et il remarque que le nom de cette figure n'était point écrit. Les Grecs avaient donc conservé, même dans les beaux siècles de l'art, la coutume barbare d'écrire sur les tableaux les noms des personnages qui y étaient représentés. On retrouve encore cet usage dans un tableau d'Herculanum, ouvrage d'Alexandre d'Athènes. Lucien avait vu en Italie le tableau d'Aëtion, qui représente les Noces d'Alexandre et de Roxane; il en fait une description brillante, d'après laquelle Raphaël a tracé une de ses plus riches compositions.

AGATHARQUE, de Samos, était fils d'Eudème, et fut un peintre célèbre. Nous voyons par une réponse que lui fit Zeuxis, et qui est rapportée par Plutarque dans la Vie de Périclès, qu'il était le contemporain de ce grand artiste. Plutarque dit ailleurs qu'Alcibiade fit emprisonner Agatharque, mais n'en fait pas connaître le motif ; il ajoute que plus tard le peintre peignit sa maison, et fut comblé de présents. Vitruve raconte qu'Agatharque fut le premier qui fit à Athènes, par les conseils d'Eschyle, une scène tragique, et qu'à son exemple Démocrite et Anaxagoras firent un traité sur la perspective théâtrale.

AGLAOPHON, qu'il ne faut pas confondre avec le père de Polygnote, est honorablement mentionné par Pline, qui le fait vivre dans la XCe olympiade, et par Quintilien, qui le met sur le même rang Polygnote. Ses tableaux ont un autre mérite que celui de l'antiquité ; ces premiers essais, ces premières ébauches de l'art, ont conservé, dit-il, dans l'estime des connaisseurs, le même rang que les ouvrages plus achevés qui sont venus après eux.

AGLAOPHON, de Thasos, eut la gloire de former par ses leçons le célèbre Polygnote. Alcibiade, revenu d'Olympie à Athènes, exposa en public deux tableaux d'Aglaophon : dans l'un, le peintre l'avait représenté couronné par Pythias et Olympias ; dans l'autre, il était sur les genoux de Némée assise ; les traits de sa figure étaient plus fins et plus délicats que ceux d'une femme. Plutarque, dans la Vie d'Alcibiade, attribue ce grand tableau à Aristophon ; Athénée dit, au contraire, qu'il est d'Aglaophon ; Grégoire de Nazianze met cet artiste au rang des peintres les plus distingués.

ALCIMAQUE peignit l'athlète Dioxippe, qui fut vainqueur sans poussière, et à toutes sortes de luttes, aux jeux Olympiques, et vainqueur également à toutes sortes de combats mais avec poussière, aux jeux Néméens. Pour bien comprendre ces mots, il faut se rappeler que vaincre de prime abord et sans exciter de poussière, ainsi que nous l'apprend Elien, était la suprême gloire de ces jeux. Athénée parle quelque part de ce Dioxippe.

ALCISTHENE avait peint un danseur ; il est mis par Pline au nombre des peintres du troisième ordre, qui avaient acquis une juste réputation.

AMPHION fut un peintre très habile ; Apelles se reconnaissait inférieur à lui pour l'ordonnance. Amphion florissait dans la CVIIIe olympiade.

AMULIUS vivait sous Néron, la gravité de ce peintre, qui ne quittait pas même la toge pour travailler, peut faire croire qu'il n'était pas d'une condition commune. La même décence qu'il observait sur sa personne se remarquait dans ses ouvrages. C'était un peintre à la fois sévère et brillant. Je ne sais pourquoi Pline l'appelle peintre de sujets communs, humilis rei pictor, lorsque entre ses ouvrages il fait mention d'une Minerve qui regardait le spectateur de quelque côté qu'on l'examinât. Ce n'est point, sans doute, un sujet humble et commun que la représentation de la plus sage, la plus imposante, et l'une des plus belles des déesses. Amulius ne donnait chaque jour que quelques heures à la peinture. On voyait peu de ses tableaux, parce que, occupé constamment par Néron, la maison dorée de ce prince fut la prison du talent de l'artiste. Isaac Vossius veut que ce peintre se soit appelé Fabullus, et que ce soit par erreur que dans quelques manuscrits de Pline on ait écrit Amulius.

ANAXANDER, peintre du troisième rang, cité par Pline, comme ayant eu de la réputation.

ANAXANDRA était fille du peintre Néalcès. On ne sait rien de plus sur cette femme artiste. Didyme et Clément d'Alexandrie n'en parlent qu'en passant.

ANDREAS, peintre du Bas-Empire, cité par Cedrenus.

ANDROBIUS peignit Scyllis coupant les ancres des câbles de la flotte des Perses. Ce Scyllis était un excellent plongeur, dont il est fait mention dans Pausanias et dans Strabon, et qu'Apollonidas a loué dans une épigramme qu'on lit dans l'Anthologie grecque.

ANDROCIDES, de Cyzique, était contemporain de Zeuxis ; il se fit une réputation dans ce que nous appelons peinture de genre. On parlait avec éloge des monstres marins qu'il avait peints autour de Scylla. Il y a tout lieu de soupçonner que l'art avait fait encore de bien faibles progrès dans la couleur et dans le maniement du pinceau, et qu'Androcides ne méritait pas la réputation qu'il a obtenue ; car ce sont ces deux parties de l'art qui donnent de la valeur au genre qu'il exerçait. Un autre peintre du même nom peignit, à Thèbes, un tableau de bataille, qu'il fut obligé d'abandonner, sans le finir, lors de la révolte des Thébains contre Sparte. Ce tableau fut ensuite consacré dans un temple par le conseil de Ménéclyde, orateur, ennemi de Pélopidas, qu'il croyait humilier par là ; car la victoire que le peintre avait représentée avait été remportée par un autre général.

ANTIDOTE, disciple d'Euphranor, et selon Pline, de Cydias, vivait dans la CIVe olympiade, 364 ans avant Jésus-Christ. Ce peintre paraît avoir eu plus d'exactitude que de fécondité. Sa couleur était sévère. Il avait peint, à Athènes, un Guerrier qui se servait de son bouclier pour combattre, un Lutteur et un Joueur de flûte. Les Grecs louaient ce dernier tableau comme une des meilleures productions de l'art ; mais ils regardaient comme un titre plus glorieux encore pour Antidote d'avoir été le maître de Nicias d'Athènes.

ANTIGONE, mentionné par Pline, avait cultivé la peinture.

ANCIPHILE, né en Egypte, avait travaillé en grand et en petit. On cite de lui des sujets qui, s'ils étaient traités d'une manière conforme à sa réputation, exigeaient de la beauté, tels que son Hésione, sa Minerve, et son Bacchus ; d'autres, qui demandaient de l'expression, tels que Hippolyte saisi d'effroi à la vue du taureau envoyé contre lui. Il avait peint une figure ridicule qu'il appelait en riant gryllos, le pourceau : c'est de là que les anciens ont nommé grylles les peintures comiques que les modernes appellent bambochades. Pline, livre XXXV, chapitre 10, Théon le Sophiste et Varron placent cet artiste dans la première classe, ce qui a engagé Falconet à faire un autre Antiphile de celui que Pline, chapitre 11, a nommé entre les peintres qui ont approché des plus grands maîtres : mais on peut supposer à Pline une distraction dont Falconet ne devait pas le croire incapable. Comme Antiphile approchait beaucoup des plus grands maîtres par le talent, Pline l'aura placé avec eux ; et, dans un autre chapitre, songeant qu'il leur était cependant inférieur, il aura pu le mettre dans la seconde classe, et oublier de rectifier ce qu'il avait déjà écrit. Ce qui ferait présumer que l'Antiphile des deux chapitres est un même homme, c'est que celui que Pline a placé dans la première classe était d'Egypte, et que celui qu'il range ensuite dans la seconde a peint Ptolémée, roi d'Egypte, chassant ; d'où l'on peut conclure qu'il est encore le même que le peintre Antiphile dont parle Lucien, qui était attaché au roi Ptolémée, et qui, jaloux d'Apelles, osa l'accuser d'être entré dans une conspiration : calomnie qui aurait coûté la vie au peintre chéri d'Alexandre, s'il n'avait été justifié par la déposition des conjurés. On distinguait entre les ouvrages du second, ou du seul Antiphile, un très beau Satyre, couvert d'une peau de panthère, et un jeune Homme soufflant un feu, qui éclairait en même temps sa bouche et l'appartement. Il avait peint Alexandre et Philippe avec une Minerve ; ce tableau, ainsi que celui d'Hésione, était à Rome, dans l'école publique qui faisait partie des portiques qu'Auguste avait fait construire sous le nom de sa soeur Octavie. On voyait pareillement de lui, dans le portique de Philippe, un Bacchus, un Alexandre enfant ; et dans le portique de Pompée, un Cadmus et une Europe. Antiphile s'était formé sous Ctésidème.

ANTISTIUS LABEO avait été préteur et même proconsul de la province narbonnaise. Il se faisait gloire des petits tableaux qu'il peignait : mais ce talent, dont il tirait vanité, et qui paraît n'avoir été que très médiocre, ne lui attirait que des risées et du mépris. Il mourut fort âgé sous Vespasien.

ANTOBULE fut élève d'Olympias. Le maître et le disciple ne sont connus que par leur nom, que Pline nous a conservé.

ANTONIN reçut des leçons de peinture de Diognète. Julius Capitolinus rapporte que cet empereur employait ses loisirs à peindre.

ANTORIDES est mis au nombre des meilleurs élèves d'Aristide, de Thèbes. Un autre peintre de ce nom avait été élève de Persée.

APATURIUS peignit des projets d'édifices. Vitruve donne la description d'un de ses ouvrages, qu'il censure avec raison.

APELLES, né à Ephèse, mais originaire de Colophon, était fils de Pythius et frère de Ctésiochus. De tous les peintres de l'antiquité ce fut celui qui jouit de la plus grande célébrité. Pline et Ovide lui donnent pour patrie l'île de Cos. Par les livres qu'il écrivit sur son art, et qu'il adressa à son élève Persée, il contribua aux progrès de la peinture. Pamphile, son maître, avait aussi écrit sur l'art de peindre et sur les peintres. Jamais artiste n'étudia son art avec autant de soin qu'Apelles. Quelque affaire dont il pût être occupé, il ne laissait passer aucun jour sans faire quelques études. Il avait eu d'abord pour maître Ephore d'Ephèse : curieux de se former à une plus grande école, il entra dans celle de Pamphile. Après y avoir passé dix années entières, et jouissant déjà de l'admiration des connaisseurs, il ne put être satisfait qu'il n'eût visité l'école de Sicyone, qui se soutenait encore, et qui passait même pour conserver seule les grands principes de la beauté. Malgré la réputation qu'il s'était déjà faite par ses ouvrages, il ne crut pas s'humilier en donnant un talent aux peintres de cette école, pour en recevoir des leçons. Plutarque ajoute, il est vrai, qu'il songeait plutôt à partager leur gloire que leurs lumières, dont il n'avait pas grand besoin. Il fallait alors, pour imposer silence aux malveillants, avoir fréquenté l'école de Sicyone, comme à présent, il faut avoir été à Rome. Quand il avait terminé un ouvrage, il l'exposait en public, non pour respirer la fumée des éloges, mais pour écouter la critique, et profiter de ses observations. Il avait même soin de se tenir caché derrière le panneau, pour que sa présence ne gênât pas les propos des spectateurs. Critiqué un jour par un cordonnier, parce qu'il avait mis une courroie de moins qu'il n'en fallait à une chaussure, il corrigea le tableau, et l'exposa le lendemain. Le cordonnier, fier de s'être montré si bon juge, s'avisa de critiquer la jambe ; mais alors Apelles se montra, et lui dit : «Cordonnier, ne montez pas plus haut que la chaussure». Ce bon mot est passé en proverbe. Quoiqu'il ne craignit pas, et que même il cherchât la critique, et que d'ailleurs il fût de la plus grande politesse, il se permettait quelquefois de railler ces hommes qui croient devoir être connaisseurs dans les arts, parce qu'ils sont riches, et placés aux premiers rangs de la société. Un jour qu'un prêtre du temple de Diane, à Ephèse, se trouvait dans l'atelier du peintre, il s'avisa de raisonner sur la peinture. «Prenez garde, Mégabise, lui dit Apelles, il y a là de petits broyeurs de couleurs qui vous entendent, et se moquent de vous». Pline prétend que ce mot fut adressé à Alexandre : c'est faire l'éloge du prince qui ne s'en offensa pas. Apelles aimait à railler. Un de ses élèves lui montra un jour une Hélène qu'il avait chargée d'or : «Jeune homme, lui dit-il, ne pouvant la faire belle, tu l'as faite riche» ; Un peintre lui faisait voir un méchant tableau, et se ventant de n'avoir mis que peu de temps à le faire : «Je le crois bien, lui dit Apelles, et tout ce qui m'étonne, c'est que, dans le même temps, vous n'avez pas fait encore plus d'ouvrage». Le cheval d'Alexandre hennit par hasard devant un portrait de ce prince fait par Apelles, et dont le héros n'était pas content. «Votre cheval, lui dit le peintre, se connaît mieux que vous en peinture». On a beaucoup parlé de son voyage à Rhodes, de sa visite au peintre Protogènes qui y demeurait, et qu'il ne trouva pas ; de la ligne fine qu'il traça sur un panneau, que Protogènes, de retour, fendit par une ligne encore plus fine, et qu'Apelles refendit par une ligne plus subtile encore. Voici comment Pline raconte le fait : «Apelles étant abordé à Rhodes, avide de connaître par ses ouvrages un homme qu'il ne connaissait que par sa réputation, alla d'abord à l'atelier de Protogènes. Celui-ci était absent ; mais une vieille gardait seule un fort grand panneau, disposé sur le chevalet pour être peint. Elle lui dit que Protogènes était sorti et lui demanda son nom. «Le voici», dit Apelles, et, prenant un pinceau, il conduisit avec de la couleur, sur le champ du tableau, une ligne d'une extrême ténuité, arreptoque penicillo, lineam ex colore duxit summae tenuitatis per tabulam. Protogènes de retour, la vieille lui dit ce qui s'était passé. On rapporte que l'artiste, ayant d'abord observé la subtilité du trait, dit que c'était Apelles qui était venu ; que nul autre n'était capable de rien faire d'aussi parfait, et que lui-même en conduisit un encore plus délié, avec une autre couleur : ipsumque alio colore tenuiorem lineam in illo ipso duxisse, et dit à la vieille que, si cet homme revenait, elle lui fît voir cette ligne, en ajoutant que c'était là celui qu'il cherchait. La chose arriva : Apelles revint, et, honteux de se voir surpassé, il refendit les deux lignes avec une troisième couleur, ne laissant plus rien à faire à la subtilité vinci erubescens, tertio colore lineas secuit, nullum relinquens amplius subtilitati locum. Protogènes, s'avouant vaincu, courut en diligence au port chercher son hôte. Pline ajoute : «On a jugé à propos de conserver à la postérité cette planche qui fit l'admiration de tout le monde, mais particulièrement des artistes. Il est certain qu'elle fut consumée dans le dernier incendie du palais de César, au mont Palatin. Je l'avais auparavant considérée avec avidité, quoiqu'elle ne contînt, dans sa plus spacieuse largeur, que des lignes qui échappaient à la vue, et qu'elle parût comme vide au milieu d'excellents ouvrages d'un grand nombre d'artistes, nihil aliud continentem quam lineas visum effugientes, inter egregia multorum opera inani similem. Pline avait donc vu lui-même le tableau ou plutôt le panneau : le fait s'était conservé avec l'ouvrage, dont il pouvait seul fournir l'explication, et s'était transmis d'âge en âge. Ce serait une critique téméraire que de vouloir le révoquer en doute aujourd'hui. Il peut d'abord sembler frivole, et il est, en effet, précieux, puisqu'il nous éclaire sur l'histoire de l'art au temps d'Apelles. On voit que sa lutte avec Protogènes n'était qu'un combat d'adresse. C'était un défi à qui tracerait le trait le plus subtil, et celui qui fit un trait assez fin pour qu'il fût impossible de le refendre fut déclaré vainqueur. Les deux rivaux s'admirèrent mutuellement, et se reconnurent mutuellement pour de grands maîtres, sans avoir d'autre base de leur jugement que l'extrême finesse de pinceau qu'ils possédaient tous deux, et que tous deux regardaient sans doute comme une partie très importante de l'art. Que devons-nous inférer de ce fait ? Que, du temps d'Apelles et de Protogènes, on faisait autant de cas de la finesse du pinceau, qu'on en estime aujourd'hui la largeur ; que les peintres de cet âge, qui possédaient sans doute les grandes parties de l'art qui leur étaient communes avec les sculpteurs, étaient secs, durs et mesquins dans la partie du métier, et qu'enfin leur manoeuvre devait avoir beaucoup de rapport avec celle de nos peintres gothiques. C'était avec le pinceau le plus fin, c'était avec les traits les plus subtils, qu'ils rendaient certaines parties que, depuis la perfection du mécanisme de la peinture, on exprime bien mieux par masses et par touches. Aussi ne trouve-t-on dans Pline aucune expression qui réponde à celle qu'emploient les historiens de l'art moderne en Italie, lorsqu'ils appellent une barbe bien peinte, una bella machia (une belle tache). Jamais dans Pline, on ne trouve acun terme qui réponde à celui de largeur de pinceau, de faire large, de large exécution ; et, lorsqu'il loue des peintres pour avoir bien rendu les cheveux et les poils, je ne serais pas éloigné de croire qu'il entend que ces peintres rendaient toute la finesse des cheveux, et que, d'un pinceau subtil, ils en comptaient, en quelque sorte, tous les poils. Les contemporains d'Apelles étaient donc grands de dessin et d'expression, mais petits d'exécution. C'est ce que prouve le terme de sept années entières qu'employa Protogènes à faire un tableau d'une seule figure. Il est vrai qu'Apelles lui reprochait ce fini excessif. Mais les artistes tiennent toujours plus ou moins à leur siècle, et tout ce qu'ils peuvent faire, c'est d'outrer ce qui est en usage. Le fini excessif de Protogènes semble prouver qu'un fini froid était d'usage de son temps. Il fut enfin regardé comme un des plus grands peintres de son siècle. Apelles était modeste, mais il n'avait pas la modestie affectée dont on se pare sans tromper personne. Il reconnaissait, il célébrait les talents de ses rivaux ; il avouait que les plus habiles d'entre eux possédaient, aussi bien que lui, toutes les parties de l'art, excepté une seule, la grâce. Ce mérite qu'il s'attribuait lui a été accordé par tous ceux qui ont pu voir ses ouvrages. Il serait difficile de refuser aux Grecs d'avoir été de bons juges dans cette partie. Loin d'être jaloux de ses émules, et d'employer pour leur nuire ces cabales, ces démarches sourdes, trop familières aux hommes à talents lui-même travaillait à leur réputation. Protogènes était pauvre ; ses concitoyens le récompensaient mal, parce qu'ils ne sentaient pas son mérite ; Apelles lui offrit 50 talents de ses ouvrages, et dès lors on reconnut le mérite d'un artiste qu'un artiste célèbre payait si chèrement : il fallut, pour avoir de ses ouvrages, renchérir sur le prix qu'Apelles avait fixé. Il réussissait parfaitement dans le portrait, et a fait nombre de fois celui d'Alexandre. Des écrivains, qui ont vécu longtemps après cet artiste, ont assuré que lui seul avait la permission de peindre ce conquérant. Les plus estimés de ses tableaux étaient le Roi Antigone à cheval et Diane au milieu d'un choeur de vierges qui lui sacrifiaient. C'est le seul de ses ouvrages, de ceux du moins dont on a conservé le nom, qui exigeât un grand nombre de figures. Je crois que les anciens, qui ne traitaient que des compositions fort simples, ne cherchaient pas à briller en affectant la science des raccourcis ; cependant ils ne les évitaient pas toujours. Pline parle d'un tableau d'Apelles placé dans le temple de Diane d'Ephèse ; il représentait Alexandre tenant un foudre ; les doigts semblaient avancer, et le foudre sortir du tableau : ce qui suppose un raccourci capable de faire la plus grande illusion. On célébrait encore, entre les ouvrages d'Apelles, la Vénus sortant des eaux, qu'on appelait Vénus Anadyomène. La partie inférieure de ce tableau fut gâtée par le temps, et il ne se présenta aucun peintre qui osât tenter de la raccommoder. Il travaillait, lorsqu'il mourut, à une autre Vénus, destinée pour l'île de Cos, et voulait, par cet ouvrage, surpasser sa première Vénus ; la mort ne lui permit pas de le finir, et personne n'osa le terminer en suivant son ébauche ; l'extrême beauté de la tête ôtait l'espérance de faire un corps qui méritât de lui être associé. Apelles, comme les peintres qui l'avaient précédé, travaillait à l'encaustique, et n'employait que quatre couleurs, dont Pline indique les bases et la composition ; cependant, avec ces quatre seules couleurs, il représenta l'éclair et le tonnerre, avec assez de succès au moins pour que les anciens aient vanté cet effort de l'art. C'est que le clair-obscur a bien autant de part à ces grands effets que l'extrême variété des teintes. On reconnaît dans cette partie les succès de la gravure, qui n'a d'autres ressources que l'opposition du noir et du blanc. On raconte qu'Apelles devint amoureux de Campaspe ou Pancaste, en faisant le portrait de cette maîtresse d'Alexandre, qui le lui avait demandé, et que le héros sacrifia son amour au bonheur de l'artiste. Bayle et Falconet répandent sur la vérité de ce récit un doute que nous partageons. La douceur et la noblesse des manières et du langage d'Apelles le faisaient chérir de ses rivaux comme de ses élèves. Admirateur de la beauté, il en cherchait les plus rares modèles ; ce fut lui qui distingua la fameuse Laïs, qui, jeune encore et ignorée, puisait de l'eau à une fontaine. Apelles l'engagea à le suivre ; et comme ses amis se moquaient de son choix : «Avant trois ans, dit-il, elle n'aura plus rien à apprendre dans l'art de la volupté». On croit aussi que la belle Phryné lui servit de modèle, et que ce fut après l'avoir vue dans le bain qu'il fit sa Vénus Anadyomène, qu'Auguste plaça depuis dans le temple de César.

La gloire et le talent d'Apelles étaient à leur comble vers la CXIIe olympiade, 332 ans avant Jésus Christ. On le nommait le prince des peintres, et, depuis, la peinture fut appelée par excellence l'art d'Apelles. Alexandre le combla de ses faveurs ; il lui permettait de l'entretenir familièrement. Après la mort de ce prince, Apelles se rendit à Alexandrie, à la cour de Ptolémée, près duquel il ne trouva pas le même appui. On chercha d'abord à le compromettre vis-à-vis de ce prince, en le faisant venir, par un faux avis, au milieu d'un festin qui se donnait à la cour : comme le roi paraissait irrité de la hardiesse du peintre, celui-ci, ne connaissant pas le nom de l'homme qui lui avait tendu ce piège, prit le parti d'en dessiner la figure sur la muraille ; chacun le reconnut. Il fut puni. Peu de temps après, Apelles fut accusé par le peintre Antiphile d'avoir trempé dans une conjuration. Plusieurs auteurs ont désigné cette conjuration comme celle de Théodote, gouverneur de Tyr ; mais cette dernière n'eut lieu que sous le règne de Ptolémée Philopator, cent ans après la mort d'Alexandre. Quoi qu'il en soit, Apelles vit ses jours menacés et fut chargé de fers ; mais un des coupables le justifia. De retour dans sa patrie, il peignit, en mémoire de cet événement, son fameux tableau de la calomnie. On y voyait un roi avec des oreilles énormes ; à ses côtés se tenaient le Soupçon et l'Ignorance. La Calomnie, sous la figure d'une femme superbe, richement vêtue, tenant une torche à la main, amenait devant lui un jeune homme qu'elle traînait par les cheveux, et qui semblait prendre le ciel à témoin de son innocence ; la Fraude et la Perfidie suivaient la Calomnie ; et, derrière ce groupe, on voyait le Repentir en habit de deuil, qui montrait plus loin la Vérité, sous les traits d'une femme belle et modeste. On raconte que, en peignant un autre tableau, Apelles essayait vainement de représenter l'écume qui sortait de la bouche d'un coursier fougueux ; impatienté de la faiblesse de son imitation, il saisit une éponge qu'il jeta sur cet ouvrage imparfait, et le hasard lui fit obtenir l'effet qu'il n'avait pu rendre. On ignore le temps et le lieu de la mort d'Apelles ; il avait écrit, sur les secrets de son art, trois traités, qui existaient encore du temps de Pline ; il avait inventé un vernis qui donnait de l'accord à ses tableaux, et les garantissait de la poussière ; lui seul en avait le secret. Les villes de la Grèce, de l'Archipel, de l'Asie, de l'Egypte, se décoraient et s'honoraient de ses nombreux chefs-d'oeuvre ; Pline et Pausanias en citent un très grand nombre. Apelles imagina de faire du noir avec de l'ivoire brûlé ; il le nomma en conséquence noir d'ivoire. On en fait aujourd'hui tant avec de l'ivoire et des os, qu'avec des noyaux de pêches brûlés.

APOLLODORE fut le premier qui sut bien rendre l'apparence des objets ; il florissait vers la XCIVe olympiade, 408 ans avant Jésus-Christ ; le premier il connut l'art de fondre et de dégrader les couleurs, et d'imiter l'effet exact des ombres. Pline en fait le plus grand éloge. Selon lui, il n'était point de tableau, avant ceux d'Apollodore, qui méritât d'arrêter les regards : le clair-obscur avait été inconnu jusqu'à lui ; il fut le premier qui en fit usage. On lisait au bas de ses ouvrages : «Il sera plus facile de les critiquer que de les imiter». Ses tableaux les plus remarquables étaient un Prêtre en prière devant une idole, et un Ajax frappé de la foudre. Du temps de Pline, ces deux chefs-d'oeuvre existaient encore à Pergame, et excitaient la plus vive admiration. Mais, quelque grand qu'ait été le mérite d'Apollodore, sa vanité paraît avoir été plus grande encore ; il se regardait comme le prince des peintres ; quand il se montrait en public, il portait sur la tête une tiare, à la manière des Mèdes ; mais il trouva dans Zeuxis un rival qui ne tarda pas à l'éclipser. Zeuxis perfectionna, du vivant même d'Apollodore, toutes les découvertes que celui-ci avait faites. Aussi Apollodore exhala-t-il son chagrin dans des vers où il disait qu'il avait trouvé, pour la distribution des ombres, des secrets inconnus jusqu'à lui, qu'on lui avait ravis, et que l'art était entre les mains de Zeuxis. Avant Apollodore, Polygnote, le premier, s'était écarté de la roideur des anciens peintres ; il avait su vêtir, il avait su coiffer les femmes mieux que ses prédécesseurs ; il avait donné un grand caractère à ses figures ; il s'était distingué par l'expression ; mais Pline nous apprend qu'Apollodore montra plus d'art dans le maniement du pinceau, et, comme le dit Plutarque, il inventa la fonte des couleurs et le véritable caractère des ombres. Le premier, il exprima la belle nature, dit Pline, et fut digne par là de rendre immortelle la gloire du pinceau.

ARCESILAS, fils de Tisicrate, fut mis au nombre des peintres du troisième ordre, qui avaient conservé de la réputation.

ARCESILAS de Paros est regardé comme l'un des inventeurs de la peinture à l'encaustique.

ARCHELAUS, ancien peintre à l'encaustique. Il avait peint, dans le Pirée, dit Pausanias, Léoshène et ses enfants.

ARDIUS de Corinthe est le premier qui ait cultivé la peinture linéaire, ou au simple trait, relevée seulement de quelques coups de pinceau.

AREGON avait peint dans le temple de Diane, à l'embouchure de l'Alphée, une figure de cette déesse.

ARELLIUS fut célèbre à Rome, peu de temps avant Auguste. Son nom semble indiquer qu'il était Romain, et sa profession qu'il était d'une naissance obscure. La célébrité que Pline lui accorde prouve qu'il avait du talent ou qu'il passait pour en avoir. Le même écrivain lui fait un dur reproche d'avoir représenté les déesses d'après les objets passagers de ses amours, et d'avoir fait autant de portraits de courtisanes que de tableaux : pourquoi Pline n'avait-il pas fait le même reproche aux plus grands artistes de la Grèce ? Arellius avait peint, dans plusieurs temples, des tableaux représentant des déesses, et le sénat, ayant appris qu'en effet il avait retracé, sous les attributs divins, des courtisanes qu'il aimait avec passion, fit détruire ses ouvrages, malgré leur rare beauté, comme profanant, par leur origine, la sainteté des lieux qu'ils décoraient.

On attribue à Aurellius les six peintures qui décorent la pyramide de C. Cestius. Elles ne le cèdent ni par la correction du dessin, ni par la hardiesse de l'expression, aux figures célèbres de la Noce Aldobrandine. Ce n'est donc pas sans quelque raison que nous avons pu dire que quelques-unes des peintures qui faisaient partie de notre collection, pouvaient bien être l'ouvrage de quelqu'un des artistes grecs ou romains dont Pline nous avait fait connaître les noms.

ARIMNA est mis par Varron au nombre des peintres qui avaient précédé Apelles et Protogènes, que ceux-ci prirent d'abord pour modèles, mais qu'ils ne tardèrent pas à abandonner pour suivre une meilleure manière de peindre.

ARISTARETE était fille et élève d'un peintre nommé Néarque, qui n'est connu que par elle. On sait qu'elle a peint un Esculape. On la met au nombre des artistes du troisième ordre qui avaient acquis une juste réputation.

ARISTIDE de Thèbes, élève d'Euxénidas, devait être à peu près de l'âge de Pamphile, et vécut assez pour être témoin des succès d'Apelles. Il se distingua par l'expression, et fut le premier de tous les artistes qui sut bien peindre les affections et les troubles de l'âme. Il représenta, dans le sac d'une ville, un Enfant qui se traînait vers la mamelle ensanglantée de sa mère expirante. Il restait encore à la mère assez de sentiment pour qu'on s'aperçût de la crainte qu'elle éprouvait que l'enfant ne suçât du sang au lieu de lait. Alexandre, après la prise de Thèbes, fit transporter ce tableau à Pella, sa patrie. Aristide avait peint un Suppliant, à qui il ne manquait que de pouvoir faire entendre sa voix ; un Malade, sur l'éloge duquel on ne pouvait tarir. Il travaillait à l'encaustique, et fit de très grands tableaux, entre autres, un Combat contre les Perses, dans lequel il n'y avait pas moins de cent personnages. Chaque figure lui était payée 10 mines, ou 900 francs de notre monnaie : ainsi le tableau de cent figures lui rapporta 90 000 francs, qui lui furent payés par Mnason, tyran d'Elatée. On vantait encore un tableau où il avait représenté des chasseurs avec leur gibier ; le portrait qu'il fit du peintre Léontin ; Biblis morte d'amour pour son frère Caunus ; son Bacchus ; et son Arcadus, qui se voyaient à Rome au temple de Cérès, du temps de Pline ; son Tragédien accompagné d'un jeune garçon. Ce tableau se voyait au temple d'Apollon ; mais il avait été entièrement gâté par l'impéritie du peintre à qui le préteur Marcus Junius l'avait donné à nettoyer, vers l'époque des jeux Apollinaires. On voyait aussi dans le temple de la Foi, au Capitole, son Vieillard qui montre à un enfant à jouer de la lyre. Il peignit aussi des Quadriges en course. On lui reprochait de la dureté dans le coloris. Les Romains avaient si peu de connaissance des arts lorsqu'ils prirent Corinthe, que le consul Mummius, voyant le roi Attale acheter 6,000 sesterces un tableau d'Aristide, se figura qu'il y avait dans cette peinture quelque vertu secrète qu'il ne connaissait pas, malgré les plaintes d'Attale. Les Romains sentaient alors si peu le prix de la peinture, qu'à la prise de cette ville les tableaux furent jetés confusément par terre, et les soldats s'en servaient comme de tables pour jouer aux dés. Aristide vécut vers la CXe olympiade, 340 ans avant Jésus-Christ. On rapporte qu'il laissa imparfaite, en mourant, une Iris que personne n'osa terminer. Ses principaux élèves furent Euphranor, Antorides, et ses propres enfants, Nicéros et Aristippe.

ARISTIDE fut le contemporain de Timanthe et de Parrhasius. Il est mis au nombre des peintres les plus célèbres de cette époque : il sortait de l'école d'Euxénidas. Aristide était le frère et fut le disciple du peintre Nicomaque.

ARISTIPPE, fils et élève d'Aristide de Thèbes. On citait avec éloge un tableau d'Aristippe représentant un Satyre avec une coupe sur la tête.

ARISTOBULE le Syrien, cité comme un peintre du troisième rang, qui avait conservé de la réputation.

ARISTOCLES, fils et élève de Nicomaque.

ARISTOCLIDE peignit le temple d'Apollon Delphique.

ARISTODEME, de Carie, fut élève d'Eumélus ; mais ses ouvrages avaient beaucoup plus de grâce que ceux de son maître. Aristodème avait fait des recherches, dit Philostrate, sur les villes et les princes qui avaient protégé d'une manière particulière la peinture.

ARISTOLAUS, fils et élève de Pausanias, vivait environ 325 avant Jésus-Christ ; il était compté au nombre des peintres les plus sévères ; ce qui suppose qu'il joignait à la dureté des formes une grande simplicité de composition : aussi ne choisissait-il de préférence pour ses sujets que des représentations de personnages héroïques qui avaient laissé un souvenir précieux à la patrie, tels que Thésée, Epaminondas, Périclès. Ses tableaux, qui n'étaient ordinairement que d'une seule figure, se faisaient remarquer par la correction du dessin. Dans l'un, il avait représenté le peuple athénien personnifié, sujet qui exerçait assez souvent le génie des artistes grecs ; dans un autre, il avait peint un Sacrifice de boeufs.

ARISTOMENES n'était point un peintre sans talent, dit Vitruve ; mais sa fortune l'empêcha de travailler pour la postérité.

ARISTON, fils et élève de Persée, avait peint un Satyre couronné, tenant une coupe.

ARISTONIDES, peintre du troisième ordre, cité par Pline, comme ayant eu de la réputation.

ARISTOPHON peignit Ancée blessé par le sanglier de Calydon, avec Astypale, compagne de sa douleur ; un autre tableau très nombreux en figures, où l'on voyait représentés, d'une part, Priam, Hélène et la Crédulité ; de l'autre, Ulysse, Déiphobe et la Ruse. Aristophon était fils d'Aglaophon, et frère du célèbre Polygnote.

ARTEMON. Il est probable que ce peintre vivait à peu près 300 ans avant notre ère. Pline nous apprend qu'il avait peint la reine Stratonice. Nous supposons qu'il l'a peinte de son vivant, et que cette Stratonice était celle que Séleucus épousa 300 ans avant notre ère. On la voyait dans le tableau d'Artémon entourée de pêcheurs qui l'admiraient. Ce même artiste avait peint Danaé, Hercule et Déjanire ; mais les plus célèbres de ses ouvrages furent ceux qui furent apportés à Rome et placés dans le portique d'Octavie. Ils représentaient Hercule, qui, ayant dépouillé sur le mont Oeta ce qu'il avait de mortel, entrait dans le ciel du consentement des dieux, et l'histoire de Laomédon avec Neptune et Hercule. Pline ne fait point mention d'Apollon, adjoint de Neptune dans l'entreprise des murs de Troie. Peut-être le peintre avait-il écarté Apollon de son sujet, pour ne point compliquer le tableau.

ASCLEPIODORE, contemporain d'Apelles, était admiré de ce peintre pour son exactitude dans les proportions. On peut juger non du mérite des artistes, mais de l'opinion que leurs contemporains avaient de leur mérite, par le prix qu'on mettait à leurs ouvrages. Le tyran Mnason fit peindre les douze dieux par Asclépiodore, et lui donna de chaque figure 30 mines, 2700 francs de notre monnaie. Apelles convenait que pour les mesures, c'est-à-dire pour la distance technique et optique des objets, il était inférieur à Asclépiodore.

ASINIUS POLLION fut le premier Romain qui eut l'idée de rassembler les portraits des grands hommes, et de les exposer dans les édifices publics, aux regards du peuple, comme un objet d'émulation. Ce même Asinius Pollion avait le premier dédié à l'Etat une bibliothèque. On représentait d'imagination ceux des grands hommes dont on n'avait pas conservé la ressemblance ; c'est ce qu'on fit à l'égard d'Homère, dont il paraît qu'au temps d'Asinius Pollion il n'existait pas de portrait.

ATHENION, de Maronée, ville de Thrace, fut élève de Glaucion de Corinthe. On ignore dans quel temps il vivait, ainsi que son maître. On le nomme après Nicias, auquel il était comparé, et même préféré quelquefois : austère dans son coloris, il plaisait par cette austérité même, parce qu'elle faisait briller davantage la profonde connaissance de l'art. Il peignit dans le temple d'Eleusis un Pylarque ou chef des tribus, et à Athènes une assemblée de femmes, qu'on appela Polygynaeon. Il représenta aussi Ulysse découvrant Achille caché sous des habits de femme : Mais celui de tous ses ouvrages qui lui fit le plus d'honneur, fut un Palefrenier avec son cheval. Si cet artiste n'était pas mort fort jeune, aucun autre, selon Pline, ne lui serait comparé.

BRIES ou BRIELES était père de Pausanias, et fut son premier maître,

BULARQUE peignit une Bataille où les Magnètes avaient été vaincus avant la XVIe olympiade, c'est-à-dire plus de 715 ans avant Jésus-Christ. Candaule, roi de Lydie, acheta ce tableau au poids de l'or ; ce qui nous fait présumer que déjà Bularque était mort ; car il n'est pas vraisemblable que Candaule eût acheté si cher l'ouvrage d'un de ses contemporains. Après Bularque, il se trouve dans l'histoire des peintres de l'antiquité une lacune de deux siècles et demi. Nous savons seulement que du temps d'Anacréon, plus de 500 ans avant notre ère, la peinture florissait à Rhodes, et qu'on y peignait à l'encaustique. Bularque employait des couleurs propres à imiter les teintes de la nature. Les peintres monochromates étaient connus dans des temps plus anciens.

CALACES ou CALADES vivait dans le IVe siècle avant Jésus-Christ. On croit qu'il était d'Athènes. Il excellait à représenter des sujets comiques dans les petits tableaux, in comicis tabellis : la traduction littérale du mot comicis semblerait indiquer que ces tableaux servaient sur la scène dans les comédies. Ce point fort obscur a été discuté plutôt que décidé par Caylus, dans un mémoire imprimé dans le XXIIIe volume du Recueil de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Quelque habile qu'ait pu avoir été le peintre Calaces, ce serait tomber dans une grande erreur que de supposer, ainsi que l'ont fait quelques savants, que c'était en son honneur que les Athéniens avaient érigé une statue placée dans le Céramique, près du temple de Mars. On conjecture avec plus de raison que cette statue fut élevée à Calliades, qui, au rapport d'Hérodote, était archonte à Athènes, lors de l'invasion de Xerxès.

CALLIADES, peintre cité par Lucien dans un de ses Dialogues. Pline compte un artiste de ce nom au nombre des auteurs d'ouvrages en airain, du second ordre, et ajoute que ces mêmes fondeurs du second rang étaient des peintres du premier ordre.

CALLICLES florissait 320 ans avant Jésus-Christ. Il ne peignait que de petits tableaux de trois pouces de circonférence ; mais il aurait pu, suivant Varron, s'élever, dans de plus grandes compositions, au même rang qu'Euphranor. Il composait avec une grande facilité, selon Quintilien.

CALLICRATES est mentionné par Théophilacte de Simocate.

CALLIMAQUE, qui aurait pris place à côté de Phidias, comme statuaire, si, moins difficile sur ses ouvrages, il n'en eêt pas détruit la beauté en croyant les rendre plus parfaits, était aussi peintre ; mais Pausanias, qui donne le dénombrement de ses statues, et Pline, qui en fait l'éloge, ne disent pas s'il était aussi difficile pour ses tableaux que pour ses statues. Les Grecs l'avaient surnommé Cacizoteknos, ou Gâte chefs-d'oeuvre. Eternel détracteur de lui-même, et mémorable exemple de l'abus du travail et de l'exactitude poussés à l'excès, il avait ciselé en argent un groupe représentant les Lacédémoniennes dansantes, ouvrage où l'on ne surprenait pas un défaut, mais d'où une correction trop sévère avait fait fuir toutes les Grâces.

CALLIPHON, de Samos, ou Callyphon, avait représenté dans le temple de Diane, à Ephèse, des Femmes attachant les courroies de la cuirasse de Patrocle ; Pausanias parle d'un autre tableau où il avait représenté Ajax provoquant Hector à un combat singulier. La Discorde sous la forme d'une femme hideuse, paraissait au milieu, tandis que la bataille avait lieu auprès des vaisseaux des Grecs.

CALYPSO avait peint un Vieillard et un Charlatan, nommé Théodore. Elle est au nombre des peintres du troisième ordre qui, du temps de Pline, avaient conservé de la réputation.

CANTHARE, de Sicyone, est nommé, en plusieurs endroits, par Pausanias, comme l'auteur de différents ouvrages en airain. Fondeur du second rang, il était peintre du premier ordre.

CAREPTIUS, de Pergame, est indiqué par le Scoliaste d'Aristophane, comme un des premiers qui représentèrent la Victoire avec des ailes.

CARMANIDE, élève d'Euphranor, est au rang des peintres du troisième ordre qui ont conservé de la réputation.

CARTERIUS, mentionné par Porphyre comme un peintre très célèbre du temps de Plotin, avait fait le portrait de ce philosophe, pour complaire à Amélius.

CEPHISSODORE, qui vivait dans la XCe olympiade, est mis au nombre des peintres célèbres de cette époque.

CHARMADAS, un des plus anciens peintres qu'ait eus la Grèce.

CHOEREPHANES, dit Plutarque dans son Traité de la lecture des poètes, avait représenté des femmes se livrant avec des hommes à des habitudes honteuses.

CIMON le Cléonien, ancien peintre grec, dont on lit l'éloge dans une épigramme de l'Anthologie. Aelien fait mention d'un Conon également Cléonien et peintre. Le P. Hardouin prétend qu'Aelien a écrit, par inadvertance ou laps de mémoire, Conon pour Cimon. Il fut l'imitateur et le propagateur des inventions d'Eumare d'Athènes, qui avait osé ébaucher toutes sortes de figures, et avait le premier distingué dans ses tableaux un homme d'avec une femme. Cimon inventa les catagraphes, c'est-à-dire les figures obliques ou de profil. Il passe encore pour avoir imaginé les diverses attitudes de têtes, selon que la personne représentée est censée regarder ou derrière elle,ou au-dessus, ou au-dessous : il marqua les articulations des membres, il exprima les veines, et rendit le premier les plis et les sinuosités des vêtements.

CLEANTHE, de Corinthe, est un de ceux auxquels les Grecs attribuaient l'invention de la peinture linéale, ou dessin au simple trait. Il avait peint dans le temple de Diane Aphionie, à l'embouchure de l'Alphée, deux tableaux, dont l'un représentait le Sac de Troie et l'autre la Naissance de Minerve.

CLEON fit un tableau représentant Cadmia.

CLEOPHANTE, de Corinthe, fut le premier qui fit des dessins coloriés : il s'imagina à cet effet de faire des crayons d'une pâte composée de tessons de terre de cou-leur, broyés et réduits en poudre. Au rapport de Cornélius Népos, c'était ce Cléophante qui avait suivi en Italie Démarate, père de Tarquin l'Ancien, lorsqu'il s'enfuit de Corinthe pour se dérober à l'inimitié du tyran Cypsélus ; mais Pline dit qu'il est en état de démontrer que ce fut un autre artiste du même nom.

CLESIDES florissait à Ephèse 294 ans avant Jésus-Christ. Ce n'était pas un peintre de la première classe, mais on a lieu de croire qu'il n'était pas dépourvu de talent. Il se rendit célèbre par l'insulte qu'il osa faire à la reine Stratonice. Piqué de n'avoir pas été accueilli par cette princesse avec la distinction qu'il croyait mériter, il la peignit se prostituant à un pêcheur que la voix publique lui donnait pour amant. Il exposa ce tableau dans le port d'Ephèse, et s'embarqua aussitôt. La reine ne voulut pas que ce tableau fût enlevé, parce qu'elle se trouva merveilleusement ressemblante, ainsi que l'objet de son amour. C'est à cette aventure que le peintre Arthémon, dont nous avons parlé, faisait allusion quand il représenta Stratonice admirée par des pécheurs.

COLOTES dut être un peintre célèbre de son temps, puisqu'un tableau de sa composition, dont Quintilien fait mention, fut mis en parallèle avec un tableau de Timanthe. Il est vrai que celui de Timanthe fut préféré ; mais il fallait être arrivé à un haut degré de réputation pour oser entrer en concurrence avec un peintre du mérite de Timanthe.

CONSTANTIN. Sigebert et Luithprandt disent que cet empereur gagnait sa vie (victum sibi quaesivit) en cultivant la peinture.

CORNELIUS PINUS peignit dans le temple de l'Honneur et de la Vertu que Vespasien fit rétablir.

CORYBAS, élève de Nioomaque, est mis au nombre des peintres du troisième ordre qui ont conservé de la réputation.

CRATERE ou CRATERUS peignit les Comédiens qui se voyaient à Athènes, au lieu nommé Pompéion, c'est-à-dire l'édifice où se préparaient les pompes solennelles. Irène, sa fille, avait été son élève.

CRATO, de Sicyone, fut, selon Athénagoras, le premier inventeur du dessin ; le premier il sut fixer sur une tablette blanchie les ombres d'un homme ou d'une femme. Dédale et Théodore de Milet ne firent que perfectionner cette invention.

CLESIAS, mentionné par Tatien, paraît avoir été un peintre du premier ordre et un fondeur du second.

CLESIDEME fut le maître d'Antiphile d'Egypte. Il peignit le Siège d'Aechalie et une Laodamie.

CTESILOQUE doit être le même que Ctésiochus, frère et disciple d'Apelles : il a vécu, par conséquent, vers la CXIIIe olympiade, 328 ans avant Jésus-Christ. Il se rendit célèbre par un tableau dont la composition singulière mérita d'être répétée sur plusieurs monuments. On la trouve encore sur des marbres et des patères antiques. Jupiter y paraît accouchant de Bacchus. Le dieu semblait gémir comme une femme dans les douleurs de l'enfantement, et les déesses qui l'entouraient faisaient l'office de sages-femmes.

CYDIAS florissait dans la CIVe olympiade, environ 364 ans avant Jésus-Christ. Il était de Cythnos, l'une des Cyclades. On ne peut apprécier son talent que par le haut prix qu'Hortensius mit à l'un des tableaux de ce peintre. Il l'acheta 144,000 sesterces (14, 400 francs de notre monnaie), et fit construire dans sa maison de Tusculum une salle pour le recevoir. Ce tableau représentait le Départ des Argonautes pour la Colchide. Il fut transporté depuis par M. Agrippa dans un portique dédié à Neptune. Les peintres durent à Cydias une nouvelle couleur rouge : cette découverte lui fut suggérée par l'ocre demi-brûlée qu'il trouva dans une boutique consumée par le feu.

DAMOPHILE était peintre et l'un des statuaires en plastique les plus renommés ; il fit une partie des ornements de peinture et de plastique du temple de Cérès, au grand Cirque de Rome. On voyait dans ce temple une inscription en vers grecs, qui apprenait que tous les ouvrages de la droite étaient de Damophile.

DELIADE fut peintre du premier ordre, et fondeur du second rang.

DEMETRIUS, surnommé le Graphique, fut peintre, selon Diogène Laërce.

DEMOPHILE. Ce peintre passe pour avoir enseigné Zeuxis.

DIBUTADE, potier de terre de Sicyone, établi à Corinthe, avait une fille éprise d'un jeune homme qui partait pour un long voyage. Voulant conserver l'image de celui dont elle allait être séparée, elle traça le contour de l'ombre du profil de son amant sur la muraille, à la lueur d'une lampe. Dibutade exécuta, sur le dessin tracé, cette image en relief, en y plaquant de l'argile ; puis, faisant durcir cette même argile au four avec ses autres poteries, il eut ainsi le premier type en terre cuite. Pline nous apprend qu'on voulait que ce premier type eût été gardé à Corinthe dans le temple des Nymphes, jusqu'au temps où Mummius prit et démolit cette ville. Comme l'idée qu'on prête à la fille de Dibutade d'avoir tracé sur le mur le profil de son amant, appartient au dessin ou à la peinture linéaire, nous avons pensé qu'elle devait trouver place dans un catalogue des peintres de l'antiquité. Quant à Dibutade, on lui accorde l'invention d'avoir ajouté de la terre rouge dans ses ouvrages de plastique, ou même d'avoir fait de tels ouvrages uniquement pétris de terre rubrique. Il inventa aussi les masques des édifices ; il les plaça sur le bord des toits, et les appela d'abord protypes, ou ébauches ; ce qui le mit sur la voie d'inventer les utypes ou figures perfectionnées. De là l'origine du nom de plastes donné aux ornements qui couronnent les bords des couvertures des temples, la plastique étant l'art qui les a fournis.

DIMARATE, obligé de s'éloigner de Corinthe, se réfugia en Etrurie, où il vint s'établir avec deux artistes qui l'avaient accompagné dans sa fuite, et où il devint père de Tarquin l'Ancien. Il introduisit en Etrurie la plastique, qui était inconnue avant lui dans cette contrée.

DINIAS, mentionné par Pline comme un de ceux qui les premiers cultivèrent la peinture en Grèce.

DINOKHARES ou DINOCHARES fut peintre et architecte ; il avait commencé à construire en pierre d'aimant la route du temple d'Arsinoé à Alexandrie, afin que le simulacre en fer de cette princesse parût suspendu en l'air sans aucun soutien. La mort de Dinokharès et celle de Ptolémée qui avait commandé ce monument pour honorer sa soeur, furent cause que ce projet n'eut pas sa pleine exécution.

DIODORE était un peintre de portraits qui ne saisissait pas heureusement les traits de ceux qu'il voulait peindre, si l'on en croit une épigramme faite sur son compte, qu'on lit dans l'Anthologie grecque : «Diodore a voulu peindre Ménodote ; mais ce portrait ressemble à tout le monde, excepté à Ménodote».

DIOGENE, mais au nombre des peintres du troisième ordre, vivait dans la familiarité du roi Démétrius Poliorcète.

DIOGNETUS enseigna la peinture à l'empereur Antonin. C'est Julius Capitolin qui nous l'apprend.

DIONYSIODORE, de Colophon, était un des peintres du troisième ordre qui avaient conservé de la réputation au temps où Pline écrivait.

DIONYSIUS ou DENYS, de Colophon, florissait vers la XCIIe olympiade, 412 ans avant Jésus-Christ. Contemporain et imitateur de Polygnote, il s'était, pour ainsi dire, approprié la manière de peindre de ce grand artiste ; mais ses ouvrages étaient de moindre proportion : on y retrouvait d'ailleurs, dit Aelien, la même expression, la même observation des convenances, le même choix des attitudes, le même éclat dans les draperies. Ce passage d'Aelien pourrait servir de commentaire ; et alors le philosophe aurait dit seulement que Polygnote faisait ses figures plus grandes que nature, Pauson plus petites, et Dionysius égales ; ce qui est, en effet, la traduction littérale de la phrase d'Aristote. Si l'on en croit Plutarque, on sentait la peine et le travail dans les tableaux de Dionysius. Nous ne sommes pas de l'avis des savants qui ont pensé que c'était ce même Dionysius qui avait été disciple du poète tragique Aristarque, et qu'on avait surnommé le Thrace, à cause de la dureté de son organe. Il nous semble que cette assertion est une conséquence au moins hasardée de ce que Dionysius avait peint Aristarque portant sur sa poitrine l'image de la tragédie, comme pour faire entendre que ce poète la produisait sans efforts ; il serait encore plus ridicule de le confondre avec un autre peintre du même nom, qui eut à Rome une grande réputation. Celui-ci était surnommé l'Anthropographe, et non pas l'Anthropophage, comme on l'a imprimé dans certain dictionnaire historique, parce qu'il ne peignait que des hommes. La Grèce a compté à diverses époques plusieurs sculpteurs du nom de Dionysius.

DIONYSIUS ou DENYS, peintre en petit, dont les ouvrages faisaient l'ornement et la richesse des cabinets de tableaux, ne peignait que des portraits d'hommes, et vivait dans le dernier siècle avant l'ère vulgaire. Il eut la douleur de voir des portraits peints par une femme être payés beaucoup plus cher que les siens. Il paraît cependant qu'il fut fort employé, car Pline dit, en parlant de lui et de Sopolis, qu'ils avaient rempli les galeries de portraits de leur façon.

DIONYSODORE, élève de Critias, considéré par quelques auteurs comme artiste du second rang, et, selon d'autres, comme un peintre du premier ordre.

DIORES, ancien peintre grec mentionné par Varron, qui ne veut pas qu'on fasse un reproche à Apelles et à Protogènes de ne l'avoir pas pris pour modèle dans leurs tableaux, ce qui suppose que Diorès avait encore conservé, au temps de Varron, des admirateurs qui auraient voulu qu'Apelles et Protogènes n'eussent pas peint autrement que lui.

DOROTHEE peignit pour Néron une Vénus Anadyomène, destinée à remplacer le chef-d'oeuvre d'Apelles, que la carie avait détruit. Le choix qui fut fait de cet artiste, pour une aussi difficile entreprise, suppose qu'il était un des peintres les plus célèbres de son temps.

EKHION ou ECHION, que Pline et Cicéron ont mis au nombre des meilleurs peintres de l'antiquité. Chacun de ses tableaux était évalué le revenu d'une ville. Il avait représenté Bacchus, la Tragédie, la Comédie personnifiées. Ces ouvrages étaient fort admirés, ainsi que ceux où il avait peint Sémiramis qui, de servante, devint reine ; une vieille portant deux lampes devant une nouvelle mariée.

EPHORE, d'Ephèse, fut d'abord le maître d'Apelles, et devint ensuite son disciple.

ERIGONUS était un simple broyeur de couleurs chez Néalcès. Il fit dans l'art assez de progrès pour laisser un disciple qui fut célèbre dans son temps, quoique le titre de ses ouvrages soit entièrement perdu. Cet élève se nommait Pasias. L'exemple d'Erigonus est remarquable, en ce qu'il prouve que le talent pouvait faire taire la loi, qui ne permettait, chez les Grecs, qu'aux hommes d'une condition distinguée de se livrer à la peinture, tandis qu'à Rorne c'était tout le contraire. La loi grecque était sage en elle-même ; elle aurait été barbare, si elle n'eût été susceptible d'exception.

EUANTHES avait peint deux tableaux représentant Andromède et Prométhée attachés chacun sur un rocher. Achilles Tatius fait une ample description de ces deux tableaux dans le troisième livre des Amours de Leucippe et Citophon.

EUCHIR ou EUKHIR apporta de Corinthe la plastique en Italie.

EUCHIR, parent de Dédale, fut l'inventeur de la peinture en Grèce, selon Aristote.

EUDORE peignit une scène ou décoration de théâtre. Il fut aussi statuaire en airain.

EUENOR ou EVENOR, père de Parrhasius, eut la gloire de former le premier peintre du monde, selon l'expression de Pline ; il est placé lui-même par cet écrivain au nombre des artistes célèbres qui florissaient eu Grèce dans la XCe olympiade.

EUGRAMMUS, venu en Etrurie avec Euchir, lorsque Diamarte, chassé de Corinthe, vint chercher un asile dans cette contrée, contribua avec ses compagnons à faire connaître la plastique aux Etrusques.

EUMARUS, un des plus anciens peintres de la Grèce.

EUMELUS avait peint une Hélène qui aurait mérité, dit Philostrate, d'être exposée dans le Forum de Rome. Ce peintre avait été imité dans sa manière de peindre par Aristodème de Carie.

EUNIQUE fut peintre, fondeur et ciseleur en argent ; comme peintre, il est au premier rang ; comme fondeur et ciseleur, il tient le second.

EUPHORION, que Pline ne nomme qu'en passant, aurait été, selon lui, et peintre et auteur d'ouvrages en airain. Comme peintre, il tiendrait le premier rang, et comme fondeur, il serait rangé au second. Théocrite vante les coupes ciselées par cet artiste.

EUPHRANOR, de l'isthme de Corinthe, est placé au rang des peintres qui fleurirent après Pausias. Quintilien, après avoir parlé des plus grands peintres de l'antiquité et d'Apelles lui-même, nomme enfin Euphranor, qu'il regarde comme ayant porté l'art au plus haut degré de perfection ; il entre ensuite dans le détail des orateurs romains, et finit par nommer Cicéron, qui parvint à la perfection de l'art oratoire, et qu'il compare à Euphranor. Il résulte de ce passage que l'art de peindre n'était pas encore parfait du temps d'Apelles, et que c'est Euphranor qui, le premier, a réuni toutes les parties qui complètent sa perfection, comme Cicéron a réuni le premier, chez les Romains, toutes les parties qui complètent l'éloquence. At M. Tullium non illum habemus Euphranorem circa plurium artium species praestantem, sed in omnibus quae in quoque laudantur, eminentissimum ? (Inst. Orat., I. XII, c.10). Jamais artiste ne fut plus docile, ni plus laborieux qu'Euphranor. Peintre et statuaire, il excellait dans tous les genres, et était toujours égal à lui-même. Il paraissait avoir exprimé le premier la dignité des héros, et avoir atteint à l'entière perfection. C'est au moins ce que dit Pline, s'il faut entendre par le mot symmetria qu'il emploie, ce que nous entendons par proportions ; mais on peut croire qu'il y a dans la signification de ce mot symmetria une légère nuance qui nous échappe, et qui le distingue des mots commensus, proportio, etc. Les nuances entre le sens des mots qui paraissent synonymes seront toujours, dans les langues anciennes, le désespoir des savants. Euphranor faisait les corps un peu trop sveltes, et les têtes un peu trop fortes, ce qui serait un vice contre la proportion. Il est vrai que, si l'on osait retrancher du texte le mot sed, on pourrait entendre qu'Euphranor donnait de la légèreté à ses figures, et de la grandiosité à ses têtes ; ce qui serait un éloge. Il avait écrit sur la symétrie et sur les couleurs. Les ouvrages d'Euphranor, dont les sujets nous ont été conservés, étaient les douze Dieux ; des tableaux célèbres à Ephèse, représentant Ulysse qui contrefaisait l'homme en démence, et qui attelait à la charrue un boeuf et un cheval ; des hommes en manteau, plongés dans la méditation ; un guerrier qui remettait son épée dans le fourreau. Il avait peint aussi les Exploits des Athéniens à Mantinée, ouvrage plein d'enthousiasme ; une Junon, dont on admirait la chevelure, et, sous un portique d'Athènes, la Démocratie, le peuple et Thésée. Euphranor fut élève de Persée. Il sculpta aussi des marbres, cisela des coupes, et fit des colosses ; enfin, il eut le talent le plus docile, soutenu de la plus constante application au travail ; et, dans quelque genre qu'il ait travaillé, il excella toujours, et fut égal à lui-même.

EUPOMPE eut une grande célébrité, et fut le chef de l'école de Sicyone, sa patrie. Il avait eu pour disciple Pamphile, maître d'Apelles. On vantait beaucoup un tableau de lui qui représentait un vainqueur au combat gymnique tenant une palme à la main. Ce peintre eut une telle vogue, qu'il ajouta un troisième style, ou genre, à la peinture ; car on n'en connaissait avant lui que deux, savoir, le style helladique et le style asiatique. Mais Eupompe fut cause qu'on divisa le genre helladique en attique et en sicyonien, d'autant que cet artiste était de Sicyone. Il y eut donc, par ce moyen, trois genres, l'ionique, le sicyonien et l'attique. Eupompe répondit à quelqu'un qui lui demandait lequel des anciens maîtres il était à propos de suivre pour devenir habile, en montrant de la main une multitude de personnes, et disant que c'était la nature, et non aucun artiste qu'il fallait imiter. Ce fut sur cette réponse que Lysippe conçut l'audace de s'élever à la perfection de l'art du statuaire, et que de simple ouvrier vulgaire en airain qu'il était, il devint le plus fécond de tous les statuaires.

EURIPIDE était peintre avant qu'il composât ses tragédies, dit son biographe Moschopulus. Suidas confirme le fait.

EUTIKHIDE, ou EUTICHIDE ou EUCLIDES, représenta un char à deux chevaux, conduit par une Victoire.

EUTYCHUS. Ce peintre n'est connu que par une épigramme grecque assez insignifiante, qui est dirigée contre lui, et qu'on lit dans l'Anthologie.

EUTYMEDE fut l'élève d'Héraclide, de Macédoine. Pline le met au nombre des peintres du troisième ordre qui ont mérité de conserver de la réputation.

EUXENIDAS paraît avoir dû sa réputation moins à lui-même qu'à son disciple Aristide, de Thèbes. Les Béotiens passaient pour avoir l'esprit lourd ; et cependant la Béotie a produit de grands hommes dans tous les genres ; elle fut la patrie de Pindare, d'Epaminondas, de Plutarque.

FABIUS PICTOR. Si les anciens Romains employaient des artistes, ils n'estimaient pas assez les arts pour s'en occuper eux-mêmes. Ils demandaient alors des artistes aux Etrusques et aux Latins ; mais, en conquérant toute l'Italie, ils la rendirent barbare comme eux. Dès l'an 259 de Rome, 494 ans avant notre ère, Appius Claudius avait consacré dans le temple de Bellone des écussons (clypeos), chargés des portraits de sa famille. Cet exemple trouva des imitateurs ; il se trouva même des Romains qui placèrent de semblables images dans leurs maisons. Ces écussons n'étaient pas peints, mais sculptés en bas-reliefs. Quand on peut faire des bas-reliefs, on peut faire aussi des peintures, au moins des peintures d'une seule couleur. L'an de Rome 450 et 303 ans avant notre ère, un Fabius ne crut pas dégrader la noblesse de sa race en exerçant la peinture ; ce qui lui fit donner le nom de Pictor, qui resta à sa maison. Il peignit le temple du Salut, et ses ouvrages subsistèrent jusqu'à ce que le temple eût été détruit par un incendie, sous le règne de Claude. C'est une chose remarquable, que le même homme ait été le premier peintre et le premier historien de son pays. Les peintures de Fabius étaient des ouvrages, ou plutôt des récréations de sa jeunesse. Soit qu'il eût pris le surnom de Pictor, soit qu'on le lui eût donné, c'est à tort qu'on croirait que ce surnom ait pu être pour lui un titre de gloire : peut-être même lui fut-il donné comme un sobriquet, comme une sorte de reproche ; c'est ce qu'on peut inférer d'un passage de Cicéron, où ce grand orateur dit : «Croirons-nous que si l'on eût fait un titre de gloire à Fabius, homme d'une famille très illustre, de s'être livré à la peinture, il ne se serait pas élevé parmi nous un grand nombre de Polyclètes et de Parrhasius ? L'honneur nourrit les arts ; tout le monde est excité par la gloire à s'y exercer ; mais ils languissent chez tous les peuples qui les dédaignent». (Tuscul., lib. I.) Peut-on faire entendre plus clairement que les artistes étaient dédaignés chez les Romains ?

FULVIUS paraît avoir été un mauvais peintre du siècle d'Auguste, dont Horace se moque dans sa septième satire.

GALATON avait représenté les poétes, dit Aelien, recueillant de la bouche d'Homère les paroles qui en sortaient. Lucien parle aussi de ce tableau auquel Manilius et Ovide font allusion.

GIGES, de Lydie, passe pour l'inventeur de la peinture en Egypte.

GLAUCION, de Corinthe, fut le maître d'Athénien de Maronée.

GORGASE fut un peintre habile pour son temps, et l'un des statuaires en plastique les plus renommés. Il fit, avec Damophile, les ornements de plastique et de peinture du temple de Cérès, au grand Cirque de Rome. On voyait dans ce même temple une inscription, en vers grecs, qui apprenait que tous les ouvrages de la gauche étaient de Gorgase.

HABRON peignit l'Amitié et la Concorde, et représenta les différents dieux.

HADRIEN. Cet empereur s'exerça dans la peinture ; mais il ne réussit que dans des petits sujets, tels que les fruits et les plantes. C'est pourquoi, ayant voulu critiquer un ouvrage du fameux architecte Apollodore, cet artiste lui dit : «Allez peindre des citrouilles», en quoi Hadrien se vantait de réussir. Nos moeurs influent toujours sur nos goûts ; Hadrien avait celui des tableaux obscènes. Il en fit quelques-uns, qu'on voyait sans doute parmi ceux des grands maîtres qu'il avait rassemblés dans sa maison de Tibur. Si l'on pouvait ajouter foi au récit d'Aurélius Victor, ce prince fondait lui-même des statues de bronze peu inférieures aux chefs-d'oeuvre de Polyclète et d'Euphranor ; mais ce n'est qu'une hyperbole. On attribue à Hadrien uue statue équestre, haute de douze pieds, conservée dans la Villa Mattei, et qui mérite à peine d'être citée. Le fait suivant décèle encore moins un habile artiste. Dans un temple élevé à Vénus et à la déesse Roma, leurs statues se trouvèrent beaucoup trop grandes pour l'endroit où il les avait fait placer, et Apollodore osa lui dire : «Si elles veulent se tenir droites et sortir, elles ne le pourront pas». Hadrien fut tellement irrité de ce propos, qu'il fit mourir ce grand architecte, auquel on devait de beaux monuments et d'excellents écrits sur son art.

HECATEE, peintre, fondeur et ciseleur en argent. Comme peintre, il mérita d'être placé au premier rang ; comme fondeur et ciseleur, il a été rangé dans la seconde classe.

HELENE, fille de Timon l'Egyptien, peignit la Bataille d'Issus, qui s'était donnée de son temps. Ce tableau fut mis dans le temple de la Paix par Vespasien, selon Ptolémée Héphestion, cité par Photius.

HERACLIDE, de Macédoine, avait commencé, comme Protogènes par peindre des vaisseaux, et, s'il ne parvint pas au talent de Protogènes, il s'éleva du moins au rang des peintres qui méritaient d'être cités. Tout ce que l'on sait de lui, c'est qu'après la captivité de Persée, il chercha un asile à Athènes.

HERMOGENES abandonna la peinture pour se faire le champion des erreurs des stoïciens, dit Tertullien, qui composa un ouvrage en réponse à celui d'Hermogènes.

HILARIUS, de Bithynie, vivait sous l'empereur Valens ; il cultiva la peinture à Athènes, avec beaucoup de succès ; il excellait à rendre l'expression de la physionomie, dit Eunappe, qui le compare à Euphranor. Ce peintre périt de la main des barbares, qui le massacrèrent lui et sa famille, à sa campagne.

HILPIUS, qui était venu peindre dans les Gaules, est mentionné par un certain Lupus, abbé de Ferrare, et par les anciens annalistes de France.

HIPPIAS avait peint deux tableaux qui furent admirés ; l'un représentait Neptune et l'autre une Victoire.

HYGIEMON, cité par Pline, qui le désigne comme un de ceux qui commençaient à cultiver la peinture en Grèce.

HYPSICRATE est cité par Diogène Laërce, comme ayant écrit sur la peinture.

IDOEUS ornait les carquois de peintures fort soignées ; Xénophon en fait l'éloge en parlant d'un carquois qu'Agélaüs donna au fils de Pharnabaze en échange d'un très beau javelot dont il lui avait fait présent.

IPHION fut un peintre habile, dont on lit l'éloge dans une épigramme de l'Anthologie grecque.

IPHIS est mentionné pour avoir peint Neptune et une Victoire.

IRENE, fille de Cratinus, peintre et comédien, dont l'âge est inconnu. Pline parle d'une jeune fille qu'elle avait peinte à Eleusis ; mais peut-être n'a-t-il pas traduit avec exactitude l'auteur grec qu'il suivait. On sait qu'Eleusis était un lieu consacré aux mystères de Cérès : ce qui peut faire soupçonner qu'Irène y avait peint Proserpine, que les Grecs désignaient souvent par le mot Korê, qui signifiait aussi une jeune fille, une vierge. Le lieu où se trouvait l'ouvrage d'Irène semble indiquer qu'elle avait de la réputation. On ne choisit guère des artistes obscurs pour décorer des temples célèbres.

LALA florissait dans la jeunesse de Varron, et, par conséquent, au commencement du dernier siècle avant notre ère. Elle était de Cyzique ; jamais elle ne se maria, et Pline l'appelle vierge perpétuelle. Elle peignait au pinceau et travaillait aussi sur l'ivoire au poinçon. Il paraît qu'elle ne peignait que le portrait, et elle réussissait principalement à ceux des femmes : elle fit le sien au miroir. Personne ne peignit avec plus de promptitude, et elle joignait tant d'art à une extrême facilité, que ses ouvrages étaient payés plus cher que tous ceux des peintres de son temps. Elle fit à Naples un grand tableau représentant une Vieille.

LAZARE, moine qui peignait à Constantinople, sous le règne de l'empereur Théophile, eut beaucoup à souffrir de la fureur des iconoclastes. Les historiens Zonare et Cédrénus en donnent le détail dans leurs Annales.

LEON, contemporain du poète Alcée, peignit le portrait de Sapho ; il vécut, vers la XLVe olympiade, avec cette femme célèbre par ses poésies et ses amours. Ce portrait, conservé jusqu'au temps des empereurs, dut sans doute être recouvert d'une couche très légère de cire, pour en garantir les couleurs contre les injures de l'air.

LEONIDES fut le maître d'Euphranor ; il est mentionné par Etienne de Byzance et par Eustathe.

LEONTION ne nous est connu que par son portrait, qui fut peint par Aristide le Thébain ; mais cette circonstance suppose que Léontion dut être lui-même un artiste de quelque mérite : Aristide, peintre célèbre, n'aurait pas employé son talent à faire le portrait d'un homme qui n'aurait pas cultivé son art avec distinction.

LEONTISQUE n'est connu que par les sujets de deux de ses tableaux, l'un représentant une Joueuse de harpe, et l'autre, Aratus victorieux, avec un trophée. On suppose qu'il vivait à peu près dans le même temps que celui dont il célébrait les victoires, c'est-à-dire environ deux siècles et demi avant Père vulgaire.

LESBOCLES. Pline dit de cet artiste que, fondeur du second ordre, il était peintre du premier.

LUCAS était originaire d'Antioche, dit Nicéphore Calliste ; il était peintre et médecin ; il fit la rencontre de Paul à Thèbes aux Sept-Portes, se convertit à Jésus-Christ, et abandonna la médecine du corps, pour pratiquer la médecine de l'âme. On prétendait, du temps de Nicéphore Calliste, que Lucas avait su le premier donner au Christ la majesté qui caractérise la Divinité ; il avait fait aussi le portrait des apôtres, et ces portraits étaient en grande vénération par toute la terre. C'était moins sans doute comme ouvrage de l'art qu'ils étaient vénérés, que parce qu'ils présentaient les images de ceux que la religion avait sanctifiés.

LUCILLUS est loué dans les Lettres de Symmaque.

LUCIUS MALLIUS était regardé comme le meilleur peintre de son temps. Macrobe raconte que Servilius Geminius, soupant un jour chez lui, et apercevant ses enfants qui étaient contrefaits, lui dit : «Tu ne les fais pas comme tu les peins. - C'est, répondit-il, parce que je fais les uns dans l'ombre, et les autres à la lumière».

LUDIUS. Voyez MARCUS.

LYSIPPE, d'Aegine, ancien peintre à l'encaustique, fut un des pères de l'art de peindre dans la Grèce. Lysistrate de Sicyone, son frère, accoutuma les artistes à saisir la ressemblance. Jusqu'alors on avait cru remplir le voeu de l'art lorsqu'on avait fait un simulacre le plus flatté et le plus beau possible. Lysistrate fut encore l'inyenteur de l'art de multiplier un simulacre par lui-même, en prenant l'empreinte de ce simulacre dans un creux, composé d'une pâte propre à calquer fidèlement l'effigie, et qui, en se séchant, formait un moule. Cette invention fut tellement goûtée, que les statuaires s'accoutumèrent à ne plus faire aucun ouvrage en matière dure, sans en tirer, par cette voie, la copie exacte en argile : d'où il reste démontré que les statues d'argile ou de plâtre jetées en moules sont antérieures aux statues d'airain jetées en fonte.

MARCUS LUDIUS, contemporain d'Auguste, était un peintre de vues, de marines et de paysages, qu'il accompagnait de figures ; il imagina le premier de peindre sur les murailles des maisons de campagne des portiques, des bois sacrés, des forêts, des collines, des étangs, des cascades, des fleuves, des rivages. Il y représentait des gens qui se promenaient, d'autres qui naviguaient, d'autres qui, sur des ânes ou des voitures, se rendaient à des maisons de campagne. Il peignait des pêcheurs, des oiseleurs, des chasseurs, des gens occupés de la vendange ; on voyait dans ses tableaux des hommes porter des femmes sur leurs épaules dans des avenues marécageuses qui conduisaient à des maisons de campagne. Il peignait aussi des ports de mer. En général, ses inventions étaient fines et agréables. Marcus Ludius avait peint le temple des Ardéates, qui furent si contents de son travail, qu'ils lui donnèrent le droit de bourgeoisie dans leurs villes, et firent en son honneur l'inscription suivante :

Dignis digna loca picturis condecoravit,
Reginae Junoni supremi conjugi templum,
Marcus Ludius Helotas Aetolia oriundus,
Quem nunc et post semper ob artem hanc Ardea laudat.

Auguste fut le premier qui eut l'idée de faire revêtir les murailles des appartements de peintures représentant des métairies, des portiques, des boulingrins, des bois, des bosquets, des viviers, des euripes, des fleuves, des rivages, etc., et de faire représenter des villes maritimes sur les murailles extérieures qui sont exposées aux injures du temps. La dépense de ces peintures de marine était très peu considérable. Junius, dans son Catalogue des peintres anciens, veut qu'il y ait eu deux Ludius, mais sans motiver son opinion.

MARCUS VARRON orna de sept cents portraits un ouvrage qu'il avait composé sur la vie des hommes illustres, invention digne, selon Pline, de rendre les dieux même jaloux de Varron, qui, par un tel moyen, n'immortalisa pas seulement ces grands personnages, mais multiplia encore leur immortalité, les dissémina sur toute la terre, les rendit présents dans tous les lieux, et donna à tous les hommes la faculté d'avoir à toute heure leurs portraits sous l'enveloppe d'un livre. Ces sortes de portraits étaient sans doute de petites médailles, dont l'assemblage composait un médaillier. Car comment expliquer d'une autre manière ce que Pline entend par aliquo modo imagines, et ce qu'il dit que Varron dissémina ces images par toute la terre, in omnes terras misit ut praesentes essent ubique ? Comment ces indications pourraient-elles convenir à des figures simplement dessinées à l'encre ? La multiplicité des copies ne devait-elle pas en rendre la ressemblance bien difficile, et même impossible à observer dans un grand nombre d'exemplaires, l'art de la gravure n'étant point encore inventé, et ne l'ayant été que bien postérieurement à Varron, l'an de l'ère chrétienne 1460, par Maso Finiguerra, orfèvre de Florence ?

MECHOPHANES ou MECHOPANES était élève de Pausias. On lui reprochait de la dureté dans la couleur ; l'ocre y dominait trop ; mais il réparait ce défaut par une exactitude qui ne pouvait être bien appréciée que par les artistes.

MELANTHIUS ou MELANTHUS était, ainsi qu'Apelles, élève de Pamphile. Il s'est distingué par le même caractère de talent que son maître. Il composait ses tableaux avec sagesse, et les exécutait avec soin. Mélanthius avait écrit sur la peinture. Ses élèves avaient représenté Aristrate, tyran de Sicyone, assis dans un char de triomphe avec une Victoire ; ce tableau fut fort célèbre dans l'antiquité. Plutarque rapporte qu'Apelles passait pour y avoir mis la main. Mélanthius disait que, dans ses ouvrages comme dans ses habitudes, il fallait concilier la rudesse avec la politesse, mais que le mélange était nécessaire.

MENESTRATE n'était pas un peintre fort habile, si nous prenons à la lettre l'épigramme faite sur son compte, que nous lisons dans l'Anthologie grecque ; il avait peint Deucalion et Phaéton : «Tu demandes, dit l'auteur de l'épigramme, quelle récompense méritent tes deux tableaux ? - Pour que chacun ait celle qui lui appartient, que Phaéton ait les flammes, et Deucalion la mer».

MENIPPE. Diogène Laërce fait mention de deux peintres de ce nom.

MESTRIUS a le titre de peintre dans une inscription qu'on trouve dans le recueil de Gruter.

METHODIUS ne nous est connu que parce ce que Cédrénus nous raconte de lui. Il était de Rome, moine, et avait la réputation d'être un peintre habile. Mandé par Bogoris, roi des Bulgares, il reçut l'ordre d'orner de peintures l'appartement le plus vaste du palais de ce prince. Le peintre devait représenter des sujets dignes de fixer l'attention ; mais Bogoris lui en laissa le choix, demandant seulement qu'à l'aspect de ces peintures les spectateurs fussent frappés de terreur. Méthodius peignit le second Avénement de Notre-Seigneur, lorsque après la destruction des mondes, il viendra donner la béatitude aux uns, et de terribles châtiments aux autres. Bogoris, à l'aspect de cette peinture, comprit pourquoi les uns goûtaient les joies célestes, et pourquoi les autres étaient livrés aux durs châtiments des enfers ; il s'arrêta, et ne put proférer une seule parole, atterré et presque mort devant le tableau de Méthodius ; il revint enfin à lui pour abjurer la superstition des gentils, et il se donna lui et sa nation à ce Christ par l'ablution mystique de l'eau lustrale. A juger du mérite de ce tableau par l'effet qu'il produisit, Apelles, Zeuxis et Parrhasius n'auraient rien fait qui fût comparable ; mais chacun sait que Cédrénus, de qui ce récit est emprunté, était un historien fort crédule, et qu'il y a beaucoup à rabattre sur ce qu'il raconte.

METRODORE vivait à Athènes dans le même temps qu'Héraclide. Il était à la fois peintre et philosophe, et jouissait, à ce double titre, d'une grande considération. C'est le témoignage que Pline lui a rendu, et lui seul l'a fait connaitre à la postérité. Lorsque Lucius Paulus, après avoir vaincu Persée, demanda à la ville d'Athènes de lui envoyer un philosophe du premier mérite, pour l'éducation de ses enfants, et en même temps un peintre du premier talent, pour l'employer à peindre les diverses décorations de son triomphe, les Athéniens firent choix du seul Métrodore, assurant Lucius Paulus que ce choix répondait dignement à ses désirs ; et ce général lui-même en jugea ainsi. Métrodore avait appris la philosophie de Carnéade, à Athènes ; il avait écrit sur l'architecture et sur les poètes.

MICCION est mentionné par Lucien comme ayant été élève de Zeuxis.

MICON était contemporain de Polygnote. Les travaux du Poecile lui furent adjugés ; mais Polygnote en fit généreusement une partie considérable, sans demander ni recevoir aucun salaire. Les Amphictyons, qui étaient les états généraux de la Grèce, ne furent pas insensibles au procédé du peintre de Thasos, et, pour lui en témoigner leur reconnaissance, ils ordonnnèrent qu'il aurait partout un logement gratuit. Indépendamment de ses tableaux du Poecile, Micon fit des ouvrages dans le temple de Thésée. Pausanias remarque que l'une de ces peintures n'était pas entièrement de sa main. Ainsi, les peintres, dès lors, se faisaient aider dans leurs entreprises considérables, à moins que Micon ne soit mort avant d'avoir fini son tableau. Micon et Polygnote composaient leur noir avec du marc de raisin, d'où cette sorte de noir s'appelait tryginon. Il y eut un autre Micon, surnommé le Jeune, dont la fille, nommée Timarète, exerça l'art de la peinture.

MNASITIME, fils et élève du statuaire Aristonidas, est mis au nombre des peintres du troisième ordre.

MNESITHEE, de Sicyone, est du nombre des peintres du troisième ordre cités comme ayant conservé de la réputation.

MYDON DE SOLES, peintre du troisième ordre, était élève du statuaire Pyromaque.

NEALCES, contemporain et ami d'Aratus, chef de la ligue achéenne, florissait à peu près deux siècles et demi avant l'ère vulgaire. Une Vénus était du nombre des tableaux les plus remarquables de cet artiste. C'était un peintre ingénieux. Ayant à représenter un combat naval des Egyptiens contre les Perses, et craignant qu'on ne prît le Nil pour la mer, il représenta sur le rivage un âne qui se désaltérait, et un crocodile qui se disposait à l'attaquer. Par cet épisode, il montrait que le combat se donnait sur l'eau douce, puisqu'un quadrupède s'y abreuvait, et que ce fleuve était le Nil qui nourrit des crocodiles.

NEARQUE, père d'Aristarète, fut aussi son maître.

NEOCLES eut Xénon pour disciple.

NERON. Suétone rapporte que cet empereur cultivait la peinture et la plastique avec beaucoup de succès. Il avait fait enlever du temple d'Apollon, à Delphes, cinquante statues. Il avait tant de goût pour les statues, dit Dion Chrysostome, qu'il prit la plupart de celles qui étaient à Olympie, à Athènes et à Pergame ; il ne respecta que celles de Rhodes. Craton, qu'il avait chargé de visiter toutes les villes pour lui chercher les plus belles statues, s'étant aperçu que son arrivée à Rhodes avait mis tout le monde dans la consternation, déclara qu'il n'avait point d'ordre pour toucher à ce qui faisait l'ornement de cette ile.

NESEAS vivait dans la XCIVe olympiade : Pline ne craint pas d'affirmer qu'il fut le maître de Zeuxis.

NESSUS était le fils d'Habron, et fut probablement son élève : il est au rang des peintres du troisième ordre.

NICAEUS paraît avoir été un peintre habile ; il était de Byzance. Pline rapporte, au sujet de ce peintre, un fait bien remarquable. Sa mère était la fille adultérine d'un Ethiopien dont elle n'avait point la couleur, tandis que lui fut Ethiopien comme son grand-père.

NICANOR, ancien peintre à l'encaustique : on ne cite aucun de ses ouvrages.

NICEARQUE peignit Vénus entre les Grâces et les Amours ; Hercule, triste et en proie aux regrets des actes de cruauté qu'il a commis dans ses accès de fureur.

NICEROS, fils et élève d'Aristide de Thèbes.

NICEROS, fils et élève de Persée.

NICIAS, fils de Nicomède, reçut les leçons d'Antidote, qui fut encore plus honoré par les talents d'un tel disciple que par ses ouvrages. Il peignit les femmes avec beaucoup de soin ; il observa les effets de l'ombre et de la lumière, ce qui constitue le clair-obscur. Il faudrait voir ses ouvrages pour savoir s'il les porta jusqu'à l'idéal, que les artistes appellent la magie de cette partie de l'art ; il sut aussi donner du relief aux objets, et les faire sortir du tableau, talent qui tient encore au clair-obscur. Il s'appliquait au travail avec tant d'opiniâtreté, qu'on l'entendait souvent demander à ses esclaves s'il avait été au bain, ou s'il avait dîné. C'est ce qui lui arriva plusieurs fois, lorsqu'il peignait le tableau qui représentait Ulysse évoquant les ombres des morts. Le roi Attale en offrit 60 talents (270,000 fr. de notre monnaie) ; et le peintre, qui était extrêmement riche, aima mieux le donner à sa patrie. Un de ses ouvrages, représentant Némée assise sur un lion, fut apporté d'Asie à Rome par Syllanus. On voyait aussi de lui à Rome un Bacchus dans le temple de la Concorde, et un Hyacinthe. Auguste aimait tant ce tableau, qu'il le fit apporter à Rome après s'être rendu maître d'Alexandrie, et Tibère le consacra dans le temple d'Auguste. La Calypso de Nicias, son Io, son Alexandre, étaient des figures de très grande proportion. Pausanias raconte qu'à l'entrée de Tritia était un tombeau de marbre blanc, digne d'ailleurs d'attacher les regards, mais surtout par les peintures qui le décoraient, et qui étaient de la main de Nicias. On voyait assise sur un trône d'ivoire une jeune femme d'une grande beauté ; une esclave qui était auprès d'elle tenant un parasol ; un jeune homme encore sans barbe, était debout, vêtu d'une tunique que recouvrait une chlamyde de pourpre : à côté de lui, un esclave tenait des javelots, et conduisait des chiens de chasse. On ignore si c'est ce Nicias ou un autre peintre du même nom qui vivait dans la CXIIe olympiade : on prétend que Nicias, contemporain d'Attale, enduisait d'un vernis les statues de marbre de Praxitèle ; mais comment aurait-il pu être à la fois contemporain de Praxitèle et d'Attale ? Un peintre comme Nicias, qui refusait 60 talents d'un de ses tableaux, aurait été d'une bien rare complaisance, s'il s'était fait le vernisseur des statues de Praxitèle. Il faut donc convenir qu'il y eut au moins deux peintres nommés Nicias ; l'un distingué par le talent, et l'autre inférieur, mais qui excellait à vernir les statues, en sorte que Praxitèle disait que ceux de ses ouvrages en marbre qui lui plaisaient le plus, étaient ceux qui avaient été vernis par Nicias. Nicias avait sa sépulture à Athènes entre les monuments de ceux que la république avait jugés dignes de cet honneur. Ce peintre, dit Pausanias, l'emportait sur tous ceux de son temps par son habileté à peindre des animaux. Aussi voyons-nous qu'il avait peint Némée assise sur un lion ; que, sur le monument qu'il avait décoré de peintures près de Tritia, il avait représenté des chiens de chasse ; et un passage de Démétrius de Phalère nous apprend qu'il aimait à représenter des combats de cavalerie. Il peignait à l'encaustique, et ce fut dans ce genre de peinture qu'il fit le tableau de Némée. Suivant Plutarque, ce ne fut pas Attale, mais Ptolémée, qui voulut acheter 60 talents le tableau représentant Ulysse évoquant les ombres des morts. Alors ce peintre pouvait être le même que Pline trouvait sous la CXIIe olympiade. Mais Euphranor aurait donc été plus ancien qu'Apelles, ce que le passage de Quintilien que nous avons rapporté ne permet pas d'admettre ; Pline dit lui-même qu'Euphranor n'a paru qu'après Pausias. Au rapport de Pline, Nicias fut le premier qui fit usage dans les tableaux de céruse brûlée. C'est ce que nous nommons aujourd'hui minium ou mine de plomb, dénominations trop souvent équivoques. L'invention de cette substance colorante est due à l'événement fortuit de l'incendie du Pirée, après lequel on trouva de la céruse qui avait été brûlée dans des boîtes. Celle qu'on tirait d'Asie, et que les Romains appelaient cerussa purpurea, était préférée. On en composait à Rome avec du silis marbré ; mais celle-ci était moins recherchée.

NICOMAQUE, fils et élève d'un peintre nommé Aristodème, est mis sur la mème ligne qu'Apelles, Protogènes et Asclépiodore. Plutarque compare sa manière facile de peindre à celle dont Homère faisait des vers. Nicomaque se distinguait de tous ses contemporains par cette facilité qui ne semble pas avoir nui à son talent. Aristrate, tyran de Sycione, le manda pour peindre un monument qu'il voulait consacrer à la mémoire du poète Télestus. Le jour où l'ouvrage devait être fini était fixé. Nicomaque ne vint que quelques jours plus tôt. Le tyran, irrité voulait le faire punir ; mais le peintre eut fini son travail au temps marqué, et avec autant d'art que de finesse. Cet artiste était l'opposé de Protogènes pour l'exécution. Quelqu'un critiquait devant lui l'Hélène de Zeuxis, et ne la trouvait pas belle. «Prends mes yeux, lui dit Nicomaque, et elle te paraîtra une déesse». On pourrait souvent répondre à ceux qui critiquent les chefs-d'oeuvre de l'art : «Prends les yeux d'un artiste, et tu en reconnaîtras les beautés». Pline dit, comme une chose remarquable, que Nicomaque et Parrhasius faisaient usage de la terre érétrienne dans la composition de leurs couleurs. Cette terre était ainsi nommée d'Erétrie, ville de l'Eubée. Nicomaque avait peint l'Enlèvement de Proserpine, tableau qui était, du temps de Pline, au Capitole, dans le temple de Minerve, au-dessus de la chapelle de la Jeunesse ; une Victoire s'élevant dans les airs sur un char attelé de quatre chevaux, tableau qui avait été placé au Capitole par Lucius Munacius Plancus. Nicomaque était le premier qui s'était avisé de coiffer Ulysse d'un pileum. On admirait encore de lui, au temps où Pline écrivait, un Apollon, une Diane, une Mère des dieux, assise sur un lion, et un tableau plus célèbre encore, représentant des Bacchantes, suivies de satyres enivrés, qui, dans cet état se traînaient sur leurs pas. Nicomaque eut pour élèves Aristides, son frère ; Aristoclès, son propre fils, et Philoxènes d'Erétrie. Il mourut sans avoir eu le temps d'achever son tableau des Tyndarides. Pline n'hésite pas à mettre cet ouvrage au nombre des chefs-d'oeuvre de la peinture antique, quoiqu'il ne fût pas terminé.

NICON ne peignait que des chevaux, et cependant Aelien lui reproche de ne pas avoir bien connu la structure de cet animal. Nicon avait représenté sur le Poecile le chien qu'un Athénien avait avec lui à la bataille de Marathon. On voyait ce courageux animal au milieu des combattants qui étaient aux côtés de Cynaegire, d'Epizèle et de Callimaque.

NICOPHANES était mis au nombre des meilleurs artistes de son temps : on aimait surtout l'élégance et l'agrément de ses ouvrages. Il avait une grande vivacité d'exécution et de conception. On lui reprochait, comme à Aristide, de peindre de préférence des courtisanes. Il est du nombre des artistes que les anciens appelaient pornographes.

NICOSTRATES, dit Aelien, fut tellement saisi d'admiration à la vue de la Vénus que Zeuxis avait peinte pour les Héracléens, qu'il resta immobile devant ce tableau. Quelqu'un, s'approchant de lui, lui demanda ce qui pouvait tant exciter son admiration : «Tu ne me ferais pas cette question, lui répondit Nicostrates, si tu avais mes yeux». Plutarque met la même réponse dans la bouche de Nicomaque. Il y a deux espèces d'illusion dans la peinture, dit Diogène Laërce ; les unes sont artificielles, les autres ne le sont pas. Un artiste et un homme qui ne l'est pas ne voient pas un tableau des mêmes yeux.

NOTHERUS fut, comme Lucas, médecin et peintre. Il devint aveugle dans sa vieillesse ; l'empereur Othon Ier voulant rendre hommage à son mérite, alla le visiter.

OENIAS peignit une parenté, ou assemblée de femmes.

OLYMPIAS. Tout ce qu'on sait d'elle, c'est qu'elle eut un élève nommé Autobule : la maîtresse et l'élève nous sont connus seulement par leurs noms que Pline nous a conservés.

ONASIAS ou ONATAS peignit pour les Platéens Euryganée, dont l'air égaré exprimait la douleur que lui causait la délaite de ses enfants.

ONATAS peignit pour les Platéens, sur un côté du vestibule du temple de Minerve Area, la première expédition des Grecs contre Thèbes. Pausanias parle de cette peinture.

OMPHALION avait été esclave de Nicias. Voilà, contre l'assertion trop générale de Pline, un esclave qui exerça la peinture, et qui s'y distingua. Cet exemple prouve que le talent faisait taire la loi. On voyait à Messine un grand nombre d'ouvrages d'Omphalion : la plupart représentaient des souverains qui avaient régné dans la Messénie.

OPHELION est nommé dans deux épigrammes qui font partie de l'Anthologie grecque.

PACUVIUS. L'exemple de Fabius Pictor n'avait point engagé ses concitoyens à l'imiter. Un siècle et demi s'écoula sans qu'on vît aucun Romain s'occuper de la peinture. Enfin, le poète tragique Pacuvius, neveu d'Ennius par sa mère, peignit le temple d'Hercule dans le forum Boarium. La gloire qu'il avait acquise par ses ouvrages dramatiques répandit quelque lustre sur l'art qu'il n'avait pas dédaigné d'exercer, mais ne lui donna pas cependant assez de considération pour que des mains honnêtes (c'est l'expression de Pline) voulussent s'y livrer. Ce qui donnerait à penser que s'il y eut de temps en temps quelques peintres romains, ce furent ou des esclaves ou des hommes de basse condition. Les peintures de Pacuvius étaient les amusements de sa vieillesse : la peinture est un art difficile qui demande l'homme tout entier. Elle peut procurer des instants agréables, niais non de grands succès à l'amateur qui s'en occupe en passant. Il est probable que Pacuvius connaissait mieux l'art dramatique. Il s'acquit dans cette autre carrière une très grande réputation, et la mérita en partie. Toutefois, les anciens lui préfèrent Accius pour la force du style, l'élévation des sentiments et la variété des caractères. Pacuvius était né à Brindes, et il mourut à Tarente, âgé de plus de quatre-vingt-dix ans, l'an 54 avant Jésus-Christ.

PAMPHYLE fut le premier des peintres de l'antiquité qui cultiva toutes les parties des belles-lettres, et surtout les mathématiques et la géométrie, sans lesquelles il soutenait que l'art ne pouvait se perfectionner : ce qui prouve que les peintres de ce temps n'étaient pas aussi ignorants en perspective que le supposent les modernes, Pamphyle était d'Amphipolis, en Macédoine : peintre très célèbre par son talent, il eut encore la gloire d'avoir Apelles pour disciple. Il prenait des élèves pour dix ans, et en exigeait un talent, qui faisait 5,400 francs de notre monnaie. Il donna tant de lustre à la peinture, que, d'abord à Sycione, et ensuite dans toute la Grèce, elle fut mise au premier rang entre les arts libéraux, et que tous les jeunes gens bien nés apprirent à dessiner. On se servait, pour ces dessins élémentaires, de tablettes de buis ; après avoir tracé un dessin sur la tablette, on la nettoyait pour y faire un dessin nouveau, car les élèves n'avaient pas la facilité de garder leurs études, comme ils peuvent le faire depuis l'invention du papier. L'art de la peinture conserve la gloire que Pamphyle lui avait acquise ; il n'y eut que des ingénus qui pussent l'exercer, et ensuite que des gens de la condition la plus honnête ; il fut toujours interdit aux esclaves : il était réservé aux Romains de le dégrader, en le faisant exercer par des mains serviles. Cet usage fit perdre, sans doute, quelques bons artistes, qu'auraient pu fournir les dernières classes de la société ; mais il en résulta un avantage, c'est que la peinture n'étant une profession honorable et lucrative que pour ceux qui l'exercent avec distinction, cet art ne fut pas dégradé chez les Grecs par la misère d'une foule de peintres sans talent. Ceux qui avaient fait sans succès les premières études de cet art l'abandonnaient, parce qu'il n'était pas leur seule ressource. Pamphyle traita des sujets de grande machine, tels que le Combat de Phliunte et la Victoire des Athéniens. Il se distingua entre les peintres de l'antiquité par la bonne entente de sa composition. Il peignit à l'encaustique. Il vivait dans la CVIIIe olympiade.

PAMPHYLE paraît avoir été un peintre sans talent, que Cicéron tourne en ridicule dans son Traité de l'orateur.

PANOENUS ou PANOEUS était frère de Phidias. Il associa ses travaux à ceux de l'immortel statuaire dans le temple de Jupiter Olympien. Il y peignit Atlas qui supporte le ciel et la terre, et Hercule qui se prépare à le soulager de ce fardeau : le fils d'Alcmène est accompagné de Thésée et de Pirithoüs. L'artiste avait représenté dans cette peinture la Grèce et Salamine personnifiées : celle-ci tenait dans ses mains un ornement, composé de restes de navires, symbole qui rappelait aux Athéniens des idées capables de flatter leur orgueil. Il avait peint aussi le Combat d'Hercule contre le lion de Némée ; l'Injure qu'Ajax fit éprouver à Cassandre ; Hippodamie, fille d'Oenomaüs, avec sa mère ; Prométhée chargé de chaînes, et qu'Hercule regarde, prêt à le délivrer ; Penthésilée rendant le dernier soupir dans les bras d'Achille ; enfin, deux Hespérides portant les pommes dont la garde leur était confiée. Il représenta dans Athènes la Bataille de Marathon ; et les Athéniens croyaient reconnaître dans ce tableau leurs propres chefs et ceux des ennemis ; de leur côté Miltiade, Callimaque, Cynégire, et du côté des Perses, Datis et Artapherne. Il peignit en Elide, dans l'intérieur du bouclier de la Minerve sculptée par Colotès, le Combat des Athéniens contre les Amazones. Plutarque nomme Plisténète le frère de Phidias ; mais les autorités réunies de Pline, de Strabon et de Pausanias, doivent l'emporter sur la sienne. Du temps même de Panoenus furent instituées les disputes de prix entre les peintres, tant à Delphes qu'à Corinthe ; témoin le concours ou combat de talents qu'il soutint le premier de tous contre Timagoras de Chalcis, par qui il fut vaincu aux jeux Pythiens. Ce fait était constaté par des vers que Pline avait lus et qui étaient, assure-t-on, de Timagoras lui même, vers, ajoute-t-il, qui démontraient l'anachronisme des historiens sur l'époque des commencements de l'art.

PARRHASIUS, d'Ephèse, fils et disciple d'Evenor, observa le premier la proportion dans la peinture, rendit la finesse du visage, l'élégance des cheveux, les agréments de la bouche, et, de l'aveu des artistes, il emporta la palme par sa manière de rendre les derniers traits qui terminent les objets. C'est, au rapport de Pline, d'après les écrits de deux peintres, Antigone et Xénocrate, c'est un grand mérite de bien peindre les milieux des corps ; cependant, plusieurs ont eu cette gloire ; mais rendre ce qui termine ces corps, ce qui approche des contours, ce qui enveloppe les formes, c'est un succès bien rare ; car les parties voisines des contours doivent s'envelopper elles-mêmes, finir en promettant cependant encore autre chose, et indiquer même ce qu'elles cachent. En effet, si les objets peints, qui dans la nature ont du relief, paraissaient en peinture se terminer avec le contour, ils ne représenteraient que des objets plats et sans rondeur. L'éloge qui est accordé ici à Parrhasius est l'un de ceux qu'a singulièrement mérités le Corrège ; mais le peintre éphésien, moins heureux que le peintre lombard, n'était pas égal à lui-même dans l'art de traiter ce que les artistes appellent les milieux. Pline parle d'un tableau de Parrhasius qui représentait le peuple d'Athènes. Il paraît que c'était un tableau d'une seule figure, et ce sujet fut choisi plusieurs fois par les peintres et les sculpteurs ; entre les autres par Euphranor, Lyson, Léocharès ; mais quand Pline ajoute que le projet de Parrhasius était de représenter le peuple d'Athènes inconstant, colère, injuste, et en même temps exorable, clément, compatissant, hautain, féroce, porté à prendre la fuite, on sent qu'un tel dessein ne peut être exécuté dans la représentation d'une seule figure, parce que la peinture ne peut représenter qu'un seul instant, et que l'expression de ces passions diverses exige des instants successifs. Entre les ouvrages célèbres de Parrhasius, on distinguait surtout deux tableaux, chacun représentant un de ces soldats fortement armés que les Grecs appelaient Oplites : l'un paraissait courir au combat avec tant d'ardeur qu'on croyait le voir suer ; l'autre se dépouillait de ses armes, et semblait essoufflé. On peut remarquer que dès lors on ne traitait plus guère des sujets qui demandaient un grand nombre de personnages, comme du temps de Polygnote. On préférait les tableaux d'une ou de deux figures, et rarement on en introduisait plus de quatre. Parrhasius était fastueux et plein d'orgueil ; il disait qu'il était le prince de l'art, et qu'il en avait trouvé la perfection. Il ne se trompait peut-être pas, en se comparant avec les peintres de son temps ; mais il fut surpassé dans la suite. Il avait peint, dans ses délassements, des petits tableaux représentant des sujets obscènes. Sénèque le père a écrit que Parrhasius avait acheté un esclave, et l'avait fait mettre à la torture pour représenter d'après lui les tourments de Prométhée. C'est une fable, sans doute, mais elle prouve que ce peintre recherchait l'expression ; ce qu'atteste le choix de plusieurs de ses sujets, entre autres, celui de Philoctète souffrant. On peut conclure de sou entretien avec Socrate, rapporté par Xénophon, qu'il est le premier peintre de la Grèce qui se soit occupé de cette grande partie de l'art, et qu'il ne s'y est livré que par le conseil du philosophe. Mais, si Parrhasius mit le premier de l'expression dans ses tableaux, comment Polygnote avait-il dans cette partie la supériorité qu'Aristote semble lui attribuer ? Peut-être faudra-t-il entendre par le mot ethê (les moeurs) qu'emploie Aristote, ce qu'on entend dans les arts par le caractère, et ce qui n'est point encore l'expression des affections de l'âme. Michel-Ange avait un grand caractère ; mais il n'avait pas l'expression de Raphaël. Les peintres dessinaient dès lors des études, et peut-être même des esquisses sur des tablettes ou du parchemin. Parrhasius en laissa un grand nombre dont les artistes profitèrent. Il avait peint le Thésée qui était à Rome, au Capitole, du temps de Pline ; un Amiral revêtu de sa cuirasse, et, dans un seul tableau qui était à Rhodes, Méléagre, Hercule et Persée, tableau qui fut frappé trois fois de la foudre, sans en être endommagé, ce qui augmentait encore l'admiration pour l'ouvrage ; un Archigalle, ou grand prêtre de Cybèle, que l'empereur Tibère avait payé 60,000 sesterces (6000 fr, de notre monnaie ), qu'il préférait à toute autre peinture, et qu'il avait fait placer dans sa chambre à coucher. Il peignit aussi une Nourrice crétoise, tenant son enfant dans ses bras ; un Philisque et un Dieu Bacchus. Suidas parle de ce beau tableau, qui donna lieu au proverbe corinthien Qu'est-ce que cela auprès de Bacchus ?, deux Enfants accompagnés de la Vertu, qui est debout, et dans lesquels on remarquait la sécurité et la simplicité de leur âge ; un Pontife assisté d'un jeune garçon qui tenait la boîte d'encens, et qui avait une couronne de fleurs sur sa tête. On vantait encore son Enée, ainsi que ses Dioscures, peints dans un même tableau, son Télèphe, son Achille, Agamemnon et son Ulysse, tous ouvrages qui avaient la plus grande célébrité. Parrhasius se donnait le surnom d'Abrodiaetus, ou homme vivant dans les délices ; il poussait la vanité jusqu'à se donner pour descendant d'Apollon : il disait qu'il avait peint l'Hercule Lindos d'après Hercule lui-même, qui lui avait souvent, disait-il, apparu en songe. Un tableau dans lequel il avait représenté Ajax disputant à Ulysse l'armure d'Achille, fut déclaré inférieur à un autre tableau de Timante, représentant le même sujet : «Ajax est bien à plaindre, s'écria-t-il, indigné de ce jugement, d'être une seconde fois vaincu par un rival indigne de lui». Parrhasius avait écrit sur la peinture.

PASIAS dut être un peintre très habile, puisqu'on a regardé comme un titre de gloire pour Erigonus de l'avoir formé ; il était frère d'Eginète le modeleur.

PAUSANIAS excellait à peindre des scènes de débauches, et fut rival d'Aristide et de Nicomaque dans ce genre de peinture. Athénée le met au nombre des artistes que les anciens appelaient Pornographes.

PAUSIAS de Sicyone fut d'abord élève de Briès, son père, et ensuite de Pamphyle. Nous avons vu qu'Apelles, élève de Pamphyle, crut que, pour acquérir plus de considération, il devait se mettre quelque temps sous la discipline des maîtres de Sicyone, et voilà qu'un peintre de Sicyone entre à grands frais dans l'école de Pamphyle. C'est une de ces nombreuses difficultés qui se trouvent dans l'histoire de l'art des anciens. Pausias peignait à l'encaustique, et il fut le premier qui se distingua par ce talent. Il voulut réparer au pinceau des murailles peintes autrefois par Polygnote à Thespies, et il se montra inférieur à lui-même, parce qu'il n'avait pas travaillé dans son genre. Ce qui semblerait prouver, comme l'a remarqué Scheffer, savant dans les lettres et instruit dans l'art de peindre, que l'encaustique des anciens ne se peignait pas au pinceau, que le travail s'établissait, comme celui de la mosaïque, par pièces de cire rapportées, qu'on les appliquait avec des brochettes de fer, et qu'on faisait ensuite éprouver à l'ouvrage l'effet du feu. Pausias fut le premier qui peignit des plafonds. On n'était pas avant lui dans l'usage d'orner ainsi les appartements. Quoiqu'il fût au rang des plus grands peintres, il aimait à faire de petits tableaux, et y représentait volontiers des enfants. Les envieux prétendirent qu'il prenait ce parti, parce qu'il peignait lentement. Ce reproche le piqua, et, pour montrer qu'il était capable de joindre la promptitude au talent, il fit un tableau qu'il finit en un jour, et qu'on appela Hémérésios, c'est-à-dire l'oeuvre d'un jour. C'était encore un enfant qu'il représentait. Il aima dans sa jeunesse Glycère, qui inventa les couronnes de fleurs, combattit d'émulation avec elle et porta cet art jusqu'à l'assortiment de la plus grande variété de fleurs. Il peignit Glycère elle-même, assise et ceinte d'une de ces couronnes qu'elle faisait avec tant d'adresse. Ce fut un de ses tableaux les plus célèbres. On nommait ce tableau Stephaneplocos ou Stephanopolis, par allusion au talent de Glycère, qui gagnait sa vie au metier de bouquetière. Lucullus en acheta une simple copie deux talents (10,800 fr.) Cette copie était peut-être un double de la main de l'auteur. Pausias avait fait aussi de grands tableaux, au nombre desquels était un Sacrifice de boeufs, qui fut apporté à Rome, et exposé dans le portique de Pompée.

Pausias passa sa vie à Sicyone, qui fut longtemps la patrie de la peinture. Mais cette ville se trouvant obérée de dettes, ses tableaux furent mis publiquement en vente ; ce qui fournit occasion à l'édile Scaurus de les faire transporter à Rome.

PAUSON ou PASSON vivait à peu près dans le même temps que Polygnote. Celui-ci fit les hommes meilleurs qu'ils ne sont, dit Aristote ; Pauson les fit pires, et Dionysius tels qu'ils sont en effet ; ce qui semble signifier que Polygnote releva la nature humaine par un caractère idéal ; que Pauson ne représenta qu'une nature ignoble et pauvre, et que Dionysius se contenta d'imiter la nature telle qu'elle se présente ordinairement. Aelien rapporte qu'on chargea Pauson de représenter un cheval qui se roulait par terre ; que le peintre fit un cheval courant, et que celui à qui était destiné l'ouvrage étant mécontent de ce qu'on n'avait pas rendu sa pensée : «Il n'y a qu'à renverser le tableau, lui répondit Pauson, et ce sera un cheval qui se roule». Si l'on admettait ce conte, il faudrait supposer qu'alors les peintres ne représentaient pas encore les ombres portées, et qu'ils ne faisaient voir aucune différence entre le ciel et le terrain. Cette supposition serait absurde, puisque les tableaux de Polygnote, estimés d'Aristote, l'étaient encore dans le Ve siècle de notre ère. C'est vainement qu'on objecterait que les tableaux de Pauson étaient inférieurs à ceux de Polygnote. Aristote n'eût pas daigné en faire mention, s'ils eussent été absolument mauvais pour leur temps, et le nom de Pauson aurait été oublié au temps d'Aelien.

PERSEE, élève d'Apelles, serait tombé dans l'oubli, si ce grand peintre ne lui avait pas adressé les écrits qu'il avait composés sur son art. On ne saurait trop regretter que le temps ait détruit tous les livres écrits par des artistes grecs. Il ne se trouva personne qui daignât les transcrire, quand les arts furent tombés dans le mépris chez les Grecs devenus barbares. Persée fut contemporain d'Aristide, l'élève d'Aristide le Thébain. Il laissa deux fils, Nicéros et Ariston. Les élèves de Persée furent Antorides et Euphranor.

PHALERION peignit la Sylla de la fable.

PHASIS fut un peintre de quelque réputation ; on lit dans l'Anthologie grecque une épigramme dont une de ses peintures a fourni le sujet.

PHIDIAS, regardé comme le plus habile des sculpteurs de l'antiquité, cultivait aussi la peinture avec succès. Il florissait du temps de Périclès, vers 445 ans avant notre ère. Il peignit à Athènes ce même Périclès, surnommé l'Olympien, comme l'entendent quelques interprètes, ou plutôt Jupiter Olympien, comme l'entend M. Heyne, qui ne croit pas que, pour nommer Périclès, on ait employé le mot Olympius, sans rien ajouter qui le désignât plus particulièrement. Phidias était d'Athènes ; il reçut des leçons d'Eladas et d'Hippius, et parut dans un temps favorable aux arts ; Périclès le distingua particulièrement, et le fit l'ordonnateur et l'arbitre de ses grandes entreprises. On peut conjecturer de ce que les auteurs ont écrit de Phidias, que le siècle d'Alexandre compta des artistes qui surent donner plus de grâce à leurs ouvrages, mais qu'aucun n'atteignit à ce caractère de grandeur qu'il savait donner à ses compositions. Toute l'antiquité se plut à célébrer son Jupiter Olympien. Il disait lui-même que l'idée de ce chef-d'oeuvre lui avait été inspirée par ces vers d'Homère qui représentent le maître des dieux ébranlant l'Olympe d'un mouvement des ses noirs sourcils. On trouve dans Pausanias la description de cette statue que M. Quatremère de Quincy a rétablie d'une manière fort ingénieuse, d'après cette même description. Cette tentative, dont aucun artiste n'avait eu l'idée avant M. Quatremère, pour aucun des chefs-d'oeuvre de l'antiquité qui ne nous sont connus que parce que nous en disent les auteurs, est un véritable tour de force. La statue de Minerve, dans le Parthénon, à Athènes, était au nombre des ouvrages célèbres de Phidias. Cette statue était d'or et d'ivoire. S'il est vrai, comme dit Pausanias, qu'une Victoire, haute de quatre coudées, était sur sa poitrine, l'ouvrage devait être dans son ensemble d'une grandeur colossale. Phidias fit une autre Minerve en bronze qui fut aussi d'une très haute proportion, puisque les voyageurs apercevaient de Sunium le cimier de son casque et le fer de sa lance. La Vénus Uranie, exécutée en marbre de Paros, qui était dans le temple de cette déesse, près du temple de Vulcain, la Pallas-Lemnia, ainsi nommée parce qu'elle fut dédiée aux habitants de Lemnos, étaient regardées comme des monuments clignes des divinités qu'ils représentaient. Dans le temple de Némésis, près de Marathon, Phidias avait fait en marbre de Paros la statue de cette divinité vengeresse. Ce marbre, qui servit à consacrer la défaite des Perses, avait été apporté par eux pour élever un monument de leur victoire. A Mégare, dans le temple de Jupiter Olympien, était la statue de ce dieu que Théocosmus de Mégare et Phidias avaient commencée ensemble, et n'avaient pas terminée. Phidias avait fait pour les habitants de l'Elide deux statues ; l'une représentait Jupiter, et l'autre un jeune homme ceint d'une bandelette ; pour la citadelle d'Elis, une statue de Minerve en or et en ivoire ; pour les Platéens, une autre statue de la même déesse. On voyait à Delphes un grand nombre de ses ouvrages. Il réussissait à faire le portrait avec beaucoup de ressemblance. On admirait ceux qu'il avait placés dans les bas-reliefs dont il ornait ses statues. La main qui dessinait les figures colossales de Jupiter et de Pallas s'amusait à donner au marbre la forme d'un poisson, d'une cigale, d'une mouche ; et les délassements d'un habile homme étaient encore célébrés plusieurs siècles après sa mort. Phidias eut contre lui, et les ennemis de son génie, et les ennemis de Périclès, qui persécutèrent le protecteur dans la personne du protégé. Ils l'accusèrent d'avoir soustrait une partie de l'or qui était entré dans la statue de Minerve ; mais par le conseil de Périclès, il l'avait appliqué de manière qu'on pouvait le détacher, et il lui fut aisé de confondre ses accusateurs. Cependant, on assure qu'il finit ses jours en prison. On lit dans une déclamation de Sénèque que les Eléens n'obtinrent des Athéniens la permission d'appeler chez eux Phidias pour faire le Jupiter Olympien qu'à condition qu'ils leur rendraient ou cet artiste lui-même, ou 100 talents : mais que, l'ouvrage fait, ils l'accusèrent d'avoir soustrait une partie de l'or qu'ils lui avaient confié, lui coupèrent les mains, et le renvoyèrent aux Athéniens ainsi mutilé. Ce conte n'est qu'une narration falsifiée du traitement que lui firent éprouver ses concitoyens eux-mêmes. On voyait à Rome, du temps de Pline, une Vénus en marbre que l'on regardait comme un ouvrage de Phidias.

PHILISQUE représenta l'atelier d'un peintre avec un petit garçon qui souffle le feu.

PHILOCLES, d'Egypte, était regardé par quelques-uns comme l'inventeur de la peinture linéaire, on le dessin au simple trait, relevé de quelques hachures.

PHILOKHARES ou PHILOTERUS fut un peintre très habile dont les ouvrages méritèrent d'être mis à côté des meilleurs tableaux de Nicias. Jules César avait fait placer, dans la salle du Sénat, un tableau de Philokharès, qu'on ne pouvait voir sans admiration : il représentait un jeune homme dans l'âge de la puberté, qui ressemblait parfaitement à son père, sauf l'intervalle des âges. Un aigle planant dans les airs, et tenant un serpent dans ses serres, se voyait au dessus-du tableau, et était l'emblême qui attestait que ce chef-d'oeuvre était l'ouvrage de Philokharès. On a cité avec des éloges plus grands encore un autre tableau où le même artiste avait représenté ses deux fils, Glaucion et Aristippe, dont les portraits faisaient l'admiration du peuple et du sénat romain, quoique ces jeunes gens n'eussent mérité par eux-mêmes aucune sorte de célébrité. Il est probable que Philokharès n'était qu'une qualification flatteuse donnée par l'admiration générale à Philotérus, qui était le véritable nom de l'artiste. Au moins cet aigle chasseur, qui se voyait au-dessus du tableau, le fait présumer. Il est vraisemblable que cet aigle était l'emblème de l'artiste, auteur du tableau, dont le nom signifie ami de la chasse.

PHILOPINAX devint amoureux d'un tableau qu'il avait fait, comme Pygmalion devint amoureux de sa statue ; et ce fut, sans doute, cette passion qui lui fit donner le surnom par lequel seul il nous est connu, Aristénète parle de Philopinax dans sa dixième lettre.

PHILOXENES, d'Erétrie, élève de Nicomaque, se distingua par de grandes compositions. On remarquait surtout son Combat d'Alexandre contre Darius, tableau qui se soutenait à côté des meilleurs ouvrages de l'art. Il imita la promptitude de son maître ; il inventa même des moyens de travailler encore plus vite que Nicomaque, et dans la suite on se piqua d'être encore plus expéditif. Philoxènes devint un peintre du premier ordre, et sur qui nul artiste ne mérite de remporter la palme. Il avait peint un tableau lascif, où l'on voyait trois Silènes en débauche de table.

PHITHODICUS avait acquis de la réputation ; c'était un peintre distingué, mais qu'aucun de ses ouvrages n'a placé au premier rang.

PHRYLUS est mis au nombre des artistes grecs qui ont cultivé la peinture avec succès dans la XCe olympiade.

PISANUS fut un peintre et un ciseleur très habile : pour mieux faire connaître son mérite dans ces deux genres, il prenait dans ses ouvrages ciselés le titre de peintre, et dans ses tableaux, le titre de ciseleur. On lit sur une médaille en bronze de l'empereur Jean Paléologue : Outrage du peintre Pisanus.

PHITAGORAS, de Paros, avait peint les Grâces. Ce tableau était conservé, dit Pausanias, dans le palais d'Attale, à Pergame.

PLACIDIANUS paraît avoir été un mauvais peintre au siècle d'Auguste ; Horace le tourne en ridicule dans sa septième satire.

PLISTHOENETES, frère de Phidias, fut lui-même un artiste d'un grand renom ; Plutarque en parle dans son ouvrage qui a pour titre : Si les Athéniens furent plus célèbres par la gloire que par la paix.

POLEMON, d'Alexandrie, est du nombre des peintres du troisième rang que Pline cite avec éloge. Diogène Laërce prétend qu'il avait écrit sur la peinture.

POLYCLES fut un peintre qui ne sut pas vaincre sa mauvaise fortune ; s'il n'a pas acquis un nom célèbre, ce n'est pas faute de talent, dit Vitruve, mais parce qu'il était dominé par le besoin.

POLYGNOTE, de Thasos, que Tzetzès appelle Polygnostus, et qu'il prétend avoir été beaucoup plus connu sous ce nom, vivait à peu près 420 ans avant notre ère. Polygnote, selon Pline, est le premier qui ait su draper les femmes d'étoffes brillantes, et varier les couleurs de leurs coiffures. Il est aussi le premier qui ait ouvert la bouche de ses figures, qui ait fait voir les dents, qui ait adouci l'ancienne roideur des visages. Il est probable que les éloges que cet auteur donne à Polygnote sont un peu au détriment des prédécesseurs de ce grand artiste. Car si toutes les physionomies avaient de la roideur dans les tableaux de Panoenus, s'il n'avait su faire ouvrir la bouche à aucune de ses figures dans son Combat de Marathon, ce n'était pas un artiste supérieur à nos peintres gothiques ; et, pendant que la peinture était dans cet état d'enfance, Phidias avait porté la sculpture à sa perfection. Cela n'est pas probable ; à la renaissance des arts, on vit la peinture et la statuaire marcher à peu près du même pas. Il serait trop long d'entrer ici dans le détail de deux grands tableaux de Polygnote, décrits par Pausanias. Ils étaient à Delphes ; l'un représentait la prise de Troie et le départ des Grecs, l'autre, la Descente d'Ulysse aux enfers. Falconet en fait la critique, d'après le récit du voyageur grec. Sa censure est sévère ; mais comme elle ne peut porter que sur la composition, on ne saurait la trouver injuste. Peut-être y avait-il dans ces tableaux des beautés de dessin, d'expression, de détail, qui l'auraient désarmé, s'il eût pu les voir. On sait que Polygnote écrivait sur ses tableaux le nom des personnes qui y étaient représentées, et cette pratique prouve qu'il ne connaissait pas l'effet. Aristote, plus voisin du temps de Polygnote, et habitant de la ville où étaient la plupart de ses ouvrages, Aristote, plus sensible que Pline et Pausanias, et par conséquent plus connaisseur, accorde à ce peintre d'avoir excellé dans l'expression. C'est en ce sens que nous croyons devoir entendre le mot grec ethê, qui signifie les moeurs ; car, par quel autre moyen peut-on peindre les moeurs que par l'expression ? Quintilien lui reproche la faiblesse du coloris ; mais ce défaut était plutôt celui du temps que celui de l'artiste. On voit même qu'il ne négligeait pas la couleur quand elle était relative aux affections de l'âme. Il avait peint Cassandre à l'instant où elle venait d'être outragée par Ajax : on voyait la rougeur sur le front de cette princesse à travers le voile dont elle cachait sa tête. Cette figure était encore admirée du temps de Lucien. Les Grecs faisaient sur Polygnote un conte odieux, mais qui prouve du moins l'idée qu'ils avaient de sa passion violente pour l'étude de l'expression. Ils prétendaient qu'il avait fait appliquer un esclave à la torture pour peindre d'après ce malheureux les tourments de Prométhée. On a de même accusé plusieurs peintres modernes d'avoir poignardé un homme pour peindre un Christ expirant. Il peignit dans le Poecile, à Athènes, le Combat de Marathon ; sur le devant du tableau, les peuples de l'Attique et les barbares combattaient avec une égale valeur ; mais, en portant la vue au centre de la bataille, on voyait les barbares prendre la fuite, et se précipiter les uns sur les autres dans un marais. Au fond étaient les vaisseaux des Phéniciens ; les barbares voulaient s'y précipiter, et étaient massacrés par les Grecs. Le héros Marathon, qui avait donné son nom à la campagne où s'est livré la bataille, y paraissait, aussi bien que Thésée, qui semblait sortir de terre pour protéger le peuple qui avait reçu ses lois. Le peintre avait aussi introduit dans sa composition Pallas, déesse tutélaire des Athéniens, et Hercule, l'un des dieux à qui les Marathoniens accordaient leurs premiers hommages. Entre les combattants se remarquait Callimaque, premier polémarque des Athéniens. Miltiade se distinguait entre les chefs, et l'on n'avait pas oublié le héros Echetlus. Voici ce qu'était ce héros : On racontait que pendant la bataille, on avait vu un homme d'une apparence rustique qui tuait un grand nombre de barbares avec le soc d'une charrue ; il disparut après l'action. Les Athéniens consultèrent l'oracle pour connaître leur bienfaiteur, et reçurent pour réponse d'honorer le héros Echetlaïus ou Echetlus, car on trouve ce nom écrit de deux manières dans Pausanias. On ne peut juger l'ordonnance de ce tableau, il faudrait l'avoir vu ; mais l'invention n'en peut être condamnée, et le peu que Pausanias a fait connaitre de la disposition n'en donne point une opinion défavorable. Ce tableau résista, sous un portique découvert, pendant plus de neuf cents ans, aux injures de l'air et des saisons, sans éprouver une dégradation sensible. Au temps de Synésius, c'est-à-dire au commencement du Ve siècle, il mérita de tenter la cupidité d'un proconsul, qui l'enleva aux Athéniens. Il a péri, on ne sait de quelle manière, à Constantinople, ce grand tombeau des ouvrages de l'art. C'est de Pauw qui a découvert ce fait dans la lettre CXXXVe de Synésius. Polygnote aimait les compositions d'un grand nombre de figures, que nous appelons grandes machines. Il paraît que c'était le goût de son siècle, goût qui changea depuis. Quoiqu'il se plût à traiter des sujets graves et héroïques, il se pliait quelquefois à des sujets agréables. Il représenta dans le temple des Dioscures les Noces des filles de Leucippe. Il peignait à l'encaustique, comme les maîtres rhodiens dont parle Anacréon ; et peut-être Aglaophon, son père, de qui il avait appris son art, l'avait-il étudié lui-même sous les peintres de Rhodes. De Pauw, dans ses recherches sur les Grecs, ne croit pas que tous les efforts des modernes aient pu faire revivre l'encaustique des anciens, cet encaustique qui bravait les intempéries de l'air et les injures des siècles ; il accuse le comte de Caylus d'avoir même confondu les instruments que les Grecs employaient à ce procédé, dont le principal était un fer ardent, qu'ils appelaient cautérion, et auquel on substitua un feu plus actif encore, fait avec des noix de galle allumées, pour forcer la cire à pénétrer plus profondément dans le fond du tableau. L'ouvrage terminé, on le lissait jusqu'à ce qu'il eût acquis un poli presque aussi brillant que celui d'un miroir. En suivant cette méthode, il n'était pas possible, suivant de Pauw, de rompre suffisamment les couleurs, ce qui ne semble rien moins que prouvé. En effet, si les couleurs broyées à la cire étaient aussi coulantes que les couleurs broyées à l'huile, les anciens peintres à l'encaustique pouvaient, aussi bien que les peintres modernes à l'huile, mélanger, fondre les couleurs et noyer les teintes, et cette fonte n'aurait pas été détruite par le travail du lissage ; mais de ce qu'ils pouvaient le faire, nous ne conclurons pas qu'ils l'ont fait. Ensuite, ajoute de Pauw, de tels tableaux ne pouvaient être vus que d'un seul côté, suivant la chute de la lumière, qui s'y reflétait tellement que les spectateurs, placés dans un point opposé au jour, ne discernaient exactement aucune partie de l'ouvrage. On peut répondre que cet inconvénient est le même pour les tableaux à l'huile, quand ils sont vernis. Il en résulte qu'il faut les exposer convenablement ou se mettre soi-même dans une place convenable. Pline compte Polygnote au nombre des fondeurs du second rang.

POLYGNOTE, de Paros, est un de ceux auxquels les Grecs attribuaient l'invention de la peinture à l'encaustique.

POLYGNOTES, d'Athènes, est, selon Théophraste, l'inventeur de la peinture en Grèce.

PRAXITELLES est le nom d'un des premiers artistes qui peignirent en cire.

PRODORE, fondeur du second rang, et peintre du premier ordre.

PROTOGENES était né à Caune, ville soumise aux Rhodiens. On ignore quel fut son maître ; l'on peut soupçonner qu'il fut élève de quelque artiste obscur, et qu'il ne dut ses progrès qu'à ses propres études et à sa grande application. En effet, il languit longtemps dans une grande pauvreté, occupé, pour vivre, à peindre des vaisseaux, ce qui probablement ne serait pas arrivé, s'il fût sorti d'une école renommée avec le talent qu'il aurait dû y acquérir. Mais il eut plus de gloire, puisqu'il fut son propre ouvrage, et il le sentait si bien, que, dans le temps de sa grande réputation, peignant à Athènes le vestibule du temple de Minerve, il y représenta de petits vaisseaux entre les accessoires, pour faire connaître quels avaient été ses commencements ; énigme assez obscure par elle-même, mais dont le grand nom de l'artiste fit transmettre d'âge en âge l'explication. Sa première pauvreté lui fit contracter une vie dure qui fut utile à son talent. Pendant tout le temps qu'il employa à peindre son Jalysus, il ne vécut que de lupins détrempés pour satisfaire sa soif et sa faim. Ce Jalysus était un chasseur, comme on peut en juger par le chien qui l'accompagnait. Pline raconte que Protogènes mit à ce tableau quatre couleurs l'une sur l'autre, pour le défendre de l'injure du temps et de la vétusté, afin qu'une couleur venant à tomber, l'autre lui succédât. Falconet, dont nous avons transcrit ici la traduction qui est précise, observe justement toute la froideur du procédé de peintre quatre tableaux l'un sur l'autre. En effet, de la manière dont Pline s'exprime, le quatrième, le troisième et le second tableau n'étaient que des copies scrupuleuses du premier, qui devait n'être vu qu'après que les trois autres auraient été détruits par le temps. On sait que, quand un peintre traite deux fois le même sujet de la même manière, on préfère le premier tableau à celui qu'on appelle un double, parce que celui-ci n'a pas toute la chaleur, toute la liberté de la première composition. Que faut-il donc penser de quatre tableaux peints l'un sur l'autre, dans lesquels chaque trait, chaque touche, devait être la représentation fidèle de la touche qu'elle couvrait ? Pline ajoute que plus le peintre mettait de soin à bien représenter l'écume du chien haletant, et moins il était satisfait de son travail ; qu'enfin, dans un moment d'impatience, il jeta sur cet endroit l'éponge remplie de couleur avec laquelle il essuyait ses pinceaux, et que le hasard imita parfaitement la nature. Falconet demande si Protogènes jeta quatre fois l'éponge avec le même succès sur les quatre tableaux qui se couvraient l'un l'autre. Tous ces faits, rapportés par des auteurs qui vivaient longtemps après l'artiste, ne méritent aucune confiance. Le conte de l'éponge jetée pour produire de l'écume est rapporté de plusieurs peintres, et peut n'être vrai d'aucun. Il se peut que Protogènes ait peint quatre fois son Jalysus, mettant couleur sur couleur ; et ce procédé, connu des artistes, mais mal entendu par Pline, aura été mal exprimé par cet écrivain. Que le peintre ait mis sept ans à faire la seule figure de Jalysus, cela est encore peu vraisemblable. C'était un artiste très soigneux, et incapable de laisser sortir de son atelier un ouvrage dont il n'aurait pas été satisfait. Il devait donc mettre à peu près le même soin à tous ses tableaux. Or, on sait qu'il avait peint, dans le vestibule du temple de Minerve, Paralus, inventeur des vaisseaux à trois rangs de rames, et Nausicaa, qu'on appelait la Muletière, parce qu'elle conduisait une voiture tirée par des mulets, sujet fourni par l'Odyssée ; qu'il avait peint un Satyre en repos, Cydippe, Tlepolème, Philiscus, poète tragique, occupé à composer une tragédie, un Athlète, le roi Antigone, le portrait de la mère d'Aristote, le Dieu Pan, Alexandre, plusieurs sujets de la vie de ce conquérant, et, sans doute, d'autres tableaux dont les sujets ne sont point parvenus jusqu'à nous. Mais comme on sait que Protogènes finissait excessivement ses ouvrages, qu'Apelles même lui reprochait de ne savoir pas s'arrêter, c'est sur ce fondement qu'on aura établi le récit des sept années employées au Jalysus. Le roi Démétrius, qui craignait d'incendier ce tableau en mettant le feu à la ville de Rhodes qu'il assiégeait, s'abstint de recourir à ce moyen pour assurer sa conquête, en sorte que, pour ménager une peinture, il se priva d'une victoire. Protogènes était alors dans son jardin du faubourg de Rhodes, c'est-à-dire au milieu du camp des assiégeants ; et les combats qui se donnaient ne firent aucune diversion à ses travaux, jusqu'à ce que, mandé par le roi, surpris de la sécurité avec laquelle il travaillait ainsi hors des murs, l'artiste lui répondit qu'il savait bien que Démétrius faisait la guerre aux Rhodiens, et non pas aux arts. Ce prince disposa un corps de garde et des sentinelles autour de ce jardin pour servir de sauvegarde à Protogènes, ne se contentant pas d'épargner ses jours, mais prenant encore à coeur d'assurer contre tout danger les travaux d'un si grand artiste. Il l'envoyait souvent chercher, et pour lui causer une moindre perte de temps, il l'allait voir lui-même, quittant, en sa faveur le personnage d'assiégeant, pour prendre celui d'un amateur et d'un hôte civil ; perdant ainsi de vue son grand objet du siège de Rhodes, il interrompit les attaques et les assauts de la place, pour venir ad-mirer Protogènes le pinceau à la main. Ce fut pendant ce même siège de Rhodes que l'artiste peignit un Satyre dépérissant d'amour. Ce tableau qu'il avait, pour ainsi dire, composé sous le glaive de l'ennemi, fut admiré de toute l'antiquité. L'artiste avait mis deux flûtes dans la main du satyre, comme pour achever de braver, dit Pline, les dangers du siège de Rhodes. Mais le chef-d'oeuvre de Protogènes paraît avoir été son Jalysus, tableau qui fut transporté à Rome, et placé dans le temple de la Paix.

PUBLIUS avait une chienne qu'il aimait beaucoup : de peur que sa dernière heure ne l'enlevât tout entière, dit Martial, Publius en fit le tableau. «Issa (c'était le nom de la chienne) n'était pas plus ressemblante à elle-même que la peinture ; on l'eût prise pour Issa : peinte, elle semblait vivante ; vivante, elle semblait peinte».

PYREISCUS était un peintre de genre qui n'avait à craindre la concurrence d'aucun artiste. C'était dans la boutique des barbiers, des cordonniers, qu'il prenait de préférence les personnages qu'il représentait dans ses tableaux. On y voyait des ânes, des légumes et autres choses semblables. Pline ne veut pas que Pyreiscus ait dégradé son talent en faisant choix de sujets souvent si bas. Il faut qu'en effet cet artiste ait excellé à les peindre, puisqu'ils lui avaient acquis la plus grande réputation. Ses ouvrages étaient plus recherchés, ils étaient plus chèrement payés que les nobles et grandes productions de beaucoup d'autres. Pyreiscus, par le genre qu'il avait adopté, pourrait être comparé aux peintres hollandais. Ce qui ferait croire que les anciens ne manquaient ni de couleur, ni d'exécution, c'est que ces sortes d'ouvrages ne sont guère susceptibles de plaire, quand ils sont dénués de ces parties de l'art. On voit que les Grecs, ainsi que les modernes, avaient du goût pour ces sujets, et les mettaient souvent à plus haut prix que les compositions historiques. Les tableaux de ce genre dominaient entre ceux qu'on a découverts sous les cendres d'Herculanum. Pyreiscus était surnommé Rhyparographe, ou peintre des choses de rebut.

PYRRHON fut peintre avant de s'adonner à la philosophie. Diogène Laërce, qui a écrit sa vie, dit que l'on conservait dans le gymnase d'Elide les tableaux de sa composition, représentant des effets de lumière qui annonçaient beaucoup de talent. Ce qu'avance Diogène Laërce est confirmé par Suidas et Lucien.

PYTHAGORAS, de Samos, était peintre et statuaire ; il avait orné de ses peintures le temple de la Fortune ; on y voyait aussi sept statues de sa composition. Tous ses ouvrages étaient admirés.

PYTHEAS ornait les murailles de ses peintures, dit Philon ; il était de Bura, en Achaïe. Il avait peint un éléphant qu'on admirait à Pergame.

PYTHODIQUE. Son nom est dans la liste des fondeurs du second ordre, et des peintres du premier.

QUINTUS-PEDIUS était petit-fils de C. Pédius, homme consulaire, et décoré des honneurs du triomphe, le même que Jules César avait nommé son héritier, conjointement avec Auguste. Voilà, du moins, un peintre romain d'une naissance très illustre ; mais il était muet de naissance, et Messala l'Orateur, de la même famille que l'aïeul de Quintus-Pédius, avait conseillé de lui enseigner la peinture, comme un moyen de lui rendre son infirmité moins pénible. Ce conseil fut approuvé par Auguste. Quintus-Pédius faisait déjà de grands progrès, lorsqu'il mourut. Cet exemple ne prouve pas que la peinture, considérée comme profession, fût alors estimée à Rome : il s'agissait moins de choisir un état au jeune homme muet et incapable des fonctions de la société, que de lui trouver une occupation dont il pût s'amuser. Cependant, comme l'esprit national changea chez les Romains sous la domination des empereurs, on peut croire que la profession des artistes acquit alors plus de considération. Les Romains, du temps de la république, n'étaient animés que de l'esprit de liberté et de celui de conquêtes : quand ces deux passions furent affaiblies, celle des arts put trouver place dans leurs âmes. On n'osait pas, sans doute, mépriser les arts sous le règne de Néron, qui se faisait gloire d'être artiste lui-même.

RUFUS paraît avoir été un peintre qui s'était fait une manière très expéditive. Il est mis en scène d'une manière assez plaisante dans une épigramme de l'Anthologie grecque.

RUTUBA, mauvais peintre du siècle d'Auguste, dont Horace se moque dans sa septième satire.

SAURIAS inventa, dit Athénagoras, la sciagraphie, et doit, par conséquent, partager la gloire des premiers inventeurs de la peinture linéaire.

SERAPION faisait de très grands tableaux ; mais il ne représentait que des décorations, de l'architecture. Un seul de ses tableaux, selon Varron, suffisait pour masquer toute une colonnade avec sa balustrade. Son talent l'abandonnait quand il fallait peindre des figures.

SILLAX avait représenté le combat naval qu'on voyait dans le port de Phliunte. Athénée rapporte que Polémon-Percégète donnait la description de cette peinture dans le livre qu'il avait adressé à Adaee et à Antigone. Simonide et Epicharme, selon le même Athénée, avaient fait l'éloge de Sillax, ce qui fait présumer que c'était un peintre habile.

SIMONIDE avait représenté Agatharque et Mnémosyne. L'Agatharque, peint par Simonide, était, selon quelques-uns, le commandant de la flotte des Syracusains, dont parle Thucydide ; d'autres veulent que ce soit Agatharque qui dressa le premier un théâtre à Athènes pour les tragédies d'Eschyle, et qui écrivait sur la scène tragique.

SIMUS représenta un Jeune homme qui se reposait dans la boutique d'un foulon ; un personnage célébrant la féte des Panathénées, et une Némésis d'une rare beauté.

SOCRATE avait représenté Esculape avec ses filles Hygia, Eglé, Panacée. On avait aussi de lui un tableau que les Grecs nommaient Ocnos, et que Pline appelle le Paresseux. Il aurait dû plutôt le nommer le Négligent, le Distrait. Il représentait un homme filant une corde qu'un âne rongeait à mesure qu'il la tordait. Cet homme n'était donc pas paresseux, puisqu'il s'occupait ; mais il était distrait, puisqu'il ne s'apercevait pas qu'un âne détruisait son ouvrage à mesure qu'il croyait l'avancer. Les ouvrages de Socrate étaient fort recherchés des Grecs. Il est probable que cet artiste avait été disciple de Pausias. Il ne faut pas le confondre avec Socrate le statuaire, quoique plusieurs écrivains aient pensé que le peintre et le statuaire ne faisaient qu'un seul artiste.

SOPOLIS, SOPYLUS ou SOPYLON, célèbre peintre de portraits, florissait à Rome au commencement du dernier siècle avant notre ère : il était contemporain de Lala, dont il eut la douleur de voir les ouvrages payés plus cher que les siens. Il paraît cependant qu'il était très en vogue ; car Pline dit de lui et de Denys, qu'ils avaient rempli les galeries de portraits de leur façon.

STADIUS ou SLADICUS, élève de Nicosthène, est mis au nombre des peintres du troisième ordre.

SYMNUS. Ce peintre ne nous est connu que par la mention qu'en fait Hippocrate, qui le nomme à propos d'une de ses esclaves dont il parle dans son Traité des épidémies.

SYROPERSA, revêtu de l'habit ecclésiastique, exécuta, sur l'ordre de l'empereur Anastase, un tableau dans lequel il avait représenté des figures monstrueuses, et tout à fait différentes des images que les ecclésiastiques faisaient peindre. Anastase trouvait plaisant de faire exécuter de ces sortes de caricatures dans son palais. Mais, pour cette fois, les figures peintes par Syropersa excitèrent un violent mouvement parmi le peuple de Constantinople.

TAURISQUE avait peint un Discobole, une Clytemnestre ; un Panisque ou petit Pan, Polynice redemandant le trône, et Capanée.

TELEPHANES, de Sicyone, se bornait à tracer au pinceau de simples contours, au milieu desquels il jetait d'autres traits, mais avec si peu d'art, qu'il était obligé d'écrire à côté de chaque portrait le nom de la personne qu'il avait voulu représenter.

THALES. Diogène Laërce, dans la Vie du philosophe de ce nom, passe en revue cinq Thalès, parmi lesquels se trouve le peintre que nous plaçons ici, Laërce dit qu'il était de Sicyone, et lui donne la qualification de Magnanime.

THEODORE était contemporain de Démétrius, et est, vraisemblablement, celui à qui Diogène Laërce donne Athènes pour patrie. Il avait peint un homme qui se frottait d'huile en sortant du bain ou avant de s'exercer à la lutte ; Clytemnestre et Egisthe tués par Oreste ; la Guerre de Troie dans une suite de plusieurs tableaux qui furent apportés à Rome, et placés dans le portique de Philippe. Il avait peint aussi Cassandre. Ce tableau était placé à Rome, dans le temple de la Concorde. On avait encore de lui Démétrius et Leontium, au moment où cette maîtresse d'Epicure était livrée à la méditation. Pline parle d'un Théodore de Samos, élève de Nicostènes, et Diogène Laërce parle d'un peintre natif d'Ephèse qui se nommait aussi Théodore.

THEODORE, de Samos, est cité par Pline comme un peintre du troisième ordre, qui avait conservé de son temps de la réputation. Il était élève de Nicostènes. Diogène Laërte compte vingt Théodore dans la Vie du philosophe de ce nom : trois furent peintres. Polémon, qui avait écrit sur la peinture, faisait l'éloge de l'un ; Ménodote avait loué l'autre, qui était d'Athènes ; le troisième était d'Ephèse. Théophane en parlait dans son livre de la peinture.

THEOMNESTE, contemporain d'Asclépiodore, reçut 10,000 deniers (4,000 fr. de notre monnaie) pour chacun des héros qu'il peignit pour Mnason, tyran d'Elatée ; le P. Hardouin, dans son édition de Pline, prétend que cet artiste est le même que le statuaire Théomneste.

THEON, de Samos, se distingua par la singularité de ses conceptions, auxquelles les anciens donnèrent le nom de fantaisies. Ils ne prêtaient pas à ce mot le même sens que nous, et paraissent même, par rapport aux arts, y avoir joint une idée de désapprobation, comme nous faisons au mot bizarre. Par exemple, Théon peignit Oreste furieux, enfonçant le poignard dans le sein de sa mère, et l'on voit par un passage de Plutarque, que les anciens désapprouvaient le choix de ce sujet. Combien de tableaux admirés par les modernes, que les Grecs auraient placés dans la classe des fantaisies et des bizarreries atroces ! Des tableaux représentant la Folie simulée d'Ulysse, Médée donnant la mort à ses enfants, ont été rangés dans cette classe par le sage Plutarque. Théon avait peint un Guerrier, qui, l'épée nue à la main, l'air menaçant, l'oeil égaré, semblait animé de la fureur des combats. Cette figure était seule dans le tableau : le peintre, homme d'esprit, sentit le pouvoir que devaient avoir sur un peuple assemblé les efforts des deux arts réunis, et ne permit de lever la toile qui cachait son tableau, qu'après avoir fait sonner la charge à un trompette. La multitude, animée par cette musique vive et guerrière, en confondit l'impression avec celle que lui causait le tableau. Le moyen était adroit ; mais un peintre, pour remuer l'âme des spectateurs, ne doit employer d'autres ressorts que ceux de son art ; toute autre ressource ne lui procure que des succès d'un moment. Pline cite avec éloge deux autres tableaux de Théon, le Joueur de flûte et Thamyras.

THERIMAQUE fut un peintre célèbre qui vivait dans la CVIIe olympiade : c'est tout ce qu'on sait de cet artiste.

TIMAENETUS est mentionné par Pausanias pour avoir peint un Musaeum.

TIMAGORAS fut contemporain de Phidias, et disputa au frère de ce grand artiste le prix de la peinture aux jeux Pythiens, et, malgré l'habileté de son concurrent, eut la gloire de l'emporter sur lui. Timagoras avait lui-même consigné son triomphe dans des vers de sa composition.

THIMANTHE était de Sicyone, dans le Péloponèse, et, selon quelques-uns, de Cythnos, dans l'Attique ; il fut vainqueur de Parrhasius, au jugement du peuple. Né dans un temps où l'on commençait à faire une étude de l'expression, il chercha à se distinguer dans cette partie. Il ne négligea pas non plus ce que, dans les arts, on nomme des pensées ; ce fut ainsi qu'ayant représenté dans un fort petit tableau un Cylope endormi, et, voulant faire connaître que cette petite figure de cyclope était celle d'un géant, il peignit des satyres beaucoup plus petits qui mesuraient son pouce avec leurs thyrses. Les éloges des orateurs firent beaucoup valoir son tableau du Sacrifice d'Iphigénie. Il avait représenté tous les spectateurs affligés, et avait surtout épuisé les caractères de la tristesse sur la figure de Ménélas, oncle de la jeune princesse ; il mit un voile sur le visage du père qu'il ne pouvait montrer dignement, patris ipsius vultum celavit, quem digne non poterat ostendere. C'est ainsi que s'exprime Pline, et ses expressions sont au-dessus de la critique. On sait que les anciens trouvaient indécent de se montrer dans une extrême douleur, et qu'ils se couvraient la tête de leurs manteaux, quand ils n'avaient pas la force de dompter les troubles de leur âme. Suivant les principes de cette décence, Timanthe ne pouvait montrer dignement Agamemnon, qu'en le couvrant d'un voile; Pline a mesuré tous ses termes : il dit que le peintre avait épuisé sur les autres figures l'expression de la tristesse ; mais il y a loin de la tristesse à l'expression de l'extrême douleur. Cicéron, Quintilien, Eustathe, prétendent que Timanthe, après avoir épuisé sur les autres personnages l'expression de la douleur, fut obligé de voiler son Agamemnon ; Valère-Maxime s'exprime d'une manière qui paraît s'accorder mal avec les principes des Grecs sur les convenances de l'art. Il prétend que le peintre avait représenté Calchas triste, Ulysse affligé, Ajax criant, Ménélas se lamentant, et que, ne pouvant plus caractériser la douleur du père, il le couvrit d'un voile. Croira-t-on qu'un peintre grec qui respectait le caractère de la décence et celui de la beauté, ait représenté des princes criant et se lamentant comme des esclaves qui se livrent sans frein à toutes leurs passions, à toutes leurs affections ? Aurait-il donné à des princes une faiblesse qu'il n'aurait pas osé prêter à la dernière femme de Sparte ? On présume que Cicéron, Quintilien et Eustathe n'avaient pas vu le tableau de Timanthe, qui ne paraît pas avoir été du nombre de ceux qui eurent une longue durée, et qui furent apportés à Rome. On peut croire aussi que Pline ne l'avait pas vu ; mais que, dans la description qu'il en a donnée, il a suivi quelque auteur grec à qui le tableau était bien connu. Timanthe s'était montré bon peintre d'expression, en épuisant sur les divers personnages le caractère de la tristesse ; il avait senti que la tristesse ne suffisait pas pour peindre la situation du père, que cependant il ne pouvait le montrer dignement dans les crises de la douleur, et il prit le parti de le voiler. C'est cette délicatesse et ce sentiment des convenances dont Pline fait l'éloge : mais les autres nous montrent un peintre qui, ayant épuisé tout son art sur les figures subalternes, ou du moins secondaires, ne sait plus comment traiter sa figure principale, et la couvre d'un voile. Ils font un grand éloge de cette ressource, qui ne serait que celle de la stérilité. Suivant eux, c'est une sublime invention que ce voile ; mais comme l'a fort bien remarqué Daléchamp, cette invention appartient à Euripide. On voyait à Rome un tableau de Timanthe qu'on regardait comme un ouvrage achevé ; il représentait un héros.

TIMARETE, fille de Micon le Jeune, qu'il ne faut pas confondre avec l'ancien Micon, quoiqu'il fût ancien lui-même, avait peint Diane dans un tableau qui était à Ephèse.

TIMOMAQUE, de Byzance, était contemporain de Jules César. Il peignit pour ce dictateur un Ajax furieux et une Médée massacrant ses enfants, sujet condamné par Plutarque, sans doute parce que les Grecs ne voulaient pas que l'art consacrât des actions atroces. César paya 80 talents attiques, de 6000 deniers chacun (360,000 fr. de notre monnaie), ces deux tableaux, qu'il plaça dans le temple de Vénus Genitrix. Une somme si considérable donnée pour deux tableaux à un peintre vivant, prouve que l'artiste jouissait d'une haute réputation, et que l'art ne passait pas encore pour avoir dégénéré dans les derniers temps de la république romaine, car on aurait pu se procurer des tableaux anciens du même prix. La Médée de Timomaque a été célébrée, par des poètes grecs, dont les pièces sont dans l'Anthologie : l'une d'elles nous apprend que ce tableau était à l'encaustique. L'auteur mourut avant qu'il fût entièrement terminé. Une Gorgone était regardée comme le chef-d'oeuvre du peintre. On vantait également ses compositions représentant Oreste, Iphigénie en Tauride, Lecythion, maître à voltiger, deux personnages revêtus de leurs manteaux, l'un debout, et l'autre assis. Il semblait qu'ils allaient parler.

TLEPOLEME est un peintre nommé par Cicéron, dans sa quatrième Verrine : il en parle comme d'un peintre très habile.

TURPILIUS, chevalier romain, de la contrée de Vénétie, avait cultivé la peinture avec succès. On admirait, du temps de Pline, à Vérone, plusieurs de ses ouvrages.

VALENTINIEN peignait et modelait agréablement, dit Ammien-Marcellin.

XENON, de Scyone, était élève de Néoclès ; il tenait une place honorable parmi les peintres du troisième ordre.

ZEUXIPPE. Platon parle dans son Protagoras d'un très bon peintre de ce nom. Il était d'Héraclée. Etait-il le même que Zeuxippe le statuaire ? Dujonc est tenté de le croire, parce qu'il est constant, dit-il, que les anciens artistes cultivaient avec un égal succès la peinture et la sculpture. Quelques savants ont prétendu que les bains de Byzance avaient été appelés Zeuxippe, parce qu'ils avaient été construits dans un lieu où se voyait une statue de cet artiste.

ZEUXIS, d'Héraclée, était, suivant Aristote, cité par Suidas, contemporain d'Isocrate, qui mourut dans un âge très avancé, 378 ans avant notre ère, dans la troisième année de la XCe olympiade. Il reçut un défi de Parrhasius, contemporain de Socrate, et ce philosophe mourut 400 ans avant notre ère : on peut donc croire qu'il fleurit entre la XCe et la XCVe olympiade. Peut-être plus jeune que Polygnote, il était son contemporain. Zeuxis, défié par Parrhasius, apporta des raisins peints que des oiseaux vinrent becqueter. Parrhasius montra de son côté un rideau peint, que son rival le pria de tirer, afin qu'on pût juger de son ouvrage. Zeuxis se déclara vaincu, parce que lui-même n'avait trompé que des animaux, et que Parrhasius avait trompé un peintre. Ce n'est pas sur ces petites illusions d'un moment que l'on juge des ouvrages de l'art. Ce n'est pas sur la représentation d'une grappe de raisin et d'un rideau que les plus grands peintres d'un siècle florissant par les arts se disputent le prix. Ce n'est pas l'illusion que causent les tableaux de nos grands maîtres qui leur a obtenu le degré d'admiration que nous leur accordons. Les tableaux de Raphaêl, par exemple, sont souvent très éloignés de produire cet effet. Envisagés sous le premier aspect qu'ils présentent à l'oeil, il n'en est presque aucun, si on ose l'avouer, qui, quelque artifice qu'on y voulût employer, trompât l'oeil autant qu'un tableau de l'artiste le plus médiocre, mais qui n'aurait songé qu'à imiter le vrai. Il y a même plusieurs ouvrages de ce grand peintre, dont le premier aspect n'a rien d'attrayant pour quiconque n'est pas connaisseur et même savant dans le dessin ; car les beautés de Raphaêl sont de nature à étonner plus les artistes qu'à séduire le commun des hommes.

En supposant que l'anecdote des raisins de Zeuxis et du rideau de Parrhasius ait quelque fondement, elle peut nous faire apprécier les progrès que l'art avait faits dans les petites parties nécessaires à des illusions semblables. Ce qui pourrait nous donner une plus haute idée du talent de Zeuxis, ce sont les vers que le peintre Apollodore fit à sa louange, et dont Pline nous a conservé le sens : il s'y plaignait que cet émule lui avait enlevé l'art, et se l'était réservé. Il était beau d'être loué par un artiste qui a reçu lui-même tant d'éloges. Zeuxis avait peint une Centauresse allaitant deux jumeaux. C'est Lucien qui nous fait connaître ce tableau. L'original n'existait plus de son temps. Il avait péri lorsque Sylla voulut l'envoyer à Rome par mer ; mais une belle copie s'en était conservée : toute la partie de la jument était couchée sur l'herbe, les jambes postérieures étendues en arrière. La partie de la femme était mollement penchée et appuyée sur le coude. La centauresse allaitait un de ses petits à la manière des femmes. Elle représentait par la partie inférieure une belle jument indomptée de la Thessalie, et par sa partie supérieure une femme de la plus grande beauté, mais les oreilles ressemblaient à celles des satyres. La partie féminine s'unissait à celle de jument par un passage doux et insensible. Le cabinet d'Herculanum possède le tableau d'une Centauresse. Elle porte une jeune Bacchante, qu'elle affermit sur sa croupe en lui passant sa main droite sous le bras. Ses oreilles sont pointues, mais assez petites pour ne pas rendre sa tête difforme. C'était vraisemblablement de pareilles oreilles qu'avait la Centauresse de Zeuxis, et que Lucien comparait à celles des satyres.

Zeuxis ne paraît pas s'être principalement occupé, comme Polygnote et Micon, de grandes compositions sur des murailles ; il se plut à faire des tableaux d'un petit nombre de figures, et ce genre a été préféré par ses successeurs. Ses principaux ouvrages, étaient une Pénélope, dans laquelle, suivant Pline, il paraissait avoir peint les moeurs de cette princesse, ce qui suppose plus de talent dans l'expression qu'Aristote ne lui en accorde ; un Athlète ; un Jupiter sur son trône, entouré des dieux ; un Hercule enfant, qui étrangle des serpents en présence d'Amphitryon et d'Alcmène ; une Hélène ; un Marsyas lié. Chargé de faire une Hélène nue pour les Crotoniates, il choisit les cinq plus belles filles de ce peuple, pour réunir dans une seule figure ce que chacune d'elles avait de plus beau. Ce fut ainsi que les Grecs, chez qui la nature était féconde en beaux modèles, parvinrent à élever les ouvrages de l'art à la plus haute beauté. Quoique les peintres, longtemps avant Zeuxis, employassent différentes couleurs, il fit des peintures monochromes ou camaïeux en blanc sur un fond brun. C'est le procédé contraire de celui de Polydore de Caravage, qui faisait enduire de noir une muraille, et la peignait en enlevant le noir par hachures. Zeuxis acquit de grandes richesses, et s'en servit pour étaler un faste imposant : il se montrait aux jeux Olympiques avec un manteau sur lequel son nom était brodé en lettres d'or. Dès lors il fit présent de ses ouvrages, croyant qu'ils ne pouvaient être payés dignement. Si l'on blâme son orgueil, on peut avoir quelque estime pour sa fierté ; elle ne messied point aux grands talents. On aime à voir le peintre Zeuxis imposer de la reconnaissance au roi Archélaüs, à qui il fit présent d'un tableau qui représentait le dieu Pan. Il donna aussi une Alcmène aux Agrigentins. Ce peintre faisait des modèles en argile. On transporta à Rome ceux qui représentaient les Muses. Marius Victorinus, qui vivait au milieu du IVe siècle de notre ère, dit qu'il existait encore des ouvrages de Zeuxis, ce qui suppose une durée de sept siècles et demi. Un grand nombre d'ouvrages de nos premiers peintres, dont les plus anciens ont à peine trois siècles, sont déjà détruits ou dégradés par la vétusté. Pline reproche à Zeuxis d'avoir fait les têtes trop fortes, et Quintilien d'avoir généralement chargé les membres de ses figures.

Quintilien nous apprend que les anciens peintres s'étaient imposé la loi de donner à leurs dieux et à leurs héros la même physionomie et le même caractère que Zeuxis leur avait donnés, ce qui le fit nommer Législateur. Ille vero ita circumscripsit omnia, ut eum legum latorem vocent, quia deorum et heroum effigies quales ab eo sunt traditae, caetero tanquam ita necesse sit sequuntur.


Cet ensemble de notices biographiques a été publié dans le tome Peintures antiques de la Galerie complète des tableaux des peintres les plus célèbres, Firmin-Didot (1872)