ACCIUS PRISCUS vivait du temps de Vespasien, et
était compté au nombre des bons peintres de
cette époque. Il approchait, selon Pline, de la
manière antique. Il avait peint, avec Cornélius
Pinus, le temple de l'Honneur et celui de la Vertu,
rebâtis par l'empereur Vespasien.
AETION fut-il contemporain d'Apelles, de
Protogènes et de Nicomaque ? Nous n'avons, pour
l'affirmer, qu'un passage de Cicéron, qui le nomme
avec ces artistes, sans dire cependant qu'il ait vécu
dans le même temps. Ce que ce passage permet de
soutenir avec plus d'assurance, c'est que, s'il ne fut pas
leur contemporain, ii fut du moins leur égal ; et le
témoignage de Cicéron est appuyé de
celui de Lucien. Du temps de celui-ci, on voyait encore en
Italie un tableau d'Aëtion qui représentait les
Noces d'Alexandre et de Roxane. L'appartement
était de la plus grande beauté, ainsi que le
lit sur lequel Roxane était assise, tenant les yeux
fixés sur la terre : cette expression peignait en
même temps la pudeur de la jeune épouse et le
respect que lui inspirait le héros. Un Amour
placé derrière Roxane lui enlevait en riant son
voile, et la montrait à son époux ; un autre
ôtait une des sandales du prince, comme pour l'inviter
à prendre place sur le lit ; un autre le prenait par
son manteau et le tirait vers Roxane. Alexandre
présentait une couronne à la princesse.
Héphestion tenait le flambeau nuptial, et s'appuyait
sur un adolescent d'une grande beauté qui
représentait l'Hymen. Toute la scène inspirait
la gaieté, tous les Amours étaient riants ; ils
se jouaient avec les armes d'Alexandre : on en voyait deux
qui portaient sa lance ; ils pliaient sous le poids, comme
des ouvriers qui portent une poutre ; deux autres en tiraient
un troisième qui était couché sur le
bouclier, comme s'ils eussent traîné en triomphe
le héros lui-même ; un autre encore, pour les
effrayer quand ils passeraient près de lui,
s'était caché dans la cuirasse. Aëtion
exposa ce tableau aux jeux Olympiques, et Proxenidès,
qui cette année était le juge des jeux, fut si
charmé de l'ouvrage, qu'il donna sa fille à
l'auteur. Lucien ne dit que par conjecture que l'enfant sur
lequel s'appuyait Héphestion était un
Hyménée, et il remarque que le nom de cette
figure n'était point écrit. Les Grecs avaient
donc conservé, même dans les beaux
siècles de l'art, la coutume barbare d'écrire
sur les tableaux les noms des personnages qui y
étaient représentés. On retrouve encore
cet usage dans un tableau d'Herculanum, ouvrage d'Alexandre
d'Athènes. Lucien avait vu en Italie le tableau
d'Aëtion, qui représente les Noces d'Alexandre et
de Roxane; il en fait une description brillante,
d'après laquelle Raphaël a tracé une de
ses plus riches compositions.
AGATHARQUE, de Samos, était fils
d'Eudème, et fut un peintre célèbre.
Nous voyons par une réponse que lui fit Zeuxis, et qui
est rapportée par Plutarque dans la Vie de
Périclès, qu'il était le
contemporain de ce grand artiste. Plutarque dit ailleurs
qu'Alcibiade fit emprisonner Agatharque, mais n'en fait pas
connaître le motif ; il ajoute que plus tard le peintre
peignit sa maison, et fut comblé de présents.
Vitruve raconte qu'Agatharque fut le premier qui fit à
Athènes, par les conseils d'Eschyle, une scène
tragique, et qu'à son exemple Démocrite et
Anaxagoras firent un traité sur la perspective
théâtrale.
AGLAOPHON, qu'il ne faut pas confondre avec le
père de Polygnote, est honorablement mentionné
par Pline, qui le fait vivre dans la XCe olympiade, et par
Quintilien, qui le met sur le même rang Polygnote. Ses
tableaux ont un autre mérite que celui de
l'antiquité ; ces premiers essais, ces
premières ébauches de l'art, ont
conservé, dit-il, dans l'estime des connaisseurs, le
même rang que les ouvrages plus achevés qui sont
venus après eux.
AGLAOPHON, de Thasos, eut la gloire de former par ses
leçons le célèbre Polygnote. Alcibiade,
revenu d'Olympie à Athènes, exposa en public
deux tableaux d'Aglaophon : dans l'un, le peintre l'avait
représenté couronné par Pythias et
Olympias ; dans l'autre, il était sur les genoux de
Némée assise ; les traits de sa figure
étaient plus fins et plus délicats que ceux
d'une femme. Plutarque, dans la Vie d'Alcibiade,
attribue ce grand tableau à Aristophon ;
Athénée dit, au contraire, qu'il est
d'Aglaophon ; Grégoire de Nazianze met cet artiste au
rang des peintres les plus distingués.
ALCIMAQUE peignit l'athlète Dioxippe, qui fut
vainqueur sans poussière, et à toutes sortes de
luttes, aux jeux Olympiques, et vainqueur également
à toutes sortes de combats mais avec poussière,
aux jeux Néméens. Pour bien comprendre ces
mots, il faut se rappeler que vaincre de prime abord et sans
exciter de poussière, ainsi que nous l'apprend Elien,
était la suprême gloire de ces jeux.
Athénée parle quelque part de ce
Dioxippe.
ALCISTHENE avait peint un danseur ; il est mis par
Pline au nombre des peintres du troisième ordre, qui
avaient acquis une juste réputation.
AMPHION fut un peintre très habile ; Apelles se
reconnaissait inférieur à lui pour
l'ordonnance. Amphion florissait dans la CVIIIe
olympiade.
AMULIUS vivait sous Néron, la gravité de
ce peintre, qui ne quittait pas même la toge pour
travailler, peut faire croire qu'il n'était pas d'une
condition commune. La même décence qu'il
observait sur sa personne se remarquait dans ses ouvrages.
C'était un peintre à la fois
sévère et brillant. Je ne sais pourquoi Pline
l'appelle peintre de sujets communs, humilis rei
pictor, lorsque entre ses ouvrages il fait mention d'une
Minerve qui regardait le spectateur de quelque
côté qu'on l'examinât. Ce n'est point,
sans doute, un sujet humble et commun que la
représentation de la plus sage, la plus imposante, et
l'une des plus belles des déesses. Amulius ne donnait
chaque jour que quelques heures à la peinture. On
voyait peu de ses tableaux, parce que, occupé
constamment par Néron, la maison dorée de ce
prince fut la prison du talent de l'artiste. Isaac Vossius
veut que ce peintre se soit appelé Fabullus, et que ce
soit par erreur que dans quelques manuscrits de Pline on ait
écrit Amulius.
ANAXANDER, peintre du troisième rang,
cité par Pline, comme ayant eu de la
réputation.
ANAXANDRA était fille du peintre
Néalcès. On ne sait rien de plus sur cette
femme artiste. Didyme et Clément d'Alexandrie n'en
parlent qu'en passant.
ANDREAS, peintre du Bas-Empire, cité par
Cedrenus.
ANDROBIUS peignit Scyllis coupant les ancres
des câbles de la flotte des Perses. Ce Scyllis
était un excellent plongeur, dont il est fait mention
dans Pausanias et dans Strabon, et qu'Apollonidas a
loué dans une épigramme qu'on lit dans
l'Anthologie grecque.
ANDROCIDES, de Cyzique, était contemporain de
Zeuxis ; il se fit une réputation dans ce que nous
appelons peinture de genre. On parlait avec
éloge des monstres marins qu'il avait peints autour de
Scylla. Il y a tout lieu de soupçonner que l'art avait
fait encore de bien faibles progrès dans la couleur et
dans le maniement du pinceau, et qu'Androcides ne
méritait pas la réputation qu'il a obtenue ;
car ce sont ces deux parties de l'art qui donnent de la
valeur au genre qu'il exerçait. Un autre peintre du
même nom peignit, à Thèbes, un tableau de
bataille, qu'il fut obligé d'abandonner, sans le
finir, lors de la révolte des Thébains contre
Sparte. Ce tableau fut ensuite consacré dans un temple
par le conseil de Ménéclyde, orateur, ennemi de
Pélopidas, qu'il croyait humilier par là ; car
la victoire que le peintre avait représentée
avait été remportée par un autre
général.
ANTIDOTE, disciple d'Euphranor, et selon Pline, de
Cydias, vivait dans la CIVe olympiade, 364 ans avant
Jésus-Christ. Ce peintre paraît avoir eu plus
d'exactitude que de fécondité. Sa couleur
était sévère. Il avait peint, à
Athènes, un Guerrier qui se servait de son
bouclier pour combattre, un Lutteur et un Joueur de
flûte. Les Grecs louaient ce dernier tableau comme
une des meilleures productions de l'art ; mais ils
regardaient comme un titre plus glorieux encore pour Antidote
d'avoir été le maître de Nicias
d'Athènes.
ANTIGONE, mentionné par Pline, avait
cultivé la peinture.
ANCIPHILE, né en Egypte, avait travaillé
en grand et en petit. On cite de lui des sujets qui, s'ils
étaient traités d'une manière conforme
à sa réputation, exigeaient de la
beauté, tels que son Hésione, sa
Minerve, et son Bacchus ; d'autres, qui
demandaient de l'expression, tels que Hippolyte saisi
d'effroi à la vue du taureau envoyé contre
lui. Il avait peint une figure ridicule qu'il appelait en
riant gryllos, le pourceau : c'est de là que
les anciens ont nommé grylles les peintures
comiques que les modernes appellent bambochades.
Pline, livre XXXV, chapitre 10, Théon le Sophiste et
Varron placent cet artiste dans la première classe, ce
qui a engagé Falconet à faire un autre
Antiphile de celui que Pline, chapitre 11, a nommé
entre les peintres qui ont approché des plus grands
maîtres : mais on peut supposer à Pline une
distraction dont Falconet ne devait pas le croire incapable.
Comme Antiphile approchait beaucoup des plus grands
maîtres par le talent, Pline l'aura placé avec
eux ; et, dans un autre chapitre, songeant qu'il leur
était cependant inférieur, il aura pu le mettre
dans la seconde classe, et oublier de rectifier ce qu'il
avait déjà écrit. Ce qui ferait
présumer que l'Antiphile des deux chapitres est un
même homme, c'est que celui que Pline a placé
dans la première classe était d'Egypte, et que
celui qu'il range ensuite dans la seconde a peint
Ptolémée, roi d'Egypte, chassant ;
d'où l'on peut conclure qu'il est encore le même
que le peintre Antiphile dont parle Lucien, qui était
attaché au roi Ptolémée, et qui, jaloux
d'Apelles, osa l'accuser d'être entré dans une
conspiration : calomnie qui aurait coûté la vie
au peintre chéri d'Alexandre, s'il n'avait
été justifié par la déposition
des conjurés. On distinguait entre les ouvrages du
second, ou du seul Antiphile, un très beau
Satyre, couvert d'une peau de panthère, et un
jeune Homme soufflant un feu, qui éclairait en
même temps sa bouche et l'appartement. Il avait peint
Alexandre et Philippe avec une Minerve ; ce tableau,
ainsi que celui d'Hésione, était
à Rome, dans l'école publique qui faisait
partie des portiques qu'Auguste avait fait construire sous le
nom de sa soeur Octavie. On voyait pareillement de lui, dans
le portique de Philippe, un Bacchus, un Alexandre
enfant ; et dans le portique de Pompée, un
Cadmus et une Europe. Antiphile s'était
formé sous Ctésidème.
ANTISTIUS LABEO avait été préteur
et même proconsul de la province narbonnaise. Il se
faisait gloire des petits tableaux qu'il peignait : mais ce
talent, dont il tirait vanité, et qui paraît
n'avoir été que très médiocre, ne
lui attirait que des risées et du mépris. Il
mourut fort âgé sous Vespasien.
ANTOBULE fut élève d'Olympias. Le
maître et le disciple ne sont connus que par leur nom,
que Pline nous a conservé.
ANTONIN reçut des leçons de peinture de
Diognète. Julius Capitolinus rapporte que cet empereur
employait ses loisirs à peindre.
ANTORIDES est mis au nombre des meilleurs
élèves d'Aristide, de Thèbes. Un autre
peintre de ce nom avait été élève
de Persée.
APATURIUS peignit des projets d'édifices.
Vitruve donne la description d'un de ses ouvrages, qu'il
censure avec raison.
APELLES, né à Ephèse, mais
originaire de Colophon, était fils de Pythius et
frère de Ctésiochus. De tous les peintres de
l'antiquité ce fut celui qui jouit de la plus grande
célébrité. Pline et Ovide lui donnent
pour patrie l'île de Cos. Par les livres qu'il
écrivit sur son art, et qu'il adressa à son
élève Persée, il contribua aux
progrès de la peinture. Pamphile, son maître,
avait aussi écrit sur l'art de peindre et sur les
peintres. Jamais artiste n'étudia son art avec autant
de soin qu'Apelles. Quelque affaire dont il pût
être occupé, il ne laissait passer aucun jour
sans faire quelques études. Il avait eu d'abord pour
maître Ephore d'Ephèse : curieux de se former
à une plus grande école, il entra dans celle de
Pamphile. Après y avoir passé dix années
entières, et jouissant déjà de
l'admiration des connaisseurs, il ne put être satisfait
qu'il n'eût visité l'école de Sicyone,
qui se soutenait encore, et qui passait même pour
conserver seule les grands principes de la beauté.
Malgré la réputation qu'il s'était
déjà faite par ses ouvrages, il ne crut pas
s'humilier en donnant un talent aux peintres de cette
école, pour en recevoir des leçons. Plutarque
ajoute, il est vrai, qu'il songeait plutôt à
partager leur gloire que leurs lumières, dont il
n'avait pas grand besoin. Il fallait alors, pour imposer
silence aux malveillants, avoir fréquenté
l'école de Sicyone, comme à présent, il
faut avoir été à Rome. Quand il avait
terminé un ouvrage, il l'exposait en public, non pour
respirer la fumée des éloges, mais pour
écouter la critique, et profiter de ses observations.
Il avait même soin de se tenir caché
derrière le panneau, pour que sa présence ne
gênât pas les propos des spectateurs.
Critiqué un jour par un cordonnier, parce qu'il avait
mis une courroie de moins qu'il n'en fallait à une
chaussure, il corrigea le tableau, et l'exposa le lendemain.
Le cordonnier, fier de s'être montré si bon
juge, s'avisa de critiquer la jambe ; mais alors Apelles se
montra, et lui dit : «Cordonnier, ne montez pas plus
haut que la chaussure». Ce bon mot est passé en
proverbe. Quoiqu'il ne craignit pas, et que même il
cherchât la critique, et que d'ailleurs il fût de
la plus grande politesse, il se permettait quelquefois de
railler ces hommes qui croient devoir être connaisseurs
dans les arts, parce qu'ils sont riches, et placés aux
premiers rangs de la société. Un jour qu'un
prêtre du temple de Diane, à Ephèse, se
trouvait dans l'atelier du peintre, il s'avisa de raisonner
sur la peinture. «Prenez garde, Mégabise, lui
dit Apelles, il y a là de petits broyeurs de couleurs
qui vous entendent, et se moquent de vous». Pline
prétend que ce mot fut adressé à
Alexandre : c'est faire l'éloge du prince qui ne s'en
offensa pas. Apelles aimait à railler. Un de ses
élèves lui montra un jour une
Hélène qu'il avait chargée d'or :
«Jeune homme, lui dit-il, ne pouvant la faire belle, tu
l'as faite riche» ; Un peintre lui faisait voir un
méchant tableau, et se ventant de n'avoir mis que peu
de temps à le faire : «Je le crois bien, lui dit
Apelles, et tout ce qui m'étonne, c'est que, dans le
même temps, vous n'avez pas fait encore plus
d'ouvrage». Le cheval d'Alexandre hennit par hasard
devant un portrait de ce prince fait par Apelles, et dont le
héros n'était pas content. «Votre cheval,
lui dit le peintre, se connaît mieux que vous en
peinture». On a beaucoup parlé de son voyage
à Rhodes, de sa visite au peintre Protogènes
qui y demeurait, et qu'il ne trouva pas ; de la ligne fine
qu'il traça sur un panneau, que Protogènes, de
retour, fendit par une ligne encore plus fine, et qu'Apelles
refendit par une ligne plus subtile encore. Voici comment
Pline raconte le fait : «Apelles étant
abordé à Rhodes, avide de connaître par
ses ouvrages un homme qu'il ne connaissait que par sa
réputation, alla d'abord à l'atelier de
Protogènes. Celui-ci était absent ; mais une
vieille gardait seule un fort grand panneau, disposé
sur le chevalet pour être peint. Elle lui dit que
Protogènes était sorti et lui demanda son nom.
«Le voici», dit Apelles, et, prenant un pinceau,
il conduisit avec de la couleur, sur le champ du tableau, une
ligne d'une extrême ténuité,
arreptoque penicillo, lineam ex colore duxit summae
tenuitatis per tabulam. Protogènes de retour, la
vieille lui dit ce qui s'était passé. On
rapporte que l'artiste, ayant d'abord observé la
subtilité du trait, dit que c'était Apelles qui
était venu ; que nul autre n'était capable de
rien faire d'aussi parfait, et que lui-même en
conduisit un encore plus délié, avec une autre
couleur : ipsumque alio colore tenuiorem lineam in illo
ipso duxisse, et dit à la vieille que, si cet
homme revenait, elle lui fît voir cette ligne, en
ajoutant que c'était là celui qu'il cherchait.
La chose arriva : Apelles revint, et, honteux de se voir
surpassé, il refendit les deux lignes avec une
troisième couleur, ne laissant plus rien à
faire à la subtilité vinci erubescens,
tertio colore lineas secuit, nullum relinquens amplius
subtilitati locum. Protogènes, s'avouant vaincu,
courut en diligence au port chercher son hôte. Pline
ajoute : «On a jugé à propos de conserver
à la postérité cette planche qui fit
l'admiration de tout le monde, mais particulièrement
des artistes. Il est certain qu'elle fut consumée dans
le dernier incendie du palais de César, au mont
Palatin. Je l'avais auparavant considérée avec
avidité, quoiqu'elle ne contînt, dans sa plus
spacieuse largeur, que des lignes qui échappaient
à la vue, et qu'elle parût comme vide au milieu
d'excellents ouvrages d'un grand nombre d'artistes, nihil
aliud continentem quam lineas visum effugientes, inter
egregia multorum opera inani similem. Pline avait donc vu
lui-même le tableau ou plutôt le panneau : le
fait s'était conservé avec l'ouvrage, dont il
pouvait seul fournir l'explication, et s'était
transmis d'âge en âge. Ce serait une critique
téméraire que de vouloir le révoquer en
doute aujourd'hui. Il peut d'abord sembler frivole, et il
est, en effet, précieux, puisqu'il nous éclaire
sur l'histoire de l'art au temps d'Apelles. On voit que sa
lutte avec Protogènes n'était qu'un combat
d'adresse. C'était un défi à qui
tracerait le trait le plus subtil, et celui qui fit un trait
assez fin pour qu'il fût impossible de le refendre fut
déclaré vainqueur. Les deux rivaux
s'admirèrent mutuellement, et se reconnurent
mutuellement pour de grands maîtres, sans avoir d'autre
base de leur jugement que l'extrême finesse de pinceau
qu'ils possédaient tous deux, et que tous deux
regardaient sans doute comme une partie très
importante de l'art. Que devons-nous inférer de ce
fait ? Que, du temps d'Apelles et de Protogènes, on
faisait autant de cas de la finesse du pinceau, qu'on en
estime aujourd'hui la largeur ; que les peintres de cet
âge, qui possédaient sans doute les grandes
parties de l'art qui leur étaient communes avec les
sculpteurs, étaient secs, durs et mesquins dans la
partie du métier, et qu'enfin leur manoeuvre devait
avoir beaucoup de rapport avec celle de nos peintres
gothiques. C'était avec le pinceau le plus fin,
c'était avec les traits les plus subtils, qu'ils
rendaient certaines parties que, depuis la perfection du
mécanisme de la peinture, on exprime bien mieux par
masses et par touches. Aussi ne trouve-t-on dans Pline aucune
expression qui réponde à celle qu'emploient les
historiens de l'art moderne en Italie, lorsqu'ils appellent
une barbe bien peinte, una bella machia (une belle
tache). Jamais dans Pline, on ne trouve acun terme qui
réponde à celui de largeur de pinceau,
de faire large, de large exécution ; et,
lorsqu'il loue des peintres pour avoir bien rendu les cheveux
et les poils, je ne serais pas éloigné de
croire qu'il entend que ces peintres rendaient toute la
finesse des cheveux, et que, d'un pinceau subtil, ils en
comptaient, en quelque sorte, tous les poils. Les
contemporains d'Apelles étaient donc grands de dessin
et d'expression, mais petits d'exécution. C'est ce que
prouve le terme de sept années entières
qu'employa Protogènes à faire un tableau d'une
seule figure. Il est vrai qu'Apelles lui reprochait ce fini
excessif. Mais les artistes tiennent toujours plus ou moins
à leur siècle, et tout ce qu'ils peuvent faire,
c'est d'outrer ce qui est en usage. Le fini excessif de
Protogènes semble prouver qu'un fini froid
était d'usage de son temps. Il fut enfin
regardé comme un des plus grands peintres de son
siècle. Apelles était modeste, mais il n'avait
pas la modestie affectée dont on se pare sans tromper
personne. Il reconnaissait, il célébrait les
talents de ses rivaux ; il avouait que les plus habiles
d'entre eux possédaient, aussi bien que lui, toutes
les parties de l'art, excepté une seule, la
grâce. Ce mérite qu'il s'attribuait lui a
été accordé par tous ceux qui ont pu
voir ses ouvrages. Il serait difficile de refuser aux Grecs
d'avoir été de bons juges dans cette partie.
Loin d'être jaloux de ses émules, et d'employer
pour leur nuire ces cabales, ces démarches sourdes,
trop familières aux hommes à talents
lui-même travaillait à leur réputation.
Protogènes était pauvre ; ses concitoyens le
récompensaient mal, parce qu'ils ne sentaient pas son
mérite ; Apelles lui offrit 50 talents de ses
ouvrages, et dès lors on reconnut le mérite
d'un artiste qu'un artiste célèbre payait si
chèrement : il fallut, pour avoir de ses ouvrages,
renchérir sur le prix qu'Apelles avait fixé. Il
réussissait parfaitement dans le portrait, et a fait
nombre de fois celui d'Alexandre. Des écrivains, qui
ont vécu longtemps après cet artiste, ont
assuré que lui seul avait la permission de peindre ce
conquérant. Les plus estimés de ses tableaux
étaient le Roi Antigone à cheval et
Diane au milieu d'un choeur de vierges qui lui
sacrifiaient. C'est le seul de ses ouvrages, de ceux du moins
dont on a conservé le nom, qui exigeât un grand
nombre de figures. Je crois que les anciens, qui ne
traitaient que des compositions fort simples, ne cherchaient
pas à briller en affectant la science des raccourcis ;
cependant ils ne les évitaient pas toujours. Pline
parle d'un tableau d'Apelles placé dans le temple de
Diane d'Ephèse ; il représentait
Alexandre tenant un foudre ; les doigts semblaient
avancer, et le foudre sortir du tableau : ce qui suppose un
raccourci capable de faire la plus grande illusion. On
célébrait encore, entre les ouvrages d'Apelles,
la Vénus sortant des eaux, qu'on appelait
Vénus Anadyomène. La partie
inférieure de ce tableau fut gâtée par le
temps, et il ne se présenta aucun peintre qui
osât tenter de la raccommoder. Il travaillait,
lorsqu'il mourut, à une autre Vénus,
destinée pour l'île de Cos, et voulait, par cet
ouvrage, surpasser sa première Vénus ; la mort
ne lui permit pas de le finir, et personne n'osa le terminer
en suivant son ébauche ; l'extrême beauté
de la tête ôtait l'espérance de faire un
corps qui méritât de lui être
associé. Apelles, comme les peintres qui l'avaient
précédé, travaillait à
l'encaustique, et n'employait que quatre couleurs, dont Pline
indique les bases et la composition ; cependant, avec ces
quatre seules couleurs, il représenta l'éclair
et le tonnerre, avec assez de succès au moins pour que
les anciens aient vanté cet effort de l'art. C'est que
le clair-obscur a bien autant de part à ces grands
effets que l'extrême variété des teintes.
On reconnaît dans cette partie les succès de la
gravure, qui n'a d'autres ressources que l'opposition du noir
et du blanc. On raconte qu'Apelles devint amoureux de
Campaspe ou Pancaste, en faisant le portrait de cette
maîtresse d'Alexandre, qui le lui avait demandé,
et que le héros sacrifia son amour au bonheur de
l'artiste. Bayle et Falconet répandent sur la
vérité de ce récit un doute que nous
partageons. La douceur et la noblesse des manières et
du langage d'Apelles le faisaient chérir de ses rivaux
comme de ses élèves. Admirateur de la
beauté, il en cherchait les plus rares modèles
; ce fut lui qui distingua la fameuse Laïs, qui, jeune
encore et ignorée, puisait de l'eau à une
fontaine. Apelles l'engagea à le suivre ; et comme ses
amis se moquaient de son choix : «Avant trois ans,
dit-il, elle n'aura plus rien à apprendre dans l'art
de la volupté». On croit aussi que la belle
Phryné lui servit de modèle, et que ce fut
après l'avoir vue dans le bain qu'il fit sa
Vénus Anadyomène, qu'Auguste
plaça depuis dans le temple de César.
La gloire et le talent d'Apelles étaient à leur
comble vers la CXIIe olympiade, 332 ans avant Jésus
Christ. On le nommait le prince des peintres, et,
depuis, la peinture fut appelée par excellence l'art
d'Apelles. Alexandre le combla de ses faveurs ; il lui
permettait de l'entretenir familièrement. Après
la mort de ce prince, Apelles se rendit à Alexandrie,
à la cour de Ptolémée, près
duquel il ne trouva pas le même appui. On chercha
d'abord à le compromettre vis-à-vis de ce
prince, en le faisant venir, par un faux avis, au milieu d'un
festin qui se donnait à la cour : comme le roi
paraissait irrité de la hardiesse du peintre,
celui-ci, ne connaissant pas le nom de l'homme qui lui avait
tendu ce piège, prit le parti d'en dessiner la figure
sur la muraille ; chacun le reconnut. Il fut puni. Peu de
temps après, Apelles fut accusé par le peintre
Antiphile d'avoir trempé dans une conjuration.
Plusieurs auteurs ont désigné cette conjuration
comme celle de Théodote, gouverneur de Tyr ; mais
cette dernière n'eut lieu que sous le règne de
Ptolémée Philopator, cent ans après la
mort d'Alexandre. Quoi qu'il en soit, Apelles vit ses jours
menacés et fut chargé de fers ; mais un des
coupables le justifia. De retour dans sa patrie, il peignit,
en mémoire de cet événement, son fameux
tableau de la calomnie. On y voyait un roi avec des
oreilles énormes ; à ses côtés se
tenaient le Soupçon et l'Ignorance. La Calomnie, sous
la figure d'une femme superbe, richement vêtue, tenant
une torche à la main, amenait devant lui un jeune
homme qu'elle traînait par les cheveux, et qui semblait
prendre le ciel à témoin de son innocence ; la
Fraude et la Perfidie suivaient la Calomnie ; et,
derrière ce groupe, on voyait le Repentir en habit de
deuil, qui montrait plus loin la Vérité, sous
les traits d'une femme belle et modeste. On raconte que, en
peignant un autre tableau, Apelles essayait vainement de
représenter l'écume qui sortait de la bouche
d'un coursier fougueux ; impatienté de la faiblesse de
son imitation, il saisit une éponge qu'il jeta sur cet
ouvrage imparfait, et le hasard lui fit obtenir l'effet qu'il
n'avait pu rendre. On ignore le temps et le lieu de la mort
d'Apelles ; il avait écrit, sur les secrets de son
art, trois traités, qui existaient encore du temps de
Pline ; il avait inventé un vernis qui donnait de
l'accord à ses tableaux, et les garantissait de la
poussière ; lui seul en avait le secret. Les villes de
la Grèce, de l'Archipel, de l'Asie, de l'Egypte, se
décoraient et s'honoraient de ses nombreux
chefs-d'oeuvre ; Pline et Pausanias en citent un très
grand nombre. Apelles imagina de faire du noir avec de
l'ivoire brûlé ; il le nomma en
conséquence noir d'ivoire. On en fait
aujourd'hui tant avec de l'ivoire et des os, qu'avec des
noyaux de pêches brûlés.
APOLLODORE fut le premier qui sut bien rendre
l'apparence des objets ; il florissait vers la XCIVe
olympiade, 408 ans avant Jésus-Christ ; le premier il
connut l'art de fondre et de dégrader les couleurs, et
d'imiter l'effet exact des ombres. Pline en fait le plus
grand éloge. Selon lui, il n'était point de
tableau, avant ceux d'Apollodore, qui méritât
d'arrêter les regards : le clair-obscur avait
été inconnu jusqu'à lui ; il fut le
premier qui en fit usage. On lisait au bas de ses ouvrages :
«Il sera plus facile de les critiquer que de les
imiter». Ses tableaux les plus remarquables
étaient un Prêtre en prière devant une
idole, et un Ajax frappé de la foudre. Du
temps de Pline, ces deux chefs-d'oeuvre existaient encore
à Pergame, et excitaient la plus vive admiration.
Mais, quelque grand qu'ait été le mérite
d'Apollodore, sa vanité paraît avoir
été plus grande encore ; il se regardait comme
le prince des peintres ; quand il se montrait en public, il
portait sur la tête une tiare, à la
manière des Mèdes ; mais il trouva dans Zeuxis
un rival qui ne tarda pas à l'éclipser. Zeuxis
perfectionna, du vivant même d'Apollodore, toutes les
découvertes que celui-ci avait faites. Aussi
Apollodore exhala-t-il son chagrin dans des vers où il
disait qu'il avait trouvé, pour la distribution des
ombres, des secrets inconnus jusqu'à lui, qu'on lui
avait ravis, et que l'art était entre les mains de
Zeuxis. Avant Apollodore, Polygnote, le premier,
s'était écarté de la roideur des anciens
peintres ; il avait su vêtir, il avait su coiffer les
femmes mieux que ses prédécesseurs ; il avait
donné un grand caractère à ses figures ;
il s'était distingué par l'expression ; mais
Pline nous apprend qu'Apollodore montra plus d'art dans le
maniement du pinceau, et, comme le dit Plutarque, il inventa
la fonte des couleurs et le véritable caractère
des ombres. Le premier, il exprima la belle nature, dit
Pline, et fut digne par là de rendre immortelle la
gloire du pinceau.
ARCESILAS, fils de Tisicrate, fut mis au nombre des
peintres du troisième ordre, qui avaient
conservé de la réputation.
ARCESILAS de Paros est regardé comme l'un des
inventeurs de la peinture à l'encaustique.
ARCHELAUS, ancien peintre à l'encaustique. Il
avait peint, dans le Pirée, dit Pausanias,
Léoshène et ses enfants.
ARDIUS de Corinthe est le premier qui ait
cultivé la peinture linéaire, ou au simple
trait, relevée seulement de quelques coups de
pinceau.
AREGON avait peint dans le temple de Diane, à
l'embouchure de l'Alphée, une figure de cette
déesse.
ARELLIUS fut célèbre à Rome, peu
de temps avant Auguste. Son nom semble indiquer qu'il
était Romain, et sa profession qu'il était
d'une naissance obscure. La célébrité
que Pline lui accorde prouve qu'il avait du talent ou qu'il
passait pour en avoir. Le même écrivain lui fait
un dur reproche d'avoir représenté les
déesses d'après les objets passagers de ses
amours, et d'avoir fait autant de portraits de courtisanes
que de tableaux : pourquoi Pline n'avait-il pas fait le
même reproche aux plus grands artistes de la
Grèce ? Arellius avait peint, dans plusieurs temples,
des tableaux représentant des déesses, et le
sénat, ayant appris qu'en effet il avait
retracé, sous les attributs divins, des courtisanes
qu'il aimait avec passion, fit détruire ses ouvrages,
malgré leur rare beauté, comme profanant, par
leur origine, la sainteté des lieux qu'ils
décoraient.
On attribue à Aurellius les six peintures qui
décorent la pyramide de C. Cestius. Elles ne le
cèdent ni par la correction du dessin, ni par la
hardiesse de l'expression, aux figures célèbres
de la Noce Aldobrandine. Ce n'est donc pas sans quelque
raison que nous avons pu dire que quelques-unes des peintures
qui faisaient partie de notre collection, pouvaient bien
être l'ouvrage de quelqu'un des artistes grecs ou
romains dont Pline nous avait fait connaître les
noms.
ARIMNA est mis par Varron au nombre des peintres qui
avaient précédé Apelles et
Protogènes, que ceux-ci prirent d'abord pour
modèles, mais qu'ils ne tardèrent pas à
abandonner pour suivre une meilleure manière de
peindre.
ARISTARETE était fille et élève
d'un peintre nommé Néarque, qui n'est connu que
par elle. On sait qu'elle a peint un Esculape. On la
met au nombre des artistes du troisième ordre qui
avaient acquis une juste réputation.
ARISTIDE de Thèbes, élève
d'Euxénidas, devait être à peu
près de l'âge de Pamphile, et vécut assez
pour être témoin des succès d'Apelles. Il
se distingua par l'expression, et fut le premier de tous les
artistes qui sut bien peindre les affections et les troubles
de l'âme. Il représenta, dans le sac d'une
ville, un Enfant qui se traînait vers la mamelle
ensanglantée de sa mère expirante. Il restait
encore à la mère assez de sentiment pour qu'on
s'aperçût de la crainte qu'elle éprouvait
que l'enfant ne suçât du sang au lieu de lait.
Alexandre, après la prise de Thèbes, fit
transporter ce tableau à Pella, sa patrie. Aristide
avait peint un Suppliant, à qui il ne manquait
que de pouvoir faire entendre sa voix ; un Malade, sur
l'éloge duquel on ne pouvait tarir. Il travaillait
à l'encaustique, et fit de très grands
tableaux, entre autres, un Combat contre les Perses,
dans lequel il n'y avait pas moins de cent personnages.
Chaque figure lui était payée 10 mines, ou 900
francs de notre monnaie : ainsi le tableau de cent figures
lui rapporta 90 000 francs, qui lui furent payés par
Mnason, tyran d'Elatée. On vantait encore un tableau
où il avait représenté des chasseurs
avec leur gibier ; le portrait qu'il fit du peintre
Léontin ; Biblis morte d'amour pour son
frère Caunus ; son Bacchus ; et son
Arcadus, qui se voyaient à Rome au temple de
Cérès, du temps de Pline ; son
Tragédien accompagné d'un jeune
garçon. Ce tableau se voyait au temple d'Apollon ;
mais il avait été entièrement
gâté par l'impéritie du peintre à
qui le préteur Marcus Junius l'avait donné
à nettoyer, vers l'époque des jeux
Apollinaires. On voyait aussi dans le temple de la Foi, au
Capitole, son Vieillard qui montre à un enfant
à jouer de la lyre. Il peignit aussi des Quadriges
en course. On lui reprochait de la dureté dans le
coloris. Les Romains avaient si peu de connaissance des arts
lorsqu'ils prirent Corinthe, que le consul Mummius, voyant le
roi Attale acheter 6,000 sesterces un tableau d'Aristide, se
figura qu'il y avait dans cette peinture quelque vertu
secrète qu'il ne connaissait pas, malgré les
plaintes d'Attale. Les Romains sentaient alors si peu le prix
de la peinture, qu'à la prise de cette ville les
tableaux furent jetés confusément par terre, et
les soldats s'en servaient comme de tables pour jouer aux
dés. Aristide vécut vers la CXe olympiade, 340
ans avant Jésus-Christ. On rapporte qu'il laissa
imparfaite, en mourant, une Iris que personne n'osa
terminer. Ses principaux élèves furent
Euphranor, Antorides, et ses propres enfants, Nicéros
et Aristippe.
ARISTIDE fut le contemporain de Timanthe et de
Parrhasius. Il est mis au nombre des peintres les plus
célèbres de cette époque : il sortait de
l'école d'Euxénidas. Aristide était le
frère et fut le disciple du peintre Nicomaque.
ARISTIPPE, fils et élève d'Aristide de
Thèbes. On citait avec éloge un tableau
d'Aristippe représentant un Satyre avec une
coupe sur la tête.
ARISTOBULE le Syrien, cité comme un peintre du
troisième rang, qui avait conservé de la
réputation.
ARISTOCLES, fils et élève de
Nicomaque.
ARISTOCLIDE peignit le temple d'Apollon
Delphique.
ARISTODEME, de Carie, fut élève
d'Eumélus ; mais ses ouvrages avaient beaucoup plus de
grâce que ceux de son maître. Aristodème
avait fait des recherches, dit Philostrate, sur les villes et
les princes qui avaient protégé d'une
manière particulière la peinture.
ARISTOLAUS, fils et élève de Pausanias,
vivait environ 325 avant Jésus-Christ ; il
était compté au nombre des peintres les plus
sévères ; ce qui suppose qu'il joignait
à la dureté des formes une grande
simplicité de composition : aussi ne choisissait-il de
préférence pour ses sujets que des
représentations de personnages héroïques
qui avaient laissé un souvenir précieux
à la patrie, tels que Thésée,
Epaminondas, Périclès. Ses tableaux, qui
n'étaient ordinairement que d'une seule figure, se
faisaient remarquer par la correction du dessin. Dans l'un,
il avait représenté le peuple athénien
personnifié, sujet qui exerçait assez souvent
le génie des artistes grecs ; dans un autre, il avait
peint un Sacrifice de boeufs.
ARISTOMENES n'était point un peintre sans
talent, dit Vitruve ; mais sa fortune l'empêcha de
travailler pour la postérité.
ARISTON, fils et élève de Persée,
avait peint un Satyre couronné, tenant une
coupe.
ARISTONIDES, peintre du troisième ordre,
cité par Pline, comme ayant eu de la
réputation.
ARISTOPHON peignit Ancée blessé par
le sanglier de Calydon, avec Astypale, compagne de sa
douleur ; un autre tableau très nombreux en figures,
où l'on voyait représentés, d'une part,
Priam, Hélène et la Crédulité ;
de l'autre, Ulysse, Déiphobe et la Ruse. Aristophon
était fils d'Aglaophon, et frère du
célèbre Polygnote.
ARTEMON. Il est probable que ce peintre vivait
à peu près 300 ans avant notre ère.
Pline nous apprend qu'il avait peint la reine Stratonice.
Nous supposons qu'il l'a peinte de son vivant, et que cette
Stratonice était celle que Séleucus
épousa 300 ans avant notre ère. On la voyait
dans le tableau d'Artémon entourée de
pêcheurs qui l'admiraient. Ce même artiste avait
peint Danaé, Hercule et Déjanire
; mais les plus célèbres de ses ouvrages furent
ceux qui furent apportés à Rome et
placés dans le portique d'Octavie. Ils
représentaient Hercule, qui, ayant
dépouillé sur le mont Oeta ce qu'il avait de
mortel, entrait dans le ciel du consentement des dieux, et
l'histoire de Laomédon avec Neptune et Hercule.
Pline ne fait point mention d'Apollon, adjoint de Neptune
dans l'entreprise des murs de Troie. Peut-être le
peintre avait-il écarté Apollon de son sujet,
pour ne point compliquer le tableau.
ASCLEPIODORE, contemporain d'Apelles, était
admiré de ce peintre pour son exactitude dans les
proportions. On peut juger non du mérite des artistes,
mais de l'opinion que leurs contemporains avaient de leur
mérite, par le prix qu'on mettait à leurs
ouvrages. Le tyran Mnason fit peindre les douze dieux par
Asclépiodore, et lui donna de chaque figure 30 mines,
2700 francs de notre monnaie. Apelles convenait que pour les
mesures, c'est-à-dire pour la distance technique et
optique des objets, il était inférieur à
Asclépiodore.
ASINIUS POLLION fut le premier Romain qui eut
l'idée de rassembler les portraits des grands hommes,
et de les exposer dans les édifices publics, aux
regards du peuple, comme un objet d'émulation. Ce
même Asinius Pollion avait le premier
dédié à l'Etat une bibliothèque.
On représentait d'imagination ceux des grands hommes
dont on n'avait pas conservé la ressemblance ; c'est
ce qu'on fit à l'égard d'Homère, dont il
paraît qu'au temps d'Asinius Pollion il n'existait pas
de portrait.
ATHENION, de Maronée, ville de Thrace, fut
élève de Glaucion de Corinthe. On ignore dans
quel temps il vivait, ainsi que son maître. On le nomme
après Nicias, auquel il était comparé,
et même préféré quelquefois :
austère dans son coloris, il plaisait par cette
austérité même, parce qu'elle faisait
briller davantage la profonde connaissance de l'art. Il
peignit dans le temple d'Eleusis un Pylarque ou chef
des tribus, et à Athènes une assemblée
de femmes, qu'on appela Polygynaeon. Il
représenta aussi Ulysse découvrant Achille
caché sous des habits de femme : Mais celui de
tous ses ouvrages qui lui fit le plus d'honneur, fut un
Palefrenier avec son cheval. Si cet artiste
n'était pas mort fort jeune, aucun autre, selon Pline,
ne lui serait comparé.
BRIES ou BRIELES était père de
Pausanias, et fut son premier maître,
BULARQUE peignit une Bataille où les
Magnètes avaient été vaincus avant la
XVIe olympiade, c'est-à-dire plus de 715 ans avant
Jésus-Christ. Candaule, roi de Lydie, acheta ce
tableau au poids de l'or ; ce qui nous fait présumer
que déjà Bularque était mort ; car il
n'est pas vraisemblable que Candaule eût acheté
si cher l'ouvrage d'un de ses contemporains. Après
Bularque, il se trouve dans l'histoire des peintres de
l'antiquité une lacune de deux siècles et demi.
Nous savons seulement que du temps d'Anacréon, plus de
500 ans avant notre ère, la peinture florissait
à Rhodes, et qu'on y peignait à l'encaustique.
Bularque employait des couleurs propres à imiter les
teintes de la nature. Les peintres monochromates
étaient connus dans des temps plus anciens.
CALACES ou CALADES vivait dans le IVe
siècle avant Jésus-Christ. On croit qu'il
était d'Athènes. Il excellait à
représenter des sujets comiques dans les petits
tableaux, in comicis tabellis : la traduction
littérale du mot comicis semblerait indiquer
que ces tableaux servaient sur la scène dans les
comédies. Ce point fort obscur a été
discuté plutôt que décidé par
Caylus, dans un mémoire imprimé dans le XXIIIe
volume du Recueil de l'Académie des inscriptions et
belles-lettres. Quelque habile qu'ait pu avoir
été le peintre Calaces, ce serait tomber dans
une grande erreur que de supposer, ainsi que l'ont fait
quelques savants, que c'était en son honneur que les
Athéniens avaient érigé une statue
placée dans le Céramique, près du temple
de Mars. On conjecture avec plus de raison que cette statue
fut élevée à Calliades, qui, au rapport
d'Hérodote, était archonte à
Athènes, lors de l'invasion de Xerxès.
CALLIADES, peintre cité par Lucien dans un de
ses Dialogues. Pline compte un artiste de ce nom au
nombre des auteurs d'ouvrages en airain, du second ordre, et
ajoute que ces mêmes fondeurs du second rang
étaient des peintres du premier ordre.
CALLICLES florissait 320 ans avant
Jésus-Christ. Il ne peignait que de petits tableaux de
trois pouces de circonférence ; mais il aurait pu,
suivant Varron, s'élever, dans de plus grandes
compositions, au même rang qu'Euphranor. Il composait
avec une grande facilité, selon Quintilien.
CALLICRATES est mentionné par
Théophilacte de Simocate.
CALLIMAQUE, qui aurait pris place à
côté de Phidias, comme statuaire, si, moins
difficile sur ses ouvrages, il n'en eêt pas
détruit la beauté en croyant les rendre plus
parfaits, était aussi peintre ; mais Pausanias, qui
donne le dénombrement de ses statues, et Pline, qui en
fait l'éloge, ne disent pas s'il était aussi
difficile pour ses tableaux que pour ses statues. Les Grecs
l'avaient surnommé Cacizoteknos, ou Gâte
chefs-d'oeuvre. Eternel détracteur de lui-même,
et mémorable exemple de l'abus du travail et de
l'exactitude poussés à l'excès, il avait
ciselé en argent un groupe représentant les
Lacédémoniennes dansantes, ouvrage
où l'on ne surprenait pas un défaut, mais
d'où une correction trop sévère avait
fait fuir toutes les Grâces.
CALLIPHON, de Samos, ou Callyphon, avait
représenté dans le temple de Diane, à
Ephèse, des Femmes attachant les courroies de
la cuirasse de Patrocle ; Pausanias parle d'un autre tableau
où il avait représenté Ajax
provoquant Hector à un combat singulier. La
Discorde sous la forme d'une femme hideuse, paraissait au
milieu, tandis que la bataille avait lieu auprès des
vaisseaux des Grecs.
CALYPSO avait peint un Vieillard et un
Charlatan, nommé Théodore. Elle est au
nombre des peintres du troisième ordre qui, du temps
de Pline, avaient conservé de la
réputation.
CANTHARE, de Sicyone, est nommé, en plusieurs
endroits, par Pausanias, comme l'auteur de différents
ouvrages en airain. Fondeur du second rang, il était
peintre du premier ordre.
CAREPTIUS, de Pergame, est indiqué par le
Scoliaste d'Aristophane, comme un des premiers qui
représentèrent la Victoire avec des
ailes.
CARMANIDE, élève d'Euphranor, est au
rang des peintres du troisième ordre qui ont
conservé de la réputation.
CARTERIUS, mentionné par Porphyre comme un
peintre très célèbre du temps de Plotin,
avait fait le portrait de ce philosophe, pour complaire
à Amélius.
CEPHISSODORE, qui vivait dans la XCe olympiade, est
mis au nombre des peintres célèbres de cette
époque.
CHARMADAS, un des plus anciens peintres qu'ait eus la
Grèce.
CHOEREPHANES, dit Plutarque dans son Traité
de la lecture des poètes, avait
représenté des femmes se livrant avec des
hommes à des habitudes honteuses.
CIMON le Cléonien, ancien peintre grec, dont on
lit l'éloge dans une épigramme de
l'Anthologie. Aelien fait mention d'un Conon
également Cléonien et peintre. Le P. Hardouin
prétend qu'Aelien a écrit, par inadvertance ou
laps de mémoire, Conon pour Cimon. Il fut l'imitateur
et le propagateur des inventions d'Eumare d'Athènes,
qui avait osé ébaucher toutes sortes de
figures, et avait le premier distingué dans ses
tableaux un homme d'avec une femme. Cimon inventa les
catagraphes, c'est-à-dire les figures obliques ou de
profil. Il passe encore pour avoir imaginé les
diverses attitudes de têtes, selon que la personne
représentée est censée regarder ou
derrière elle,ou au-dessus, ou au-dessous : il marqua
les articulations des membres, il exprima les veines, et
rendit le premier les plis et les sinuosités des
vêtements.
CLEANTHE, de Corinthe, est un de ceux auxquels les
Grecs attribuaient l'invention de la peinture linéale,
ou dessin au simple trait. Il avait peint dans le temple de
Diane Aphionie, à l'embouchure de l'Alphée,
deux tableaux, dont l'un représentait le Sac de
Troie et l'autre la Naissance de Minerve.
CLEON fit un tableau représentant
Cadmia.
CLEOPHANTE, de Corinthe, fut le premier qui fit des
dessins coloriés : il s'imagina à cet effet de
faire des crayons d'une pâte composée de tessons
de terre de cou-leur, broyés et réduits en
poudre. Au rapport de Cornélius Népos,
c'était ce Cléophante qui avait suivi en Italie
Démarate, père de Tarquin l'Ancien, lorsqu'il
s'enfuit de Corinthe pour se dérober à
l'inimitié du tyran Cypsélus ; mais Pline dit
qu'il est en état de démontrer que ce fut un
autre artiste du même nom.
CLESIDES florissait à Ephèse 294 ans
avant Jésus-Christ. Ce n'était pas un peintre
de la première classe, mais on a lieu de croire qu'il
n'était pas dépourvu de talent. Il se rendit
célèbre par l'insulte qu'il osa faire à
la reine Stratonice. Piqué de n'avoir pas
été accueilli par cette princesse avec la
distinction qu'il croyait mériter, il la peignit se
prostituant à un pêcheur que la voix publique
lui donnait pour amant. Il exposa ce tableau dans le port
d'Ephèse, et s'embarqua aussitôt. La reine ne
voulut pas que ce tableau fût enlevé, parce
qu'elle se trouva merveilleusement ressemblante, ainsi que
l'objet de son amour. C'est à cette aventure que le
peintre Arthémon, dont nous avons parlé,
faisait allusion quand il représenta Stratonice
admirée par des pécheurs.
COLOTES dut être un peintre
célèbre de son temps, puisqu'un tableau de sa
composition, dont Quintilien fait mention, fut mis en
parallèle avec un tableau de Timanthe. Il est vrai que
celui de Timanthe fut préféré ; mais il
fallait être arrivé à un haut
degré de réputation pour oser entrer en
concurrence avec un peintre du mérite de
Timanthe.
CONSTANTIN. Sigebert et Luithprandt disent que cet
empereur gagnait sa vie (victum sibi quaesivit) en
cultivant la peinture.
CORNELIUS PINUS peignit dans le temple de l'Honneur et
de la Vertu que Vespasien fit rétablir.
CORYBAS, élève de Nioomaque, est mis au
nombre des peintres du troisième ordre qui ont
conservé de la réputation.
CRATERE ou CRATERUS peignit les
Comédiens qui se voyaient à
Athènes, au lieu nommé Pompéion,
c'est-à-dire l'édifice où se
préparaient les pompes solennelles. Irène, sa
fille, avait été son élève.
CRATO, de Sicyone, fut, selon Athénagoras, le
premier inventeur du dessin ; le premier il sut fixer sur une
tablette blanchie les ombres d'un homme ou d'une femme.
Dédale et Théodore de Milet ne firent que
perfectionner cette invention.
CLESIAS, mentionné par Tatien, paraît
avoir été un peintre du premier ordre et un
fondeur du second.
CLESIDEME fut le maître d'Antiphile d'Egypte. Il
peignit le Siège d'Aechalie et une
Laodamie.
CTESILOQUE doit être le même que
Ctésiochus, frère et disciple d'Apelles : il a
vécu, par conséquent, vers la CXIIIe olympiade,
328 ans avant Jésus-Christ. Il se rendit
célèbre par un tableau dont la composition
singulière mérita d'être
répétée sur plusieurs monuments. On la
trouve encore sur des marbres et des patères antiques.
Jupiter y paraît accouchant de Bacchus. Le dieu
semblait gémir comme une femme dans les douleurs de
l'enfantement, et les déesses qui l'entouraient
faisaient l'office de sages-femmes.
CYDIAS florissait dans la CIVe olympiade, environ 364
ans avant Jésus-Christ. Il était de Cythnos,
l'une des Cyclades. On ne peut apprécier son talent
que par le haut prix qu'Hortensius mit à l'un des
tableaux de ce peintre. Il l'acheta 144,000 sesterces (14,
400 francs de notre monnaie), et fit construire dans sa
maison de Tusculum une salle pour le recevoir. Ce tableau
représentait le Départ des Argonautes pour
la Colchide. Il fut transporté depuis par M.
Agrippa dans un portique dédié à
Neptune. Les peintres durent à Cydias une nouvelle
couleur rouge : cette découverte lui fut
suggérée par l'ocre demi-brûlée
qu'il trouva dans une boutique consumée par le
feu.
DAMOPHILE était peintre et l'un des statuaires
en plastique les plus renommés ; il fit une partie des
ornements de peinture et de plastique du temple de
Cérès, au grand Cirque de Rome. On voyait dans
ce temple une inscription en vers grecs, qui apprenait que
tous les ouvrages de la droite étaient de
Damophile.
DELIADE fut peintre du premier ordre, et fondeur du
second rang.
DEMETRIUS, surnommé le Graphique, fut peintre,
selon Diogène Laërce.
DEMOPHILE. Ce peintre passe pour avoir enseigné
Zeuxis.
DIBUTADE, potier de terre de Sicyone, établi
à Corinthe, avait une fille éprise d'un jeune
homme qui partait pour un long voyage. Voulant conserver
l'image de celui dont elle allait être
séparée, elle traça le contour de
l'ombre du profil de son amant sur la muraille, à la
lueur d'une lampe. Dibutade exécuta, sur le dessin
tracé, cette image en relief, en y plaquant de
l'argile ; puis, faisant durcir cette même argile au
four avec ses autres poteries, il eut ainsi le premier type
en terre cuite. Pline nous apprend qu'on voulait que ce
premier type eût été gardé
à Corinthe dans le temple des Nymphes, jusqu'au temps
où Mummius prit et démolit cette ville. Comme
l'idée qu'on prête à la fille de Dibutade
d'avoir tracé sur le mur le profil de son amant,
appartient au dessin ou à la peinture linéaire,
nous avons pensé qu'elle devait trouver place dans un
catalogue des peintres de l'antiquité. Quant à
Dibutade, on lui accorde l'invention d'avoir ajouté de
la terre rouge dans ses ouvrages de plastique, ou même
d'avoir fait de tels ouvrages uniquement pétris de
terre rubrique. Il inventa aussi les masques des
édifices ; il les plaça sur le bord des toits,
et les appela d'abord protypes, ou ébauches ;
ce qui le mit sur la voie d'inventer les utypes ou figures
perfectionnées. De là l'origine du nom de
plastes donné aux ornements qui couronnent les
bords des couvertures des temples, la plastique étant
l'art qui les a fournis.
DIMARATE, obligé de s'éloigner de
Corinthe, se réfugia en Etrurie, où il vint
s'établir avec deux artistes qui l'avaient
accompagné dans sa fuite, et où il devint
père de Tarquin l'Ancien. Il introduisit en Etrurie la
plastique, qui était inconnue avant lui dans cette
contrée.
DINIAS, mentionné par Pline comme un de ceux
qui les premiers cultivèrent la peinture en
Grèce.
DINOKHARES ou DINOCHARES fut peintre et
architecte ; il avait commencé à construire en
pierre d'aimant la route du temple d'Arsinoé à
Alexandrie, afin que le simulacre en fer de cette princesse
parût suspendu en l'air sans aucun soutien. La mort de
Dinokharès et celle de Ptolémée qui
avait commandé ce monument pour honorer sa soeur,
furent cause que ce projet n'eut pas sa pleine
exécution.
DIODORE était un peintre de portraits qui ne
saisissait pas heureusement les traits de ceux qu'il voulait
peindre, si l'on en croit une épigramme faite sur son
compte, qu'on lit dans l'Anthologie grecque :
«Diodore a voulu peindre Ménodote ; mais ce
portrait ressemble à tout le monde, excepté
à Ménodote».
DIOGENE, mais au nombre des peintres du
troisième ordre, vivait dans la familiarité du
roi Démétrius Poliorcète.
DIOGNETUS enseigna la peinture à l'empereur
Antonin. C'est Julius Capitolin qui nous l'apprend.
DIONYSIODORE, de Colophon, était un des
peintres du troisième ordre qui avaient
conservé de la réputation au temps où
Pline écrivait.
DIONYSIUS ou DENYS, de Colophon, florissait
vers la XCIIe olympiade, 412 ans avant Jésus-Christ.
Contemporain et imitateur de Polygnote, il s'était,
pour ainsi dire, approprié la manière de
peindre de ce grand artiste ; mais ses ouvrages
étaient de moindre proportion : on y retrouvait
d'ailleurs, dit Aelien, la même expression, la
même observation des convenances, le même choix
des attitudes, le même éclat dans les draperies.
Ce passage d'Aelien pourrait servir de commentaire ; et alors
le philosophe aurait dit seulement que Polygnote faisait ses
figures plus grandes que nature, Pauson plus petites, et
Dionysius égales ; ce qui est, en effet, la traduction
littérale de la phrase d'Aristote. Si l'on en croit
Plutarque, on sentait la peine et le travail dans les
tableaux de Dionysius. Nous ne sommes pas de l'avis des
savants qui ont pensé que c'était ce même
Dionysius qui avait été disciple du
poète tragique Aristarque, et qu'on avait
surnommé le Thrace, à cause de la
dureté de son organe. Il nous semble que cette
assertion est une conséquence au moins hasardée
de ce que Dionysius avait peint Aristarque portant sur sa
poitrine l'image de la tragédie, comme pour faire
entendre que ce poète la produisait sans efforts ; il
serait encore plus ridicule de le confondre avec un autre
peintre du même nom, qui eut à Rome une grande
réputation. Celui-ci était surnommé
l'Anthropographe, et non pas l'Anthropophage, comme on
l'a imprimé dans certain dictionnaire historique,
parce qu'il ne peignait que des hommes. La Grèce a
compté à diverses époques plusieurs
sculpteurs du nom de Dionysius.
DIONYSIUS ou DENYS, peintre en petit, dont les
ouvrages faisaient l'ornement et la richesse des cabinets de
tableaux, ne peignait que des portraits d'hommes, et vivait
dans le dernier siècle avant l'ère vulgaire. Il
eut la douleur de voir des portraits peints par une femme
être payés beaucoup plus cher que les siens. Il
paraît cependant qu'il fut fort employé, car
Pline dit, en parlant de lui et de Sopolis, qu'ils avaient
rempli les galeries de portraits de leur façon.
DIONYSODORE, élève de Critias,
considéré par quelques auteurs comme artiste du
second rang, et, selon d'autres, comme un peintre du premier
ordre.
DIORES, ancien peintre grec mentionné par
Varron, qui ne veut pas qu'on fasse un reproche à
Apelles et à Protogènes de ne l'avoir pas pris
pour modèle dans leurs tableaux, ce qui suppose que
Diorès avait encore conservé, au temps de
Varron, des admirateurs qui auraient voulu qu'Apelles et
Protogènes n'eussent pas peint autrement que
lui.
DOROTHEE peignit pour Néron une Vénus
Anadyomène, destinée à remplacer le
chef-d'oeuvre d'Apelles, que la carie avait détruit.
Le choix qui fut fait de cet artiste, pour une aussi
difficile entreprise, suppose qu'il était un des
peintres les plus célèbres de son temps.
EKHION ou ECHION, que Pline et Cicéron
ont mis au nombre des meilleurs peintres de
l'antiquité. Chacun de ses tableaux était
évalué le revenu d'une ville. Il avait
représenté Bacchus, la
Tragédie, la Comédie
personnifiées. Ces ouvrages étaient fort
admirés, ainsi que ceux où il avait peint
Sémiramis qui, de servante, devint reine ; une
vieille portant deux lampes devant une nouvelle
mariée.
EPHORE, d'Ephèse, fut d'abord le maître
d'Apelles, et devint ensuite son disciple.
ERIGONUS était un simple broyeur de couleurs
chez Néalcès. Il fit dans l'art assez de
progrès pour laisser un disciple qui fut
célèbre dans son temps, quoique le titre de ses
ouvrages soit entièrement perdu. Cet
élève se nommait Pasias. L'exemple d'Erigonus
est remarquable, en ce qu'il prouve que le talent pouvait
faire taire la loi, qui ne permettait, chez les Grecs, qu'aux
hommes d'une condition distinguée de se livrer
à la peinture, tandis qu'à Rorne c'était
tout le contraire. La loi grecque était sage en
elle-même ; elle aurait été barbare, si
elle n'eût été susceptible
d'exception.
EUANTHES avait peint deux tableaux représentant
Andromède et Prométhée
attachés chacun sur un rocher. Achilles Tatius fait
une ample description de ces deux tableaux dans le
troisième livre des Amours de Leucippe et
Citophon.
EUCHIR ou EUKHIR apporta de Corinthe la
plastique en Italie.
EUCHIR, parent de Dédale, fut l'inventeur de la
peinture en Grèce, selon Aristote.
EUDORE peignit une scène ou décoration
de théâtre. Il fut aussi statuaire en
airain.
EUENOR ou EVENOR, père de Parrhasius,
eut la gloire de former le premier peintre du monde, selon
l'expression de Pline ; il est placé lui-même
par cet écrivain au nombre des artistes
célèbres qui florissaient eu Grèce dans
la XCe olympiade.
EUGRAMMUS, venu en Etrurie avec Euchir, lorsque
Diamarte, chassé de Corinthe, vint chercher un asile
dans cette contrée, contribua avec ses compagnons
à faire connaître la plastique aux
Etrusques.
EUMARUS, un des plus anciens peintres de la
Grèce.
EUMELUS avait peint une Hélène
qui aurait mérité, dit Philostrate,
d'être exposée dans le Forum de Rome. Ce peintre
avait été imité dans sa manière
de peindre par Aristodème de Carie.
EUNIQUE fut peintre, fondeur et ciseleur en argent ;
comme peintre, il est au premier rang ; comme fondeur et
ciseleur, il tient le second.
EUPHORION, que Pline ne nomme qu'en passant, aurait
été, selon lui, et peintre et auteur d'ouvrages
en airain. Comme peintre, il tiendrait le premier rang, et
comme fondeur, il serait rangé au second.
Théocrite vante les coupes ciselées par cet
artiste.
EUPHRANOR, de l'isthme de Corinthe, est placé
au rang des peintres qui fleurirent après Pausias.
Quintilien, après avoir parlé des plus grands
peintres de l'antiquité et d'Apelles lui-même,
nomme enfin Euphranor, qu'il regarde comme ayant porté
l'art au plus haut degré de perfection ; il entre
ensuite dans le détail des orateurs romains, et finit
par nommer Cicéron, qui parvint à la perfection
de l'art oratoire, et qu'il compare à Euphranor. Il
résulte de ce passage que l'art de peindre
n'était pas encore parfait du temps d'Apelles, et que
c'est Euphranor qui, le premier, a réuni toutes les
parties qui complètent sa perfection, comme
Cicéron a réuni le premier, chez les Romains,
toutes les parties qui complètent l'éloquence.
At M. Tullium non illum habemus Euphranorem circa plurium
artium species praestantem, sed in omnibus quae in quoque
laudantur, eminentissimum ? (Inst. Orat., I. XII,
c.10). Jamais artiste ne fut plus docile, ni plus laborieux
qu'Euphranor. Peintre et statuaire, il excellait dans tous
les genres, et était toujours égal à
lui-même. Il paraissait avoir exprimé le premier
la dignité des héros, et avoir atteint à
l'entière perfection. C'est au moins ce que dit Pline,
s'il faut entendre par le mot symmetria qu'il emploie,
ce que nous entendons par proportions ; mais on peut
croire qu'il y a dans la signification de ce mot
symmetria une légère nuance qui nous
échappe, et qui le distingue des mots commensus,
proportio, etc. Les nuances entre le sens des mots qui
paraissent synonymes seront toujours, dans les langues
anciennes, le désespoir des savants. Euphranor faisait
les corps un peu trop sveltes, et les têtes un peu trop
fortes, ce qui serait un vice contre la proportion. Il est
vrai que, si l'on osait retrancher du texte le mot
sed, on pourrait entendre qu'Euphranor donnait de la
légèreté à ses figures, et de la
grandiosité à ses têtes ; ce qui serait
un éloge. Il avait écrit sur la symétrie
et sur les couleurs. Les ouvrages d'Euphranor, dont les
sujets nous ont été conservés,
étaient les douze Dieux ; des tableaux
célèbres à Ephèse,
représentant Ulysse qui contrefaisait l'homme
en démence, et qui attelait à la charrue un
boeuf et un cheval ; des hommes en manteau, plongés
dans la méditation ; un guerrier qui remettait son
épée dans le fourreau. Il avait peint aussi les
Exploits des Athéniens à
Mantinée, ouvrage plein d'enthousiasme ; une
Junon, dont on admirait la chevelure, et, sous un
portique d'Athènes, la Démocratie, le peuple
et Thésée. Euphranor fut
élève de Persée. Il sculpta aussi des
marbres, cisela des coupes, et fit des colosses ; enfin, il
eut le talent le plus docile, soutenu de la plus constante
application au travail ; et, dans quelque genre qu'il ait
travaillé, il excella toujours, et fut égal
à lui-même.
EUPOMPE eut une grande célébrité,
et fut le chef de l'école de Sicyone, sa patrie. Il
avait eu pour disciple Pamphile, maître d'Apelles. On
vantait beaucoup un tableau de lui qui représentait un
vainqueur au combat gymnique tenant une palme à la
main. Ce peintre eut une telle vogue, qu'il ajouta un
troisième style, ou genre, à la peinture ; car
on n'en connaissait avant lui que deux, savoir, le style
helladique et le style asiatique. Mais Eupompe fut cause
qu'on divisa le genre helladique en attique et en sicyonien,
d'autant que cet artiste était de Sicyone. Il y eut
donc, par ce moyen, trois genres, l'ionique, le sicyonien et
l'attique. Eupompe répondit à quelqu'un qui lui
demandait lequel des anciens maîtres il était
à propos de suivre pour devenir habile, en montrant de
la main une multitude de personnes, et disant que
c'était la nature, et non aucun artiste qu'il fallait
imiter. Ce fut sur cette réponse que Lysippe
conçut l'audace de s'élever à la
perfection de l'art du statuaire, et que de simple ouvrier
vulgaire en airain qu'il était, il devint le plus
fécond de tous les statuaires.
EURIPIDE était peintre avant qu'il
composât ses tragédies, dit son biographe
Moschopulus. Suidas confirme le fait.
EUTIKHIDE, ou EUTICHIDE ou EUCLIDES,
représenta un char à deux chevaux, conduit par
une Victoire.
EUTYCHUS. Ce peintre n'est connu que par une
épigramme grecque assez insignifiante, qui est
dirigée contre lui, et qu'on lit dans
l'Anthologie.
EUTYMEDE fut l'élève d'Héraclide,
de Macédoine. Pline le met au nombre des peintres du
troisième ordre qui ont mérité de
conserver de la réputation.
EUXENIDAS paraît avoir dû sa
réputation moins à lui-même qu'à
son disciple Aristide, de Thèbes. Les Béotiens
passaient pour avoir l'esprit lourd ; et cependant la
Béotie a produit de grands hommes dans tous les genres
; elle fut la patrie de Pindare, d'Epaminondas, de
Plutarque.
FABIUS PICTOR. Si les anciens Romains employaient des
artistes, ils n'estimaient pas assez les arts pour s'en
occuper eux-mêmes. Ils demandaient alors des artistes
aux Etrusques et aux Latins ; mais, en conquérant
toute l'Italie, ils la rendirent barbare comme eux.
Dès l'an 259 de Rome, 494 ans avant notre ère,
Appius Claudius avait consacré dans le temple de
Bellone des écussons (clypeos), chargés
des portraits de sa famille. Cet exemple trouva des
imitateurs ; il se trouva même des Romains qui
placèrent de semblables images dans leurs maisons. Ces
écussons n'étaient pas peints, mais
sculptés en bas-reliefs. Quand on peut faire des
bas-reliefs, on peut faire aussi des peintures, au moins des
peintures d'une seule couleur. L'an de Rome 450 et 303 ans
avant notre ère, un Fabius ne crut pas dégrader
la noblesse de sa race en exerçant la peinture ; ce
qui lui fit donner le nom de Pictor, qui resta
à sa maison. Il peignit le temple du Salut, et ses
ouvrages subsistèrent jusqu'à ce que le temple
eût été détruit par un incendie,
sous le règne de Claude. C'est une chose remarquable,
que le même homme ait été le premier
peintre et le premier historien de son pays. Les peintures de
Fabius étaient des ouvrages, ou plutôt des
récréations de sa jeunesse. Soit qu'il
eût pris le surnom de Pictor, soit qu'on le lui
eût donné, c'est à tort qu'on croirait
que ce surnom ait pu être pour lui un titre de gloire :
peut-être même lui fut-il donné comme un
sobriquet, comme une sorte de reproche ; c'est ce qu'on peut
inférer d'un passage de Cicéron, où ce
grand orateur dit : «Croirons-nous que si l'on
eût fait un titre de gloire à Fabius, homme
d'une famille très illustre, de s'être
livré à la peinture, il ne se serait pas
élevé parmi nous un grand nombre de
Polyclètes et de Parrhasius ? L'honneur nourrit les
arts ; tout le monde est excité par la gloire à
s'y exercer ; mais ils languissent chez tous les peuples qui
les dédaignent». (Tuscul., lib. I.)
Peut-on faire entendre plus clairement que les artistes
étaient dédaignés chez les Romains
?
FULVIUS paraît avoir été un
mauvais peintre du siècle d'Auguste, dont Horace se
moque dans sa septième satire.
GALATON avait représenté les
poétes, dit Aelien, recueillant de la bouche
d'Homère les paroles qui en sortaient. Lucien parle
aussi de ce tableau auquel Manilius et Ovide font
allusion.
GIGES, de Lydie, passe pour l'inventeur de la peinture
en Egypte.
GLAUCION, de Corinthe, fut le maître
d'Athénien de Maronée.
GORGASE fut un peintre habile pour son temps, et l'un
des statuaires en plastique les plus renommés. Il fit,
avec Damophile, les ornements de plastique et de peinture du
temple de Cérès, au grand Cirque de Rome. On
voyait dans ce même temple une inscription, en vers
grecs, qui apprenait que tous les ouvrages de la gauche
étaient de Gorgase.
HABRON peignit l'Amitié et la Concorde,
et représenta les différents dieux.
HADRIEN. Cet empereur s'exerça dans la peinture
; mais il ne réussit que dans des petits sujets, tels
que les fruits et les plantes. C'est pourquoi, ayant voulu
critiquer un ouvrage du fameux architecte Apollodore, cet
artiste lui dit : «Allez peindre des
citrouilles», en quoi Hadrien se vantait de
réussir. Nos moeurs influent toujours sur nos
goûts ; Hadrien avait celui des tableaux
obscènes. Il en fit quelques-uns, qu'on voyait sans
doute parmi ceux des grands maîtres qu'il avait
rassemblés dans sa maison de Tibur. Si l'on pouvait
ajouter foi au récit d'Aurélius Victor, ce
prince fondait lui-même des statues de bronze peu
inférieures aux chefs-d'oeuvre de Polyclète et
d'Euphranor ; mais ce n'est qu'une hyperbole. On attribue
à Hadrien uue statue équestre, haute de douze
pieds, conservée dans la Villa Mattei, et qui
mérite à peine d'être citée. Le
fait suivant décèle encore moins un habile
artiste. Dans un temple élevé à
Vénus et à la déesse Roma, leurs statues
se trouvèrent beaucoup trop grandes pour l'endroit
où il les avait fait placer, et Apollodore osa lui
dire : «Si elles veulent se tenir droites et sortir,
elles ne le pourront pas». Hadrien fut tellement
irrité de ce propos, qu'il fit mourir ce grand
architecte, auquel on devait de beaux monuments et
d'excellents écrits sur son art.
HECATEE, peintre, fondeur et ciseleur en argent. Comme
peintre, il mérita d'être placé au
premier rang ; comme fondeur et ciseleur, il a
été rangé dans la seconde classe.
HELENE, fille de Timon l'Egyptien, peignit la
Bataille d'Issus, qui s'était donnée de
son temps. Ce tableau fut mis dans le temple de la Paix par
Vespasien, selon Ptolémée Héphestion,
cité par Photius.
HERACLIDE, de Macédoine, avait commencé,
comme Protogènes par peindre des vaisseaux, et, s'il
ne parvint pas au talent de Protogènes, il
s'éleva du moins au rang des peintres qui
méritaient d'être cités. Tout ce que l'on
sait de lui, c'est qu'après la captivité de
Persée, il chercha un asile à
Athènes.
HERMOGENES abandonna la peinture pour se faire le
champion des erreurs des stoïciens, dit Tertullien, qui
composa un ouvrage en réponse à celui
d'Hermogènes.
HILARIUS, de Bithynie, vivait sous l'empereur Valens ;
il cultiva la peinture à Athènes, avec beaucoup
de succès ; il excellait à rendre l'expression
de la physionomie, dit Eunappe, qui le compare à
Euphranor. Ce peintre périt de la main des barbares,
qui le massacrèrent lui et sa famille, à sa
campagne.
HILPIUS, qui était venu peindre dans les
Gaules, est mentionné par un certain Lupus,
abbé de Ferrare, et par les anciens annalistes de
France.
HIPPIAS avait peint deux tableaux qui furent
admirés ; l'un représentait Neptune et
l'autre une Victoire.
HYGIEMON, cité par Pline, qui le désigne
comme un de ceux qui commençaient à cultiver la
peinture en Grèce.
HYPSICRATE est cité par Diogène
Laërce, comme ayant écrit sur la peinture.
IDOEUS ornait les carquois de peintures fort
soignées ; Xénophon en fait l'éloge en
parlant d'un carquois qu'Agélaüs donna au fils de
Pharnabaze en échange d'un très beau javelot
dont il lui avait fait présent.
IPHION fut un peintre habile, dont on lit
l'éloge dans une épigramme de l'Anthologie
grecque.
IPHIS est mentionné pour avoir peint
Neptune et une Victoire.
IRENE, fille de Cratinus, peintre et comédien,
dont l'âge est inconnu. Pline parle d'une jeune fille
qu'elle avait peinte à Eleusis ; mais peut-être
n'a-t-il pas traduit avec exactitude l'auteur grec qu'il
suivait. On sait qu'Eleusis était un lieu
consacré aux mystères de Cérès :
ce qui peut faire soupçonner qu'Irène y avait
peint Proserpine, que les Grecs désignaient souvent
par le mot Korê, qui signifiait aussi une jeune
fille, une vierge. Le lieu où se trouvait l'ouvrage
d'Irène semble indiquer qu'elle avait de la
réputation. On ne choisit guère des artistes
obscurs pour décorer des temples
célèbres.
LALA florissait dans la jeunesse de Varron, et, par
conséquent, au commencement du dernier siècle
avant notre ère. Elle était de Cyzique ; jamais
elle ne se maria, et Pline l'appelle vierge
perpétuelle. Elle peignait au pinceau et
travaillait aussi sur l'ivoire au poinçon. Il
paraît qu'elle ne peignait que le portrait, et elle
réussissait principalement à ceux des femmes :
elle fit le sien au miroir. Personne ne peignit avec plus de
promptitude, et elle joignait tant d'art à une
extrême facilité, que ses ouvrages
étaient payés plus cher que tous ceux des
peintres de son temps. Elle fit à Naples un grand
tableau représentant une Vieille.
LAZARE, moine qui peignait à Constantinople,
sous le règne de l'empereur Théophile, eut
beaucoup à souffrir de la fureur des iconoclastes. Les
historiens Zonare et Cédrénus en donnent le
détail dans leurs Annales.
LEON, contemporain du poète Alcée,
peignit le portrait de Sapho ; il vécut, vers la XLVe
olympiade, avec cette femme célèbre par ses
poésies et ses amours. Ce portrait, conservé
jusqu'au temps des empereurs, dut sans doute être
recouvert d'une couche très légère de
cire, pour en garantir les couleurs contre les injures de
l'air.
LEONIDES fut le maître d'Euphranor ; il est
mentionné par Etienne de Byzance et par
Eustathe.
LEONTION ne nous est connu que par son portrait, qui
fut peint par Aristide le Thébain ; mais cette
circonstance suppose que Léontion dut être
lui-même un artiste de quelque mérite :
Aristide, peintre célèbre, n'aurait pas
employé son talent à faire le portrait d'un
homme qui n'aurait pas cultivé son art avec
distinction.
LEONTISQUE n'est connu que par les sujets de deux de
ses tableaux, l'un représentant une Joueuse de
harpe, et l'autre, Aratus victorieux, avec un
trophée. On suppose qu'il vivait à peu
près dans le même temps que celui dont il
célébrait les victoires, c'est-à-dire
environ deux siècles et demi avant Père
vulgaire.
LESBOCLES. Pline dit de cet artiste que, fondeur du
second ordre, il était peintre du premier.
LUCAS était originaire d'Antioche, dit
Nicéphore Calliste ; il était peintre et
médecin ; il fit la rencontre de Paul à
Thèbes aux Sept-Portes, se convertit à
Jésus-Christ, et abandonna la médecine du
corps, pour pratiquer la médecine de l'âme. On
prétendait, du temps de Nicéphore Calliste, que
Lucas avait su le premier donner au Christ la majesté
qui caractérise la Divinité ; il avait fait
aussi le portrait des apôtres, et ces portraits
étaient en grande vénération par toute
la terre. C'était moins sans doute comme ouvrage de
l'art qu'ils étaient vénérés, que
parce qu'ils présentaient les images de ceux que la
religion avait sanctifiés.
LUCILLUS est loué dans les Lettres de
Symmaque.
LUCIUS MALLIUS était regardé comme le
meilleur peintre de son temps. Macrobe raconte que Servilius
Geminius, soupant un jour chez lui, et apercevant ses enfants
qui étaient contrefaits, lui dit : «Tu ne les
fais pas comme tu les peins. - C'est, répondit-il,
parce que je fais les uns dans l'ombre, et les autres
à la lumière».
LUDIUS. Voyez MARCUS.
LYSIPPE, d'Aegine, ancien peintre à
l'encaustique, fut un des pères de l'art de peindre
dans la Grèce. Lysistrate de Sicyone, son
frère, accoutuma les artistes à saisir la
ressemblance. Jusqu'alors on avait cru remplir le voeu de
l'art lorsqu'on avait fait un simulacre le plus flatté
et le plus beau possible. Lysistrate fut encore l'inyenteur
de l'art de multiplier un simulacre par lui-même, en
prenant l'empreinte de ce simulacre dans un creux,
composé d'une pâte propre à calquer
fidèlement l'effigie, et qui, en se séchant,
formait un moule. Cette invention fut tellement
goûtée, que les statuaires
s'accoutumèrent à ne plus faire aucun ouvrage
en matière dure, sans en tirer, par cette voie, la
copie exacte en argile : d'où il reste
démontré que les statues d'argile ou de
plâtre jetées en moules sont antérieures
aux statues d'airain jetées en fonte.
MARCUS LUDIUS, contemporain d'Auguste, était un
peintre de vues, de marines et de paysages, qu'il
accompagnait de figures ; il imagina le premier de peindre
sur les murailles des maisons de campagne des portiques, des
bois sacrés, des forêts, des collines, des
étangs, des cascades, des fleuves, des rivages. Il y
représentait des gens qui se promenaient, d'autres qui
naviguaient, d'autres qui, sur des ânes ou des
voitures, se rendaient à des maisons de campagne. Il
peignait des pêcheurs, des oiseleurs, des chasseurs,
des gens occupés de la vendange ; on voyait dans ses
tableaux des hommes porter des femmes sur leurs
épaules dans des avenues marécageuses qui
conduisaient à des maisons de campagne. Il peignait
aussi des ports de mer. En général, ses
inventions étaient fines et agréables. Marcus
Ludius avait peint le temple des Ardéates, qui furent
si contents de son travail, qu'ils lui donnèrent le
droit de bourgeoisie dans leurs villes, et firent en son
honneur l'inscription suivante :
Dignis digna loca picturis condecoravit, |
Auguste fut le premier qui eut l'idée de faire
revêtir les murailles des appartements de peintures
représentant des métairies, des portiques, des
boulingrins, des bois, des bosquets, des viviers, des
euripes, des fleuves, des rivages, etc., et de faire
représenter des villes maritimes sur les murailles
extérieures qui sont exposées aux injures du
temps. La dépense de ces peintures de marine
était très peu considérable. Junius,
dans son Catalogue des peintres anciens, veut qu'il y
ait eu deux Ludius, mais sans motiver son opinion.
MARCUS VARRON orna de sept cents portraits un ouvrage
qu'il avait composé sur la vie des hommes illustres,
invention digne, selon Pline, de rendre les dieux même
jaloux de Varron, qui, par un tel moyen, n'immortalisa pas
seulement ces grands personnages, mais multiplia encore leur
immortalité, les dissémina sur toute la terre,
les rendit présents dans tous les lieux, et donna
à tous les hommes la faculté d'avoir à
toute heure leurs portraits sous l'enveloppe d'un livre. Ces
sortes de portraits étaient sans doute de petites
médailles, dont l'assemblage composait un
médaillier. Car comment expliquer d'une autre
manière ce que Pline entend par aliquo modo
imagines, et ce qu'il dit que Varron dissémina ces
images par toute la terre, in omnes terras misit ut
praesentes essent ubique ? Comment ces indications
pourraient-elles convenir à des figures simplement
dessinées à l'encre ? La multiplicité
des copies ne devait-elle pas en rendre la ressemblance bien
difficile, et même impossible à observer dans un
grand nombre d'exemplaires, l'art de la gravure
n'étant point encore inventé, et ne l'ayant
été que bien postérieurement à
Varron, l'an de l'ère chrétienne 1460, par Maso
Finiguerra, orfèvre de Florence ?
MECHOPHANES ou MECHOPANES était
élève de Pausias. On lui reprochait de la
dureté dans la couleur ; l'ocre y dominait trop ; mais
il réparait ce défaut par une exactitude qui ne
pouvait être bien appréciée que par les
artistes.
MELANTHIUS ou MELANTHUS était, ainsi
qu'Apelles, élève de Pamphile. Il s'est
distingué par le même caractère de talent
que son maître. Il composait ses tableaux avec sagesse,
et les exécutait avec soin. Mélanthius avait
écrit sur la peinture. Ses élèves
avaient représenté Aristrate, tyran de
Sicyone, assis dans un char de triomphe avec une Victoire ;
ce tableau fut fort célèbre dans
l'antiquité. Plutarque rapporte qu'Apelles passait
pour y avoir mis la main. Mélanthius disait que, dans
ses ouvrages comme dans ses habitudes, il fallait concilier
la rudesse avec la politesse, mais que le mélange
était nécessaire.
MENESTRATE n'était pas un peintre fort habile,
si nous prenons à la lettre l'épigramme faite
sur son compte, que nous lisons dans l'Anthologie
grecque ; il avait peint Deucalion et
Phaéton : «Tu demandes, dit l'auteur de
l'épigramme, quelle récompense méritent
tes deux tableaux ? - Pour que chacun ait celle qui lui
appartient, que Phaéton ait les flammes, et Deucalion
la mer».
MENIPPE. Diogène Laërce fait mention de
deux peintres de ce nom.
MESTRIUS a le titre de peintre dans une inscription
qu'on trouve dans le recueil de Gruter.
METHODIUS ne nous est connu que parce ce que
Cédrénus nous raconte de lui. Il était
de Rome, moine, et avait la réputation d'être un
peintre habile. Mandé par Bogoris, roi des Bulgares,
il reçut l'ordre d'orner de peintures l'appartement le
plus vaste du palais de ce prince. Le peintre devait
représenter des sujets dignes de fixer l'attention ;
mais Bogoris lui en laissa le choix, demandant seulement
qu'à l'aspect de ces peintures les spectateurs fussent
frappés de terreur. Méthodius peignit le second
Avénement de Notre-Seigneur, lorsque
après la destruction des mondes, il viendra donner la
béatitude aux uns, et de terribles châtiments
aux autres. Bogoris, à l'aspect de cette peinture,
comprit pourquoi les uns goûtaient les joies
célestes, et pourquoi les autres étaient
livrés aux durs châtiments des enfers ; il
s'arrêta, et ne put proférer une seule parole,
atterré et presque mort devant le tableau de
Méthodius ; il revint enfin à lui pour abjurer
la superstition des gentils, et il se donna lui et sa nation
à ce Christ par l'ablution mystique de l'eau lustrale.
A juger du mérite de ce tableau par l'effet qu'il
produisit, Apelles, Zeuxis et Parrhasius n'auraient rien fait
qui fût comparable ; mais chacun sait que
Cédrénus, de qui ce récit est
emprunté, était un historien fort
crédule, et qu'il y a beaucoup à rabattre sur
ce qu'il raconte.
METRODORE vivait à Athènes dans le
même temps qu'Héraclide. Il était
à la fois peintre et philosophe, et jouissait,
à ce double titre, d'une grande considération.
C'est le témoignage que Pline lui a rendu, et lui seul
l'a fait connaitre à la postérité.
Lorsque Lucius Paulus, après avoir vaincu
Persée, demanda à la ville d'Athènes de
lui envoyer un philosophe du premier mérite, pour
l'éducation de ses enfants, et en même temps un
peintre du premier talent, pour l'employer à peindre
les diverses décorations de son triomphe, les
Athéniens firent choix du seul Métrodore,
assurant Lucius Paulus que ce choix répondait
dignement à ses désirs ; et ce
général lui-même en jugea ainsi.
Métrodore avait appris la philosophie de
Carnéade, à Athènes ; il avait
écrit sur l'architecture et sur les
poètes.
MICCION est mentionné par Lucien comme ayant
été élève de Zeuxis.
MICON était contemporain de Polygnote. Les
travaux du Poecile lui furent adjugés ; mais Polygnote
en fit généreusement une partie
considérable, sans demander ni recevoir aucun salaire.
Les Amphictyons, qui étaient les états
généraux de la Grèce, ne furent pas
insensibles au procédé du peintre de Thasos,
et, pour lui en témoigner leur reconnaissance, ils
ordonnnèrent qu'il aurait partout un logement gratuit.
Indépendamment de ses tableaux du Poecile, Micon fit
des ouvrages dans le temple de Thésée.
Pausanias remarque que l'une de ces peintures n'était
pas entièrement de sa main. Ainsi, les peintres,
dès lors, se faisaient aider dans leurs entreprises
considérables, à moins que Micon ne soit mort
avant d'avoir fini son tableau. Micon et Polygnote
composaient leur noir avec du marc de raisin, d'où
cette sorte de noir s'appelait tryginon. Il y eut un
autre Micon, surnommé le Jeune, dont la fille,
nommée Timarète, exerça l'art de la
peinture.
MNASITIME, fils et élève du statuaire
Aristonidas, est mis au nombre des peintres du
troisième ordre.
MNESITHEE, de Sicyone, est du nombre des peintres du
troisième ordre cités comme ayant
conservé de la réputation.
MYDON DE SOLES, peintre du troisième ordre,
était élève du statuaire
Pyromaque.
NEALCES, contemporain et ami d'Aratus, chef de la
ligue achéenne, florissait à peu près
deux siècles et demi avant l'ère vulgaire. Une
Vénus était du nombre des tableaux les
plus remarquables de cet artiste. C'était un peintre
ingénieux. Ayant à représenter un combat
naval des Egyptiens contre les Perses, et craignant qu'on ne
prît le Nil pour la mer, il représenta sur le
rivage un âne qui se désaltérait, et un
crocodile qui se disposait à l'attaquer. Par cet
épisode, il montrait que le combat se donnait sur
l'eau douce, puisqu'un quadrupède s'y abreuvait, et
que ce fleuve était le Nil qui nourrit des
crocodiles.
NEARQUE, père d'Aristarète, fut aussi
son maître.
NEOCLES eut Xénon pour disciple.
NERON. Suétone rapporte que cet empereur
cultivait la peinture et la plastique avec beaucoup de
succès. Il avait fait enlever du temple d'Apollon,
à Delphes, cinquante statues. Il avait tant de
goût pour les statues, dit Dion Chrysostome, qu'il prit
la plupart de celles qui étaient à Olympie,
à Athènes et à Pergame ; il ne respecta
que celles de Rhodes. Craton, qu'il avait chargé de
visiter toutes les villes pour lui chercher les plus belles
statues, s'étant aperçu que son arrivée
à Rhodes avait mis tout le monde dans la
consternation, déclara qu'il n'avait point d'ordre
pour toucher à ce qui faisait l'ornement de cette
ile.
NESEAS vivait dans la XCIVe olympiade : Pline ne
craint pas d'affirmer qu'il fut le maître de
Zeuxis.
NESSUS était le fils d'Habron, et fut
probablement son élève : il est au rang des
peintres du troisième ordre.
NICAEUS paraît avoir été un
peintre habile ; il était de Byzance. Pline rapporte,
au sujet de ce peintre, un fait bien remarquable. Sa
mère était la fille adultérine d'un
Ethiopien dont elle n'avait point la couleur, tandis que lui
fut Ethiopien comme son grand-père.
NICANOR, ancien peintre à l'encaustique : on ne
cite aucun de ses ouvrages.
NICEARQUE peignit Vénus entre les
Grâces et les Amours ; Hercule, triste et en
proie aux regrets des actes de cruauté qu'il a commis
dans ses accès de fureur.
NICEROS, fils et élève d'Aristide de
Thèbes.
NICEROS, fils et élève de
Persée.
NICIAS, fils de Nicomède, reçut les
leçons d'Antidote, qui fut encore plus honoré
par les talents d'un tel disciple que par ses ouvrages. Il
peignit les femmes avec beaucoup de soin ; il observa les
effets de l'ombre et de la lumière, ce qui constitue
le clair-obscur. Il faudrait voir ses ouvrages pour savoir
s'il les porta jusqu'à l'idéal, que les
artistes appellent la magie de cette partie de l'art ; il sut
aussi donner du relief aux objets, et les faire sortir du
tableau, talent qui tient encore au clair-obscur. Il
s'appliquait au travail avec tant d'opiniâtreté,
qu'on l'entendait souvent demander à ses esclaves s'il
avait été au bain, ou s'il avait
dîné. C'est ce qui lui arriva plusieurs fois,
lorsqu'il peignait le tableau qui représentait
Ulysse évoquant les ombres des morts. Le roi
Attale en offrit 60 talents (270,000 fr. de notre monnaie) ;
et le peintre, qui était extrêmement riche, aima
mieux le donner à sa patrie. Un de ses ouvrages,
représentant Némée assise sur un
lion, fut apporté d'Asie à Rome par
Syllanus. On voyait aussi de lui à Rome un
Bacchus dans le temple de la Concorde, et un
Hyacinthe. Auguste aimait tant ce tableau, qu'il le
fit apporter à Rome après s'être rendu
maître d'Alexandrie, et Tibère le consacra dans
le temple d'Auguste. La Calypso de Nicias, son
Io, son Alexandre, étaient des figures
de très grande proportion. Pausanias raconte
qu'à l'entrée de Tritia était un tombeau
de marbre blanc, digne d'ailleurs d'attacher les regards,
mais surtout par les peintures qui le décoraient, et
qui étaient de la main de Nicias. On voyait assise sur
un trône d'ivoire une jeune femme d'une grande
beauté ; une esclave qui était auprès
d'elle tenant un parasol ; un jeune homme encore sans barbe,
était debout, vêtu d'une tunique que recouvrait
une chlamyde de pourpre : à côté de lui,
un esclave tenait des javelots, et conduisait des chiens de
chasse. On ignore si c'est ce Nicias ou un autre peintre du
même nom qui vivait dans la CXIIe olympiade : on
prétend que Nicias, contemporain d'Attale, enduisait
d'un vernis les statues de marbre de Praxitèle ; mais
comment aurait-il pu être à la fois contemporain
de Praxitèle et d'Attale ? Un peintre comme Nicias,
qui refusait 60 talents d'un de ses tableaux, aurait
été d'une bien rare complaisance, s'il
s'était fait le vernisseur des statues de
Praxitèle. Il faut donc convenir qu'il y eut au moins
deux peintres nommés Nicias ; l'un distingué
par le talent, et l'autre inférieur, mais qui
excellait à vernir les statues, en sorte que
Praxitèle disait que ceux de ses ouvrages en marbre
qui lui plaisaient le plus, étaient ceux qui avaient
été vernis par Nicias. Nicias avait sa
sépulture à Athènes entre les monuments
de ceux que la république avait jugés dignes de
cet honneur. Ce peintre, dit Pausanias, l'emportait sur tous
ceux de son temps par son habileté à peindre
des animaux. Aussi voyons-nous qu'il avait peint
Némée assise sur un lion ; que, sur le
monument qu'il avait décoré de peintures
près de Tritia, il avait représenté des
chiens de chasse ; et un passage de Démétrius
de Phalère nous apprend qu'il aimait à
représenter des combats de cavalerie. Il peignait
à l'encaustique, et ce fut dans ce genre de peinture
qu'il fit le tableau de Némée. Suivant
Plutarque, ce ne fut pas Attale, mais Ptolémée,
qui voulut acheter 60 talents le tableau représentant
Ulysse évoquant les ombres des morts. Alors ce
peintre pouvait être le même que Pline trouvait
sous la CXIIe olympiade. Mais Euphranor aurait donc
été plus ancien qu'Apelles, ce que le passage
de Quintilien que nous avons rapporté ne permet pas
d'admettre ; Pline dit lui-même qu'Euphranor n'a paru
qu'après Pausias. Au rapport de Pline, Nicias fut le
premier qui fit usage dans les tableaux de céruse
brûlée. C'est ce que nous nommons aujourd'hui
minium ou mine de plomb, dénominations
trop souvent équivoques. L'invention de cette
substance colorante est due à
l'événement fortuit de l'incendie du
Pirée, après lequel on trouva de la
céruse qui avait été brûlée
dans des boîtes. Celle qu'on tirait d'Asie, et que les
Romains appelaient cerussa purpurea, était
préférée. On en composait à Rome
avec du silis marbré ; mais celle-ci était
moins recherchée.
NICOMAQUE, fils et élève d'un peintre
nommé Aristodème, est mis sur la mème
ligne qu'Apelles, Protogènes et Asclépiodore.
Plutarque compare sa manière facile de peindre
à celle dont Homère faisait des vers. Nicomaque
se distinguait de tous ses contemporains par cette
facilité qui ne semble pas avoir nui à son
talent. Aristrate, tyran de Sycione, le manda pour peindre un
monument qu'il voulait consacrer à la mémoire
du poète Télestus. Le jour où l'ouvrage
devait être fini était fixé. Nicomaque ne
vint que quelques jours plus tôt. Le tyran,
irrité voulait le faire punir ; mais le peintre eut
fini son travail au temps marqué, et avec autant d'art
que de finesse. Cet artiste était l'opposé de
Protogènes pour l'exécution. Quelqu'un
critiquait devant lui l'Hélène de
Zeuxis, et ne la trouvait pas belle. «Prends mes yeux,
lui dit Nicomaque, et elle te paraîtra une
déesse». On pourrait souvent répondre
à ceux qui critiquent les chefs-d'oeuvre de l'art :
«Prends les yeux d'un artiste, et tu en
reconnaîtras les beautés». Pline dit,
comme une chose remarquable, que Nicomaque et Parrhasius
faisaient usage de la terre érétrienne dans la
composition de leurs couleurs. Cette terre était ainsi
nommée d'Erétrie, ville de l'Eubée.
Nicomaque avait peint l'Enlèvement de
Proserpine, tableau qui était, du temps de Pline,
au Capitole, dans le temple de Minerve, au-dessus de la
chapelle de la Jeunesse ; une Victoire
s'élevant dans les airs sur un char attelé de
quatre chevaux, tableau qui avait été
placé au Capitole par Lucius Munacius Plancus.
Nicomaque était le premier qui s'était
avisé de coiffer Ulysse d'un pileum. On
admirait encore de lui, au temps où Pline
écrivait, un Apollon, une Diane, une
Mère des dieux, assise sur un lion, et un
tableau plus célèbre encore,
représentant des Bacchantes, suivies de satyres
enivrés, qui, dans cet état se traînaient
sur leurs pas. Nicomaque eut pour élèves
Aristides, son frère ; Aristoclès, son propre
fils, et Philoxènes d'Erétrie. Il mourut sans
avoir eu le temps d'achever son tableau des
Tyndarides. Pline n'hésite pas à mettre
cet ouvrage au nombre des chefs-d'oeuvre de la peinture
antique, quoiqu'il ne fût pas terminé.
NICON ne peignait que des chevaux, et cependant Aelien
lui reproche de ne pas avoir bien connu la structure de cet
animal. Nicon avait représenté sur le Poecile
le chien qu'un Athénien avait avec lui à la
bataille de Marathon. On voyait ce courageux animal au milieu
des combattants qui étaient aux côtés de
Cynaegire, d'Epizèle et de Callimaque.
NICOPHANES était mis au nombre des meilleurs
artistes de son temps : on aimait surtout
l'élégance et l'agrément de ses
ouvrages. Il avait une grande vivacité
d'exécution et de conception. On lui reprochait, comme
à Aristide, de peindre de préférence des
courtisanes. Il est du nombre des artistes que les anciens
appelaient pornographes.
NICOSTRATES, dit Aelien, fut tellement saisi
d'admiration à la vue de la Vénus que
Zeuxis avait peinte pour les Héracléens, qu'il
resta immobile devant ce tableau. Quelqu'un, s'approchant de
lui, lui demanda ce qui pouvait tant exciter son admiration :
«Tu ne me ferais pas cette question, lui
répondit Nicostrates, si tu avais mes yeux».
Plutarque met la même réponse dans la bouche de
Nicomaque. Il y a deux espèces d'illusion dans la
peinture, dit Diogène Laërce ; les unes sont
artificielles, les autres ne le sont pas. Un artiste et un
homme qui ne l'est pas ne voient pas un tableau des
mêmes yeux.
NOTHERUS fut, comme Lucas, médecin et peintre.
Il devint aveugle dans sa vieillesse ; l'empereur Othon Ier
voulant rendre hommage à son mérite, alla le
visiter.
OENIAS peignit une parenté, ou assemblée
de femmes.
OLYMPIAS. Tout ce qu'on sait d'elle, c'est qu'elle eut
un élève nommé Autobule : la
maîtresse et l'élève nous sont connus
seulement par leurs noms que Pline nous a
conservés.
ONASIAS ou ONATAS peignit pour les
Platéens Euryganée, dont l'air
égaré exprimait la douleur que lui causait la
délaite de ses enfants.
ONATAS peignit pour les Platéens, sur un
côté du vestibule du temple de Minerve Area, la
première expédition des Grecs contre
Thèbes. Pausanias parle de cette peinture.
OMPHALION avait été esclave de Nicias.
Voilà, contre l'assertion trop générale
de Pline, un esclave qui exerça la peinture, et qui
s'y distingua. Cet exemple prouve que le talent faisait taire
la loi. On voyait à Messine un grand nombre d'ouvrages
d'Omphalion : la plupart représentaient des souverains
qui avaient régné dans la
Messénie.
OPHELION est nommé dans deux épigrammes
qui font partie de l'Anthologie grecque.
PACUVIUS. L'exemple de Fabius Pictor n'avait point
engagé ses concitoyens à l'imiter. Un
siècle et demi s'écoula sans qu'on vît
aucun Romain s'occuper de la peinture. Enfin, le poète
tragique Pacuvius, neveu d'Ennius par sa mère, peignit
le temple d'Hercule dans le forum Boarium. La gloire qu'il
avait acquise par ses ouvrages dramatiques répandit
quelque lustre sur l'art qu'il n'avait pas
dédaigné d'exercer, mais ne lui donna pas
cependant assez de considération pour que des mains
honnêtes (c'est l'expression de Pline) voulussent s'y
livrer. Ce qui donnerait à penser que s'il y eut de
temps en temps quelques peintres romains, ce furent ou des
esclaves ou des hommes de basse condition. Les peintures de
Pacuvius étaient les amusements de sa vieillesse : la
peinture est un art difficile qui demande l'homme tout
entier. Elle peut procurer des instants agréables,
niais non de grands succès à l'amateur qui s'en
occupe en passant. Il est probable que Pacuvius connaissait
mieux l'art dramatique. Il s'acquit dans cette autre
carrière une très grande réputation, et
la mérita en partie. Toutefois, les anciens lui
préfèrent Accius pour la force du style,
l'élévation des sentiments et la
variété des caractères. Pacuvius
était né à Brindes, et il mourut
à Tarente, âgé de plus de
quatre-vingt-dix ans, l'an 54 avant
Jésus-Christ.
PAMPHYLE fut le premier des peintres de
l'antiquité qui cultiva toutes les parties des
belles-lettres, et surtout les mathématiques et la
géométrie, sans lesquelles il soutenait que
l'art ne pouvait se perfectionner : ce qui prouve que les
peintres de ce temps n'étaient pas aussi ignorants en
perspective que le supposent les modernes, Pamphyle
était d'Amphipolis, en Macédoine : peintre
très célèbre par son talent, il eut
encore la gloire d'avoir Apelles pour disciple. Il prenait
des élèves pour dix ans, et en exigeait un
talent, qui faisait 5,400 francs de notre monnaie. Il donna
tant de lustre à la peinture, que, d'abord à
Sycione, et ensuite dans toute la Grèce, elle fut mise
au premier rang entre les arts libéraux, et que tous
les jeunes gens bien nés apprirent à dessiner.
On se servait, pour ces dessins élémentaires,
de tablettes de buis ; après avoir tracé un
dessin sur la tablette, on la nettoyait pour y faire un
dessin nouveau, car les élèves n'avaient pas la
facilité de garder leurs études, comme ils
peuvent le faire depuis l'invention du papier. L'art de la
peinture conserve la gloire que Pamphyle lui avait acquise ;
il n'y eut que des ingénus qui pussent l'exercer, et
ensuite que des gens de la condition la plus honnête ;
il fut toujours interdit aux esclaves : il était
réservé aux Romains de le dégrader, en
le faisant exercer par des mains serviles. Cet usage fit
perdre, sans doute, quelques bons artistes, qu'auraient pu
fournir les dernières classes de la
société ; mais il en résulta un
avantage, c'est que la peinture n'étant une profession
honorable et lucrative que pour ceux qui l'exercent avec
distinction, cet art ne fut pas dégradé chez
les Grecs par la misère d'une foule de peintres sans
talent. Ceux qui avaient fait sans succès les
premières études de cet art l'abandonnaient,
parce qu'il n'était pas leur seule ressource. Pamphyle
traita des sujets de grande machine, tels que le Combat de
Phliunte et la Victoire des Athéniens. Il
se distingua entre les peintres de l'antiquité par la
bonne entente de sa composition. Il peignit à
l'encaustique. Il vivait dans la CVIIIe olympiade.
PAMPHYLE paraît avoir été un
peintre sans talent, que Cicéron tourne en ridicule
dans son Traité de l'orateur.
PANOENUS ou PANOEUS était frère
de Phidias. Il associa ses travaux à ceux de
l'immortel statuaire dans le temple de Jupiter Olympien. Il y
peignit Atlas qui supporte le ciel et la terre, et
Hercule qui se prépare à le soulager de
ce fardeau : le fils d'Alcmène est accompagné
de Thésée et de Pirithoüs. L'artiste avait
représenté dans cette peinture la Grèce
et Salamine personnifiées : celle-ci tenait dans ses
mains un ornement, composé de restes de navires,
symbole qui rappelait aux Athéniens des idées
capables de flatter leur orgueil. Il avait peint aussi le
Combat d'Hercule contre le lion de Némée
; l'Injure qu'Ajax fit éprouver à
Cassandre ; Hippodamie, fille d'Oenomaüs,
avec sa mère ; Prométhée
chargé de chaînes, et qu'Hercule regarde,
prêt à le délivrer ;
Penthésilée rendant le dernier soupir
dans les bras d'Achille ; enfin, deux
Hespérides portant les pommes dont la garde
leur était confiée. Il représenta dans
Athènes la Bataille de Marathon ; et les
Athéniens croyaient reconnaître dans ce tableau
leurs propres chefs et ceux des ennemis ; de leur
côté Miltiade, Callimaque, Cynégire, et
du côté des Perses, Datis et Artapherne. Il
peignit en Elide, dans l'intérieur du bouclier de la
Minerve sculptée par Colotès, le Combat des
Athéniens contre les Amazones. Plutarque nomme
Plisténète le frère de Phidias ; mais
les autorités réunies de Pline, de Strabon et
de Pausanias, doivent l'emporter sur la sienne. Du temps
même de Panoenus furent instituées les disputes
de prix entre les peintres, tant à Delphes qu'à
Corinthe ; témoin le concours ou combat de talents
qu'il soutint le premier de tous contre Timagoras de Chalcis,
par qui il fut vaincu aux jeux Pythiens. Ce fait était
constaté par des vers que Pline avait lus et qui
étaient, assure-t-on, de Timagoras lui même,
vers, ajoute-t-il, qui démontraient l'anachronisme des
historiens sur l'époque des commencements de
l'art.
PARRHASIUS, d'Ephèse, fils et disciple
d'Evenor, observa le premier la proportion dans la peinture,
rendit la finesse du visage, l'élégance des
cheveux, les agréments de la bouche, et, de l'aveu des
artistes, il emporta la palme par sa manière de rendre
les derniers traits qui terminent les objets. C'est, au
rapport de Pline, d'après les écrits de deux
peintres, Antigone et Xénocrate, c'est un grand
mérite de bien peindre les milieux des corps ;
cependant, plusieurs ont eu cette gloire ; mais rendre ce qui
termine ces corps, ce qui approche des contours, ce qui
enveloppe les formes, c'est un succès bien rare ; car
les parties voisines des contours doivent s'envelopper
elles-mêmes, finir en promettant cependant encore autre
chose, et indiquer même ce qu'elles cachent. En effet,
si les objets peints, qui dans la nature ont du relief,
paraissaient en peinture se terminer avec le contour, ils ne
représenteraient que des objets plats et sans rondeur.
L'éloge qui est accordé ici à Parrhasius
est l'un de ceux qu'a singulièrement
mérités le Corrège ; mais le peintre
éphésien, moins heureux que le peintre lombard,
n'était pas égal à lui-même dans
l'art de traiter ce que les artistes appellent les milieux.
Pline parle d'un tableau de Parrhasius qui
représentait le peuple d'Athènes. Il
paraît que c'était un tableau d'une seule
figure, et ce sujet fut choisi plusieurs fois par les
peintres et les sculpteurs ; entre les autres par Euphranor,
Lyson, Léocharès ; mais quand Pline ajoute que
le projet de Parrhasius était de représenter le
peuple d'Athènes inconstant, colère, injuste,
et en même temps exorable, clément,
compatissant, hautain, féroce, porté à
prendre la fuite, on sent qu'un tel dessein ne peut
être exécuté dans la
représentation d'une seule figure, parce que la
peinture ne peut représenter qu'un seul instant, et
que l'expression de ces passions diverses exige des instants
successifs. Entre les ouvrages célèbres de
Parrhasius, on distinguait surtout deux tableaux, chacun
représentant un de ces soldats fortement armés
que les Grecs appelaient Oplites : l'un paraissait courir au
combat avec tant d'ardeur qu'on croyait le voir suer ;
l'autre se dépouillait de ses armes, et semblait
essoufflé. On peut remarquer que dès lors on ne
traitait plus guère des sujets qui demandaient un
grand nombre de personnages, comme du temps de Polygnote. On
préférait les tableaux d'une ou de deux
figures, et rarement on en introduisait plus de quatre.
Parrhasius était fastueux et plein d'orgueil ; il
disait qu'il était le prince de l'art, et qu'il en
avait trouvé la perfection. Il ne se trompait
peut-être pas, en se comparant avec les peintres de son
temps ; mais il fut surpassé dans la suite. Il avait
peint, dans ses délassements, des petits tableaux
représentant des sujets obscènes.
Sénèque le père a écrit que
Parrhasius avait acheté un esclave, et l'avait fait
mettre à la torture pour représenter
d'après lui les tourments de Prométhée.
C'est une fable, sans doute, mais elle prouve que ce peintre
recherchait l'expression ; ce qu'atteste le choix de
plusieurs de ses sujets, entre autres, celui de
Philoctète souffrant. On peut conclure de sou
entretien avec Socrate, rapporté par Xénophon,
qu'il est le premier peintre de la Grèce qui se soit
occupé de cette grande partie de l'art, et qu'il ne
s'y est livré que par le conseil du philosophe. Mais,
si Parrhasius mit le premier de l'expression dans ses
tableaux, comment Polygnote avait-il dans cette partie la
supériorité qu'Aristote semble lui attribuer ?
Peut-être faudra-t-il entendre par le mot
ethê (les moeurs) qu'emploie Aristote, ce qu'on
entend dans les arts par le caractère, et ce qui n'est
point encore l'expression des affections de l'âme.
Michel-Ange avait un grand caractère ; mais il n'avait
pas l'expression de Raphaël. Les peintres dessinaient
dès lors des études, et peut-être
même des esquisses sur des tablettes ou du parchemin.
Parrhasius en laissa un grand nombre dont les artistes
profitèrent. Il avait peint le
Thésée qui était à Rome,
au Capitole, du temps de Pline ; un Amiral revêtu de
sa cuirasse, et, dans un seul tableau qui était
à Rhodes, Méléagre, Hercule et
Persée, tableau qui fut frappé trois fois
de la foudre, sans en être endommagé, ce qui
augmentait encore l'admiration pour l'ouvrage ; un
Archigalle, ou grand prêtre de Cybèle,
que l'empereur Tibère avait payé 60,000
sesterces (6000 fr, de notre monnaie ), qu'il
préférait à toute autre peinture, et
qu'il avait fait placer dans sa chambre à coucher. Il
peignit aussi une Nourrice crétoise, tenant son
enfant dans ses bras ; un Philisque et un Dieu
Bacchus. Suidas parle de ce beau tableau, qui donna lieu
au proverbe corinthien Qu'est-ce que cela auprès de
Bacchus ?, deux Enfants accompagnés de la
Vertu, qui est debout, et dans lesquels on remarquait la
sécurité et la simplicité de leur
âge ; un Pontife assisté d'un jeune
garçon qui tenait la boîte d'encens, et qui
avait une couronne de fleurs sur sa tête. On vantait
encore son Enée, ainsi que ses
Dioscures, peints dans un même tableau, son
Télèphe, son Achille,
Agamemnon et son Ulysse, tous ouvrages qui
avaient la plus grande célébrité.
Parrhasius se donnait le surnom d'Abrodiaetus, ou homme
vivant dans les délices ; il poussait la vanité
jusqu'à se donner pour descendant d'Apollon : il
disait qu'il avait peint l'Hercule Lindos
d'après Hercule lui-même, qui lui avait souvent,
disait-il, apparu en songe. Un tableau dans lequel il avait
représenté Ajax disputant à Ulysse
l'armure d'Achille, fut déclaré
inférieur à un autre tableau de Timante,
représentant le même sujet : «Ajax est
bien à plaindre, s'écria-t-il, indigné
de ce jugement, d'être une seconde fois vaincu par un
rival indigne de lui». Parrhasius avait écrit
sur la peinture.
PASIAS dut être un peintre très habile,
puisqu'on a regardé comme un titre de gloire pour
Erigonus de l'avoir formé ; il était
frère d'Eginète le modeleur.
PAUSANIAS excellait à peindre des scènes
de débauches, et fut rival d'Aristide et de Nicomaque
dans ce genre de peinture. Athénée le met au
nombre des artistes que les anciens appelaient
Pornographes.
PAUSIAS de Sicyone fut d'abord élève de
Briès, son père, et ensuite de Pamphyle. Nous
avons vu qu'Apelles, élève de Pamphyle, crut
que, pour acquérir plus de considération, il
devait se mettre quelque temps sous la discipline des
maîtres de Sicyone, et voilà qu'un peintre de
Sicyone entre à grands frais dans l'école de
Pamphyle. C'est une de ces nombreuses difficultés qui
se trouvent dans l'histoire de l'art des anciens. Pausias
peignait à l'encaustique, et il fut le premier qui se
distingua par ce talent. Il voulut réparer au pinceau
des murailles peintes autrefois par Polygnote à
Thespies, et il se montra inférieur à
lui-même, parce qu'il n'avait pas travaillé dans
son genre. Ce qui semblerait prouver, comme l'a
remarqué Scheffer, savant dans les lettres et instruit
dans l'art de peindre, que l'encaustique des anciens ne se
peignait pas au pinceau, que le travail s'établissait,
comme celui de la mosaïque, par pièces de cire
rapportées, qu'on les appliquait avec des brochettes
de fer, et qu'on faisait ensuite éprouver à
l'ouvrage l'effet du feu. Pausias fut le premier qui peignit
des plafonds. On n'était pas avant lui dans l'usage
d'orner ainsi les appartements. Quoiqu'il fût au rang
des plus grands peintres, il aimait à faire de petits
tableaux, et y représentait volontiers des enfants.
Les envieux prétendirent qu'il prenait ce parti, parce
qu'il peignait lentement. Ce reproche le piqua, et, pour
montrer qu'il était capable de joindre la promptitude
au talent, il fit un tableau qu'il finit en un jour, et qu'on
appela Hémérésios,
c'est-à-dire l'oeuvre d'un jour. C'était encore
un enfant qu'il représentait. Il aima dans sa jeunesse
Glycère, qui inventa les couronnes de fleurs,
combattit d'émulation avec elle et porta cet art
jusqu'à l'assortiment de la plus grande
variété de fleurs. Il peignit Glycère
elle-même, assise et ceinte d'une de ces couronnes
qu'elle faisait avec tant d'adresse. Ce fut un de ses
tableaux les plus célèbres. On nommait ce
tableau Stephaneplocos ou Stephanopolis, par
allusion au talent de Glycère, qui gagnait sa vie au
metier de bouquetière. Lucullus en acheta une simple
copie deux talents (10,800 fr.) Cette copie était
peut-être un double de la main de l'auteur. Pausias
avait fait aussi de grands tableaux, au nombre desquels
était un Sacrifice de boeufs, qui fut
apporté à Rome, et exposé dans le
portique de Pompée.
Pausias passa sa vie à Sicyone, qui fut longtemps la
patrie de la peinture. Mais cette ville se trouvant
obérée de dettes, ses tableaux furent mis
publiquement en vente ; ce qui fournit occasion à
l'édile Scaurus de les faire transporter à
Rome.
PAUSON ou PASSON vivait à peu
près dans le même temps que Polygnote. Celui-ci
fit les hommes meilleurs qu'ils ne sont, dit Aristote ;
Pauson les fit pires, et Dionysius tels qu'ils sont en effet
; ce qui semble signifier que Polygnote releva la nature
humaine par un caractère idéal ; que Pauson ne
représenta qu'une nature ignoble et pauvre, et que
Dionysius se contenta d'imiter la nature telle qu'elle se
présente ordinairement. Aelien rapporte qu'on chargea
Pauson de représenter un cheval qui se roulait par
terre ; que le peintre fit un cheval courant, et que celui
à qui était destiné l'ouvrage
étant mécontent de ce qu'on n'avait pas rendu
sa pensée : «Il n'y a qu'à renverser le
tableau, lui répondit Pauson, et ce sera un cheval qui
se roule». Si l'on admettait ce conte, il faudrait
supposer qu'alors les peintres ne représentaient pas
encore les ombres portées, et qu'ils ne faisaient voir
aucune différence entre le ciel et le terrain. Cette
supposition serait absurde, puisque les tableaux de
Polygnote, estimés d'Aristote, l'étaient encore
dans le Ve siècle de notre ère. C'est vainement
qu'on objecterait que les tableaux de Pauson étaient
inférieurs à ceux de Polygnote. Aristote
n'eût pas daigné en faire mention, s'ils eussent
été absolument mauvais pour leur temps, et le
nom de Pauson aurait été oublié au temps
d'Aelien.
PERSEE, élève d'Apelles, serait
tombé dans l'oubli, si ce grand peintre ne lui avait
pas adressé les écrits qu'il avait
composés sur son art. On ne saurait trop regretter que
le temps ait détruit tous les livres écrits par
des artistes grecs. Il ne se trouva personne qui
daignât les transcrire, quand les arts furent
tombés dans le mépris chez les Grecs devenus
barbares. Persée fut contemporain d'Aristide,
l'élève d'Aristide le Thébain. Il laissa
deux fils, Nicéros et Ariston. Les
élèves de Persée furent Antorides et
Euphranor.
PHALERION peignit la Sylla de la fable.
PHASIS fut un peintre de quelque réputation ;
on lit dans l'Anthologie grecque une épigramme
dont une de ses peintures a fourni le sujet.
PHIDIAS, regardé comme le plus habile des
sculpteurs de l'antiquité, cultivait aussi la peinture
avec succès. Il florissait du temps de
Périclès, vers 445 ans avant notre ère.
Il peignit à Athènes ce même
Périclès, surnommé l'Olympien, comme
l'entendent quelques interprètes, ou plutôt
Jupiter Olympien, comme l'entend M. Heyne, qui ne croit pas
que, pour nommer Périclès, on ait
employé le mot Olympius, sans rien ajouter qui le
désignât plus particulièrement. Phidias
était d'Athènes ; il reçut des
leçons d'Eladas et d'Hippius, et parut dans un temps
favorable aux arts ; Périclès le distingua
particulièrement, et le fit l'ordonnateur et l'arbitre
de ses grandes entreprises. On peut conjecturer de ce que les
auteurs ont écrit de Phidias, que le siècle
d'Alexandre compta des artistes qui surent donner plus de
grâce à leurs ouvrages, mais qu'aucun
n'atteignit à ce caractère de grandeur qu'il
savait donner à ses compositions. Toute
l'antiquité se plut à célébrer
son Jupiter Olympien. Il disait lui-même que
l'idée de ce chef-d'oeuvre lui avait été
inspirée par ces vers d'Homère qui
représentent le maître des dieux
ébranlant l'Olympe d'un mouvement des ses noirs
sourcils. On trouve dans Pausanias la description de cette
statue que M. Quatremère de Quincy a rétablie
d'une manière fort ingénieuse, d'après
cette même description. Cette tentative, dont aucun
artiste n'avait eu l'idée avant M. Quatremère,
pour aucun des chefs-d'oeuvre de l'antiquité qui ne
nous sont connus que parce que nous en disent les auteurs,
est un véritable tour de force. La statue de
Minerve, dans le Parthénon, à
Athènes, était au nombre des ouvrages
célèbres de Phidias. Cette statue était
d'or et d'ivoire. S'il est vrai, comme dit Pausanias, qu'une
Victoire, haute de quatre coudées, était sur sa
poitrine, l'ouvrage devait être dans son ensemble d'une
grandeur colossale. Phidias fit une autre Minerve en
bronze qui fut aussi d'une très haute proportion,
puisque les voyageurs apercevaient de Sunium le cimier de son
casque et le fer de sa lance. La Vénus Uranie,
exécutée en marbre de Paros, qui était
dans le temple de cette déesse, près du temple
de Vulcain, la Pallas-Lemnia, ainsi nommée
parce qu'elle fut dédiée aux habitants de
Lemnos, étaient regardées comme des monuments
clignes des divinités qu'ils représentaient.
Dans le temple de Némésis, près de
Marathon, Phidias avait fait en marbre de Paros la statue de
cette divinité vengeresse. Ce marbre, qui servit
à consacrer la défaite des Perses, avait
été apporté par eux pour élever
un monument de leur victoire. A Mégare, dans le temple
de Jupiter Olympien, était la statue de ce dieu que
Théocosmus de Mégare et Phidias avaient
commencée ensemble, et n'avaient pas terminée.
Phidias avait fait pour les habitants de l'Elide deux statues
; l'une représentait Jupiter, et l'autre un
jeune homme ceint d'une bandelette ; pour la citadelle
d'Elis, une statue de Minerve en or et en ivoire ; pour les
Platéens, une autre statue de la même
déesse. On voyait à Delphes un grand nombre de
ses ouvrages. Il réussissait à faire le
portrait avec beaucoup de ressemblance. On admirait ceux
qu'il avait placés dans les bas-reliefs dont il ornait
ses statues. La main qui dessinait les figures colossales de
Jupiter et de Pallas s'amusait à donner au marbre la
forme d'un poisson, d'une cigale, d'une mouche ; et les
délassements d'un habile homme étaient encore
célébrés plusieurs siècles
après sa mort. Phidias eut contre lui, et les ennemis
de son génie, et les ennemis de
Périclès, qui persécutèrent le
protecteur dans la personne du protégé. Ils
l'accusèrent d'avoir soustrait une partie de l'or qui
était entré dans la statue de Minerve ; mais
par le conseil de Périclès, il l'avait
appliqué de manière qu'on pouvait le
détacher, et il lui fut aisé de confondre ses
accusateurs. Cependant, on assure qu'il finit ses jours en
prison. On lit dans une déclamation de
Sénèque que les Eléens n'obtinrent des
Athéniens la permission d'appeler chez eux Phidias
pour faire le Jupiter Olympien qu'à condition qu'ils
leur rendraient ou cet artiste lui-même, ou 100 talents
: mais que, l'ouvrage fait, ils l'accusèrent d'avoir
soustrait une partie de l'or qu'ils lui avaient
confié, lui coupèrent les mains, et le
renvoyèrent aux Athéniens ainsi mutilé.
Ce conte n'est qu'une narration falsifiée du
traitement que lui firent éprouver ses concitoyens
eux-mêmes. On voyait à Rome, du temps de Pline,
une Vénus en marbre que l'on regardait comme un
ouvrage de Phidias.
PHILISQUE représenta l'atelier d'un peintre
avec un petit garçon qui souffle le feu.
PHILOCLES, d'Egypte, était regardé par
quelques-uns comme l'inventeur de la peinture
linéaire, on le dessin au simple trait, relevé
de quelques hachures.
PHILOKHARES ou PHILOTERUS fut un peintre
très habile dont les ouvrages méritèrent
d'être mis à côté des meilleurs
tableaux de Nicias. Jules César avait fait placer,
dans la salle du Sénat, un tableau de
Philokharès, qu'on ne pouvait voir sans admiration :
il représentait un jeune homme dans l'âge de la
puberté, qui ressemblait parfaitement à son
père, sauf l'intervalle des âges. Un aigle
planant dans les airs, et tenant un serpent dans ses serres,
se voyait au dessus-du tableau, et était
l'emblême qui attestait que ce chef-d'oeuvre
était l'ouvrage de Philokharès. On a
cité avec des éloges plus grands encore un
autre tableau où le même artiste avait
représenté ses deux fils, Glaucion et
Aristippe, dont les portraits faisaient l'admiration du
peuple et du sénat romain, quoique ces jeunes gens
n'eussent mérité par eux-mêmes aucune
sorte de célébrité. Il est probable que
Philokharès n'était qu'une qualification
flatteuse donnée par l'admiration
générale à Philotérus, qui
était le véritable nom de l'artiste. Au moins
cet aigle chasseur, qui se voyait au-dessus du tableau, le
fait présumer. Il est vraisemblable que cet aigle
était l'emblème de l'artiste, auteur du
tableau, dont le nom signifie ami de la chasse.
PHILOPINAX devint amoureux d'un tableau qu'il avait
fait, comme Pygmalion devint amoureux de sa statue ; et ce
fut, sans doute, cette passion qui lui fit donner le surnom
par lequel seul il nous est connu, Aristénète
parle de Philopinax dans sa dixième lettre.
PHILOXENES, d'Erétrie, élève de
Nicomaque, se distingua par de grandes compositions. On
remarquait surtout son Combat d'Alexandre contre
Darius, tableau qui se soutenait à
côté des meilleurs ouvrages de l'art. Il imita
la promptitude de son maître ; il inventa même
des moyens de travailler encore plus vite que Nicomaque, et
dans la suite on se piqua d'être encore plus
expéditif. Philoxènes devint un peintre du
premier ordre, et sur qui nul artiste ne mérite de
remporter la palme. Il avait peint un tableau lascif,
où l'on voyait trois Silènes en
débauche de table.
PHITHODICUS avait acquis de la réputation ;
c'était un peintre distingué, mais qu'aucun de
ses ouvrages n'a placé au premier rang.
PHRYLUS est mis au nombre des artistes grecs qui ont
cultivé la peinture avec succès dans la XCe
olympiade.
PISANUS fut un peintre et un ciseleur très
habile : pour mieux faire connaître son mérite
dans ces deux genres, il prenait dans ses ouvrages
ciselés le titre de peintre, et dans ses tableaux, le
titre de ciseleur. On lit sur une médaille en bronze
de l'empereur Jean Paléologue : Outrage du peintre
Pisanus.
PHITAGORAS, de Paros, avait peint les Grâces. Ce
tableau était conservé, dit Pausanias, dans le
palais d'Attale, à Pergame.
PLACIDIANUS paraît avoir été un
mauvais peintre au siècle d'Auguste ; Horace le tourne
en ridicule dans sa septième satire.
PLISTHOENETES, frère de Phidias, fut
lui-même un artiste d'un grand renom ; Plutarque en
parle dans son ouvrage qui a pour titre : Si les
Athéniens furent plus célèbres par la
gloire que par la paix.
POLEMON, d'Alexandrie, est du nombre des peintres du
troisième rang que Pline cite avec éloge.
Diogène Laërce prétend qu'il avait
écrit sur la peinture.
POLYCLES fut un peintre qui ne sut pas vaincre sa
mauvaise fortune ; s'il n'a pas acquis un nom
célèbre, ce n'est pas faute de talent, dit
Vitruve, mais parce qu'il était dominé par le
besoin.
POLYGNOTE, de Thasos, que Tzetzès appelle
Polygnostus, et qu'il prétend avoir
été beaucoup plus connu sous ce nom, vivait
à peu près 420 ans avant notre ère.
Polygnote, selon Pline, est le premier qui ait su draper les
femmes d'étoffes brillantes, et varier les couleurs de
leurs coiffures. Il est aussi le premier qui ait ouvert la
bouche de ses figures, qui ait fait voir les dents, qui ait
adouci l'ancienne roideur des visages. Il est probable que
les éloges que cet auteur donne à Polygnote
sont un peu au détriment des
prédécesseurs de ce grand artiste. Car si
toutes les physionomies avaient de la roideur dans les
tableaux de Panoenus, s'il n'avait su faire ouvrir la bouche
à aucune de ses figures dans son Combat de
Marathon, ce n'était pas un artiste
supérieur à nos peintres gothiques ; et,
pendant que la peinture était dans cet état
d'enfance, Phidias avait porté la sculpture à
sa perfection. Cela n'est pas probable ; à la
renaissance des arts, on vit la peinture et la statuaire
marcher à peu près du même pas. Il serait
trop long d'entrer ici dans le détail de deux grands tableaux de
Polygnote, décrits par Pausanias. Ils
étaient à Delphes ; l'un représentait
la prise de Troie et le départ des Grecs,
l'autre, la Descente d'Ulysse aux enfers. Falconet en
fait la critique, d'après le récit du voyageur
grec. Sa censure est sévère ; mais comme elle
ne peut porter que sur la composition, on ne saurait la
trouver injuste. Peut-être y avait-il dans ces tableaux
des beautés de dessin, d'expression, de détail,
qui l'auraient désarmé, s'il eût pu les
voir. On sait que Polygnote écrivait sur ses tableaux
le nom des personnes qui y étaient
représentées, et cette pratique prouve qu'il ne
connaissait pas l'effet. Aristote, plus voisin du temps de
Polygnote, et habitant de la ville où étaient
la plupart de ses ouvrages, Aristote, plus sensible que Pline
et Pausanias, et par conséquent plus connaisseur,
accorde à ce peintre d'avoir excellé dans
l'expression. C'est en ce sens que nous croyons devoir
entendre le mot grec ethê, qui signifie les
moeurs ; car, par quel autre moyen peut-on peindre les moeurs
que par l'expression ? Quintilien lui reproche la faiblesse
du coloris ; mais ce défaut était plutôt
celui du temps que celui de l'artiste. On voit même
qu'il ne négligeait pas la couleur quand elle
était relative aux affections de l'âme. Il avait
peint Cassandre à l'instant où elle
venait d'être outragée par Ajax : on voyait la
rougeur sur le front de cette princesse à travers le
voile dont elle cachait sa tête. Cette figure
était encore admirée du temps de Lucien. Les
Grecs faisaient sur Polygnote un conte odieux, mais qui
prouve du moins l'idée qu'ils avaient de sa passion
violente pour l'étude de l'expression. Ils
prétendaient qu'il avait fait appliquer un esclave
à la torture pour peindre d'après ce malheureux
les tourments de Prométhée. On a de même
accusé plusieurs peintres modernes d'avoir
poignardé un homme pour peindre un Christ
expirant. Il peignit dans le Poecile, à
Athènes, le Combat de Marathon ; sur le devant
du tableau, les peuples de l'Attique et les barbares
combattaient avec une égale valeur ; mais, en portant
la vue au centre de la bataille, on voyait les barbares
prendre la fuite, et se précipiter les uns sur les
autres dans un marais. Au fond étaient les vaisseaux
des Phéniciens ; les barbares voulaient s'y
précipiter, et étaient massacrés par les
Grecs. Le héros Marathon, qui avait donné son
nom à la campagne où s'est livré la
bataille, y paraissait, aussi bien que Thésée,
qui semblait sortir de terre pour protéger le peuple
qui avait reçu ses lois. Le peintre avait aussi
introduit dans sa composition Pallas, déesse
tutélaire des Athéniens, et Hercule, l'un des
dieux à qui les Marathoniens accordaient leurs
premiers hommages. Entre les combattants se remarquait
Callimaque, premier polémarque des Athéniens.
Miltiade se distinguait entre les chefs, et l'on n'avait pas
oublié le héros Echetlus. Voici ce
qu'était ce héros : On racontait que pendant la
bataille, on avait vu un homme d'une apparence rustique qui
tuait un grand nombre de barbares avec le soc d'une charrue ;
il disparut après l'action. Les Athéniens
consultèrent l'oracle pour connaître leur
bienfaiteur, et reçurent pour réponse d'honorer
le héros Echetlaïus ou Echetlus, car on trouve ce
nom écrit de deux manières dans Pausanias. On
ne peut juger l'ordonnance de ce tableau, il faudrait l'avoir
vu ; mais l'invention n'en peut être condamnée,
et le peu que Pausanias a fait connaitre de la disposition
n'en donne point une opinion défavorable. Ce tableau
résista, sous un portique découvert, pendant
plus de neuf cents ans, aux injures de l'air et des saisons,
sans éprouver une dégradation sensible. Au
temps de Synésius, c'est-à-dire au commencement
du Ve siècle, il mérita de tenter la
cupidité d'un proconsul, qui l'enleva aux
Athéniens. Il a péri, on ne sait de quelle
manière, à Constantinople, ce grand tombeau des
ouvrages de l'art. C'est de Pauw qui a découvert ce
fait dans la lettre CXXXVe de Synésius. Polygnote
aimait les compositions d'un grand nombre de figures, que
nous appelons grandes machines. Il paraît que
c'était le goût de son siècle, goût
qui changea depuis. Quoiqu'il se plût à traiter
des sujets graves et héroïques, il se pliait
quelquefois à des sujets agréables. Il
représenta dans le temple des Dioscures les Noces
des filles de Leucippe. Il peignait à
l'encaustique, comme les maîtres rhodiens dont parle
Anacréon ; et peut-être Aglaophon, son
père, de qui il avait appris son art, l'avait-il
étudié lui-même sous les peintres de
Rhodes. De Pauw, dans ses recherches sur les Grecs, ne croit
pas que tous les efforts des modernes aient pu faire revivre
l'encaustique des anciens, cet encaustique qui bravait les
intempéries de l'air et les injures des siècles
; il accuse le comte de Caylus d'avoir même confondu
les instruments que les Grecs employaient à ce
procédé, dont le principal était un fer
ardent, qu'ils appelaient cautérion, et auquel
on substitua un feu plus actif encore, fait avec des noix de
galle allumées, pour forcer la cire à
pénétrer plus profondément dans le fond
du tableau. L'ouvrage terminé, on le lissait
jusqu'à ce qu'il eût acquis un poli presque
aussi brillant que celui d'un miroir. En suivant cette
méthode, il n'était pas possible, suivant de
Pauw, de rompre suffisamment les couleurs, ce qui ne semble
rien moins que prouvé. En effet, si les couleurs
broyées à la cire étaient aussi
coulantes que les couleurs broyées à l'huile,
les anciens peintres à l'encaustique pouvaient, aussi
bien que les peintres modernes à l'huile,
mélanger, fondre les couleurs et noyer les teintes, et
cette fonte n'aurait pas été détruite
par le travail du lissage ; mais de ce qu'ils pouvaient le
faire, nous ne conclurons pas qu'ils l'ont fait. Ensuite,
ajoute de Pauw, de tels tableaux ne pouvaient être vus
que d'un seul côté, suivant la chute de la
lumière, qui s'y reflétait tellement que les
spectateurs, placés dans un point opposé au
jour, ne discernaient exactement aucune partie de l'ouvrage.
On peut répondre que cet inconvénient est le
même pour les tableaux à l'huile, quand ils sont
vernis. Il en résulte qu'il faut les exposer
convenablement ou se mettre soi-même dans une place
convenable. Pline compte Polygnote au nombre des fondeurs du
second rang.
POLYGNOTE, de Paros, est un de ceux auxquels les Grecs
attribuaient l'invention de la peinture à
l'encaustique.
POLYGNOTES, d'Athènes, est, selon
Théophraste, l'inventeur de la peinture en
Grèce.
PRAXITELLES est le nom d'un des premiers artistes qui
peignirent en cire.
PRODORE, fondeur du second rang, et peintre du premier
ordre.
PROTOGENES était né à Caune,
ville soumise aux Rhodiens. On ignore quel fut son
maître ; l'on peut soupçonner qu'il fut
élève de quelque artiste obscur, et qu'il ne
dut ses progrès qu'à ses propres études
et à sa grande application. En effet, il languit
longtemps dans une grande pauvreté, occupé,
pour vivre, à peindre des vaisseaux, ce qui
probablement ne serait pas arrivé, s'il fût
sorti d'une école renommée avec le talent qu'il
aurait dû y acquérir. Mais il eut plus de
gloire, puisqu'il fut son propre ouvrage, et il le sentait si
bien, que, dans le temps de sa grande réputation,
peignant à Athènes le vestibule du temple de
Minerve, il y représenta de petits vaisseaux entre les
accessoires, pour faire connaître quels avaient
été ses commencements ; énigme assez
obscure par elle-même, mais dont le grand nom de
l'artiste fit transmettre d'âge en âge
l'explication. Sa première pauvreté lui fit
contracter une vie dure qui fut utile à son talent.
Pendant tout le temps qu'il employa à peindre son
Jalysus, il ne vécut que de lupins
détrempés pour satisfaire sa soif et sa faim.
Ce Jalysus était un chasseur, comme on peut en juger
par le chien qui l'accompagnait. Pline raconte que
Protogènes mit à ce tableau quatre couleurs
l'une sur l'autre, pour le défendre de l'injure du
temps et de la vétusté, afin qu'une couleur
venant à tomber, l'autre lui succédât.
Falconet, dont nous avons transcrit ici la traduction qui est
précise, observe justement toute la froideur du
procédé de peintre quatre tableaux l'un sur
l'autre. En effet, de la manière dont Pline s'exprime,
le quatrième, le troisième et le second tableau
n'étaient que des copies scrupuleuses du premier, qui
devait n'être vu qu'après que les trois autres
auraient été détruits par le temps. On
sait que, quand un peintre traite deux fois le même
sujet de la même manière, on
préfère le premier tableau à celui qu'on
appelle un double, parce que celui-ci n'a pas toute la
chaleur, toute la liberté de la première
composition. Que faut-il donc penser de quatre tableaux
peints l'un sur l'autre, dans lesquels chaque trait, chaque
touche, devait être la représentation
fidèle de la touche qu'elle couvrait ? Pline ajoute
que plus le peintre mettait de soin à bien
représenter l'écume du chien haletant, et moins
il était satisfait de son travail ; qu'enfin, dans un
moment d'impatience, il jeta sur cet endroit l'éponge
remplie de couleur avec laquelle il essuyait ses pinceaux, et
que le hasard imita parfaitement la nature. Falconet demande
si Protogènes jeta quatre fois l'éponge avec le
même succès sur les quatre tableaux qui se
couvraient l'un l'autre. Tous ces faits, rapportés par
des auteurs qui vivaient longtemps après l'artiste, ne
méritent aucune confiance. Le conte de l'éponge
jetée pour produire de l'écume est
rapporté de plusieurs peintres, et peut n'être
vrai d'aucun. Il se peut que Protogènes ait peint
quatre fois son Jalysus, mettant couleur sur couleur ;
et ce procédé, connu des artistes, mais mal
entendu par Pline, aura été mal exprimé
par cet écrivain. Que le peintre ait mis sept ans
à faire la seule figure de Jalysus, cela est encore
peu vraisemblable. C'était un artiste très
soigneux, et incapable de laisser sortir de son atelier un
ouvrage dont il n'aurait pas été satisfait. Il
devait donc mettre à peu près le même
soin à tous ses tableaux. Or, on sait qu'il avait
peint, dans le vestibule du temple de Minerve,
Paralus, inventeur des vaisseaux à trois rangs
de rames, et Nausicaa, qu'on appelait la
Muletière, parce qu'elle conduisait une voiture
tirée par des mulets, sujet fourni par
l'Odyssée ; qu'il avait peint un Satyre
en repos, Cydippe, Tlepolème, Philiscus,
poète tragique, occupé à composer une
tragédie, un Athlète, le roi
Antigone, le portrait de la mère
d'Aristote, le Dieu Pan, Alexandre,
plusieurs sujets de la vie de ce conquérant, et, sans
doute, d'autres tableaux dont les sujets ne sont point
parvenus jusqu'à nous. Mais comme on sait que
Protogènes finissait excessivement ses ouvrages,
qu'Apelles même lui reprochait de ne savoir pas
s'arrêter, c'est sur ce fondement qu'on aura
établi le récit des sept années
employées au Jalysus. Le roi
Démétrius, qui craignait d'incendier ce tableau
en mettant le feu à la ville de Rhodes qu'il
assiégeait, s'abstint de recourir à ce moyen
pour assurer sa conquête, en sorte que, pour
ménager une peinture, il se priva d'une victoire.
Protogènes était alors dans son jardin du
faubourg de Rhodes, c'est-à-dire au milieu du camp des
assiégeants ; et les combats qui se donnaient ne
firent aucune diversion à ses travaux, jusqu'à
ce que, mandé par le roi, surpris de la
sécurité avec laquelle il travaillait ainsi
hors des murs, l'artiste lui répondit qu'il savait
bien que Démétrius faisait la guerre aux
Rhodiens, et non pas aux arts. Ce prince disposa un corps de
garde et des sentinelles autour de ce jardin pour servir de
sauvegarde à Protogènes, ne se contentant pas
d'épargner ses jours, mais prenant encore à
coeur d'assurer contre tout danger les travaux d'un si grand
artiste. Il l'envoyait souvent chercher, et pour lui causer
une moindre perte de temps, il l'allait voir lui-même,
quittant, en sa faveur le personnage d'assiégeant,
pour prendre celui d'un amateur et d'un hôte civil ;
perdant ainsi de vue son grand objet du siège de
Rhodes, il interrompit les attaques et les assauts de la
place, pour venir ad-mirer Protogènes le pinceau
à la main. Ce fut pendant ce même siège
de Rhodes que l'artiste peignit un Satyre
dépérissant d'amour. Ce tableau qu'il
avait, pour ainsi dire, composé sous le glaive de
l'ennemi, fut admiré de toute l'antiquité.
L'artiste avait mis deux flûtes dans la main du satyre,
comme pour achever de braver, dit Pline, les dangers du
siège de Rhodes. Mais le chef-d'oeuvre de
Protogènes paraît avoir été son
Jalysus, tableau qui fut transporté à
Rome, et placé dans le temple de la Paix.
PUBLIUS avait une chienne qu'il aimait beaucoup : de
peur que sa dernière heure ne l'enlevât tout
entière, dit Martial, Publius en fit le tableau.
«Issa (c'était le nom de la chienne)
n'était pas plus ressemblante à elle-même
que la peinture ; on l'eût prise pour Issa : peinte,
elle semblait vivante ; vivante, elle semblait
peinte».
PYREISCUS était un peintre de genre qui n'avait
à craindre la concurrence d'aucun artiste.
C'était dans la boutique des barbiers, des
cordonniers, qu'il prenait de préférence les
personnages qu'il représentait dans ses tableaux. On y
voyait des ânes, des légumes et autres choses
semblables. Pline ne veut pas que Pyreiscus ait
dégradé son talent en faisant choix de sujets
souvent si bas. Il faut qu'en effet cet artiste ait
excellé à les peindre, puisqu'ils lui avaient
acquis la plus grande réputation. Ses ouvrages
étaient plus recherchés, ils étaient
plus chèrement payés que les nobles et grandes
productions de beaucoup d'autres. Pyreiscus, par le genre
qu'il avait adopté, pourrait être comparé
aux peintres hollandais. Ce qui ferait croire que les anciens
ne manquaient ni de couleur, ni d'exécution, c'est que
ces sortes d'ouvrages ne sont guère susceptibles de
plaire, quand ils sont dénués de ces parties de
l'art. On voit que les Grecs, ainsi que les modernes, avaient
du goût pour ces sujets, et les mettaient souvent
à plus haut prix que les compositions historiques. Les
tableaux de ce genre dominaient entre ceux qu'on a
découverts sous les cendres d'Herculanum. Pyreiscus
était surnommé Rhyparographe, ou peintre des
choses de rebut.
PYRRHON fut peintre avant de s'adonner à la
philosophie. Diogène Laërce, qui a écrit
sa vie, dit que l'on conservait dans le gymnase d'Elide les
tableaux de sa composition, représentant des effets de
lumière qui annonçaient beaucoup de talent. Ce
qu'avance Diogène Laërce est confirmé par
Suidas et Lucien.
PYTHAGORAS, de Samos, était peintre et
statuaire ; il avait orné de ses peintures le temple
de la Fortune ; on y voyait aussi sept statues de sa
composition. Tous ses ouvrages étaient
admirés.
PYTHEAS ornait les murailles de ses peintures, dit
Philon ; il était de Bura, en Achaïe. Il avait
peint un éléphant qu'on admirait à
Pergame.
PYTHODIQUE. Son nom est dans la liste des fondeurs du
second ordre, et des peintres du premier.
QUINTUS-PEDIUS était petit-fils de C.
Pédius, homme consulaire, et décoré des
honneurs du triomphe, le même que Jules César
avait nommé son héritier, conjointement avec
Auguste. Voilà, du moins, un peintre romain d'une
naissance très illustre ; mais il était muet de
naissance, et Messala l'Orateur, de la même famille que
l'aïeul de Quintus-Pédius, avait conseillé
de lui enseigner la peinture, comme un moyen de lui rendre
son infirmité moins pénible. Ce conseil fut
approuvé par Auguste. Quintus-Pédius faisait
déjà de grands progrès, lorsqu'il
mourut. Cet exemple ne prouve pas que la peinture,
considérée comme profession, fût alors
estimée à Rome : il s'agissait moins de choisir
un état au jeune homme muet et incapable des fonctions
de la société, que de lui trouver une
occupation dont il pût s'amuser. Cependant, comme
l'esprit national changea chez les Romains sous la domination
des empereurs, on peut croire que la profession des artistes
acquit alors plus de considération. Les Romains, du
temps de la république, n'étaient animés
que de l'esprit de liberté et de celui de
conquêtes : quand ces deux passions furent affaiblies,
celle des arts put trouver place dans leurs âmes. On
n'osait pas, sans doute, mépriser les arts sous le
règne de Néron, qui se faisait gloire
d'être artiste lui-même.
RUFUS paraît avoir été un peintre
qui s'était fait une manière très
expéditive. Il est mis en scène d'une
manière assez plaisante dans une épigramme de
l'Anthologie grecque.
RUTUBA, mauvais peintre du siècle d'Auguste,
dont Horace se moque dans sa septième satire.
SAURIAS inventa, dit Athénagoras, la
sciagraphie, et doit, par conséquent, partager la
gloire des premiers inventeurs de la peinture
linéaire.
SERAPION faisait de très grands tableaux ; mais
il ne représentait que des décorations, de
l'architecture. Un seul de ses tableaux, selon Varron,
suffisait pour masquer toute une colonnade avec sa
balustrade. Son talent l'abandonnait quand il fallait peindre
des figures.
SILLAX avait représenté le combat naval
qu'on voyait dans le port de Phliunte. Athénée
rapporte que Polémon-Percégète donnait
la description de cette peinture dans le livre qu'il avait
adressé à Adaee et à Antigone. Simonide
et Epicharme, selon le même Athénée,
avaient fait l'éloge de Sillax, ce qui fait
présumer que c'était un peintre habile.
SIMONIDE avait représenté
Agatharque et Mnémosyne.
L'Agatharque, peint par Simonide, était, selon
quelques-uns, le commandant de la flotte des Syracusains,
dont parle Thucydide ; d'autres veulent que ce soit
Agatharque qui dressa le premier un théâtre
à Athènes pour les tragédies d'Eschyle,
et qui écrivait sur la scène tragique.
SIMUS représenta un Jeune homme qui se
reposait dans la boutique d'un foulon ; un personnage
célébrant la féte des
Panathénées, et une
Némésis d'une rare beauté.
SOCRATE avait représenté Esculape
avec ses filles Hygia, Eglé, Panacée. On avait
aussi de lui un tableau que les Grecs nommaient Ocnos,
et que Pline appelle le Paresseux. Il aurait dû
plutôt le nommer le Négligent, le
Distrait. Il représentait un homme filant une
corde qu'un âne rongeait à mesure qu'il la
tordait. Cet homme n'était donc pas paresseux,
puisqu'il s'occupait ; mais il était distrait,
puisqu'il ne s'apercevait pas qu'un âne
détruisait son ouvrage à mesure qu'il croyait
l'avancer. Les ouvrages de Socrate étaient fort
recherchés des Grecs. Il est probable que cet artiste
avait été disciple de Pausias. Il ne faut pas
le confondre avec Socrate le statuaire, quoique plusieurs
écrivains aient pensé que le peintre et le
statuaire ne faisaient qu'un seul artiste.
SOPOLIS, SOPYLUS ou SOPYLON,
célèbre peintre de portraits, florissait
à Rome au commencement du dernier siècle avant
notre ère : il était contemporain de Lala, dont
il eut la douleur de voir les ouvrages payés plus cher
que les siens. Il paraît cependant qu'il était
très en vogue ; car Pline dit de lui et de Denys,
qu'ils avaient rempli les galeries de portraits de leur
façon.
STADIUS ou SLADICUS, élève de
Nicosthène, est mis au nombre des peintres du
troisième ordre.
SYMNUS. Ce peintre ne nous est connu que par la
mention qu'en fait Hippocrate, qui le nomme à propos
d'une de ses esclaves dont il parle dans son Traité
des épidémies.
SYROPERSA, revêtu de l'habit
ecclésiastique, exécuta, sur l'ordre de
l'empereur Anastase, un tableau dans lequel il avait
représenté des figures monstrueuses, et tout
à fait différentes des images que les
ecclésiastiques faisaient peindre. Anastase trouvait
plaisant de faire exécuter de ces sortes de
caricatures dans son palais. Mais, pour cette fois, les
figures peintes par Syropersa excitèrent un violent
mouvement parmi le peuple de Constantinople.
TAURISQUE avait peint un Discobole, une
Clytemnestre ; un Panisque ou petit Pan,
Polynice redemandant le trône, et
Capanée.
TELEPHANES, de Sicyone, se bornait à tracer au
pinceau de simples contours, au milieu desquels il jetait
d'autres traits, mais avec si peu d'art, qu'il était
obligé d'écrire à côté de
chaque portrait le nom de la personne qu'il avait voulu
représenter.
THALES. Diogène Laërce, dans la Vie
du philosophe de ce nom, passe en revue cinq Thalès,
parmi lesquels se trouve le peintre que nous plaçons
ici, Laërce dit qu'il était de Sicyone, et lui
donne la qualification de Magnanime.
THEODORE était contemporain de
Démétrius, et est, vraisemblablement, celui
à qui Diogène Laërce donne Athènes
pour patrie. Il avait peint un homme qui se frottait d'huile
en sortant du bain ou avant de s'exercer à la lutte ;
Clytemnestre et Egisthe tués par Oreste ; la
Guerre de Troie dans une suite de plusieurs tableaux qui
furent apportés à Rome, et placés dans
le portique de Philippe. Il avait peint aussi
Cassandre. Ce tableau était placé
à Rome, dans le temple de la Concorde. On avait encore
de lui Démétrius et Leontium, au
moment où cette maîtresse d'Epicure était
livrée à la méditation. Pline parle d'un
Théodore de Samos, élève de
Nicostènes, et Diogène Laërce parle d'un
peintre natif d'Ephèse qui se nommait aussi
Théodore.
THEODORE, de Samos, est cité par Pline comme un
peintre du troisième ordre, qui avait conservé
de son temps de la réputation. Il était
élève de Nicostènes. Diogène
Laërte compte vingt Théodore dans la Vie
du philosophe de ce nom : trois furent peintres.
Polémon, qui avait écrit sur la peinture,
faisait l'éloge de l'un ; Ménodote avait
loué l'autre, qui était d'Athènes ; le
troisième était d'Ephèse.
Théophane en parlait dans son livre de la
peinture.
THEOMNESTE, contemporain d'Asclépiodore,
reçut 10,000 deniers (4,000 fr. de notre monnaie) pour
chacun des héros qu'il peignit pour Mnason, tyran
d'Elatée ; le P. Hardouin, dans son édition de
Pline, prétend que cet artiste est le même que
le statuaire Théomneste.
THEON, de Samos, se distingua par la
singularité de ses conceptions, auxquelles les anciens
donnèrent le nom de fantaisies. Ils ne
prêtaient pas à ce mot le même sens que
nous, et paraissent même, par rapport aux arts, y avoir
joint une idée de désapprobation, comme nous
faisons au mot bizarre. Par exemple, Théon peignit
Oreste furieux, enfonçant le poignard dans le
sein de sa mère, et l'on voit par un passage de
Plutarque, que les anciens désapprouvaient le choix de
ce sujet. Combien de tableaux admirés par les
modernes, que les Grecs auraient placés dans la classe
des fantaisies et des bizarreries atroces ! Des tableaux
représentant la Folie simulée d'Ulysse,
Médée donnant la mort à ses
enfants, ont été rangés dans cette
classe par le sage Plutarque. Théon avait peint un
Guerrier, qui, l'épée nue à la
main, l'air menaçant, l'oeil égaré,
semblait animé de la fureur des combats. Cette figure
était seule dans le tableau : le peintre, homme
d'esprit, sentit le pouvoir que devaient avoir sur un peuple
assemblé les efforts des deux arts réunis, et
ne permit de lever la toile qui cachait son tableau,
qu'après avoir fait sonner la charge à un
trompette. La multitude, animée par cette musique vive
et guerrière, en confondit l'impression avec celle que
lui causait le tableau. Le moyen était adroit ; mais
un peintre, pour remuer l'âme des spectateurs, ne doit
employer d'autres ressorts que ceux de son art ; toute autre
ressource ne lui procure que des succès d'un moment.
Pline cite avec éloge deux autres tableaux de
Théon, le Joueur de flûte et
Thamyras.
THERIMAQUE fut un peintre célèbre qui
vivait dans la CVIIe olympiade : c'est tout ce qu'on sait de
cet artiste.
TIMAENETUS est mentionné par Pausanias pour
avoir peint un Musaeum.
TIMAGORAS fut contemporain de Phidias, et disputa au
frère de ce grand artiste le prix de la peinture aux
jeux Pythiens, et, malgré l'habileté de son
concurrent, eut la gloire de l'emporter sur lui. Timagoras
avait lui-même consigné son triomphe dans des
vers de sa composition.
THIMANTHE était de Sicyone, dans le
Péloponèse, et, selon quelques-uns, de Cythnos,
dans l'Attique ; il fut vainqueur de Parrhasius, au jugement
du peuple. Né dans un temps où l'on
commençait à faire une étude de
l'expression, il chercha à se distinguer dans cette
partie. Il ne négligea pas non plus ce que, dans les
arts, on nomme des pensées ; ce fut ainsi
qu'ayant représenté dans un fort petit tableau
un Cylope endormi, et, voulant faire connaître
que cette petite figure de cyclope était celle d'un
géant, il peignit des satyres beaucoup plus petits qui
mesuraient son pouce avec leurs thyrses. Les éloges
des orateurs firent beaucoup valoir son tableau du
Sacrifice d'Iphigénie. Il avait
représenté tous les spectateurs
affligés, et avait surtout épuisé les
caractères de la tristesse sur la figure de
Ménélas, oncle de la jeune princesse ; il mit
un voile sur le visage du père qu'il ne pouvait
montrer dignement, patris ipsius vultum celavit, quem
digne non poterat ostendere. C'est ainsi que s'exprime
Pline, et ses expressions sont au-dessus de la critique. On
sait que les anciens trouvaient indécent de se montrer
dans une extrême douleur, et qu'ils se couvraient la
tête de leurs manteaux, quand ils n'avaient pas la
force de dompter les troubles de leur âme. Suivant les
principes de cette décence, Timanthe ne pouvait
montrer dignement Agamemnon, qu'en le couvrant d'un voile;
Pline a mesuré tous ses termes : il dit que le peintre
avait épuisé sur les autres figures
l'expression de la tristesse ; mais il y a loin de la
tristesse à l'expression de l'extrême douleur.
Cicéron, Quintilien, Eustathe, prétendent que
Timanthe, après avoir épuisé sur les
autres personnages l'expression de la douleur, fut
obligé de voiler son Agamemnon ; Valère-Maxime
s'exprime d'une manière qui paraît s'accorder
mal avec les principes des Grecs sur les convenances de
l'art. Il prétend que le peintre avait
représenté Calchas triste, Ulysse
affligé, Ajax criant, Ménélas se
lamentant, et que, ne pouvant plus caractériser la
douleur du père, il le couvrit d'un voile. Croira-t-on
qu'un peintre grec qui respectait le caractère de la
décence et celui de la beauté, ait
représenté des princes criant et se lamentant
comme des esclaves qui se livrent sans frein à toutes
leurs passions, à toutes leurs affections ? Aurait-il
donné à des princes une faiblesse qu'il
n'aurait pas osé prêter à la
dernière femme de Sparte ? On présume que
Cicéron, Quintilien et Eustathe n'avaient pas vu le
tableau de Timanthe, qui ne paraît pas avoir
été du nombre de ceux qui eurent une longue
durée, et qui furent apportés à Rome. On
peut croire aussi que Pline ne l'avait pas vu ; mais que,
dans la description qu'il en a donnée, il a suivi
quelque auteur grec à qui le tableau était bien
connu. Timanthe s'était montré bon peintre
d'expression, en épuisant sur les divers personnages
le caractère de la tristesse ; il avait senti que la
tristesse ne suffisait pas pour peindre la situation du
père, que cependant il ne pouvait le montrer dignement
dans les crises de la douleur, et il prit le parti de le
voiler. C'est cette délicatesse et ce sentiment des
convenances dont Pline fait l'éloge : mais les autres
nous montrent un peintre qui, ayant épuisé tout
son art sur les figures subalternes, ou du moins secondaires,
ne sait plus comment traiter sa figure principale, et la
couvre d'un voile. Ils font un grand éloge de cette
ressource, qui ne serait que celle de la
stérilité. Suivant eux, c'est une sublime
invention que ce voile ; mais comme l'a fort bien
remarqué Daléchamp, cette invention appartient
à Euripide. On voyait à Rome un tableau de
Timanthe qu'on regardait comme un ouvrage achevé ; il
représentait un héros.
TIMARETE, fille de Micon le Jeune, qu'il ne faut pas
confondre avec l'ancien Micon, quoiqu'il fût ancien
lui-même, avait peint Diane dans un tableau qui
était à Ephèse.
TIMOMAQUE, de Byzance, était contemporain de
Jules César. Il peignit pour ce dictateur un Ajax
furieux et une Médée massacrant ses
enfants, sujet condamné par Plutarque, sans doute
parce que les Grecs ne voulaient pas que l'art
consacrât des actions atroces. César paya 80
talents attiques, de 6000 deniers chacun (360,000 fr. de
notre monnaie), ces deux tableaux, qu'il plaça dans le
temple de Vénus Genitrix. Une somme si
considérable donnée pour deux tableaux à
un peintre vivant, prouve que l'artiste jouissait d'une haute
réputation, et que l'art ne passait pas encore pour
avoir dégénéré dans les derniers
temps de la république romaine, car on aurait pu se
procurer des tableaux anciens du même prix. La
Médée de Timomaque a été
célébrée, par des poètes grecs,
dont les pièces sont dans l'Anthologie : l'une
d'elles nous apprend que ce tableau était à
l'encaustique. L'auteur mourut avant qu'il fût
entièrement terminé. Une Gorgone
était regardée comme le chef-d'oeuvre du
peintre. On vantait également ses compositions
représentant Oreste, Iphigénie en Tauride,
Lecythion, maître à voltiger, deux
personnages revêtus de leurs manteaux, l'un debout, et
l'autre assis. Il semblait qu'ils allaient parler.
TLEPOLEME est un peintre nommé par
Cicéron, dans sa quatrième Verrine : il
en parle comme d'un peintre très habile.
TURPILIUS, chevalier romain, de la contrée de
Vénétie, avait cultivé la peinture avec
succès. On admirait, du temps de Pline, à
Vérone, plusieurs de ses ouvrages.
VALENTINIEN peignait et modelait agréablement,
dit Ammien-Marcellin.
XENON, de Scyone, était élève de
Néoclès ; il tenait une place honorable parmi
les peintres du troisième ordre.
ZEUXIPPE. Platon parle dans son Protagoras d'un
très bon peintre de ce nom. Il était
d'Héraclée. Etait-il le même que Zeuxippe
le statuaire ? Dujonc est tenté de le croire, parce
qu'il est constant, dit-il, que les anciens artistes
cultivaient avec un égal succès la peinture et
la sculpture. Quelques savants ont prétendu que les
bains de Byzance avaient été appelés
Zeuxippe, parce qu'ils avaient été
construits dans un lieu où se voyait une statue de cet
artiste.
ZEUXIS, d'Héraclée, était,
suivant Aristote, cité par Suidas, contemporain
d'Isocrate, qui mourut dans un âge très
avancé, 378 ans avant notre ère, dans la
troisième année de la XCe olympiade. Il
reçut un défi de Parrhasius, contemporain de
Socrate, et ce philosophe mourut 400 ans avant notre
ère : on peut donc croire qu'il fleurit entre la XCe
et la XCVe olympiade. Peut-être plus jeune que
Polygnote, il était son contemporain. Zeuxis,
défié par Parrhasius, apporta des raisins
peints que des oiseaux vinrent becqueter. Parrhasius montra
de son côté un rideau peint, que son rival le
pria de tirer, afin qu'on pût juger de son ouvrage.
Zeuxis se déclara vaincu, parce que lui-même
n'avait trompé que des animaux, et que Parrhasius
avait trompé un peintre. Ce n'est pas sur ces petites
illusions d'un moment que l'on juge des ouvrages de l'art. Ce
n'est pas sur la représentation d'une grappe de raisin
et d'un rideau que les plus grands peintres d'un
siècle florissant par les arts se disputent le prix.
Ce n'est pas l'illusion que causent les tableaux de nos
grands maîtres qui leur a obtenu le degré
d'admiration que nous leur accordons. Les tableaux de
Raphaêl, par exemple, sont souvent très
éloignés de produire cet effet.
Envisagés sous le premier aspect qu'ils
présentent à l'oeil, il n'en est presque aucun,
si on ose l'avouer, qui, quelque artifice qu'on y
voulût employer, trompât l'oeil autant qu'un
tableau de l'artiste le plus médiocre, mais qui
n'aurait songé qu'à imiter le vrai. Il y a
même plusieurs ouvrages de ce grand peintre, dont le
premier aspect n'a rien d'attrayant pour quiconque n'est pas
connaisseur et même savant dans le dessin ; car les
beautés de Raphaêl sont de nature à
étonner plus les artistes qu'à séduire
le commun des hommes.
En supposant que l'anecdote des raisins de Zeuxis et du
rideau de Parrhasius ait quelque fondement, elle peut nous
faire apprécier les progrès que l'art avait
faits dans les petites parties nécessaires à
des illusions semblables. Ce qui pourrait nous donner une
plus haute idée du talent de Zeuxis, ce sont les vers
que le peintre Apollodore fit à sa louange, et dont
Pline nous a conservé le sens : il s'y plaignait que
cet émule lui avait enlevé l'art, et se
l'était réservé. Il était beau
d'être loué par un artiste qui a reçu
lui-même tant d'éloges. Zeuxis avait peint une
Centauresse allaitant deux jumeaux. C'est Lucien qui
nous fait connaître ce tableau. L'original n'existait
plus de son temps. Il avait péri lorsque Sylla voulut
l'envoyer à Rome par mer ; mais une belle copie s'en
était conservée : toute la partie de la jument
était couchée sur l'herbe, les jambes
postérieures étendues en arrière. La
partie de la femme était mollement penchée et
appuyée sur le coude. La centauresse allaitait un de
ses petits à la manière des femmes. Elle
représentait par la partie inférieure une belle
jument indomptée de la Thessalie, et par sa partie
supérieure une femme de la plus grande beauté,
mais les oreilles ressemblaient à celles des satyres.
La partie féminine s'unissait à celle de jument
par un passage doux et insensible. Le cabinet d'Herculanum
possède le tableau d'une Centauresse. Elle
porte une jeune Bacchante, qu'elle affermit sur sa croupe en
lui passant sa main droite sous le bras. Ses oreilles sont
pointues, mais assez petites pour ne pas rendre sa tête
difforme. C'était vraisemblablement de pareilles
oreilles qu'avait la Centauresse de Zeuxis, et que
Lucien comparait à celles des satyres.
Zeuxis ne paraît pas s'être principalement
occupé, comme Polygnote et Micon, de grandes
compositions sur des murailles ; il se plut à faire
des tableaux d'un petit nombre de figures, et ce genre a
été préféré par ses
successeurs. Ses principaux ouvrages, étaient une
Pénélope, dans laquelle, suivant Pline,
il paraissait avoir peint les moeurs de cette princesse, ce
qui suppose plus de talent dans l'expression qu'Aristote ne
lui en accorde ; un Athlète ; un Jupiter
sur son trône, entouré des dieux ; un Hercule
enfant, qui étrangle des serpents en
présence d'Amphitryon et d'Alcmène ; une
Hélène ; un Marsyas lié.
Chargé de faire une Hélène nue
pour les Crotoniates, il choisit les cinq plus belles filles
de ce peuple, pour réunir dans une seule figure ce que
chacune d'elles avait de plus beau. Ce fut ainsi que les
Grecs, chez qui la nature était féconde en
beaux modèles, parvinrent à élever les
ouvrages de l'art à la plus haute beauté.
Quoique les peintres, longtemps avant Zeuxis, employassent
différentes couleurs, il fit des peintures monochromes
ou camaïeux en blanc sur un fond brun. C'est le
procédé contraire de celui de Polydore de
Caravage, qui faisait enduire de noir une muraille, et la
peignait en enlevant le noir par hachures. Zeuxis acquit de
grandes richesses, et s'en servit pour étaler un faste
imposant : il se montrait aux jeux Olympiques avec un manteau
sur lequel son nom était brodé en lettres d'or.
Dès lors il fit présent de ses ouvrages,
croyant qu'ils ne pouvaient être payés
dignement. Si l'on blâme son orgueil, on peut avoir
quelque estime pour sa fierté ; elle ne messied point
aux grands talents. On aime à voir le peintre Zeuxis
imposer de la reconnaissance au roi Archélaüs,
à qui il fit présent d'un tableau qui
représentait le dieu Pan. Il donna aussi une
Alcmène aux Agrigentins. Ce peintre faisait des
modèles en argile. On transporta à Rome ceux
qui représentaient les Muses. Marius
Victorinus, qui vivait au milieu du IVe siècle de
notre ère, dit qu'il existait encore des ouvrages de
Zeuxis, ce qui suppose une durée de sept
siècles et demi. Un grand nombre d'ouvrages de nos
premiers peintres, dont les plus anciens ont à peine
trois siècles, sont déjà détruits
ou dégradés par la vétusté. Pline
reproche à Zeuxis d'avoir fait les têtes trop
fortes, et Quintilien d'avoir généralement
chargé les membres de ses figures.
Quintilien nous apprend que les anciens peintres
s'étaient imposé la loi de donner à
leurs dieux et à leurs héros la même
physionomie et le même caractère que Zeuxis leur
avait donnés, ce qui le fit nommer
Législateur. Ille vero ita circumscripsit
omnia, ut eum legum latorem vocent, quia deorum et heroum
effigies quales ab eo sunt traditae, caetero tanquam ita
necesse sit sequuntur.
Cet ensemble de notices biographiques a été publié dans le tome Peintures antiques de la Galerie complète des tableaux des peintres les plus célèbres, Firmin-Didot (1872)