PORTUS

Port ou havre, servant à abriter et à recevoir des vaisseaux ; endroit de refuge contre le mauvais temps ou contre une escadre ennemie ; bassin servant au chargement et au déchargement des marchandises. Ce mot désigne tout à la fois un havre ménagé par la nature dans une baie ou à l'embouchure d'un fleuve, et un bassin creusé de main d'homme. Sur la première de ces deux espèces de ports, il n'y a pas besoin d'explications, mais la seconde est assez importante pour qu'on demande quelques détails sur la manière dont les anciens la comprenaient et sur les résultats qu'ils obtenaient, d'autant plus que ce genre d'ouvrage occupe une grande place dans leurs travaux publics.

Les Grecs et les Romains paraissent avoir construit leurs ports sur le même plan, sans presque aucune différence dans les détails, comme l'attestent les traces et les débris qui s'en conservent encore en beaucoup d'endroits de la Grèce et de l'Italie. Ils se composaient d'un bassin extérieur (λιμήν, des Grecs, notre avant-port), avec un ou plusieurs bassins plus intérieurs, plus enfermés dans les terres (ὄρμοι, en grec) et se rattachant par un chenal à l'avant-port. Ces ports sont presque toujours situés près de l'embouchure d'une rivière ou dans une crique formée par la mer ; ils ont donc une rade. L'entrée du port est protégée par un brise-lames en tête de la jetée, sur laquelle s'élevaient un phare et des tours fortifiées, et au besoin on tendait en travers de cette entrée, pour la fermer à une flotte ennemie, des chaînes ou des barres de fer. La jetée était construite sur arcades, pour combattre la tendance naturelle des ports artificiels à se remplir de galets et à s'ensabler, assez de calme étant établi dans l'intérieur du port au moyen d'écluses adaptées aux piliers de ces arcades. On peut voir à Eleusis des jetées ainsi construites ; d'autres sont représentées sur des médailles romaines, des peintures de Pompéi et dans le Virgile du Vatican. A l'intérieur du port, tout autour du bassin, régnait une large route, ou quai, soutenue par un mur en maçonnerie et bordé de magasins ou entrepôts, d'un marché, de la maison du capitaine du port et d'un temple, presque toujours dédié à Vénus, par allusion à sa naissance miraculeuse du sein des flots. Des degrés conduisaient du quai à l'eau ; des colonnes étaient placées à égale distance les unes des autres tout autour du port, et servaient à attacher les amarres, ou, quand elles manquaient, de larges anneaux étaient scellés dans le mur du quai et rendaient les mêmes services. De plus, l'ensemble du port et des bâtiments annexés était entouré d'un mur d'enceinte et de fortifications qui ne laissaient pénétrer du côté de la terre que par une porte fortement défendue.

On comprendra encore plus aisément cette description en jetant les yeux sur la gravure suivante, qui donne un plan du port d'Ostie, à l'embouchure du Tibre, d'après un examen attentif des lieux fait par l'architecte vénitien Labacco au seizième siècle ; à cette date, les ruines n'étaient pas aussi défigurées, et l'emplacement même du port n'était pas aussi complètement comblé qu'il l'est maintenant que des amas de vase dérobent aux regards toutes les traces de construction et de travail humain qui alors étaient encore apparentes.

Des deux ports le plus grand et le plus voisin de la mer fut construit par l'empereur Claude, le bassin intérieur et plus petit, par l'empereur Trajan.

A. L'entrée du port du côté de la terre, flanquée de tours fortifiées.
B. Temple.
C. Aqueduc qui fournissait au port de l'eau douce.
D. La maison du capitaine du port, dans un endroit d'où la vue s'étend également sur les deux ports.
E.F. Deux ponts sur un canal qui communique à la fois avec le Tibre et avec la mer, par le bras de rivière qui occupe le haut du plan. On croit aussi que le chenal sous un, ou même sous l'un et l'autre de ces ponts, était fermé par des écluses.
G. Large place carrée entourée de magasins, servant probablement de forum ou de marché, et de lieu de rendez-vous aux négociants, aux capitaines, etc.
H. Petit bassin, entouré aussi de magasins, et qui, d'après l'étroitesse de son entrée et sa position sur le canal qui conduit dans le bras de rivière, paraît avoir été destiné aux caboteurs et aux tout petits bâtiments marchands.
I. Brise-lames devant l'entrée du port intérieur.
K. La digue qui protégeait l'entrée du port de Claude.

Des traces des bâtiments de la douane et des magasins qui bordaient le port intérieur et le bras de rivière sont indiquées sur le plan. Autour du port de Claude, on n'a pu en découvrir que de faibles vestiges, qui sont indiqués par la lettre L ; mais il est certain que dans l'ancien état du port, ces constructions avaient occupé bien plus de place autour de ce même bassin. La ligne ponctuée à droite du port montre l'endroit où s'arrêtait la mer, quand Labacco fit l'examen des lieux.


Illustration complémentaire

Fresque du XVI° s. représentant le port d'Ostie
à l'époque romaine
Salle des Cartes, Musée du Vatican (Rome), 1984

© Agnès Vinas