CLAVUS (ἦλος)

  1. Clou pour fixer ou attacher une chose à une autre. On conserve dans les cabinets d'antiquités plusieurs spécimens de clous anciens, de formes et de grandeurs différentes, en bronze aussi bien qu'en fer, qui ressemblent en beaucoup de points à ceux dont on se sert maintenant. L'expression latine, pour enfoncer un clou, est clavum figere ou pangere (Liv. VII, 3 ), et cette action est figurée par la gravure ci-jointe, qui représente un des soldats de Trajan faisant une palissade dont on peut présumer la force par la grandeur énorme du clou qu'il emploie.
  1. Clavus trabalis ou tabularis. Clou de la plus grosse espèce dont on se servait dans les constructions pour fixer les poutres maîtresses, trabes (Cic. Verr. VI, 21 ; Hor. Od., 35, 18 ; Pet. Sat. 75).
  1. Clavus annalis. Clou qu'on enfoncait chaque année, aux ides de septembre, dans la paroi latérale du temple de Jupiter Capitolin (Liv. VIIt, 3) ; coutume qui remontait à une époque fort ancienne, et qui fut adoptée, à ce qu'on suppose, pour compter le temps avant que l'usage de l'écriture fût généralement connu (Festus, s.v.). On la conserva dans la suite par un respect religieux pour les anciennes coutumes. Le fragment ici donné représente les quatre côtés d'une partie d'un énorme clou de bronze, maintenant entre les mains de l'historien italien Bianchini (Storia univers. tom. 1, p. 156, tav. 9, A). et qu'on croit, d'après les lettres qu'il porte, avoir été employé pour l'usage indiqué ci-dessus.
  1. Clavus muscarius. Clou à large tête en forme de champignon (Vitruv. VII, 3, 11), comme celui qui est représenté au mot bulla, mais plus gros et d'un travail plus grossier.

  1. Clavus caligaris. Clou aigu en pointe dont les brodequins des soldats (caligae) étaient munis (Plin. H.N. 1x, 33 ; Juv. III, 247 ; XVI, 24 ; Isidor. Orig. XIX, 34, 13), les extrémités aiguës saillant de la semelle, comme dans les souliers portés au jeu de la crosse, pour appuyer davantage le pied sur le sol (Joseph. Bell. Jud. VI, 1, 7). Le spécimen ci-joint est donné par Ferrari comme copié de l'arc de Constantin à Rome. Ce savant affirme que de son temps les pointes se pouvaient clairement distinguer ; mais l'artiste a commis une erreur en laissant les doigts exposés, car la caliga était un brodequin fermé.
  1. Clavus gubernaculi. Timon ou barre d'un gouvernail ancien ; c'était une barre transversale (fustis, Serv. ad. Virg. Aen. V, 176) fixée à angles droits au manche (ansa) du gouvernail dans sa partie supérieure. Cette barre tombait ainsi dans le vaisseau et permettait au pilote de donner au gouvernail la direction nécessaire (Isid. Orig. XIX, 2, 12). Quand le vaisseau avait un gouvernail de chaque côté, assez petit pour être manoeuvré par un seul timonnier, celui-ci tenait un clavus dans chaque main; mais, par un mauvais temps ou dans de grands vaisseaux, chaque gouvernail avait son timonnier. Dans les deux cas, pour gouverner, on levait ou on abaissait le clavus, et en même temps on le tournait légèrement en dedans ou en dehors ; la lame du gouvernail opposait ainsi à l'eau plus ou moins de résistance. Cette manoeuvre est bien connue de ceux qui sont habitués à ramer ou à diriger un navire avec une rame. Nos expressions de marine la barre haut et la barre bas, dont on se sert encore aujourd'hui, bien qu'exprimant un mouvement très différent, sont venues, sans aucun doute, de l'usage des anciens ; car, dans le glossaire latin et anglo-saxon d'Aelfricus, le clavus est traduit helma, helm (timon). Tous ces détails sont clairement expliqués par la gravure ci-jointe, qui représente l'arrière d'un vaisseau, d'après un bas-relief découvert à Pouzzoles.
  1. Raie de couleur pourpre, mêlée au tissu d'une pièce d'étoffe dont on faisait des vêtements ou le linge employé aux besoins du ménage, comme serviettes, nappes, couvre-pieds pour les lits, etc. (Mart. Ep. IV, 46, 17 ; Petr. Sat. 32, 2; Ammian. XVI, 8, 8.)
  1. Clavus latus. Large raie ou bande d'ornement de couleur pourpre, courant le long de la tunique, dans une direction perpendiculaire, sur le devant de la poitrine. Le droit de la porter était un des privilèges exclusifs des sénateurs romains, quoique à une époque postérieure ce droit semble avoir été accordé quelquefois, par une faveur spéciale, à des chevaliers (Hor. Sat. 1, 6, 28 ; Acro ad Hor. Sat.I, 5, 36 ; Quint. VIII, 5, 28 ; Festus, v. Clavatus ; Ovid. Trist. IV, 10, 29; Plin. Ep. II, 9). Comme le clavus était une simple nuance de couleur mêlée au tissu, et n'avait pas en conséquence de substance propre, il n'est indiqué sur aucune des statues qui représentent des sénateurs ; car le sculpteur ne s'inquiète que des objets qui ont une substance réelle, et les peintures romaines qui nous restent sont pour la plupart des imitations d'oeuvres grecques représentant des sujets tirés de la mythologie et de l'histoire des héros, ou encore des scènes de la vie journalière.
Par conséquent, nous n'avons aucun specimen connu du laticlave des sénateurs sur les monuments ; mais nous pouvons nous en faire une juste idée par la gravure ci-jointe, qui représente la sarapis des Perses comme portée par Darius dans la mosaïque de la bataille d'Issus trouvée à Pompéi. Ce vêtementé était décoré d'un ornement semblable au laticlave, si ce n'est que la bande des rois perses était blanche sur un fond pourpre, tandis que celle des sénateurs romains était pourpre sur un fond blanc.
  1. Clavus angustus. La bande étroite ou angusticlave, marque distinctive de l'ordre équestre (Paterc. II, 88, 2). Elle était de couleur pourpre comme la première et décorait la tunique, mais elle avait un caractère différent. Elle se composait de deux bandes étroites, courant parallèlement sur le devant de la tunique, l'une à droite et l'autre à gauche ; de là vient que, pour les distinguer, on se sert quefois du pluriel purpurae au lieu du singulier (Quint. XI, 3, 138). Dans les peintures d'une époque postérieure, on rencontre souvent cet ornement : il ressemble à celui de la figure ci-jointe, qui représente un camillus dans le Virgile du Vatican. Mais, à l'époque où s'exécutaient de telles oeuvres, il avait cessé d'être porté comme une marque distinctive du rang ; car on le trouve plusieurs fois sur des figures représentant des domestiques, des échansons, des valets qui servaient à table et qu'on revêtait d'ordinaire de beaux habits. De même, chez nous, l'ancien costume a passé aux laquais, et n'est plus qu'une livrée.

Illustration complémentaire

Maquette du pont arrière d'un navire, avec son gouvernail et sa diaeta
Museum für Antike Schiffahrt, Mainz (Allemagne)

© Agnès Vinas, 2002