1. Ses origines
  2. Son installation en Grèce
  3. L'extension de ses assimilations
  4. Mythologie - Son enfance
  5. Mythologie - Les orgies
  6. Mythologie - Ses ennemis
  7. Mythologie - Ariane
  8. Mythologie - L'Asie mineure et l'Inde
 
  1. Le dieu du vin
  2. Ses attributs moraux
  3. Ses symboles naturels
  4. Ses symboles fabriqués
  5. Représentations anthropomorphiques
  6. Dionysos, Héra et Athéna
  7. Un dieu de mystères
  8. Dionysos/Bacchus en Italie

D'après Cicéron, il y a eu cinq Bacchus successifs : le premier, fils de Jupiter et de Proserpine, c'est le Zagreus crétois ; le second, né en Egypte, fils de Nilus et meurtrier de sa nourrice Nysa, c'est l'Osiris égyptien, dont la fable subit ici un travestissement bizarre ; le troisième, fils de Cabirus et roi de l'Asie Mineure sous le nom de Sabazius, c'est le dieu phrygien ; le quatrième thébain, fils de Jupiter et de la Lune, variante du mythe dont nous parlerons tout à l'heure ; enfin le cinquième, né de Nysus et de Thyoné, le dieu des Trieterica du Cithéron. Pour Diodore de Sicile il y a seulement trois Dionysos distincts, l'Indien, qui est le plus ancien, le Crétois, fils de Zeus et de Perséphoné, c'est-à-dire Zagreus, puis le Thébain, le plus récent de tous, fils de Zeus et de Sémélé. Enfin, dans l'arrangement de toutes les légendes dionysiaques tenté très tardivement par Nonnus de Panopolis, on fait se succéder Zagreus, le Dionysos thébain, le héros du poème, et enfin l'Iacchus d'Eleusis, donné pour son fils.

Ces combinaisons, présentées sous une forme entachée d'evhémérisme, montrent quel besoin les anciens éprouvaient eux-mêmes d'établir des distinctions entre les dieux d'origines fort diverses qui versèrent successivement leurs fables dans la masse confuse de légendes constituant le cycle dionysiaque. Nous devons faire de même, mais en procédant avec la méthode plus rigoureuse de la science moderne. Des articles spéciaux sont consacrés à Sabazius, à Zagreus, à Iacchus, ce qui permettra de nous concentrer ici sur le Dionysos proprement dit, sur le dieu de Thèbes et de Naxos.

Ainsi que nous l'avons dit, la fable de la naissance de Dionysos, telle qu'elle a été universellement admise, se montre toute thébaine. Sa mère Sémélé est représentée comme fille de Cadmus et d'Harmonie, et jamais la légende mythique ne l'élève au-dessus de la condition d'une héroïne. Pourtant le nom de Sémélé révèle en elle une personnification naturelle importante, celle du sol terrestre qui au printemps produit la végétation. C'est ce que savent parfaitement, du reste, Apollodore, Diodore de Sicile et Macrobe ; et en effet, comme l'ont déjà remarqué plusieurs anciens, Semelê est une forme dialectique béotienne pour Themelê, nom donné à la Terre comme fondement de toutes choses. D'autres l'ont interprété par semlê, forme parallèle à semnê «l'auguste» ; mais c'est là une étymologie factice et secondaire, qui n'a en aucune façon la valeur de l'autre. Fils de Sémélé, le Dionysos thébain est donc en réalité fils de Gê, comme le disait Apollodore, par conséquent la tradition crétoise qui représentait Zagreus comme né de Déméter, et qui fournit la filiation adoptée plus tard pour le Dionysos mystique, était une variante de la même donnée originelle que la version béotienne ; on comprend aussi comment les égyptologues, partant de l'assimilation de Déméter à Isis, firent de Dionysos un fils d'Isis, et comment on avait trouvé identique à la sienne la généalogie du Sabazius phrygien, fils de Cybèle. Phérécyde substituait au nom de Sémélé celui d'Hyé, emprunté à un autre ordre d'idées, celui du principe humide. Cicéron et Ulpien font de la mère du Dionysos thébain la Lune, interprétation d'accord avec celle des récits qui le font naître de Zeus et d'Io, ou, spécialement à Lyctus de Crète, de Zeus et d'Argé, la brillante, la blanche. Nous verrons plus loin [sect. VII] que Dionysos est habituellement en relations avec une divinité féminine lunaire, mais qu'on en fait plutôt son épouse que sa mère. Il est enfin un nom que l'on donne aussi fréquemment à l'héroïne de qui naît Dionysos et que la légende représente comme lui ayant été attribué par son fils quand il la fit monter dans l'Olympe : c'est celui de Thyoné, dérivé du verbe thuein, en rapport avec les surnoms de Thuôneus et Thuônidas que le dieu recevait lui-même, avec le nom de ses fêtes appelées Thuia en Elide et celui des Thyiades qui célébraient ses orgies sur le Parnasse. Ce nom faisait de Sémélé le type divin de la Ménade, la personnification de l'inspiration que répand son fils. C'est tout à fait artificiellement et à tort que Cicéron prétend distinguer le Dionysos fils de Thyoné du fils de Sémélé ; ailleurs, dans quelques récits, Thyoné n'est plus la mère, mais la nourrice du dieu. Quelques-uns ont rapproché ce nom de celui de la Dioné de Dodone et fait par conséquent Dionysos fils de Dioné. Il est à noter ici que sur un célèbre vase de Naples DIONE est le nom d'une des deux femmes qui disposent l'offrande auprès de l'image rustique de Dionysos Dendrites, tandis que l'autre s'appelle MAINAS, la Ménade par excellence.

A la même manière d'envisager le personnage de Sémélé se rapportait aussi le surnom d'Egchô qu'on lui donnait quelquefois et qui fait allusion au thyrse brandi comme une lance, egchos [voy. sect. VI et XII].

Sémélé fut aimée de Zeus ; Héra jalouse se présenta à elle sous les traits de sa nourrice Béroé, ou d'une amie, et lui persuada de demander à Zeus de se manifester à elle dans tout l'appareil de sa puissance. Cédant à ses prières, le dieu se montra environné de ses tonnerres, dont les flammes dévorèrent la fille de Cadmus, qui portait dans son sein le fruit de l'amour du roi des dieux. Zeus en relira cet enfant encore imparfaitement formé. Dans certaines variantes du récit, c'est Hermès qui le sauve, ou bien, échappé du sein maternel, il a été reçu dans le lierre que la terre a fait pousser spontanément, environnant les colonnes de la salle (ce qui vaut à Dionysos chez les Thébains le surnom de Perikionos), et c'est là que Zeus le recueille. C'est d'après cet épisode essentiel que le fils de Sémélé est appelé Purigenês, Ignigena, celui qui est né au milieu du feu. Ayant ainsi sauvé l'enfant de Sémélé morte, Zeus l'enferma dans sa cuisse jusqu'à la fin du temps qui eût été celui de la grossesse naturelle et, après l'y avoir ainsi nourri, le rendit au jour. De là les qualifications de Mêrotrophês, celui qui a été nourri dans la cuisse, Mêrorraphês ou Eiraphiôtês, celui qui y a été cousu. Les Thébains montraient dans leur ville le tombeau de Sémélé. D'après quelques récits, Zeus aurait placé dans l'Olympe aussitôt après sa mort la fille de Cadmus, mais d'ordinaire on ne l'y fait introduire que plus tard par son fils. Tel est le mythe de la double naissance de Dionysos, à laquelle font allusion ses surnoms de Dithurambos qui est sorti deux fois, Dithyrambogenês, Dimêtôr, aux deux mères, et Dissotokos, deux fois né [voy. sect. I]. Sémélé, la terre, est fécondée par le dieu du ciel, producteur des pluies du printemps [Jupiter], la manifestation de ce dieu est accompagnée du tonnerre ; le fruit que la terre produit sous l'action de son eau céleste naît imparfait, il faut qu'il grossisse et parvienne à maturité ; jusqu'à ce moment le dieu l'enveloppe dans ses brouillards qui le nourrissent et le développent. Quand les attributions du dieu se sont ensuite agrandies, quand il a représenté dans sa généralité le principe humide produisant la fertilité, le symbolisme de cette histoire ne s'est plus trouvé aussi rigoureusement précis, car alors on envisageait surtout la naissance de Dionysos comme représentant l'eau céleste qui tombe sur la terre au milieu du fracas des orages.

Les amours de Zeus et de Sémélé sont retracés sur un miroir étrusque, la manifestation du dieu tenant la foudre sur plusieurs pierres gravées et sur quelques vases peints. Welcker remarque avec raison que les intailles lui donnent à plusieurs reprises dans ce cas les ailes caractéristiques du Jupiter Pluvius. Sur un bas-relief de beau style grec découvert à Chios on voit Zeus tenant la foudre et Véra, assis sur leurs trônes, et auprès d'eux Sémélé foudroyée.

Une peinture murale qui appartenait autrefois au prince Gagarine nous offre Jupiter assis sur un nuage et entouré de tout l'éclat de sa puissance, attirant à lui l'embryon du sein de Sémélé renversée morte sur un lit. C'était le sujet d'un des tableaux que décrit Philostrate. La seconde naissance du jeune dieu, sortant de la cuisse de Zeus, est celle que l'on a placée successivement en une infinité de lieux différents. Elle est représentée sur un assez grand nombre de monuments de toute nature, dont le plus ancien est un vase de fabrique corinthienne. L'enfant y est reçu d'ordinaire par Ilithyie ailée, qu'assistent aussi Hermès, Thémis et Déméter, ou bien par Athéné.


Nous plaçons ici une célèbre variante étrusque de la même composition, figurée sur un miroir du musée de Naples. Tinia, le Zeus étrusque, est assisté par Thalna, la déesse de l'enfantement, qui retire le petit Dionysos de la cuisse, et derrière laquelle se tient Apulu, Apollon ; de l'autre côté du roi de l'Olympe est une divinité féminine ailée, que désigne le nom Mean. Enfin un curieux sarcophage de Venise répartit en trois scènes les épisodes principaux du mythe de la double naissance de Dionysos : la mort de Sémélé, frappée de la foudre ; l'enfantement miraculeux de Zeus, assisté par Ilithyie ; enfin, au centre, Hermès emportant le dieu nouveau-né pour le remettre aux Nymphes qui vont le nourrir et l'élever.

C'est en effet toujours Hermès qui, dans les récits mythologiques, porte Dionysos enfant à ses nourrices, ou auparavant le présente au milieu de l'assemblée des dieux ; deux seules variantes, et tardives, de la narration dérogent sur ce point à la donnée générale, faisant enlever le petit dieu par Perséphoné ou par Rhéa et cherchant ainsi à concilier dans une certaine mesure la légende thébaine avec celle du Zagreus crétois, fils de Perséphoné, et celle du Sabazius phrygien, fils de Cybèle. Une fameuse statue en bronze de Praxitèle représentait Hermès avec Dionysos nouveau-né dans ses bras et nous en trouvons le type reproduit sur plusieurs monuments.

Le récit le plus développé des mythographes montre le jeune dieu d'abord porté par Hermès à Orchomène et confié là aux soins d'Ino, soeur de Sémélé, et d'Athamas, son mari, auxquels il est recommandé de l'élever comme une fille. La colère d'Héra leur inspire la fureur qui amène Athamas à tuer son fils aîné Léarchos, en le prenant pour un cerf, et Ino à se précipiter avec son second fils Mélicerte dans la mer, où elle devient Leucothée [Leucothea, Isthmia]. Zeus, pour soustraire Dionysos aux entreprises de son épouse, le métamorphose en chevreau, et Hermès l'enlève de nouveau pour le porter aux Nymphes de Nysa, qui deviennent ses nourrices. Il y a là combinaison artificielle de deux traditions distinctes à l'origine.

De la première, les Eleuthéro-Lacones de Brasiae racontaient une version qui leur était spéciale et rappelle de très près la fable de l'enfance de Persée [Perseus]. Suivant ce récit, Sémélé serait accouchée naturellement de Dionysos ; Cadmus l'aurait fait enfermer avec son enfant dans une caisse jetée à la mer et portée par les flots à Brasiae. En l'ouvrant, on y trouva Sémélé morte, qui fut enterrée à cet endroit, et l'enfant toujours vivant qu'Ino prit et éleva dans une grotte voisine. Une célèbre statue du musée de Munich est habituellement désignée comme représentant Ino-Leucothée portant dans ses bras le petit Dionysos ; cependant cette explication est sujette au doute, car on pourrait interpréter la même figure par toute déesse kourotrophos ou nourricière.

La tradition qui fait nourrir et élever Bacchus par les Nymphes de Nysa est la plus habituellement admise. C'est toujours, du reste, le dieu puisant la source de sa croissance dans l'élément humide. Ino-Leucothée est une déesse marine ; d'un autre côté le nom de la localité mythique de Nysa, le lieu de la naissance ou de l'éducation du dieu et aussi sa résidence favorite, d'après laquelle il est appelé Nyseios, Nysaeus, Nysios, Nysigena, ce nom dérive de la même racine perdue, que Numphê, nuô, et désigne un lieu humide et verdoyant, arrosé de nombreuses sources. Ainsi que l'a établi Welcker, Nyseios est donc le synonyme presque exact de Limnagenês, né dans les marais, Limnaios ou en limnais, dieu résidant au sein des marais, épithète que Dionysos porte en plusieurs endroits. Le même nom significatif devient quelquefois, dans d'autres variantes de la légende, celui de la nourrice du jeune dieu, représentée alors comme unique et appelée Nysa ; sa figure était portée dans la grande pompe bachique d'Alexandrie. La signification attachée aux nourrices de Bacchus achève de s'éclaircir quand on voit désignées comme telles les pluvieuses Hyades, représentées par Phérécyde comme des nymphes de Dodone à qui Ino avait confié l'enfant divin, ou quand on raconte que les nymphes de Nysa furent transportées dans le ciel et y devinrent les Hyades. On en compte deux, Bromie et Bacche, cinq, Pytho, Synecho, Baccho, Cardie, Nyseis ou bien Phaesyle, Coronis, Cleia, Phaeo, Eudora, ou bien encore Arsinoe, Ambrosia, Bromie, Cisseis, Coronis, six, Cisseis, Nysa, Erato, Eriphia, Bromie, Polyhymno, enfin sept, Ambrosia, Eudora, Pedile, Coronis, Polyxo, Phyto, Thyone. Dans la tradition spéciale de Naxos on comptait trois nourrices et on les nommait Philia, Coronis et Cleis. Sur un vase peint d'Agrigente, la nymphe de Nysa à qui Hermès remit le petit Dionysos est appelée APIAGNE, nom qui, nous le montrerons plus loin [sect. VII], est identique à celui d'Ariadne.

Un autre vase sicilien, de la collection de Luynes, montre Zeus, remettant lui-même son fils, DIONYSOS, aux Hyades, désignées par leur nom, UADES. Sur une monnaie de Laodicée de Phrygie, le maître de l'Olympe porte dans ses bras le petit Dionysos et a auprès de lui une chèvre, qui rappelle la métamorphose de l'enfant en chevreau. On voit même le jeune dieu allaité par la chèvre Amalthée, comme Zeus enfant [Amalthea, Jupiter], ce qui remémore les récits exceptionnels où les Hyades sont données pour les nourrices de Zeus aussi bien que de Dionysos et où le roi des dieux est, lui aussi, élevé à Naxos. Dans la fable locale propre aux Grecs de la Cyrénaïque, Dionysos était fils d'Ammon et d'Amalthée ; son père le remettait à la nymphe Nysa, fille d'Aristée, qui l'élevait sous la garde d'Athéné, dans une île du fleuve Triton.

La remise du jeune Bacchus par Hermès aux nymphes de Nysa est encore représentée sur plusieurs vases. Un monument de la même nature montre Silène assis sur le rocher de la grotte de Nysa et accompagné de deux nymphes ; Hermès lui confie l'enfant emmaillotté ; au revers sont trois Muses. Ceci nous amène à la troisième forme de la tradition béotienne, celle qui faisait nourrir Dionysos par les Muses. Les Muses remplacent naturellement ici les nymphes de Nysa, car elles aussi, dans leur conception première, étaient étroitement liées aux fontaines [Musae]. Un culte très ancien les unissait à Orphée ou même à Dionysos dans le Libethron de l'Olympe de Piérie et dans celui de l'Hélicon, localités dont le nom significatif dérive de leibein, «répandre, arroser», d'où sortent aussi les surnoms de notre dieu, Leibênos, Loibêsios, Loibasius, source du Liber latin.

La tradition de Naxos était exactement conforme à celle de la Béotie, sauf qu'elle plaçait Nysa dans l'île. En revanche, en Eubée le récit était différent et se rapprochait de celui de la Cyrénaïque. On y disait que le petit Dionysos avait été confié par Hermès à Macris, fille d'Aristée, qui l'avait nourri de miel au fond d'une grotte, et qui, poursuivie par la colère d'Héra, s'était enfuie avec l'enfant à Schéria, chez les Phéaciens. C'est la légende propre au Dionysos Brisaios, adoré dans une partie des îles de l'Archipel, le Bacchus inventeur du miel, dont le nom, apparenté à celui des Nymphes Brisa, les nymphes du miel dans la fable d'Aristée [Aristaeus], dérive de l'ancien mot britus, «doux». On racontait aussi en Eubée que pendant son enfance il avait été gardé et nourri par les Curètes et les Corybantes, emprunt fait aux traditions relatives au Zagreus crétois, qui a inspiré l'auteur d'un bas-relief du Vatican.

En Lydie, Dionysos passait pour avoir été nourri par Hippa sur le mont Tmolus ; mais la tradition favorite de l'Asie Mineure et de la Thrace hellespontique lui faisait passer son enfance au milieu des soins des Ménades de ces contrées, les Lydiennes, les Bassarides, les Macètes ou Macédoniennes et les Mimallones. Cette donnée du dieu enfant remis par Hermès aux Ménades et aux Satyres destinés à former son thiase, a été adoptée plusieurs fois par les artistes antiques. Enfin, quand le côté mystique prédomina définitivement dans le culte dionysiaque [voy. sect. XV], on raconta qu'il avait été élevé par Mystis, l'initiation personnifiée. Ces derniers récits ont été combinés avec l'ancienne tradition par Salpion l'Athénien, l'auteur du cratère de marbre transporté de la cathédrale de Gaëte au Musée de Naples.

Hermès y remet l'enfant à Nysa, assise sur le rocher de la grotte mystique ; d'un côté de cette scène se déploie l'orgie bruyante représentée par deux Satyres et une Ménade, dansant et jouant des instruments ; de l'autre, la gravité des mystères s'exprime par l'attitude des personnages en contraste avec la bacchanale ; ce sont Silène portant le thyrse, Mystis ou Télété, c'est-à-dire dans tous les cas une personnification de l'initiation, tenant également le thyrse, enfin Oenanthé, la vigne en fleurs, qui s'appuie au tronc d'un arbre.

Un sarcophage romain, actuellement conservé à Munich, répartit en trois scènes juxtaposées les principaux épisodes de l'enfance de Bacchus ; au centre, il est lavé par les nymphes de Nysa ; à gauche, monté sur un bélier, il joue au milieu des Satyres et des Ménades ; à droite enfin, debout sur les genoux d'un Satyre et s'appuyant à un cep de vigne, il revoit les leçons de Silène. C'est là en effet le précepteur que lui attribuent d'ordinaire les écrivains et les monuments de l'art [Silenus]. Une belle statue du Louvre montre Bacchus enfant aux bras de Silène : comme l'a remarqué Welcker, c'est la reproduction de l'oeuvre d'un maître inconnu que l'on admirait à Rome, dans le Portique d'Octavie. Sur les monnaies de Zacynthe, ce n'est plus Silène, mais Pan qui porte le jeune dieu dans ses bras et semble avoir le soin de son éducation ; ceci est d'accord avec la tradition locale de Patrae, indiquée par Pausanias. En Eubée et en Cyrénaïque, c'est d'Aristée qu'on faisait le précepteur de Dionysos ; on l'admettait aussi à Syracuse.

L'enfance et l'éducation de Dionysos ont d'ailleurs fourni à l'art grec et romain une mine de sujets presque inépuisable. Tantôt on représente l'enfant porté dans le van mystique par un Satyre et une Ménade dansants pour la cérémonie de l'Amphidromia, que l'on pratiquait pour tous les nouveau-nés. On racontait, en effet, que le dieu avait eu pour berceau un van, liknon, d'où son surnom de Liknitês, «celui au van». Ailleurs Dionysos enfant est assis dans la grotte symbolique de Nysa ; ou bien, accroupi à terre, il tient une grappe de raisin, ou bien encore il est posé sur les pampres qui sortent d'une grande corne d'abondance.

Les statues de Dionysos dans son enfance ne sont pas précisément rares. Les bas-reliefs qui retracent son éducation et ses jeux sont multipliés. Accompagné de Silène, de Satyres et de Ménades, il chevauche gaiement une chèvre ou une panthère. Sur une pierre gravée, la scène se passe à Dodone, localité nettement caractérisée par le chêne prophétique, la chapelle voisine et la source ; deux Hyades conduisent un lion sur lequel est monté le petit Dionysos ; Dioné, comme mère du dieu, surveille la scène et tient le van sur ses genoux. Sur une autre, Pan, jouant de la double flûte, apprend à danser à l'enfant divin. Je ne cite que quelques-uns des types de représentations les plus caractéristiques.


Article de F. Lenormant