[Athènes - L'Aréopage - L'Académie]

Carrez, 1886-Cliquez sur l'image pour l'agrandir

[4] Quand vous serez descendu, je ne dis pas jusqu'au bas de la ville, mais seulement au delà des portiques de la citadelle, vous verrez une fontaine et tout auprès un temple d'Apollon et du dieu Pan. Là est aussi un antre où l'on dit qu'Apollon eut commerce avec Créuse fille d'Erechthée. Pour le dieu Pan, on raconte que dans le temps de l'irruption des Perses en Attique, Phidippidès ayant été dépêché pour en aller porter la nouvelle aux Lacédémoniens, il avait eu d'eux pour toute réponse qu'ils ne pouvaient envoyer si tôt du secours à Athènes, parce que leur religion ne permettait pas qu'ils marchassent avant la pleine lune ; mais que Pan s'était apparu à lui auprès du mont Parthénien et l'avait chargé d'assurer les Athéniens qu'il était leur ami, et qu'il combattrait pour eux à Marathon : voilà, dit-on, l'origine du culte que les Athéniens rendent à ce dieu.

[5] Plus bas est le quartier de la ville qu'on nomme l'Aréopage, et qui a pris son nom de ce que Mars a été le premier cité en jugement dans ce lieu-là ; car j'ai déjà dit et qu'il avait tué Halirthothius et la raison de ce meurtre. On tient qu'Oreste y comparut ensuite sur le meurtre de sa mère, et en effet on voit encore un autel de Minerve Aréa, consacré, à ce que l'on croit, par Oreste, lorsqu'il fut absous. Dans la salle de l'audience il y a deux marches d'argent où s'asseyent l'accusateur et l'accusé ; on nomme l'une le siège de l'injure, et l'autre le siège de l'innocence.

[6] Près de là est le temple de ces déesses que les Athéniens qualifient de sévères, et qu'Hésiode dans sa Théogonie appelle du nom d'Erinnys. Eschyle est le premier qui a feint qu'elles avaient les cheveux entrelacés de serpents, bien que ni elles ni les autres divinités infernales qui sont là, n'aient rien d'effrayant, je veux dire Pluton, Mercure et la déesse Tellus. Tous ceux qui sont absous dans l'Aréopage sacrifient à ces divinités, et les autres ont la même permission, étrangers ou citoyens.

[7] Dans l'enceinte de l'Aréopage on vous montre le tombeau d'Oedipe. Après m'être curieusement informé de ce que l'on en devait croire, j'ai trouvé que ses os avaient été rapportés de Thèbes en cet endroit ; car ce que Sophocle a imaginé de la mort d'Oedipe me paraît peu croyable, comparé avec ce que dit Homère, qui témoigne que Mécisthée vint à Thèbes pour disputer le prix dans les jeux funèbres qui se célébraient sur le tombeau d'Oedipe.

[8] Les Athéniens ont dans la ville plusieurs autres tribunaux, mais beaucoup moins célèbres. Ils ont en premier lieu le Parabyste et le Trigone, qui ont pris leur dénomination, l'un d'un endroit fort obscur où l'on ne juge que de petites causes, l'autre de sa figure triangulaire ; secondement, la chambre rouge et la chambre verte, qui ont toujours gardé ces noms-là depuis leur institution, à cause des couleurs qui les distinguaient alors ; troisièmement, la chambre du soleil, qui de tous les tribunaux est le plus grand et le plus fréquenté ; on la nomme ainsi parce qu'elle est exposée au soleil. Les procès criminels pour cause de meurtre, bien qu'ils se jugent dans plusieurs autres chambres, sont néanmoins paiticuliérement attribués à celle qu'ils appellent la chambre du Palladium ; on convient que Démophon est le premier criminel qui y ait été cité, mais on ne sait pas bien de quel crime il était accusé.

[9] On dit pourtant que Diomède s'en retournant dans son pays après la prise de Troie, s'égara par une nuit obscure, et qu'il aborda à Phalère ; que les Argiens qu'il avait avec lui croyant être en pays ennemi, s'étaient mis à piller dans la campagne ; que Démophon qui ne les reconnaissait pas non plus, étant accouru pour empêcher ce brigandage, avait tué plusieurs Argiens, leur avait enlevé le Palladium, et qu'en revenant chez lui, son cheval avait malheureusement jeté par terre un Athénien qui passait, et l'avait écrasé. Les uns disent que ce furent les parents du mort qui appellèrent Démophon en justice, et les autres veulent que ç'ait été le peuple d'Argos.

[10] Il y a encore la chambre Delphinienne, où l'on juge ceux qui s'avouant coupables d'homicide, se retranchent sur le droit ; c'est à ce tribunal que Thésée fut absous, après avoir tué Pallas et ses fils qui tramaient une conspiration contre l'Etat ; car avant ce jugement tout homme qui en avait tué un autre était obligé de quitter le pays, ou de subir la loi du talion. Les Athéniens ont de plus dans le Prytanée une jurisdiction particulière établie pour juger le fer et les autres choses inanimées qui ont occasionné la mort d'un homme. Voici, je crois, quelle en a été l'origine. Sous le règne d'Erechthée un sacrificateur exerçant son ministère assomma un boeuf devant l'autel de Jupiter Poliéus ; aussitôt laissant là sa hache, il s'enfuit et sortit de l'Attique : on fit le procès à la hache et elle fut absoute. Depuis ce temps-là ils observent cette cérémonie tous les ans.

[11] Et en effet, on dit que plusieurs choses inanimées ont servi d'elles-mêmes d'instrument à la juste punition des hommes, témoin le cimeterre de Cambyse, qui sorti de son fourreau fit une action si belle et si glorieuse. Vers la partie maritime du Pirée est un endroit que l'on nomme Phréattys, où les bannis qui à leur retour se trouvent accusés de quelque nouveau crime, plaident leur cause à bord de leur vaisseau devant des juges qui sont sur le rivage, et l'on prétend que Teucer est le premier qui s'est ainsi purgé du meurtre d'Ajax en présence de Télamon. Voilà ce que j'ai cru devoir rapporter des différents tribunaux d'Athènes, en faveur de ceux qui ont la curiosité de les vouloir connaître.

XXIX. [1] Assez près de l'Aréopage vous verrez une galère qui est faite pour servir à la pompe des Panathénées. Cette galère n'a rien d'extraordinaire pour la grandeur, et n'approche pas de celle de Délos, la plus grande que je connaisse et qui a neuf rangs de rameurs.

Tardieu, 1821

[2] Hors de la ville dans les bourgades, et partout sur les grands chemins, vous rencontrez des temples consacrés aux dieux et une infinité de monuments érigés en l'honneur de tout ce qu'il y a eu de héros et de grands hommes parmi les Athéniens. Mais au sortir de la ville et près des murs vous trouvez d'abord l'Académie ; c'était autrefois le champ d'un particulier, et aujourd'hui c'est un lieu d'exercice. En entrant on voit une place consacrée à Diane et ornée de statues qui portent cette inscription : A la très bonne et très belle Déesse. Je crois que ce sont les attributs de Diane ; on en peut juger par les poésies de Sapho et par plusieurs auteurs qui ont traité cette matière ; c'est pourquoi je n'en parle pas plus au long. Bacchus surnommé d'Eleuthère y a aussi son temple qui n'est pas fort grand, et où l'on porte la statue du dieu tous les ans à certains jours : voilà pour les divinités.

[3] Quant aux tombeaux, le premier est celui de Thrasybule fils de Lycus ; et c'est avec justice qu'il tient le premier rang ; car de tous les Athéniens qui se sont jamais rendus utiles à la république, celui sans contredit qui l'a le mieux servie et qui est le plus digne de mémoire, c'est Thrasybule. Cet excellent citoyen voyant sa patrie sous la domination de trente tyrans, partit de Thèbes pour venir l'en délivrer ; il conçut ce dessein sans autre secours que celui de soixante personnes ; il l'exécuta heureusement, et pacifia enfin la ville d'Athènes que des guerres intestines déchiraient depuis longtemps : aussi son tombeau est-il le premier. Ensuite sont ceux de Périclès, de Chabrias et de Phormion.

[4] Puis les cénotaphes de tous les braves Athéniens qui ont péri dans les combats, soit de terre, soit de mer, à la réserve de ceux qui furent tués à Marathon ; car on a fait honneur à leur mémoire dans le lieu même où ils ont signalé leur courage. Les autres sont inhumés le long du chemin qui mène à l'Académie, et sur leurs tombes il y a des colonnes où sont marqués le nom et le lieu natal de chacun d'eux. Premièrement ceux qui après avoir poussé leurs conquêtes dans la Thrace jusqu'au Drabisque, se virent tout à coup enveloppés par les Edons qui les taillèrent en pièces, mais qui, à ce qu'on dit, périrent ensuite eux-mêmes par la foudre du ciel.

[5] Ces Athéniens avaient plus d'un chef, Léagre était le principal, et après lui Sophanès de Décélée qui tua Eurybute d'Argos, fameux par la victoire qu'il avait remportée aux cinq jeux Néméens ; et la raison pourquoi il le tua, c'est qu'Eurybate menait du secours aux Eginètes. C'était pour la troisième fois qu'Athènes avait envoyé une armée hors de la Grèce. Il est vrai que tous les peuples de la Grèce ensemble et d'un commun consentement firent la guerre à Priam et aux Troyens ; mais les Athéniens en particulier et de leur propre mouvement portèrent leurs armes premièrement en Sardaigne, puis en Ionie, et troisièmement en Thrace.

[6] Sur le devant d'un tombeau vous verrez un cippe où sont représentés deux cavaliers les armes à la main ; l'un est Mélanopus, et l'autre Macartus, qui combattirent en bataille rangée contre les Lacédémoniens et les Béotiens entre Eleusis et Tanagre, et finirent là glorieusement leur destinée. Ensuite est un monument érigé en l'honneur de ces braves Thessaliens qui, suivant les traités d'alliance faits avec les Athéniens, vinrent à leur secours dans le temps que les peuples du Péloponnèse, sous la conduite d'Archidame, voulurent envahir l'Attique. Les archers Crétois que ces Thessaliens avaient amenés avec eux ont le leur à part ; puis se voit la sépulture de plusieurs Athéniens et entre autres de Clisthène qui partagea tous les peuples de l'Attique en tribus suivant la forme qui subsiste encore aujourd'hui. On n'a pas manqué de dresser sur le même chemin un monument à ceux de la cavalerie athénienne qui partagèrent le danger avec ces Thessaliens dont j'ai parlé.

[7] Là sont aussi représentés les Cléonéens qui vinrent au secours d'Athènes avec les Argiens : je dirai dans la suite ce qui se passa de particulier dans cette rencontre. Plus loin sont les tombeaux des Athéniens qui immédiatement avant la guerre des Perses combattirent contre les Eginètes. Il faut rapporter à ce temps-là ce décret du peuple, si plein de sagesse et d'équité, par lequel il fut ordonné que l'on communiquerait aux esclaves les honneurs de la sépulture publique, et que leurs noms seraient gravés sur des colonnes en considération des bons et généreux services qu'ils avaient rendus à leurs maîtres dans le combat. Je ne finirais point, si je voulais faire un détail exact de tout ce qu'il y a de monuments érigés en l'honneur des Athéniens qui, les uns d'un côté, les autres d'un autre, sont morts en combattant pour leur patrie. Ceux qui périrent à Olynthe ne sont pas les moins illustres ni les moins distingués. Mais vous remarquerez surtout le tombeau de Mélésander qui remonta le Méandre avec ses vaisseaux pour passer dans la haute Carie.

[8] Là est encore honorée la mémoire de ceux qui payèrent de leur personne dans la guerre contre Cassander, et des Argiens qui se liguèrent autrefois avec Athènes : voici quelle fut la raison de cette ligue. La ville de Sparte ayant été ruinée par un tremblement de terre, tous les Hilotes s'enfuirent et allèrent se cantonner à Ithome ; cette défection obligea les Lacédémoniens à demander du secours à divers peuples et surtout aux Athéniens qui leur envoyèrent sur le champ des troupes choisies sous le commandement de Cimon fils de Miltiade ; mais ensuite les Lacédémoniens eurent de la défiance de ces troupes, et les renvoyèrent.

[9] Quand elles furent revenues, les Athéniens, piqués de cet affront, firent une ligue avec les Argiens, qui étaient ennemis de Lacédémone. Quelque temps après, les Athéniens étant sur le point de livrer bataille aux Lacédémoniens et aux Béotiens, reçurent en effet du secours d'Argos, et peu s'en fallut qu'ils ne remportassent la victoire ; mais la nuit qui survint empêcha de distinguer qui des deux partis avait eu l'avantage, et le lendemain par la trahison des Thessaliens les Athéniens furent défaits.

[10] Je dirai encore un mot des généraux qui ont leur sépulture dans le lieu où nous sommes. Un des plus considérables est Apollodore ; il était Athénien et commandait un corps de troupes étrangères, lorsqu'il fut envoyé par Arsétès satrape de cette partie de la Phrygie qui s'étend vers l'Hellespont, pour empêcher que la ville de Périnthe ne fût prise par Philippe qui s'acheminait pour en faire le siège. Eubulus fils de Spinter y est aussi inhumé avec plusieurs autres, dont la valeur n'a pas été secondée de la fortune. Parmi ces derniers les uns avaient conjuré contre le tyran Lacharès, les autres voulaient chasser la garnison macédonienne qui était dans le Pirée, mais les uns et les autres périrent par la trahison de leurs confidents.

[11] Là sont encore ceux qui perdirent la vie devant Corinthe, occasion fatale où les dieux aussi bien qu'au combat de Leuctres, montrèrent que ce que les Grecs appellent valeur, n'est rien sans le secours de la fortune ; car les Lacédémoniens qui avaient triomphé des Corinthiens, des Béotiens, des Argiens et des Athéniens joints ensemble, furent entièrement défaits par les seuls Béotiens au combat de Leuctres. Après ceux qui périrent devant Corinthe vous trouvez une colonne avec une inscription en vers élégiaques, qui porte que ce monument a été érigé en l'honneur d'un grand nombre d'Athéniens qui ont péri en divers combats, les uns en Eubore, les autres à Chio, quelques-uns aux extrémités de l'Asie, et quelques autres en Sicile.

[12] Tous les chefs y sont nommés à la réserve de Nicias, et il y est fait aussi une mention honorable des Platéens et de leurs milices. A l'égard de Nicias, s'il a été omis, je crois que c'est pour la raison qu'en donne Philiste : cet historien dit que Démosthène étant forcé de se rendre à discrétion, avait du moins excepté sa personne, et que se voyant ensuite en la puissance des ennemis il avait voulu se tuer, que Nicias au contraire s'était rendu volontairement, et que son nom ne se trouvoit point sur la colonne dont je parle, parce qu'il n'avait fait le devoir ni d'un général, ni d'un homme de coeur.

[13] Sur une autre colonne sont inscrits avec éloge ceux qui combattirent en Thrace et auprès de Mégare ; ceux aussi qui suivirent Alcibiade, lorsque les Mantinéens en Arcadie se rangèrent sous ses enseignes, et que les Eléens eurent quitté le parti de Lacédémone ; ceux encore qui, avant l'arrivée de Démosthène en Sicile, eurent la victoire sur les Syracusains. Ensuite vous voyez la sépulture de ceux qui se signalèrent, soit dans ce combat naval qui fut donné sur l'Hellespont, soit au combat de Chéronée contre les Macédoniens, soit à Amphipolis sous Cléon. Plus avant c'est un monument qui vous apprend que ceux-ci ont péri devant Delium près de Tanagre, ceux-là en Thessalie sous Léosthène, et les autres en Chypre où ils avaient fait voile sous la conduite de Cimon. Surtout on a distingué ces vaillants hommes qui, au nombre de treize en tout avec Olympiodore à leur tête, délogèrent une garnison macédonienne du poste qu'elle occupait.

[14] Les Athéniens se vantent d'avoir envoyé du secours aux Romains, dans une guerre où ceux-ci voulaient étendre leur frontière ; ils disent même qu'au combat naval où les Romains vainquirent les Carthaginois, cinq galères d'Athènes partagèrent la gloire et le danger de l'action ; ceux qui périrent en ces deux occasions ont aussi leurs tombeaux et leur éloge dans le lieu donc je parle. J'ai raconté ci-dessus les diverses expéditions de Tolmidès et de ses soldats ; j'ai dit aussi quelle en fut la catastrophe ; pour peu que vous soyez curieux de voir leurs monuments, vous les trouverez sur le même chemin, avec ceux de ces braves soldats qui sous le commandement de Cimon remportèrent deux victoires en un même jour, l'une sur les bords de l'Eurymédon, l'autre sur le fleuve même.

[15] On vous montrera ensuite la sépulture de Conon et de Timothée, en la personne desquels on a vu pour la seconde fois un père et un fils également illustres ; car Miltiade et Cimon en avaient donné le premier exemple. Suivent les tombeaux de Zénon fils de Mnaséas, de Chrysippe natif de Soli, de Nicias fils de Nicomède, celui de tous les peintres de son temps qui réussissait le mieux à peindre les animaux ; puis ceux d'Harmodius et d'Aristogiton qui tuèrent Hipparque fils de Pisistrate ; enfin ceux de deux fameux orateurs, l'un est Ephialte qui travailla plus que tout autre à renverser les lois et les coutumes de l'Aréopage,

[16] l'autre est Lycurgue fils de Lycophron, qui amassa dans le trésor public plus de six mille cinq cents talens au-delà de ce qu'en avait amassé Périclès fils de Xantippe. Ce même Lycurgue rendit les solemnités de la déesse beaucoup plus somptueuses et plus magnifiques, enrichit son temple de plusieurs victoires d'or, fit un fonds pour servir à l'habillement de cent vierges, fournit l'arsenal d'une grande quantité d'armes offensives et défensives pour l'usage de la guerre, et augmenta les forces maritimes d'Athènes au point que la république avait quatre cent galères en état de tenir la mer. Ce fut encore lui qui fit achever le théâtre que d'autres avaient commencé, et durant son administration l'on construisit par son ordre au Pirée des chambres pour les vaisseaux, et un lieu d'exercice au Lycée. Le tyran Lacharès enleva tous les monuments d'or et d'argent que Lycurgue avait consacrés, soit dans le temple de Minerve, soit ailleurs ; mais les édifices subsistent.

XXX. [1] A l'entrée de l'Académie est l'autel de l'Amour avec une inscription qui porte que Charmus fut le premier Athénien qui consacra un autel à cette divinité. Car pour celui qui se voit dans la ville haute et que l'on nomme l'autel d'Anthéros, on tient que ce sont des étrangers habitués à Athènes qui l'ont autrefois érigé, et voici quelle en fut la raison. Mélès Athénien était aimé d'un étranger appellé Timagoras, et ne l'aimait point. Un jour se laissant aller à son aversion, il lui commanda de se précipiter du haut de la citadelle ; Timagoras crut lui devoir témoigner son amour aux dépens de sa vie, et accoutumé qu'il était à faire toutes les volontés de ce jeune homme, il se précipita. Mélès, voyant Timagoras mort, en fut si fâché qu'il monta au haut du même rocher, se jeta en bas et périt de la même manière. Des étrangers qui étaient à Athènes prirent de là occasion d'élever un autel au génie Anthéros qu'ils honorèrent comme le vengeur de Timagoras.

[2] Dans l'Académie il y a un autel de Prométhée, depuis lequel un certain jour de l'année ils vont toujours courant jusqu'à la ville avec des flambeaux allumés. Pour remporter la victoire, il faut conserver son flambeau allumé ; celui qui court le premier, si son flambeau s'éteint, cède sa place au second, le second au troisième, et ainsi des autres. Que si tous les flambeaux s'éteignent, nul ne remporte la victoire, et le prix est réservé pour une autre fois. On voit ensuite l'autel des Muses, celui de Mercure, un autre consacré à Minerve, et un autre à Hercule. On vous montrera un olivier que l'on dit être le second qui a pris naissance dans l'Attique.

[3] Mais ce qui est plus digne de curiosité, c'est le tombeau de Platon qui n'est pas loin de l'Académie. On assure que le mérite et l'excellence de ce philosophe furent annoncés par un présage qui ne pouvoir venir que du ciel, et ce présage, le voici. Lorsque Socrate reçut Platon au nombre de ses disciples, la nuit d'auparavant il eut un songe où il crut voir un cygne qui volait à lui et venait se reposer sur son sein ; or c'est une opinion établie que le cygne est un oiseau qui a une voix fort mélodieuse ; aussi dit-on que Cycnus roi des Liguriens dans cette partie de la Gaule qui est au-delà du Pô, était grand musicien, et qu'après sa mort Apollon le changea en cygne. Pour moi je n'ai pas de peine à croire qu'il y ait eu un roi des Liguriens savant en musique ; mais qu'il ait été changé en oiseau, le croie qui voudra.

[4] Du même côté est la tour de Timon, ce fameux misanthrope qui s'était persuadé que pour être heureux, il fallait fuir tout commerce avec les hommes. On vous fera remarquer aussi une éminence que l'on nomme la colline aux chevaux ; c'est dans cet endroit qu'Oedipe vint pleurer ses malheurs ; du moins ainsi le disent ceux qui ne veulent point s'en rapporter à Homère. Là sont deux autels dédiés l'un à Neptune, l'autre à Minerve, et ces deux divinités sont représentées à cheval. Vous y verrez aussi le monument héroïque de Pirithoüs, de Thésée, d'Oedipe et d'Adraste. Neptune y avait autrefois un temple et un bois sacré ; mais Antigonos les brûla, lorsqu'il entra dans l'Attique avec son armée, et qu'il fit tant d'autres maux aux Athéniens.


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Traduction par l'abbé Gédoyn (1731, édition de 1794)
NB : Orthographe modernisée et chapitrage complété.