XXXVIII - Carus (an de Rome 1034)

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Carus

Carus, préfet du prétoire, prit les vêtements impériaux (1), et créa (2) césars ses deux fils Carin et Numérien. Comme les Barbares, à la nouvelle de la mort de Probus, avaient cru l'occasion favorable pour envahir plusieurs provinces de l'empire, qui étaient à leur convenance, il envoya son fils aîné à la défense de la Gaule, et partit aussitôt lui-même avec Numérien pour la Mésopotamie, province exposée aux fréquentes incursions des Perses. Après avoir mis les ennemis en déroute, poussé par une passion inconsidérée pour la gloire, il s'avança jusqu'à Ctésiphon, ville célèbre de la Parthie. Comme il la traversait, il fut frappé d'un coup de foudre (3). Quelques personnes rapportent qu'il avait mérité de périr ainsi, parce que les oracles lui ayant annoncé que la victoire ne lui permettait de s'avancer que jusqu'à cette ville, il n'avait pas craint de passer plus avant : tant il nous est difficile de changer notre destinée, et tant sont inutiles les peines qu'on se donne pour connaître l'avenir. Après avoir perdu son père, Numérien regarda la guerre comme terminée. Il ramenait l'armée, lorsqu'il périt par les embûches d'Apex, son beau-père et préfet du prétoire. Un mal d'yeux dont ce jeune prince était attaqué (4) donna lieu à ce forfait, qui resta longtemps ignoré, parce qu'on portait le mort dans une litière bien close, comme s'il était toujours malade, et sous prétexte que le grand air lui fatiguerait la vue.


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(1)  Les mots augusto habitu réclament sans doute le verbe induitur qui les gouverne à l'ablatif. Gruter propose augustatur habitu, et madame Dacier augustus habetur ; mais c'est ne vouloir trouver aucune ellipse dans notre auteur.

(2)  Il y a encore ici plusieurs ablatifs gouvernés par un verbe sous-entendu, ou par la préposition cum non exprimée. L'un des participes creatis ou nuncupatis a été oublié. Nous ne devons pas être surpris des ellipses que nous rencontrons assez souvent dans les historiens latins. Comme la plupart n'écrivaient que pour eux-mêmes, quelques mots leur suffisaient pour rendre leur pensée. Pour les modernes, qui souvent ne composent des ouvrages que pour les faire imprimer, ils y regardent de plus près, et ne veulent rien laisser à deviner au lecteur.

(3)  Vopiscus rapporte une lettre de Calphurnius, par laquelle nous apprenons que Carus mourut de maladie. Il ajoute ensuite : Hanc ego epistolam idcirco indidi quod plerique dicunt vim fati quamdam esse ut romanus princeps Ctesiphontem transire non possit : ideoque Carum fulmine absumptum, quod eos fines transgredi cuperet, qui fataliter constituti sunt. «J'ai inséré ici cette lettre, parce que la plupart disent qu'une certaine force du destin s'oppose à ce qu'un empereur romain puisse s'avancer au-delà de Ctésiphon, et que Carus fut frappé de la foudre, parce qu'il voulait franchir ces limites, fixées par la fatalité». Le savant Casaubon remarque à ce sujet qu'il est constant que les Romains possédèrent depuis, au-delà de Ctésiphon et du Tigre, des provinces, nommées Transtigranes, qui furent conquises par Galerius, et rendues aux Perses par Jovien.

(4)  Pour avoir trop pleuré son père.