Nunc est bibendum, nunc pede libero
pulsanda tellus, nunc Saliaribus
ornare pulvinar deorum
tempus erat dapibus, sodales.

Antehac nefas depromere Caecubum
cellis avitis, dum Capitolio
regina dementis ruinas
funus et imperio parabat

contaminato cum grege turpium
morbo virorum, quidlibet impotens
sperare fortunaque dulci
ebria. Sed minuit furorem

vix una sospes navis ab ignibus,
mentemque lymphatam Mareotico
redegit in veros timores
Caesar, ab Italia volantem

remis adurgens, accipiter velut
mollis columbas aut leporem citus
venator in campis nivalis
Haemoniae, daret ut catenis

fatale monstrum. Quae generosius
perire quaerens nec muliebriter
expavit ensem nec latentis
classe cita reparavit oras,

ausa et jacentem visere regiam
voltu sereno, fortis et asperas
tractare serpentes, ut atrum
corpore conbiberet venenum,

deliberata morte ferocior :
saevis Liburnis scilicet invidens
privata deduci superbo,
non humilis mulier, triumpho.

 

C'est maintenant, amis, maintenant qu'il faut boire,
Et tourmenter le sol de nos libres élans,
Et dresser pour nos Dieux des festins opulents,
Tels que de nos Saliens en voit le réfectoire !

Naguère encor, fouiller le cellier paternel,
S'abreuver du Cécube oublié par l'ancêtre,
Tout Romain eût vu là, certes, l'acte d'un traître !
Songez donc ! Caressant son rêve criminel,

De sa longue fortune éblouie, enivrée,
S'abandonnant sans règle à ses espoirs sans fin,
Et voguant au succès de son vaste dessein,
D'un troupeau corrompu d'eunuques entourée,

Une reine en démence, (ô comble de l'orgueil !
0 vertige inouï d'une ambition folle !)
Pour l'empire romain, pour son saint Capitole,
Préparait, prédisait la ruine et le deuil !

Mais nos torches sont là ! Sa chimère arrogante,
Quand, brûlants, ses vaisseaux sombrent anéantis,
Tombe avec les vapeurs de son Maréotis,
Et l'ivresse fait place enfin à l'épouvante.

Un seul vaisseau sauvé la dérobe aux vainqueurs,
Eperdue, elle fuit loin, loin de l'Italie.
Mais César veut punir sa coupable folie ;
Il la presse, excitant l'aviron des rameurs.

Comme on voit le milan ou l'épervier rapace,
Fondre du haut des airs sur le faible pigeon,
Ou comme, aux champs neigeux que longe le Strymon,
Le chasseur palpitant suit le lièvre à la trace ;

Tel, au monstre fatal qu'il brûle d'asservir,
César vole... Mais elle, un plus beau sort la tente.
Bravant et sa fortune et l'épée éclatante,
Sur ses agiles nefs dédaignant de s'enfuir,

Elle ose contempler son palais en ruine,
Vaillante et le front haut ! elle ose de sa main,
Des livides serpents gonflés d'un noir venin,
Attacher la morsure à sa noble poitrine !

Elle a voulu mourir, la femme au ferme coeur !
Rome ne verra point Cléopatre enchaînée,
De ses grandeurs déchue, humble, découronnée,
Rehausser le triomphe et l'orgueil du vainqueur !


Cette traduction de Jacques Argiot a été publiée dans le XVIe bulletin de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées Orientales, pp.69-70, Perpignan (1868).