Achille et Briséis

H. Roux, Herculanum et Pompéi, tome III,
planche 92, pp.3 sqq (éd. 1875)

L'Iliade a inspiré ce tableau. Nous ne croyons pas qu'il y ait lieu de rappeler le touchant épisode de Briséis ; il est présent à tous les esprits. Nous le prendrons seulement au point où il a été mis en scène par le peintre qui nous a doté de l'oeuvre remarquable reproduite par cette planche.

Agamemnon, brûlant d'amour et de vengeance, donna ordre à ses hérauts Eurybate et Talthybius d'aller trouver Briséis dans la tente d'Achille, et de l'amener auprès de lui. On les voit ici remplissant à contre-coeur la pénible mission dont ils étaient chargés. Ils ont trouvé Achille assis avec Patrocle près des vaisseaux, et n'ont pas eu le courage de lui exposer l'objet de leur visite. Mais le fils de Pélée les a à peine aperçus, qu'il a pressenti la triste nouvelle qu'ils sont chargés de lui annoncer, et, imposant silence à la voix de sa passion, il a autorisé Patrocle à remettre Briséis entre les mains des envoyés d'Agamemnon.

Ici commence l'action de ce tableau. Le héros est assis devant sa tente au milieu de ses fidèles Myrmidons, à demi vêtu d'un pallium qui tombe sur ses cuisses et laisse à découvert le haut de son corps ; il montre aux hérauts, qui semblent tout confus de remplir un pareil message, Briséis qui fond en larmes et se résout avec peine à suivre Patrocle, qui l'attire à lui et l'engage à renoncer à son cher seigneur et à sa prison chérie. Infortunée ! comme dit le poète, si ses pieds marchent en avant, ses yeux se dirigent en arrière. Elle essuie ses larmes avec le pallium blanc qui couvre sa tête et tombe à larges plis sur sa tunique jaune. Le spectacle de sa douleur attendrit tous les assistants. Un seul paraît insensible à son désespoir, c'est celui-là même qui en est cause ; c'est Achille, dont les traits sont empreints d'une rudesse forcée, dont les gestes indiquent une assurance et une fermeté sous l'apparence desquelles il s'efforce de cacher la douleur et la colère qui bouillent dans son âme avec d'autant plus de violence qu'il fait plus d'efforts pour les comprimer, et le plus courageux des héros dompte le plus tendre, le plus désespéré des amants. Si notre tableau, d'ailleurs, n'était exécuté avec un soin particulier, la seule figure d'Achille et l'expression très heureuse des divers sentiments qui l'animent et qui se combattent, suffiraient pour lui donner un grand prix.


Commentaire de M. L. Barré dans l'édition d'Herculanum et Pompéi mentionnée ci-dessus.


Commentaire de cette même fresque dans les Pompeiana de William Gell, et présentation de la Maison du Poète tragique, dans laquelle elle se trouvait, dans la Pompéia d'Ernest Breton (les deux commentaires s'ouvrent dans une autre fenêtre).