Nessus et Déjanire

H. Roux, Herculanum et Pompéi, tome II, planche 73, pp.226 sqq (éd. 1875)

Hercule se trouvant à table chez Oenée, père de Déjanire, tua d'un coup de poing Eunomus d'Architèle, qui avait commis la distraction offensante de verser sur les mains du héros l'eau destinée à ses pieds. Le père du mort pardonna au meurtrier, mais Hercule, dont la colère n'était pas encore apaisée, aima mieux aller en exil et se condamner lui-même à la peine établie contre les homicides involontaires. Il partit, et emmena avec lui son épouse Déjanire. Arrivés au bord du fleuve Evénus, ils y trouvèrent le centaure Nessus, qui exigeait un tribut pour transporter les voyageurs d'une rive à l'autre, et se prétendait autorisé à percevoir ce droit de passage par les dieux, qui avaient voulu récompenser l'honnêteté et la loyauté de sa conduite. Le dieu n'eut pas besoin de l'aide du centaure pour se transporter de l'autre côté du fleuve ; seulement il lui confia Déjanire, et Nessus reçut d'Hercule le salaire de son service. Le centaure voulut prendre de force des faveurs que la fidèle épouse d'Hercule lui refusa en jetant les hauts cris et appelant son mari à son secours. Le dieu accourut sur l'autre rive, et punit de mort l'insolence de Nessus. Voilà le récit mythologique qui doit nous conduire à l'explication du tableau reproduit par cette planche.

Le jeune enfant d'Hercule, Hyllus, qui, d'après les auteurs anciens, voyagea sur les épaules de son père, ep'ômôn, a été mêlé à l'action, représentée sans doute d'après une tradition qui diffère peut-être de celle que nous avons rapportée. Sa mère Déjanire, debout sur un char attelé de deux chevaux, se dispose à prendre dans ses bras l'enfant porté par son père. Celui-ci s'appuie sur sa massue noueuse, et se prépare à la vengeance en regardant d'un air menaçant iNessus, qui le supplie et implore son pardon. La circonstance du passage du fleuve n'a pas trouvé place dans la composition qui nous occupe, et il est probable que l'artiste a supposé que le centaure s'était livré à sa tentative criminelle pendant qu'Hercule était resté en arrière sans doute pour cueillir la pomme qu'Hyllus tient dans sa main. Le dédain et le courroux d'Hercule, la terreur du centaure et la tristesse de Déjanire nous semblent assez heureusement rendus.


Commentaire de M. L. Barré dans l'édition d'Herculanum et Pompéi mentionnée ci-dessus.