L'Ombre ardente

XVI - Hérodias

Pour Gustave Flaubert

Reine des temps maudits, lys damné d'Israël,
Juive aux instincts de louve, ensorceleuse d'hommes,
Fleur de luxure éclose au coeur des vieilles Romes,
J'adore ton front bas et lâchement cruel.

La révolte du crime et la haine du ciel
Vivent dans tes yeux clairs et ta bouche qui saigne
Et, debout dans la pourpre errante qui te baigne,
Tu souris au trépas des mornes Ezéchiel.

Ta royale infamie est ton nimbe ; et l'artiste,
Dans ta haine englobant le prophète âpre et triste
Qui blasphème ta gloire, ô femme d'Antipas,

Evoquera toujours la froide Hérodias
Faisant en lourds rubis sur le plat d'améthyste
Luire, poindre et perler le sang de Jean-Baptiste.

L'Ombre bleue

Le Pays des fées

Hérodiade

Pour Théodore de Banville

Au fauve appel des cors, au bruit rageur des cistres,
La grande Hérodiade et ses nymphes sinistres
Sur des balais fourbus chevauchent en plein ciel.

Des démons accrochés aux crins de leurs cavales,
Elles vont, ventre à terre, au-dessus d'Israël,
Et la haine implacable, éclair froid et cruel,
Luit dans leurs grands yeux morts emplis de larmes pâles.

Entre leurs poings crispés serrant leurs fronts muets,
Sous les grands ciels de cuivre et les lunes brumeuses,
Au-dessus des détroits et des villes fameuses,
Elles vont emplissant l'air de grands coups de fouets ;

Et dans des cors d'airain des nains aux bras fluets,
De Sicile en Brabant, de Mayence à Grenade,
Clament : «Chrétiens, voici la chasse Hérodiade».