Ces pages constituent le prolongement du fichier sur les amours d’Achille et présentent d’autres témoignages sur Penthésilée, la reine des Amazones qui tâcha en vain de défendre Troie.

Qui est Penthésilée ?

Les notices anciennes sur la reine des Amazones ne sont pas nombreuses, mais toutes sont d'un grand intérêt : nous avons déjà lu ce qu’en disent Hygin, Proclus, Apollodore, Virgile et Servius : sa nature est divine, car elle est identifiée comme une fille d’Arès.

Pline l’ancien (VII, 201) affirme que alii [...] invenisse dicunt Penthesileam Amazonem securim, selon d'autres, c'est l'amazone Penthésilée qui a inventé la hache, ce qui confirme son habileté militaire.

On ajoutera ici les témoignages de Diodore, Pausanias et Quintus de Smyrne (qui souvent trouvent leur source quelques siècles auparavant) : ils insistent sur sa valeur, en rappelant qu’elle a tué sans le vouloir sa sœur Hippolyte, et que Priam l’a purifiée de ce meurtre. C’est alors qu’elle vient défendre Troie. Les sources plus tardives raconteront aussi son noble amour pour Hector et les circonstances dramatiques de sa mort.

 

Achille tue Penthésilée
v.540-530 av.JC
British Museum

Apollodore, Epitome, 5, 1-2

[5,1] ὅτι Πενθεσίλεια, Ὀτρηρῆς καὶ Ἄρεος, ἀκουσίως Ἱππολύτην κτείνασα καὶ ὑπὸ Πριάμου καθαρθεῖσα, μάχης γενομένης πολλοὺς κτείνει, ἐν οἷς καὶ Μαχάονα: εἶθ' ὕστερον θνήσκει ὑπὸ Ἀχιλλέως, ὅστις μετὰ θάνατον ἐρασθεὶς τῆς Ἀμαζόνος κτείνει Θερσίτην λοιδοροῦντα αὐτόν.

[5,2] ἦν δὲ Ἱππολύτη ἡ τοῦ Ἱππολύτου μήτηρ, ἡ καὶ Γλαύκη καὶ Μελανίππη. αὕτη γάρ, ἐπιτελουμένων τῶν γάμων Φαίδρας, ἐπιστᾶσα σὺν ὅπλοις ἅμα ταῖς μεθ' ἑαυτῆς Ἀμαζόσιν ἔλεγε κτείνειν τοὺς συνανακειμένους Θησεῖ. μάχης οὖν γενομένης ἀπέθανεν, εἴτε ὑπὸ τῆς συμμάχου Πενθεσιλείας ἀκούσης, εἴτε ὑπὸ Θησέως, εἴτε ὅτι οἱ περὶ Θησέα, τὴν τῶν Ἀμαζόνων ἑωρακότες ἐπιστασίαν, κλείσαντες διὰ τάχους τὰς θύρας καὶ ταύτην ἀπολαβόντες ἐντὸς ἀπέκτειναν.

Penthésilée, la fille d’Otrérès et d’Arès, avait tué involontairement Hippolyté, et elle avait été purifiée par Priam. Au combat, elle tua de nombreux [ennemis], et parmi eux, Machaon. Plus tard, elle mourut de la main d’Achille, lequel, après sa mort, tomba amoureux d’elle et tua Thersite qui se moquait de lui.

Hippolyté était la mère d’Hippolyte ; on l’appelait aussi Glaucé et Mélanippé. À la cérémonie de mariage de Phèdre, Hippolyté se présenta armée, en compagnie de ses Amazones, et elle déclara qu’elle avait l’intention de tuer les hôtes de Thésée. Un combat éclata et elle mourut. C’est sa compagne Penthésilée qui la tua, sans le vouloir, ou bien Thésée ou bien encore ses compagnons : face à l’attitude des Amazones, ils se hâtèrent de refermer les portes, la neutralisèrent à l’intérieur et la tuèrent.

Diodore de Sicile, Bibliothèque II, 46-47

μετὰ γὰρ τὴν Ἡρακλέους στρατείαν ὀλίγοις ὕστερον ἔτεσι κατὰ τὸν Τρωικὸν πόλεμόν φασι Πενθεσίλειαν τὴν βασιλεύουσαν τῶν ὑπολελειμμένων Ἀμαζονίδων, Ἄρεος μὲν οὖσαν θυγατέρα, φόνον δ’ ἐμφύλιον ἐπιτελεσαμένην, φυγεῖν ἐκ τῆς πατρίδος διὰ τὸ μύσος. συμμαχήσασαν δὲ τοῖς Τρωσὶ μετὰ τὴν Ἕκτορος τελευτὴν πολλοὺς ἀνελεῖν τῶν Ἑλλήνων, ἀριστεύσασαν δ’ αὐτὴν ἐν τῇ παρατάξει καταστρέψαι τὸν βίον ἡρωικῶς ὑπ’ Ἀχιλλέως ἀναιρεθεῖσαν. τῶν μὲν οὖν Ἀμαζονίδων ἐσχάτην ταύτην λέγουσιν ἀνδρείᾳ διενεγκεῖν, καὶ τὸ λοιπὸν ἀεὶ τὸ ἔθνος ταπεινούμενον ἀσθενῆσαι παντελῶς·

Cependant on raconte que, plusieurs années après l'expédition d'Hercule, on remarqua dans la guerre de Troie Penthésilée, fille de Mars et reine des Amazones, qui avait échappé à l'extermination ; qu'elle s'était enfuie de sa patrie pour se soustraire à la vengeance d'un meurtre, et que, combattant vaillamment dans les rangs des Troyens, après la mort d'Hector, elle tua un grand nombre de Grecs, et tomba enfin glorieusement sous le fer d'Achille. Ce fut la dernière Amazone renommée pour son courage ; ce qui restait de cette nation a fini par disparaître entièrement

Pausanias - Periegesis, X, 31

ὑπὲρ δὲ τὸν Σαρπηδόνα τε καὶ Μέμνονα, ἔστιν ὑπὲρ αὐτοὺς ὁ Πάρις οὐκ ἔχων πω γένεια· κροτεῖ δὲ ταῖς χερσίν, οἷος ἂν γένοιτο ἀνδρὸς ἀγροίκου κρότος· ἐοικέναι τὸν Πάριν φήσεις τῷ ψόφῳ τῶν χειρῶν Πενθεσίλειαν παρ’ αὑτὸν καλοῦντι. ἔστι δὲ καὶ ἡ Πενθεσίλεια ὁρῶσα ἐς τὸν Πάριν, τοῦ προσώπου δὲ ἔοικε τῷ νεύματι ὑπερορᾶν τε αὐτὸν καὶ ἐν οὐδενὸς τίθεσθαι λόγῳ· τὸ δὲ σχῆμά ἐστι τῇ Πενθεσιλείᾳ παρθένος τόξον ἔχουσα τοῖς Σκυθικοῖς ἐμφερὲς καὶ παρδάλεως δέρμα ἐπὶ τῶν ὤμων.

Au-dessus de Sarpédon et de Memnon, Polygnote a représenté Pâris, jeune encore et sans barbe ; il bat des mains d'une manière assez rustique, et par ce bruit il semble inviter Penthésilée à approcher. Penthésilée le regarde, mais on juge à son air qu'elle n'a que du mépris pour lui. Sa figure est celle d'une jeune vierge ; elle tient un arc tout semblable à ceux des Scythes, et une peau de léopard lui couvre les épaules.

Le mépris de l’héroÏne est probablement dû à l’offre d’argent que Pâris lui fait pour la persuader à rester à Troie : en effet, on le verra, elle voulait rentrer chez elle.

Quintus la mentionne au début de son œuvre, qui correspond à l’Éthiopide du Cycle : Hector vient d’être tué par Achille, et la reine des Amazones arrive au secours de Troie, en rendant espoir à Priam et aux Troyens tout à fait désespérés.

Quintus de Smyrne - Posthomerica, I, 18 sqq

18 Καὶ τότε Θερμώδοντος ἀπ´ εὐρυπόροιο ῥεέθρων
19 ἤλυθε Πενθεσίλεια θεῶν ἐπιειμένη εἶδος,
20 ἄμφω καὶ στονόεντος ἐελδομένη πολέμοιο
21 καὶ μέγ´ ἀλευομένη στυγερὴν καὶ ἀεικέα φήμην,
22 μή τις ἑὸν κατὰ δῆμον ἐλεγχείῃσι χαλέψῃ
23 ἀμφὶ κασιγνήτης, ἧς εἵνεκα πένθος ἄεξεν,
24 Ἱππολύτης· τὴν γάρ ῥα κατέκτανε δουρὶ κραταιῷ,
25 οὐ μὲν δή τι ἑκοῦσα, τιτυσκομένη δ´ ἐλάφοιο·
26 τοὔνεκ´ ἄρα Τροίης ἐρικυδέος ἵκετο γαῖαν.
27 Πρὸς δ´ ἔτι οἱ τόδε θυμὸς ἀρήιος ὁρμαίνεσκεν,
28 ὄφρα καθηραμένη πέρι λύματα λυγρὰ φόνοιο
29 σμερδαλέας θυέεσσιν Ἐριννύας ἱλάσσηται,
30 αἵ οἱ ἀδελφειῆς κεχολωμέναι αὐτίχ´ ἕποντο
31 ἄφραστοι· κεῖναι γὰρ ἀεὶ περὶ ποσσὶν ἀλιτρῶν
32 στρωφῶντ´, οὐδέ τι ἔστι θεὰς ἀλιτόνθ´ ὑπαλύξαι.
33 Σὺν δέ οἱ ἄλλαι ἕποντο δυώδεκα, πᾶσαι ἀγαυαί,
34 πᾶσαι ἐελδόμεναι πόλεμον καὶ ἀεικέα χάρμην,
35 αἵ οἱ δμωίδες ἔσκον ἀγακλειταί περ ἐοῦσαι·
36 ἀλλ´ ἄρα πασάων μέγ´ ὑπείρεχε Πενθεσίλεια.


C'est alors que, laissant les bords profonds du Thermodon, parut Penthésilée, semblable aux déesses ; elle aimait les guerres cruelles, et voulait en même temps sous les murs de Troie échapper à la honte et aux reproches de sa nation ; car elle avait tué sa soeur Hippolyte, éternel objet de ses regrets ! elle l'avait tuée à la chasse d'un coup de javelot, sans le vouloir, en poursuivant une biche. La guerrière, animée du souffle d'Arès, venait donc sur la terre de Troie, pour se purifier de la souillure du meurtre et apaiser les Erinnyes terribles, qui, au nom de sa soeur, la suivaient sans relâche dans l'ombre. Car ces déesses ne quittent jamais la trace des impies et le criminel ne les évite jamais. Avec elle étaient venues douze autres guerrières, toutes nobles, tout amoureuses de la guerre et des combats sans trêve ; elles lui obéissaient, quoique nobles, et au-dessus d'elles brillait Penthésilée.

48 Οἵη δ´ ἀκαμάτοιο κατέρχεται Οὐλύμποιο
49 Ἠὼς μαρμαρέοισιν ἀγαλλομένη φρένας ἵπποις
50 Ὡράων μετ´ ἐυπλοκάμων, μετὰ δέ σφισι πάσαις
51 ἐκπρέπει ἀγλαὸν εἶδος ἀμωμήτοις περ ἐούσαις·
52 τοίη Πενθεσίλεια μόλεν ποτὶ Τρώιον ἄστυ
53 ἔξοχος ἐν πάσῃσιν Ἀμαζόσιν. Ἀμφὶ δὲ Τρῶες
54 πάντοθεν ἐσσύμενοι μέγ´ ἐθάμβεον, εὖτ´ ἐσίδοντο
55 Ἄρεος ἀκαμάτοιο βαθυκνήμιδα θύγατρα
56 εἰδομένην μακάρεσσιν, ἐπεί ῥά οἱ ἀμφὶ προσώπῳ
57 ἄμφω σμερδαλέον τε καὶ ἀγλαὸν εἶδος ὀρώρει,
58 μειδίαεν δ´ ἐρατεινόν, ὑπ´ ὀφρύσι δ´ ἱμερόεντες
59 ὀφθαλμοὶ μάρμαιρον ἀλίγκιον ἀκτίνεσσιν,
60 αἰδὼς δ´ ἀμφερύθηνε παρήια, τῶν δ´ ἐφύπερθε
61 θεσπεσίη ἐπέκειτο χάρις καταειμένη ἀλκήν.
62 Λαοὶ δ´ ἀμφεγάνυντο καὶ ἀχνύμενοι τὸ πάροιθεν·


Telle que, du haut de l'Olympe éternel, l'Aurore, fière de ses chevaux blancs, s'élance avec les Heures aux beaux cheveux et les surpasse toutes par sa beauté brillante, quoiqu'elles soient belles ; ainsi Penthésilée vint dans la ville de Troie, belle entre toutes les Amazones. Autour d'elle les Troyens se précipitaient et, pleins d'étonnement, contemplaient cette fille de l'insatiable Arès, aux jambes bardées de fer, semblable aux déesses ; son visage terrible était doux quand elle souriait ; à l'ombre de ses sourcils, ses yeux charmants brillaient comme les rayons du jour ; la pudeur rougissait sa joue, sur laquelle une grâce divine s'épanouissait au milieu d'une mâle énergie, et tout le peuple était rempli d'allégresse, malgré sa longue affliction.

70 ὣς ἄρα Τρώιοι υἷες, ὅτ´ ἔδρακον ἔνδοθι πάτρης
71 δεινὴν Πενθεσίλειαν ἐπὶ πτόλεμον μεμαυῖαν,
72 γήθεον· ἐλπωρὴ γὰρ ὅτ´ ἐς φρένας ἀνδρὸς ἵκηται
73 ἀμφ´ ἀγαθοῦ, στονόεσσαν ἀμαλδύνει κακότητα.
74 Τοὔνεκα καὶ Πριάμοιο νόος πολέα στενάχοντος
75 καὶ μέγ´ ἀκηχεμένοιο περὶ φρεσὶ τυτθὸν ἰάνθη.


Ainsi le peuple troyen, en contemplant dans ses murs la terrible Penthésilée pleine d'ardeur pour les combats, se livrait à la gaieté. Car l'espérance, en entrant dans le coeur de l'homme, en bannit bientôt la tristesse. Dans l'âme de Priam jusqu'alors triste et désolée naquit aussi un peu de joie.

84 παῦρον μὲν γήθησε, τὸ δὲ πλέον εἰσέτι παίδων
85 ἄχνυτ´ ἀποκταμένων. Ἄγε δ´ εἰς ἑὰ δώματ´ ἄνασσαν,
86 καί μιν προφρονέως τίεν ἔμπεδον…
91 Δῶρα δέ οἱ πόρε καλὰ καὶ ὄλβια, πολλὰ δ´ ὑπέστη
92 δωσέμεν, ἢν Τρώεσσι δαϊζομένοις ἐπαμύνῃ.
93 Ἣ δ´ ἄρ´ ὑπέσχετο ἔργον ὃ οὔ ποτε θνητὸς ἐώλπει,
94 δῃώσειν Ἀχιλῆα καὶ εὐρέα λαὸν ὀλέσσειν
95 Ἀργείων, νῆας δὲ πυρὸς καθύπερθε βαλέσθαι,
96 νηπίη· οὐδέ τι ᾔδη ἐυμμελίην Ἀχιλῆα,
97 ὅσσον ὑπέρτατος ἦεν ἐνὶ φθισήνορι χάρμῃ.


Il avait de la joie, mais il avait plus de peine encore à cause de ses fils massacrés. Il conduisit la reine dans sa demeure et l'honora, avec une grande bienveillance, comme une fille qui serait revenue vers lui après vingt ans. Il lui fit servir un repas somptueux, tel qu'en offrent les rois généreux lorsqu'après avoir soumis les peuples ils se livrent à la joie du festin en l'honneur de la victoire. Il lui donna des présents beaux et riches, et lui promit de lui en donner plus encore si elle secourait les Troyens abattus. Et elle promit, promesse que nul homme n'avait faite ! de vaincre Achille et, après avoir détruit les troupes nombreuses des Argiens, de brûler leurs vaisseaux. Insensée ! elle ne connaissait pas le terrible Achille et sa force invincible dans les combats des guerriers.

Cette confiance fera naître l’amère compassion d’Andromaque, qui vient de perdre son mari Hector. Un indice de la jalousie dont parleront d’autres écrivains ? Voici les vers de Tzetzes à propos de la belle héroïne, qui remontent aux témoignages d’Hellanicus et Lysias, et feraient penser qu’elle vient à Troie pour un duel d'Amazones tout à fait particulier :

Tzetzes - Posthomerica, 14

Ἑλλάνικος, Λυσίας δὲ καὶ ἄλλοι ἄνδρες ἀγαυοὶ
φὰν ἕνεκα σφετέρης ἀρετῆς ἐπιήλυθε Τροίηι
κῦδος ἀεξήσουσα, ὅπως τε γάμοισι μιγείη.
ταῖς γὰρ ἀπαίσιόν ἐστι παρ’ ἀνδράσι βήμεναι εὐνῆι,
εἰ μὴ μὲν πολέμοισιν ἀριστευσώσιν ἐπ’ ἄνδρας.
τὼς μὲν Πενθεσίλειαν ἐπελθέμεν οἵ γ’ ἐρέουσιν.

Hellanicus, Lysias et d’autres écrivains dignes de foi disaient que Penthésilée vint à Troie pour démontrer sa valeur, augmenter sa gloire et pour se marier. En effet elles ont la coutume de monter sur le lit des hommes qu’elles ne parviennent pas à vaincre au combat. Ils disent donc qu'alors Penthésilée arriva à Troie.



© Francesco Chiappinelli


Merci au professeur Francesco Chiappinelli, auteur de l'Impius Aeneas, de nous avoir fourni ces textes.
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