Après le retour d'Anténor, les Troyens décident d'envoyer une armée en Grèce pour venger la destruction de leur ville par les Argonautes et l'enlèvement d'Hésione. Ni la prudence d'Hector ni les prophéties de Panthus, Hélénus et Cassandre ne parviennent à entraver l'élan belliqueux de Pâris et Troïlus. Le peuple de Troie aussi décide la guerre, et Priam ordonne de préparer la flotte et l'armée, dont il confie le commandement à Pâris et Déiphobe. Ces événements, chez Benoît et Guido, paraissent se dérouler dans une cour médiévale bien plus qu'à l'époque d'Homère : on y parle des personnages comme d'évêques et de barons, de dames et de chevaliers. Parmi les sources tardo-latines et médiévales, Dictys manque pour l'instant à l'appel : il ne paraîtra qu'à partir de l'enlèvement d'Hélène ; mais les passionnés d'italien médiéval liront volontiers le récit de l'Istorietta romana


Dares, De excidio Troiae, 6-8

[6] Continuo Priamus filios uocari iubet, et omnes amicos suos, Antenorem, Anchisen, Aenean, Ucalegontem, Bucolionem, Panthum, Lamponem, et omnes filios qui ex concubinis nati erant. Qui ut conuenerunt, dixit eis se Antenorem legatum in Graeciam misisse, ut hi sibi satisfacerent quod patrem suum necassent, Hesionam sibi redderent: illos contumeliose tractasse, et Antenorem nihil ab eis impetrasse. Verum quoniam suam uoluntatem facere noluissent, uideri sibi, exercitum in Graeciam mittere, qui praedas raperet ab eis; ne barbaros Graeci irrisui haberent. Hortatusque est Priamus liberos suos, ut huius rei principes forent, maxime Hectorem: erat enim maior natu: qui coepit dicere, uelle se quidem uoluntatem patris exequi, et Laomedontis aui sui necem ulcisci, et quascumque iniurias Graeci Troianis fecissent, ne impunitum id Graiis foret: sed uereri, ne non perficere possent quod conati essent ; multos adiutores Graeciae futuros, Europam bellicosos homines habere ; Asiam semper in desidia uitam exegisse, et ob id classem non habere.

Priam fait avertir aussitôt ses fils et tous ses amis de se rendre dans son palais, Anténor, Anchise, Enée, Ucalégon, Bucolion, son frère Panthus, Lampon, et tous les fils qu'il a eus de ses concubines. Lorsqu'ils sont assemblés, il leur apprend qu'il axait envoyé Anténor chez les Grecs, pour leur demander satisfaction de la mort de son père, et les engager à lui rendre Hésione ; que partout cet ambassadeur avait été mal accueilli, et n'avait éprouvé que des refus ; et que, comme les Grecs avaient rejeté ses justes demandes, il lui paraissait convenable d'envoyer une année en Grèce pour la saccager à son tour, et empêcher ses habitants de se jouer à l'avenir des barbares. Il exhorta ensuite ses enfants à se mettre à la tête de cette expédition, principalement Hector, l'aîné de tous. Celui-ci prit alors la parole et dit : « Je suis tout disposé à exécuter les ordres du roi, mon père, à venger la mort de Laomédon, mon aïeul, et à ne pas laisser impunis les affronts que les Troyens ont reçus des Grecs ; mais je crains que nous ne soyons pas heureux dans la guerre que nous voulons leur déclarer, soit par les nombreux secours qui leur arriveront de toute part, soit par la valeur des guerriers européens, soit enfin par la mollesse des peuples de l'Asie : d'ailleurs nous manquons d'une flotte pour cette expédition ».

[7] Alexander cohortari coepit, ut classis praeparetur, et in Graeciam mittatur: se rei huius principem futurum, si pater uellet : in deorum benignitate se confidere, uictis hostibus laude adepta, de Graecia domum rediturum esse. Nam sibi in Ida sylua cum uenatum abisset, in somnis Mercurium adduxisse Iunonem, Venerem, Mineruam, ut inter eas de specie iudicaret. Et tunc sibi Venerem pollicitam esse, si suam speciem meliorem harum specie iudicaret, daturam se ei uxorem, quae in Graecia speciosior uideretur: ubi ita audisset, optimam facie Venerem iudicasse: unde sperare debere Priamum Venerem adiutricem Alexandro futuram. Deiphobus placere sibi dixit Alexandri consilium; et sperare Graecos Hesionam reddituros, et satisfacturos, si ut dipositum esset, classis, in Graeciam mitteretur. Helenus uaticinari coepit, Graios uenturos, Ilium euersuros, parentes et fratres hostili manu interituros, si Alexander sibi uxorem de Graecia adduxisset. Troilus minimus natu, non minus fortis quam Hector, bellum geri suadebat, et non debere terreri metu uerborum Heleni, quod omnibus placuit, classem comparari, et in Graeciam proficisci.

« En bien ! interrompit Alexandre, il faut au plus tôt nous procurer cette flotte et l'envoyer en Grèce. Si le roi y consent, je me charge de la commander, et je lui promets que, par la bonté des dieux dans la protection desquels je mets toute ma confiance, je ne reviendrai pas sans avoir eu la gloire de vaincre mes ennemis. Un jour que je chassais dans la forêt du mont Ida, continua-t-il, je m'endormis et je vis en songe Mercure qui me présentait Junon, Vénus et Minerve, pour que je décidasse laquelle des trois était la plus belle. Vénus me promit que, si je lui dormais le prix de la beauté, elle me ferait épouser la plus belle femme de la Grèce. Gagné par cette promesse, je prononçai qu'elle était la plus belle. Ainsi Priam doit espérer que Vénus protégera Alexandre ». Déiphobe appuya le sentiment d'Alexandre, en disant qu'il espérait que si l'on envoyait en Grèce une flotte bien équipée, les Grecs rendraient Hésione et donneraient toute satisfaction aux Troyens : mais Hélénus se mit à prédire qu'un jour les Grecs feraient une descente sur les rivages d'Ilion ; qu'ils renverseraient cette capitale de fond en comble ; que ses parents et ses frères périraient par le fer ennemi ; et que ce serait l'épouse qu'Alexandre aurait amenée de la Grèce qui attirerait tous les malheurs sur sa patrie. Troïle, le plus jeune des fils de Priam, mais dont le courage égalait celui d'Hector, soutint avec force qu'il fallait se préparer à la guerre, sans s'effrayer de la prédiction d'Hélénus. Toute I'assemblée approuva ce sentiment, et décida que l'on équiperait une flotte et que l'on partirait pour la Grèce.

[8] Priamus Alexandrum et Deiphobum in Paeoniam misit, ut milites eligerent: ad concionem populum uenire iubet. Commonefacit filios, ut maiores natu minoribus imperarent. Monstrauit quas iniurias Graeci Troianis fecissent : ob hoc Antenorem legatum in Graeciam misisse, ut sibi Hesionam sororem redderent, et satisfacerent Troianis. Antenorem contumeliose ab eis tractatum: nec quidquam ab his impetrare potuisse. Ob hoc placere sibi, Alexandrum mitti cum classe in Graeciam, qui aui sui mortem et Troianorum iniurias ulcisceretur. Antenorem dicere iussit, quomodo in Graecia tractatus sit. Antenor hortatus est Troianos, ne horrescerent, ad bellandum in Graeciam suos alacriores fecit. Paucis demonstrauit, quae in Graecia gesserat. Priamus dixit, si cui displiceret bellum geri, suam uoluntatem ediceret. Tunc Panthus Priamo et propinquis prodit ea quae a patre Euphorbo audierat: si Alexander uxorem de Graecia adduxisset, Troianis extremum exitium futurum. Sed pulchrius esse in otio uitam degere, quam in tumultu libertatem amittere, et periculum inire. Populus auctoritatem Panthi contemsit: regem dicere iusserunt, quid fieri uellet. Priamus dixit naues praeparandas esse, ut eatur in Graeciam: utensilia quoque populo non deesse. Populus conclamauit per se moram non esse, quo minus regis praeceptis pareatur. Priamus illis magnas gratias egit, concionemque dimisit. Ac mox in Idam syluam misit, qui materiem succiderent, naues aedificarent. Hectorem in superiorem Phrygiam misit, ut exercitum pararet; et ita praesto esset. Cassandra postquam audiuit patris consilium, dicere coepit quae Troianis futura essent, si Priamus perseueraret classem in Graeciam mittere.

Priam envoya d'abord Alexandre et Déiphobe en Péonie pour y lever des troupes, et peu après il assembla le peuple d'Ilion. Après avoir ordonné à ses plus jeunes fils d'obéir à leurs aînés dans tout ce qu'ils leur commanderaient de relatif aux circonstances, il rappela aux Troyens le souvenir des injures qu'ils avaient reçues des Grecs, et leur apprit que, pour en avoir satisfaction et recouvrer sa soeur Hésione, il leur avait envoyé Anténor ; que cet ambassadeur n'avait éprouvé que des outrages et des refus. Il ajouta que pour ces raisons il avait formé le dessein d'envoyer en Grèce une flotte commandée par son fils Alexandre, pour tirer vengeance de la mort de son père et des maux qu'ils avaient causés à ses sujets. Lorsqu'il eut achevé de parler, Anténor raconte: par son ordre les traitements injurieux qu'il avait reçus en Grèce; il exhorta les Troyens à ne point s'effrayer de la guerre qui allait être déclarée, mais à bien remplir leurs devoirs de soldats : il entra ensuite dans quelques détails sur la conduite qu'il avait tenue pendant son ambassade. Après qu'il eut parlé, Priam invita ceux qui, dans l'assemblée, n'approuvaient pas la guerre, à déclarer leurs sentiments et leurs motifs. Alors Panthus s'adressant au roi et à sa famille : « J'ai appris de mon père Euphorbe, leur dit-il, que si Alexandre épouse une femme grecque, et qu'il l'amène dans ce pays, les derniers malheurs fondront sur les Troyens. N'est-il pas préférable, le repos dans lequel, nous vivons maintenant, aux troubles d'une guerre qui peut nous ravir notre liberté ? Pourquoi, lorsque nous sommes tranquilles, irons-nous nous exposer à des dangers ? » Le peuple méprisa le conseil de Panthus, et supplia le roi de lui déclarer ses volontés. Alors ce prince dit qu'il fallait préparer des vaisseaux pour aller faire la guerre aux Grecs, et ajouta que rien ne manquait de ce qui était nécessaire pour leur construction et leur équipement. A ces paroles les Troyens s'écrièrent qu'il ne dépendrait pas d'eux que les ordres du roi ne fussent exécutés. Priam les remercia de leur bonne volonté, congédia l'assemblée, et, sans perdre de temps, envoya, sur le mont Ida, un grand nombre d'ouvriers pour y couper les bois nécessaires à la construction d'une flotte. Hector reçut aussi l'ordre de se rendre dans la Phrygie supérieure pour y lever au plus tôt une armée. Dès que Cassandre fut instruite de la résolution que son père avait prise, elle se mit à prédire tous les maux que les Troyens auraient à souffrir si Priam envoyait une flotte contre les Grecs.


Chez Joseph of Exeter, à Pâris et à son arrogance s’opposent vainement les prédictions d’Hélénus et Panthus et, plus tard, de Cassandre : pour venger Hésione, le fils que Priam avait voulu tuer sans y réussir ira en Grèce enlever Hélène. Le destin fatal de Troie est lié aux choix de ses souverains, comme dans les anciennes tragédies. La prière de Priam à Vénus nous rappelle les vers initiaux du poème de Lucrèce, alors que les érudits disent qu’il a été retrouvé quatre siècles plus tard. Simple suggestion ou peut-être des réminiscences indirectes?

Iosephus Iscanus, Daretis Ylias, III 2-97

Solvuntur vario consulta silentia plausu,
Ydalium Peana canunt plebs, aula, senatus.
Hic fatis vovet, ille deis, una omnibus una
Voce animoque frequens plaudit Venus. Altus ubique
Sanguis obit, sacris ultra cessantia cedunt
Arva, coronato luget spoliata marito
Inachis et raptos gemebunda reposcit alumpnos.
Illustres superis epulas molita potestas
Sacrificis bibulos lictoribus instruit ignes
Totaque thuricremis Panchaia spirat in aris
Venales ernptura deos. At pauper acerra
Principe digna Deo nostro placitura Tonanti
Mente litat pura, votis exorat honestis.
Celsior explicitas rapturus in ardua flammas
Regius exstruitur congestis floribus ignis
Perstringitque aciem. Procul hiis exspirat ab aris
Hostia dira, cruor; Veneri, quod dulce, propinat
Ductor, Aristeos latices, Melibea fluenta,
Ycareos haustus, fracti Phenicis odores.
Fronde comas nexe sanctoque astare parenti
Yliades iusse spumantia lacte serenis
Cimbia devolvunt flarnmis, rex ipse ministrans
Ybleam delibat opem sic ante precatus :
Diva potens hominum, divum imperiosa voluptas,
Vera deum soboles, nostri Tritonis alumpna,
Alma Venus ! Seu te convivam Thetios urna
Poscit seu nectar superum seu forte papaver
Elisium, flecte hec teneros ad dona iugales,
Hos dignare favos ! Nec eniin mactante securi
Grata minus pia sacra tibi. Si digna litamus,
Exorata veni pariterque haustura recumbe !
Celsa licet caleant centeno thure Cithera,
Ydalium modulos nectat nemus, ardua Cypri
In flores crescant varios : incensa Cithera,
Ydalias volucres, Cypri thima Pergama vincent.
Hiis meritis, hiis, si qua tamen, veneranda
Dyone, Adde fidem visis, sponsi memor adde favorem,
Solatam solare domum ! Non improbus oro,
Ut tuus Inachias iudex predetur alumpnas ;
Hesione contentus eat. Tritonia certe
Non neget hosque velit melior Saturnia raptus.
Olim Asie - sed quid vulgata ac flenda revolvo ?-
Claruit imperium, formidandusque Pelasgis
Frix erat; inversa est vetus alea. Respice, diva,
Eneadas miserare tuos` ! Sic fatus in ignes
Ybleas inclinat opes, ieiunaque spirans
Nidor odorifero solatur sidera fumo.

Vaticinium Heleni

Iam votis sacrisque modus, iam fessa reclinat
Flamma pices, alios Helenus prorumpit in estus
Bachantemque deum flagranti pectore nactus
Vocales tripodum Furias angustat in usus
Orsus ita :,Heu Frigii, gens non premensa futurum !
Quo noster spoliator abit ? Quenam illa carina,
Que Troiam mersura redit, iam litora tangit?
Ite duces contra` ! Sic interrupta profatus
Plus dubios urit, pleno tamen arguit ore
Deiphebum, cui summa fides et sola medendi
Copia, iussa sequi Veneris, raptum ire Lacenas,
Auctores sperare deos. Quenam ista nefanda
Spes?`, inquit. Superumne fides celique potestas
Incestum dispenset iter, predantibus assit ?
Macte Paris, sceleris alios molire ministros
Et sompnum tibi finge novum ! Non fallere norunt,
Qui falli queunt`. Orantem haut sustinet ultra
Troilus, utque animo preceps bellique sititor
Et gladii consultor erat, Timidissime fratrum,
Vade' ait o tenebris antri dampnate loquacis,
Vade, inquam, et quociens visum tibi fallere plebem,
Finge deum! Nobis alius iam constat Apollo.
Ibit Alexander. Non, si Cumana senectus
Aut aries Libicus aut Chaonis obstrepat ales,
Iussum flectet iter. Ibit miseramque reducet,
Quod nolles, tamen Hesionen`. Conclamat herilem
Preceps ad nutum plebes; excire tumultus,
Quos nequeat sopire, potens nec mensa futurum
Audet, cum presens metuat nichil. Omnibus arma,
Arma animis mentique frequens illabitur Argo
Laomedonque iacens et inulte dedecus urbis,
Conclamantque iterum :,Quonam usque, o libera pubes
Dardanio cognata Iovi, patiemur inultum
Tot iugulos rubuisse senum, tot colla parentum
Argea nutasse manu? Non impia sanxit
Atropos hoc etiam nostris incumbere fatis,
Ultorem non posse dari. Si numinis iram
Troia merens sensit, penas quoque iudìce Phebo
Dira Micenee debent convivia mense. Ite, duces,
Venus hec, hec certior augur Apollo
Bella iubet fratrumque exhausta funditus urbe
Poscit inoffensos Frigio ductore meatus.
Unde metus, metus unde, viri? Concessit in ignes
Indutus Nessum Tirynthius, ecce timoris
Causa prior cessit. Spirat par Herculis Hector,
Ecce animos gens nostra dabit. Si prima Pelasgis
Laurea, fas Frigibus palmam sperare secundam
Et nostros rediisse deos. Vos, inclita saltem
Pignora, cesorum iugulos lugete parentum !
Vos, quibus uberior lacrimas iniuria nectit,
Vos pietas armata vocat'.



Benoît de Sainte-Maure - Le Roman de Troie en prose

48. COME LE REI PARLA A HECTOR.

Adonc parla le rei a Hector son aine fil et li dist : « Beauz fis, tu es li chiés de mes heirs, si seras princes et sires de ceste euvre, quar tu es bien dignes ». Après apela tous ses fis et lor fist moût beau semblant, quar biauz et prouz et hardis les veoit, et lor dist : « Vous serés de trestous sires et meistres après vostre frère Hector. Mais gardés que vos soiestes comme il afiert, quar celui que je troverai preuz et hardi, celi sera mes amis et mes fis, et paristra l'atendance que je ai faite et quele espérance je puis avoir en ma noreture. Je vos poroie assés dire et sermoner, mais se il alast a ma volenté, chascun de vos seroit tel que par li tout soûl acheveroit la besoigne. Mes tant en vous ne demoure de bien faire quar bien conoissés que il vos covient estre prous, quant vos estes tous princes et meistres de si grant et de si noble gent et de si grant euvre. Or en facent les dieus mon plaisir ! »

49. Come Hector respondi a son père le roi.

Hector, qui moût fu sages, respondi et dist : « Sire, vos volentés acomplirai je tous jors volentiers a mon pooir, et de ce me troverés prest, que droit et raison me samble. Et sachiez que je ne désir rienz tant come de vengier nos de celle gent que si poi nos prisent. Car trop seroit laide chose se de si grant [tort] ne fust venjance prise. Et je endroit de moi ne desirre tant nule rien comme d'estre a celle espreuve ; mes moût nos covient contregarder la chose en tel sens que elle puisse penre bone fin. Car ja soit le commencement la plus grant partie de la chose, a la fin apent quant que l'en fait. Et celi commencement doit estre moût leit, dont la fin est mavaise. Et por ce mieaux vaut aleissier que enprendre chose qui a mal peùst venir. Nos avons afaire, ce m'est avis, a moût fort gent et de grant seignourie, et bien savons qu'en tout le mont n'a gent miaux aprise de guerre. Car de toute Europe, qui est la tierce partie de la terre, ou sont les plus vaillans as armes, ne perdront il home, quar il sont dur de guerre sus tous les autres. Et de ciaux d'Aise, ou il a tant de vaillans chevaliers qui ne servent d'autre labor que des armes, avront il la plus grant partie. Mais ne gardés pas a chose que je aie dite, ne ne quidiés que je le die par coardie ne por paour ; meis je ne voi mie coment nos soions bien apareillié d'une tel besoigne envaïr. Tous soi je desirrant de nos honors acroistre ». Sur ce fu respondu en plesours sens, mais ne fait tout a retraire, car ennui seroit de l'escouter.

50. Si com Paris parla de son songe.

Mais oiez ce que Paris respondi. « Seignours, dist Paris, tout ce que l'en dist entor ceste chose n'est rien, quar nos somes si riche gent et si garnis de chevaliers et de richeces que por noient douteroit l'en rien. Mes de tout le conseil ce soit la some que nos porchaçons de requerre nostre venjance sus les Grisois, quar il ne nous en peut maux avenir. Et je croi bien que les dieus veulent nostre honour, et dirai vos coment. Il avint chose que je chaçoie l'autre jour un cerf, si avoie perdu tous mes compaignons et mes chiens, et m'en vins sur une fontaine, si m'endormis ilecques. Adonc me fu avis que je vi Mercurion, et ill amena pardevant moi trois déesses, Jovis, Venus, Minerve, et me dist : « Paris, je t'amaine ces trois déesses por un jugement ; quar une pome d'or leur fu donee escrite en grizois toute entor, qui disoit que la pome seroit a la plus belle : dont il a entre elles grant discort, que chascune dit que por beauté l'a gaaignie. Dont je lor ai loé, et elles s'i acordent, que eîles s'en tendront a ce que tu en diras ». Maintenant vint chascune devant moi priveement et maintenant m'offrirent a faire quant que seùsse demander. Venus me prist et promist que se je li donoie la pome por la plus bêle, qu'ele me donroit la plus bêle et la plus noble feme de Grèce. Et je fis son plaisir : por quoi je croi bien que se je i vois en Grèce, que je leur forferai bien et vengerai nostre honte ».

51. Come il s'acorderent au dit Paris.

Sus ces parolles respondi Deïphebus et dit que bon li sambloit a faire et que ce estoit bon conseil ce que Paris disoit, et que les nés fussent apareillies, quar ce estoit chose qui ne se voloit de rien delaier, et que se tous les autres s'en soufrissent, que il tout seul estoit celui que la chose ne laisseroit mie atant, se il fust tout certain que il deùst hontousement morir, et que trop li sembloit grant merveille quant en si fait tort vengier il en venoit discordement, et que li sambloit que il amast poi la corone de Troies et la soue, qui de si faite euvre se retraist arriéres.

52. Si com Hèlenus parla.

Après parla Helenus, uns des fis dou rei Priant, qui grans chevaliers estoit : « Seignors, fait il, je sai bien que onques n'oïstes chose de moi que vous ne trovessiés a voire. Et je vos di certainement que se Paris amoine feme de Grèce, que Troie en sera destruite, et vos et vostre lignage mort a grant dolour. Et de ce me fai je moût bon maistre, quar j'en sui certain par vrai esperiment, et que en autre guise ne peut estre ne demorer la fin de la chose ».

53. Come il furent tout mu.

Quant Helenus ot ensi parlé, trestuit furent mu et taisant, ne n'i ot si hardi qui osast mot soner, quar chascuns estoit moût pensis. Adonc sailli en pies Troylus, uns des fis le rei Priant, et dit : « Avoi, franc chevaliers, dont vint ce que je vos voi si pensis ?Estes vos esmaiez por la parolle d'un prevoire qui dist ses mençoignes ? Ou est cil qui sache qu'est a avenir ? Nous veons que il tremble ja de paour : ce li fait dire coardie. Et nos ne nous devons pas merveillier, quar ce est manière de prevoire d'estre tous jors en doutes des choses qui aportent péril et honor. Voi s'ent donc orer en son mostier et faire sacrefice, quar a lui apartient, et pense d'aisier son cors ; quar nos vies ne s'apartienent pas a la lor, car nos devons tous jors aquerre travail por nostre henour acroistre. Et qui laira por ses parolles a vengier si grant honte, si doit estre départis de toutes honors que a chevalerie apartient ».

54. Comme il s'acorderent a Troylus.

A ceste parolle commença moût grant noise en la cort, quar trestuit s'acorderent a la parole Troiolus, dont le rei Priant ot moût grant joie. Mais a tout ce ne se tient il mie, ançois envoia par tous les pais querre les grans barons, quoment il fussent loing, et lor mostra de recief la chose, si corne li Grizois avoient fait et por noient son pais destruit et son lignage mort, et l'orguillouse response qu'il firent quant il envoia querre sa serour, et que ses fis et ses amis li loent la venjance penre. Et il s'acorderent bien; mais sans leur conseil ne voloit riens commencier, por quoi il prioit chascun que son plaisir en deïst.

55. Si com Pantus parla.

Adonc se leva en pies un vassal moût sage qui Pantus estoit només, et commença sa raison en tel manière : « Il m'est avis que celi trespasse sa foi et n'aint mie loiaument son seignor qui mavais conseil li done et qui ne s'esforce de lui défendre d'encombrier a son pooir, quant il en vient en leu et en tens. Mon père vesqui cent et quarante ans et onques ne dist chose qui n'avenist. Et je li ai oï dire que por une feme que un des fis le roi de Troie devoit amener de Grèce, que Troie en seroit destruite: por coi je vos di que mieux nos en vient ores a soufrir que commencier chose dont la fin poroit estre perillouse. Car li domages que l'en soufre par sa coupe est plus perillous et de plus grant honte que celui qui vient par l'outrage et par la coulpe d'autrui ».

56. Si come tout le peuple contredit la parolle Pantus.

Tout le peuple contredist l'autorité Pantus, et n'orent cure de ces argumens: de quoi le rei fu moût liez et les en mercia trestous. Puis pensa de sa besoigne haster d'apareillier les nés. Hector meïsme tramist il en maint pais por chevaliers et gens amasser, dont il amena assés de ceauz qui jamais ne tornerent en lor pais.

57. Com Cassandra la fille dou roi parla.

Or est il voirs que le rei Priant, si comme dit avons, avoit une seue fille, Cassandra avoit non, qui moût estoit sage en deviner les choses qui avenir dévoient. Quant elle entendi que Paris son frère devoit aler en Grèce, lors mostra et dist tout en plorant que Troie et tout le païs en seroit destruit et la gent toute morte et detrencie, et encontre ce ne pooit aler nus lions vivans.

58. De ce meïsme.

Seignors, come fiere destinée il orent et coment Fortune lor fu contraire de tout son pooir, que de tant comme il furent garniz devant lor mescheance ne valut riens ! Que se Helenus ou Pantus ou Cassandra en fussent estés creûz, par aventure encores n'eùst Troies nul mal, meis encores avient il ensi por le pechié qui engigne et encombre humaine lignie; quar plesours fois ne croit l'en a bon conseil, ains ensuit l'en avant son corage encontre vraie conscience: dont li pleseurs se trovent a la fin conchïé et engignié a péril d'ame et de cors.

59. Coment li roi semont Paris et les autres qui vont en Grèce.

Quant il vint au novel tens, Paris, Deïphebus, Eneas et Polidamas et les autres barons et chevaliers qui dévoient aler en Grèce furent apareillié. Le roi Priant lor pria et parla et dist : « Beauz seignors, moût me fie en vostre grant sens et en vostre prouesse, et bien savés le grant droit que nous avons et le grant tort de nos henemis; et croi que chascuns ait bone volenté de l'amender et de la venjance prendre. Non mie por tant sus toutes choses vos pri que vous porchaçois dou tout coment je puisse avoir ma suer Exiona. Et se cen ne puet estre, faites lor domage en ce que vos pores. Et je me fi tant en la valor et au sens et en la grant prouesse de vos, Eneas, Polidamas, que je ne vos ferai mie lon sermon, meis metés vos en la voie : que les dieus vos en donent le henour ! »

60. Si come il se mistrent en mer.

En mer se mistrent li Troïen et s'en alerent en Grèce.


Guido delle Colonne - Historia destructionis Troiae

[Incipit liber sextus de consilio facto per Paridem apud Greciam profecturum.]

Postquam uero rex Priamus per legationem Anthenoris factus est certus de Grecorum odio quod Greci tot continuatis temporibus aduersus eum et suos adhuc feruoribus uiuacibus confouebant, et quod ad restitutionem sororis sue Exione Grecorum animos non potuit demulcere, in suorum propositorum exordiis magis totus ardenter incaluit, et ad mittendum in Greciam gentem suam, multo nauigio conquisito, in offensionem Grecorum uiuacibus curis totaliter anhelauit. Set dic, rex Priame, quis fatorum casus infelix ad tante infelicitatis audaciam tue quietis animum instigauit ut frenare proprios animi motus tui, licet non sint in hominis potestate, per matura consilia minime potuisses, ut, dum licebat, abstraheres ab iniquis consiliis pedem tuum, et dum licebat, sciuisses tuas preteritas dissimulare iacturas, que per tot annorum curricula forte poterant obliuione deleri ? Sane non aduertisti quod uulgariter dici solet et quod plerisque hominibus dicitur accidisse, qui dum sua contendunt uindicare dedecora, excrescentibus malis, maioris dedecoris inuoluuntur augmento ? Tutius ergo fuit ei quod uulgariter dicitur similiter adherere : « Qui bene stat, non festinet ad motum » ; nam qui sedet in plano, non habet unde cadat. Voluisti enim te submittere fatis ambiguis ut de infelici casu tuo et finali tuorum excidio, de tante urbis ruinosa iterata iactura, dares futuris gentibus longam materiam - uelut delectabiles fabulas - recensendi, cum de sinistris successibus aliorum libenter hominum mulceantur auditus. Set quid postea tibi et tuis inde successit presens narrationis ystorie series manifestat.

Rex igitur Priamus, conuocatis omnibus Troye maioribus et in regio Ylion eis coactis in unum, sic alloquutus est illos : « Ecce prout consilio uestro processit Anthenor, missus in Greciam pro a Grecis mea recuperanda sorore ut odium quod gerimus apud eos pro bellorum scandalis euitandis sedari posset in posterum, rediit, -sicut scitis, et qualia obtinuit ab ipsis sinistra et obprobriosa responsa notum est uobis, non considerantibus eis dampna tam grauia que nobis intulerunt et tam graues iniurias non uerentur. Et O utinam penitentia ducti saltem uerbo cognoscerent quod male gesserunt ! Sed in maioris elationis superbiam eleuati nobis grauiora minantur. Absit ergo quod sinistrante fortuna nobis acciderent que minantur. Absit etiam ut de tot sine causa grauiter commissis ab eis penam debitam non exoluant per nos eis diis fauentibus infligendam. Credimus enim eis esse in uiribus potentiores, munitam et tutam ciuitatem habere ab omnium hostium insidiis profecto securam, etiam si maior pars hominum nobis constitueretur aduersa. Multa enim et nos multorum strenuitate uigemus militum et peditum, pugnandi duritiis expertorum, piena quidem uictualium copia et indeficientium in omnibus futuris necessitatibus habundamus, diuitiis exhuberamus eximiis, et nichil nobis ad offendendi molestias ingerendas nec ad defendendi subsidia deesse uidemus. Gratum michi ergo uidetur, si uobis uidetur acceptum, ut aduersus Grecos ipsos, tam impios hostes nostros, exerceamus saltem in aliquo uires nostras, vt saltem in istis aggressionis initiis in terras et partes eorum gentem nostram bellicosis insultibus transmittamus, que in terras eorum et homines eorundem, insidiarum nostrarum ignaros, repente irruat, maxima eis dampna et detrimenta depopulatiua illaturis priusquam ad eorum defensiones arma excogitata ualeant eleuare. Est enim hic casus ut quilibet nostrum personas et res proprias debeat fortune committere ad instaurationem dampnorum nostrorum et ad nostre grauis iniurie ultionem. Nec nos terreat si Greci ipsi aduersus nos et predecessores nostros obtinuere uictoriam. Nam non nouum est ut uictor a uictis multociens superetur ».

Verbis igitur regis et monitis omnes astantes unanimiter annuentes deuoto corde se offerunt in omnibus eorum facultatibus et personis. Propter quod rex Priamus ad eorum oblationes, tam grato corde uulgatas in maioris appetitus audaciam et animositatis feruentiam suam aperuit uoluntatem. Sicque rex ipse, in oblationibus ipsis exillaratus inmodice, recedendi licentiam affectuosis uerbis tribuit unicuique, remanente rege in suo palatio cum omnibus filiis suis tam ueris quam naturalibus tunc existentibus cum eodem. Erat enim et tunc Hector presens cum eis qui iam a Panonie partibus redierat ad ipsius regis imperium patris sui. Quos omnes sic rex facto silentio est uerbis talibus alloquutus. Set antequam ad uerba ipsa prorumperet, lacrimis ora rigauit et inter medios singultus et lacrimas taliter sua uerba profudit : « Nunquid in memoria uestra non uoluitis auorum uestrorum necem et seruitutem Exione, que meretricio more tractatur uobis uiuentibus et in tanta potentia constitutis? Dignum ergo erit et iustum ut ad uindictam tanti pudoris debeatis assurgere et totis uiribus anhelare et si non in ultionem auorum uestrorum saltem in satisfactionem uoluntatis mee, qui tanta exinde uexor angustia et innumerabilibus doloribus incessanter, cum vos ab annis teneris educauerim et dolorum meorum debetis esse participes naturali et probabili ratione ». Et conuersus ad Hectorem dixit illi : « Et tu, karissime fili Hector, omnium fratrum tuorum primogenitus, qui et armorum excellentia et uirtutis strenuitate precedis ceteros fratres tuos, hos meos amplectere monitus et preceptorum meorum animosus executionem assumas. Sis ergo tu solus dux et princeps huius negocii et vniversi tui fratres tibi prorsus obediant et omnes alii regno nostro subiecti, qui in potentia tuarum uirium nosti domare superbos et in tue animositatis audacia cogis flectere ceruicosos. Ego enim ab hodie in antea de eo quod de presenti negocio sit futurum me totum ex(s)polio et tuis humeris fortioribus totum impono, quia in tua iuuenili duritia potens es bella committere et bellis strenuis preualere, quod me natura debilis posse non patitur, cum ad senium iam declinem ».

Et uerbis suis rege Priamo fine facto, Hector in uultu quasi pudoris et honestorum prolatione uerborum ad regis patris sui uerba respondit : « Karissime mi domine rex, nunquid est hominum inhumanum et humana dissidens a natura de illatis iniuriis passos non appetere ultionem ? Et si nos, qui tanta nobilitate uigemus quorum iniuria minima pudoris est magni (cum personarum qualitas iniuriarum qualitatem minuat et augmentet), si uindictam appetimus de iniuriis nobis illatis, non sumus degeneres hominum a natura, cum etiam animalia irrationabilia uideamus hoc uoto potiri. Nullus est ergo inter uestros filios, care pater, qui de nece nostrorum auorum magis teneatur uindictam appetere sicut ego, qui sum primus in eorum ordine geniture et ideo primus esse debeo in vlciscendi feruore. Pre ceteris ergo cum omni auiditate desidero uindictam eorum appetere, ut etiam in cruore meo mea dextera cruentatos interimat qui .crudeliter meorum auorum et ciuium effudere cruorem. Vnum tamen, rex discrete, ad uestram reduci peto memoriam ut huius aggressionis nostre tamquam prudens et sagax, consideretis non solum inchoandi principia uerum eciam sequentia media et exitum qui succedit in fine. Non est enim discretionis laudande consilium singullari scrutatione non rimari, negociorum initia tantum appetere nec aduertere finem ipsorum. Quid enim prodest alicui bene forte in principiis agere que demum terminari contingunt fine sinistro ? Laudabilius ergo est ab illis iniciis abstinere que euentus dubios in se habent et que magis ad infelicia quam felicia se declinant. Illud enim felix potest dici principium cuius exitus felix fuit. Hec enim uerba, discrete rex, hic ideo in dicendi audacia iam prorupi vt ultionis auiditas non eripiat inconsulte spiritum voti uestri in eo cuius finis est dubius an succedat prospere uel aduerse. Nostis enim, pater karissime, totam Africani et Europam hodie Grecis esse subiectam, quanta Greci multitudine militum sint suffulti, quanta sint strenuitate pugnaces, quantis sint pieni diuiciis, et quante potestatis uigeant di[c]tione. Non est equalis hodie potentia Asye potentatui tot virorum, cum, etsi in Asia multi uigeant homines, non tamen sunt impugnandi exercicio nimium bellicosi. Certum ergo magis apud nos potest esse quam dubium, si arma contra potentiores nobis in discusso consilio ingeramus, vix aut nunquam nos posse finem attingere peroptatum. Statum ergo nostrum, qui hodie tanta quiete molitur, tanta felicitate refulget, ad quid uexationibus grauibus appetimus perturbare et de iocunditatis requie uenire ad victimas nostrarum miserabiliter personarum? Sane non est Exiona tam caro precio redimenda pro qua forte (quod absit !) de melioribus nobis et forte de omnibus est comutatio facienda. Conniuentibus igitur occulis non est incongruum Exione dissimulare fortunam, que iam tot annis suis est aptata dispendiis et quam mors in breui potest ab aura uiuaci diuellere, ut nobis omnibus sit parata causa quietis. Nec uestra, care pater, credat oppinio me ista bellorum timore aut cordis pusillanimitate proferre sed dubito fortune sinistros euentus et ne tui sceptri dignitas sub insidiosis casibus fortune uacillet. A quibus, dum licet, liceat abstinere, nam licita est et salubris dissuasionis ratio inicia dissuadere que placeant, antequam, infelicibus mediis subsequtis, eorum exitus dampnis et doloribus continuari cogantur ».

Tacuit ergo post hec uerba discretus et strenuus Hector. Sed Paris, qui uerba Hectoris diligenter audiuit, statim se errigens stans hec uerba profudit : « Audi, rex, karissime pater, de fine prospero prosequendo quis nostrum potest probabiliter formidare, si contra hostes nostros arma bellicosa ingeramus ? Nonne sumus tot strenui, -tot potentes, tot diuites, et in tam forti ciuitate locati? Quis probabiliter oppinari potest nos sic feliciter et secure compositos in nostris laribus posse confundi ? Fiat igitur audacter, karissime domine, quod per vos dictum est, ut mittantur scilicet nauigia depopulatura Greciam, que gentem nostram enormibus afflixit iniuriis et dampnis irrecuperabilibus est predata. Me etiam, si placet, karissime pater, iubeas cum illis proficisci nauigiis, quia pro certo. sum certus deos uelle grauiter me Greciam posse confundere et grauiter depredari necnon, et de optimatibus Grecie mulierem nobiliorem eripere et in Troyanum regnum a me captam posse transferre, que pro redemptione uestre sororis Exione de facili poterit commutari. Quod si a uobis querendum est qualiter istud sciam, dabo de hoc uestre conscientie certum signum quod a diis ipsis pro certo recepi. Nondum enim sunt multi dies elapsi, dum agerem in Minori India iusso uestro, celebrante sole sol(s)ticium estuale, dum sol sub principio Cancri ageret cursum suum, quodam die Veneris, venationis causa, placuit michi adire nemora in multorum collegio venatorum. Que dum diluculo fuissem ingressus, multis laboribus eis hinc inde venatorie perquisitis, nichil inuenire potui michi gratum ad predam. Sole iam constituente meridiem et quasi circa uesperarum confinia declinante, demum, ingerente fortuna, quidam ceruus apparuit in ipsorum locis nemorum solitariis uagabundus, quem cursu meo appetens peruenire putaui. Propter quod deserui socios, qui me sequi non poterant in celeritate currendi, et elongatus ab eis in ipsius nemoris solitudine quod Ida vocatur perueni solus tenebrosas ad umbras, in quibus ab aspectibus meis ille ceruus euanuit, forte ob frondosas ipsius nemoris arboree uel ob multam celerem fugam eius. Lassatus ergo ego necnon etiam equus meus, ab ipso persequendo amplius destiti, cum equs meus totus esset madidus pre sudore et uelud ymbres aquosos effundens diffundebat cumulando subitas guttas guttis. Quid ultra ? Descendi fessus ab equo et ipsum in ramo cuiusdam arboris michi propinque cum habenis freni sui studui colligare ; deinde straui me solo, quod adhuc multo uirebat in gramine (arborum umbraculis eius prohibentibus siccitatem), et depositis arcu et pharetra quam gestabam, fictitium michi ex eis constitui iacenti puluinar. Nec mora, me lentus sopor inuasit, tanta me rapida preoccupans grauitate quod uisum fuit michi nullo preterito tempore dormiuisse. Soporatus igitur tam grauiter vidi in ipso sompno meo mirabilem uisionem - quod deus, scilicet Mercurius, tres deas in suo comitatu ducebat, Venerem uidelicet, Palladem, et Iunonem. Qui ad me statim accedens, predictis deabus parum a se distantibus, michi dixit : « Audi, Paris, ecce adduxi has tres deas ad te propterea quod inter eas quoddam nunc litigium est exortum, de quo disposuere se committere arbitrio tuo soli, vt lis ipsa inter eas tuo iudicio dirimatur. Vescentibus enim eis in quodam solempni conuiuio, quoddam pomum mirabile et formose cellature, de materia preciosa, iniectum extitit inter eas, in quo Grecis litteris continetur inscriptum ut pulcriori detur ex eis. Cum igitur quelibet earum precedere aliam de forma contendat et exinde putet ipsius pomi premium promereri, tuo de hoc iudicio se submittunt et quelibet earum tibi per me promittit premium pro tui remuneratione arbitrii ab ea infallibiliter consequendum quam in pulchritudine et pomi questu putaueris anteponi. Si Iunonem enim preferre decreueris, inter alios mundi magnificos illa constituet te maiorem; si uero Palladem, omnem ab ea humanam scientiam pro premio consequeris; quod si Venerem, pulchriorem se et de Grecia nobiliorem feminam ab ea in tuum premium reportabis ». Ego autem, talibus a Mercurio auditis promissis et donis, sic sibi respondi quod uerum de hoc iudicium non darem nisi se omnes nudas meo conspectui presentarent, vt per inspectionem meam singulas earum corporis pro uero iudicio ualeam contemplari. Et statim Mercurius dixit michi : « Fiat ut dicis ». Depositis ergo uestibus predictarum trium dearum, sigillatim qualibet earum nuda meo conspectui presentata, visum fuit michi prosequendo iudicium ueritatis quod Venus sua forma patenter predictas duas alias excederet, et ideo decreui eam dominam esse pomi. Venus autem ex predicta pomi victoria facta congaudens submissa uoce michi promissum a Mercurio infallibiliter confirmauit. Et recedentibus illis a me statim sompno et sompnio sum solutus. Putas ergo, care pater, deorum promissa frustratoria posse censeri ? Sane certus penitus esse puto quod, si me in Greciam miseris, indubitanter mecum deferam mulierem iuxta promissa diuina. Mitte me ergo, pie pater, quia mei missio pro certo vestrum animum iocunditate replebit ». Et hiis dictis Paris suis sermonibus finem fecit.

Finita igitur ipsius Paridis responsione predicta, surrexit Deiphebus, tercius natus regis, et ad eius eloquium dato silentio, intencionis sue conceptum retinere non ualens in hec uerba resoluit : « Karissime rex, si in omni negocio quod est aliquis aggressurus uellet singula que possent esse futura particulari deliberatione rimari, nunquam esset aliquis qui alicuius rei oneri se subiceret animosus. Nam si semper agricole diligenti deliberatione pensarent quanta raptu uolucrum auferenda sunt semina, nunquam forte semina sulcis darent. Parentur ergo, pater carissime, nauigia in Greciam profectura, quoniam consilio Paridis non potest probabiliter contradici. Nam si contingat eum aliquam nobilem de Grecia educere mulierem, de facili poterit euenire quod eius commutatione recuperare possemus Exionam, ob quam totius nostri generis diffamata prosapia opprobrii squalore sordescit ».

Helenus uero, quartus filius regis in ordine geniture, postquam dictis suis Deyfebus finem fecit, a propria sessione consurgens animi sui motum aperuit in hec uerba : « Magnanime rex, pro deo uota. vestra ceca non eripiat auiditas ulciscendi. Scitis enim, diis fauentibus et eciam vobis ipsis, me instructum et totaliter eruditum in sciencia futurorum, quod ex preteritis vestra iam cognouit indus-tria nunquam ex ore meo aliqua uaticinia processisse que ipsam puram ueritatem non extiterint assecuta. Absit ergo ut Paris in Greciam se conferre presumat. Nam pro certo teneat vestra sci-entia quod, si Paris in Greciam se duxerit conferendum terram ali-quam inuasurum, hanc nobilem ciuitatem uestram funditus euerten-dam a Grecis, ciues uestros morti tradendos et nos omnes a vestris renibus descendentes. Abstineatis ergo ab hiis quorum finis est dolor et execucio mortis amare, ne proinde teipsum doleas trun-cum et Heccubam, carissimam consortem tuam, excidio traditam et omnes tuos gladio seuiente truncatos, cum hec omnia sint futura reuera si Paris Greciam cum exercitu presumat adire ». Et hiis dictis quasi dolens se in propria restituit sessione.

Ad hec igitur uerba Heleni sapientis uacillauit regis animus et titu-bacione repletus extitit non modicum stupefactus. Propter quod factum est inter astantes tacitum ex omni parti silencium nec erat aliquis inter eos qui presumeret in vocem sermonis erumpere. Tunc ille Troylus, ex regis filiis iunior postremo susceptus, ut uidit omnes pre multa turbacione silere, rupto silencio in hec uerba prorupit : « O viri nobiles et nimium animosi, ad quid turbamini circa plurima ad uocem vnius pusillanimis sacerdotis? Nonne est timere proprium sacerdotum bella, uitare aggressus, quos sola pusillanimitas facit amare delicias et in sola uescendi ciborum et potus saturitate tumescere? Quis enim sapiens pro certo tenere potest hominum consciencias ignorantes futura posse prescire deorum? Non hoc sapientis est credere, cum hoc ex sola procedat stulticie leuitate. Pergat igitur Helenus, si timore concutitur, in templum celebrare diuina et sinat alios qui labe uerecundie obducuntur de-bitas in armorum conflictu exposcere ultiones. Ad quid circa eius uerba tam vana tam friuola, rex inclite, perturbaris? iube nauigia soluere et exercitum ad iter accingere bellicosum, cum non sit ferendus de cetero tantus pudor nobis a Grecis illatus absque tallione vindicte ».

Et hiis dictis tacuit Troylus. Cuius animositatem et dictum astantes ceteri laudauerunt et omnes consilium eius probant, sic quod, mandante rege, consilio ipso soluto, predicti regis filii cum eodem rege paratas mensas appetunt discumhentes. Postquam uero rex Priamus, prandio celebrato, suo sedit in solio in suis propositis -estuans et in execucione ipsorum importune totus anhelans filios suos, Paridem et Deyfebum, uocauit ad se et expressim mandauit eisdem vt in Pannonie prouiuciam se conferant festinanter delaturos milites strennuos quos in Greciam cum nauigiis secum ferant. Et eodem die idem rex Priamus predictos Paridem et Deyfebum coegit ad iter, qui statim, a rege ipso obtenta licencia, recesserunt. Sequenti uero die idem rex Priamus vniuersos ciues ciuitatis Troye ad generale colloquium conuocauit et conuenientibus illis hiis est eos sermonibus allocutus. « O fideles et dilecti ciues, satis est notum vobis quantis fuerimus per Grecorum superbias iniuriis opprobriosis et dampnis innumerabilibus lacessiti nec vos latet passos iniuriam, cum etiam alienis fabula facti sumus. Nec mee sororis Exione permittit seruitus manifesta quiescere uota mea, cum in eius memoria dolore constringar, quem continuata recordia nullatenus abolere permittunt. Scitis enim me pro recuperatione ipsius in Greciam discretum Anthenorem destinasse, qui, cum non fuerit exauditus a Grecis, doloris mei materias duplicauit. Sed quia ferro curanda sunt uulnera que beneficia non senciunt medicine, proposui Paridem in armata manu et marino exercitu, multo completo milicie, in Greciam destinare vt hostes nostros potenter invadat, dampnis afficiat quibus potest, forte de eis aliquam nobilem mulierem hostiliter interceptam ad ciuitatem nostram adducat, per quam commutationem sororis mee diis fauentibus valeam promereri. Quod quia exequi non decreui absque uestri approbacione consilii, proposui hoc uestre propalare noticie, vt, si vobis uidetur esse salubre, perseueretur instancius in incepto. Licet enim hec omnia satis intime tangant me, tangunt communiter et vos omnes. Et quod omnes tangit, sapiente dicente, debet ab omnibus comprobari ».

Regis igitur eloquio fine facto, dum lata paterent vndecunque silencia, quidam miles de circumstantibus Pertheus nomine, filius quondam Euforbii, magni philosophi, in quem narrat Ouidius animam magni Pictagore fuisse transfusam, surgens in hec uerba prorupit : « O nobilissime rex, cum sim totus erga maiestatem vestram zelo fidelitatis accensus, que memorie vestre reducere non omitto maiestas vestra benigne recipiat, tamquam prolata ab in-tencione fideli. Nouit enim vestra serenitas me patrem Euforbium habuisse, qui plus quam centum octuaginta annos uitali potitus est aura, qui cum omnis philosophye fuerit imbutus scientiis, plenam prescientiam habuit futurorum. Hic multociens dixit michi et pro certo firmauit quod si filius vester Paris sit iturus in Greciam ut ex Argiuis more predonio ducat uxorem, quod hec uestra nobilis ciuitas magna Troya in cinerem sit reuersura per Grecos, vobis et omnibus vestris crudeliter et nequiter interfectis. Quare, sapientissime rex, non horreat vestra nobilitas acquiescere uerbis meis, cum non sit tutum uerba sapientum contempnere et in hiis precipue in quorum abstinencia dignitas vestra non leditur et in eorum perseuerancia potest inesse causa - quod absit ! - perpetue vestre ruine. Cur appetitis insidias apponere uestre quieti et tran-quillitatem vestram submittere casibus qui omnium periculorum genera in se habent ? Abstineatis ergo, si placet, ut dies vestros felices absque vexacionis molestia feliciter protrahatis, vt filius vester Paris Grecie terminos non attingat vel saltem alius quam ipse in Greciam dirigatur ».

Ad Perthei uerba talia proferentis rumor fit maximus inter astantes, cum et eius paterna uaticinia reprobent et Perthei suasiones uiolenter impugnent. Quibus O utinam annuissent, nam que. postea sequta sunt scandala futura forsitan non fuissent! Sed quia futura discrimina ineuitabilia fata constituunt, placuit communiter omnibus Paridem in Greciam cum nauali exercitu se conferre. Et sic, colloquio fine facto, vnusquisque recessit. Quod postquam peruenit ad Cassandre noticiam, regis filie, consilium fuisse pro certo firmatum Paridem debere in Greciam se conferre, velut infatuata, prorupit in maximos ullulatus et uocibus altis exclamans prosiliit in hec uerba : « Ha nobilissima Troye ciuitas, vnde tam dira et tam dura fata te detrahunt vt grauibus in breui sis subuertenda periculis et tuarum turrium alta cacumina dissoluantur et dentur precipitem in ruinam ? Ha infelix rex Priame, quod crimen diceris commisisse ut tui et tuorum mortem defleas hominum et perpetuas seruitutes ? Et tu, regina Heccuba, cuius sceleris es in-uoluta contagio ut omnes uideas partus tuos crudeli nece succumbere ? Cur non prohibes Paridem adire Greciam, qui tante pestis futurus est causa ? » Et suis clamoribus fine facto, surgens ad regem patrem se contulit et ymbribus lacrimarum flebiliter regem patrem amonuit ut desisteret ab inceptis, tanquam illa que in sue scientie celebribus documentis futura mala preuiderat et preuisa uocibus flebilibus diuulgabat. Sed fortune aduersitas, que iam dederat suo cursui uoluntarios instinctus et motus infelices, accelerabat ad exitus, processus exinde auidos ordinando. Sane si dissuasiones Hectoris, Cassandre monitus, suasiones Heleni, subiecciones Per-thei fuissent efficaciter exaudite, perpetuis duratura temporibus, O nobilis et sublimis Troya, uigeres. Sed inexorabilia fata malorum postquam infelicia prouentura decernunt, contraria et aduersa hominum mentibus representant et insinuant pro acceptis.

[Incipit liber vii (us) de Paride se conferente in Greciam et de raptu Helene.]

Tempus erat quod iam sol inter Iades et Pleiades perfecerat cursum suum, qui dum esset in signo Thauri, mensis ille Maius diuersis floribus planicies aruorum ornauerat et nouis virentes frondibus -arbores in fecunditate florum fructus proximos promittebant, cum. Paris et Deyfebus a Pannonie partibus redeuntes tria milia militum secum adduxerunt, qui in armorum exercitio multa strennuitate uigebant. Et paratis nauibus xxiiibus numero magnis et omni plenitudine necessariorum honustis, rex Priamus Anthenori et Henee, de quibus supra relatum est, necnon et Polidamas, ipsius Anthenoris filio, mandat et precipit ut cum Paride in Greciam cum ipso naual(i) exercitu se accingant. Quibus deuote annuentibus, idem rex Priamus, omnibus conuocatis in vnum qui deputati fuerunt per eum in predictum nauigium proficisci, sic allocutus est illos dicens : « Non est opus ammodo uobis super suscepto negocio multos replicare sermones, cum uobis plene sit cognita que urgens causa meum anxiat animum, quare in Greciam decreuerim uos conferre. Etsi illa ratio debuit esse potissima, illatarum scilicet iniu-riarum uobis et michi uindictam appetere, tamen preponderans causa magis est illa vt meam possim exinde recuperare sororem, que sub multo dedecore et anxiosa infelicitate uilescit. Ad quam obtinendam omni debetis animositate consurgere, cum pro ea recuperanda iuste uideamur arma mouere contra detentores ipsius. Scitis enim et uos iniuste Danaos nos offendisse et per iniustas offensas nos arma iuste capescere, cum ei sit secundum iusticiam ignoscendum qui prouocatus appetit se ulcisci. Moneo igitur ut quantumcunque potestis detis operam uirtuose in ipsa mea recuperanda sorore. Nam nunc est tempus acceptum vt per hostes uestros uestra probitas diuulgetur et strennuitas vestra patenter appareat, que uirtuose uiget in vobis. Me igitur scitote paratum, si casus se ingerat ad obtinenda diis fauentibus uota nostra, ad requisitionem vestram me in multo uobis ministrando subsidio prodigaliter processurum, vt vniuersus Danaos potentia nostra perterreat et grauia eorum dispendia in forti uirtutis nostre brachio deflere cogantur. Super huiusmodi igitur execucione negocii Paridem habebitis in principem et ductorem et Deyfebum secundum a Paride in consilio sapientum Anthenoris et Henee, qui vobiscum sunt in presenci negocio profecturi ».

Et finito colloquio vniuersus exercitus naues asscendit et Deyfebus in lacrimis a rege obtenta licencia naues intrant. Solutis itaque funibus, subductis anchoris, et uelis eleuatis, in altum naues ipse in nomine deorum Iouis et Veneris in altum pelagus se impingunt, et eis felici nauigacione potitis, ad sparsas Ciclades applicunt,insulas videlicet Romanie.


Istorietta troiana, passim

Quando gli 'nbasciadori di Troia furon tornati di Grecia, siddissero al re Priamo lo convenente dell'opera ; onde il re Priamo fece tutti li suoi baroni ragunare e ricordò loro l'onta e 'l danno ell' oltraggio che gli Greci aveano lor fatto, eccome aveano il paese guasto, la cittade arsa, gli uomini morti, elle loro belle parenti rapite. « E ora mi diniegano la mia suora, la quale in servaggio ànno, per le quali cose molto ne dovemo turbare ne' nostri cuori e prendere vigore e talento di vendetta. Essopra ciò ne richeggio il vostro consilglio ». Lo consilglio fue grande e molto si disse intorno di ciò. Uno barone consilgliò che il più valente di Troia andasse con grande forza di gente in Grecia, essi procacciasse di dommaggiare Grecia e di vendicare la ricievuta onta. « E perciò chelgli Greci sono fieri e oltraggiosi, quando averanno ricievuto dànno, si penseranno di ritornare in questo paese con grande isforzo per vendetta fare. Onde io lodo che uno valente barone vada per tutte le nostre contrade sommovendo gente per essere alla difesa di noi in modo che mattare possiamo l'orgolglio greco ». Onde tutti s'accordaro a questo consilglio e grande ragionamento v' ebbe a sciegliere quale fosse suficiente d'andare in Grecia. Alquanti s'accordaro che Ettor v'andasse per lo vigore che era illui. Altri il contradiavano però che elli era il maggiore, per lo dubbio d'esser preso. Casandra, la filgliuola del re, che molto sapeva d'arti, disse in presenza di tutti : « Vada in Grecia quale avvoi parrà chessoficiente sia, ma nel mio dire a postutto niego l'andata di Paris, perchè io so di vero che se Paris vi va e tolgl[i]e mogl[i]e di Grecia, ecconviene che questa cittade ne sia diserta ». Appresso il dire della donzella si levò uno antico troiano, che bene avea ciento quaranta anni e disse : «  Sengnori, il mio padre vivette bene treciento anni, e quando elgli venne ammorte, simmi disse: Filgliuolo, tu vedrai la cittade di Troia, la più bella, più forte e maggiore del mondo, e allora era assai piccolo, essì vedrai uno bello giovane chessarà filgliuolo derre Priamo e averà nome Paris, il quale se va in Grecia e prende moglie, di là tutta Troia ne sarà distrutta ». Poi disse Deifebus filgliuolo derre Priamo : « Padre essengnore mio, non pensare perch' io sia prete che io vengna meno a voi o all' aiuto della vostra cittade: e molto che io non sia cavallerosa persona, la buona volontade ci [è] pure e al bisongnio si vedrà. Però dico che Paris non vada in Grecia, con ciò sia cosa checcome detto è la città di Troia ne dee essere distrutta e vedrete disfare e ardere, rubare e uccidere vostra amistà. Non pertanto mentre che io mi potrò tenere in sella, già la mia vita non sarà risparmiata contro annullo dubbio ». Apresso disse Paris cosi : « Sengnori, nullo puote andare im Grecia, il quale possa l'andata meglio fornire di me, con ciò sia cosa che io ò l'aiuto di madonna Venus, la quale m' à promesso d'essere al mio aiuto ove il bisongnio fia, e cierto folle sarebbe chi quest'opera credesse meglio trarre abbuono fine di me, con ciò sia che io abbia così fatto aiuto. E io sarei simigliantemente molto da biasimare se per lo consilglio d'una femina o d'uno vecchio o di prete lasciassi così fatta inpresa, poi che i' ò la promessa da quella dea ; ma femina, né prete non disiderano battalglie. Dunque mandatemi in Grecia, che io so di vero che io avrò la prima cosa la quale io domanderò alla dea Venus. E peroe trovate chi sia quelli che vada sommovendo gente per menare al soccorso e difesa della cittade, che io mi vo ad apparecchiare e fornire per mar passare con quella compangnia che bisongnio fia ». E queste parole dette si partie del consilglio per fornire la 'npresa. Poi che Paris si fue partito, istettero gli baroni grande pezza sanza parole dire e apresso grande pezza parlò il re Priamo in questo modo : « Poi che Paris ae presa questa sicurtade, io non ci veggio altro consilglio se non che, poi che andar vuole, vada da parte di buona ventura, e non ci à più affare se non di pensare quale sia soficiente d'andare arrichiedere li nostri amici, che vengnano al nostro soccorso ». Per consentimento di tutti fu l'accordo che 'l valente Ettor andasse arrichiedere gli amici. Il quale richiese amici, parenti essuoi subbietti, essommosse re, duchi, conti, prenzi, marchesi, primati, baroni, castellani, visconti, ricchi cavalieri e valenti donzelli e aprovati sergienti per diverse contrade, tutti dotti di guerra belli e bene armati, e una parte ne menò seco ell'altra lasciò che venisse apresso lui, perciò chesse tutti insieme fosser venuti, no avrebbe(ro) potuto sostenerli il paese di vettualglia, che cierto fue giente sanza numero. Quando Paris ebbe le navi apparecchiate e le vele poste al vento, cominciaro annavicare verso Grecia com molta volontà e quando furono innalto mare si scontrarono innuna molto bella nave, nella quale era il re Menelaon, il quale andava per provedere sue castella.


Merci au professeur Francesco Chiappinelli, auteur de l'Impius Aeneas, de nous avoir fourni ces textes.
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