Première partie, chapitre 13 - Chilon Chilonidès

Pétrone finissait à peine de s'habiller dans l'unctorium, quand survint Vinicius qu'avait convoqué Téirésias.

Vinicius avait envoyé ses hommes sur toutes les routes conduisant en province et dans tous les postes de vigiles, avec le signalement explicite d'Ursus et de Lygie, esclaves fugitifs, et l'offre d'une récompense. Mais il était douteux que cette poursuite pût les atteindre, et, si elle les atteignait, il n'était point certain que les autorités rurales consentissent à les arrêter sur l'ordre privé de Vinicius, non apostillé par le préteur. Et l'on n'avait pas eu le temps de se procurer cette apostille. Vinicius, de son côté, avait cherché Lygie pendant toute la journée précédente, vêtu en esclave, et il n'était pas parvenu à trouver la moindre trace, l'indice le plus léger.

Il avait bien vu les gens d'Aulus ; mais eux aussi semblaient chercher quelque chose, et cela confirma sa supposition que les Aulus ne savaient point ce qu'était devenue Lygie.

Quand Téirésias lui avait déclaré qu'un homme se faisait fort de la retrouver, Vinicius avait couru, séance tenante, chez Pétrone, et dès les premières paroles l'avait questionné.

— II s'agit, dit Pétrone, de quelqu'un à utiliser pour les recherches. Dans un instant, Eunice, qui connaît le personnage, va venir plier ma toge : elle nous donnera de plus amples renseignements.

— Eunice, celle que tu voulais me donner hier ?

— Celle que tu as refusée, ce dont je te remercie, du reste, car c'est la meilleure vestiplice qui soit dans Rome.

En effet, la vestiplice entra presque aussitôt. Elle développa une toge et se mit en devoir de la disposer sur les épaules de Pétrone. Son visage était clair, ses yeux riants. Pétrone lui jeta un regard : elle lui parut fort belle. Quand la toge fut en place, Eunice la drapa, et, comme elle se baissait pour bien tirer les plis, il sut voir que ses bras avaient une merveilleuse carnation rose pâle, et sa gorge des transparences nacreuses.

— Eunice, dit-il, l'homme dont tu as parlé hier à Teirésias est-il là ?

— Il est là, seigneur.

— Et il se nomme ?

— Chilon Chlonidès, seigneur.

— Sa profession ?

— C'est un médecin, un sage et un diseur de bonne aventure, qui sait lire dans la destinée des hommes et prédire.

— Et à toi aussi, il a dit l'avenir ?

Eunice rougit jusqu'à la nuque.

— Oui, seigneur.

— Et que t'a-t-il prédit... ?

— Une souffrance et un bonheur.

— La souffrance t'est venue par la main de Teirésias; le bonheur est encore à venir...?

— Il est déjà venu, seigneur.

— Comment ?

Elle murmura :

— Je suis restée.

Pétrone posa la main sur la tête blonde d'Eunice.

— Tu as bien dessiné les plis et je suis content de toi.

Au contact de la main de Pétrone, les yeux d'Eunice se voilèrent, sa gorge ondula.

Pétrone et Vinicius passèrent dans l'atrium où attendait Chilon Chilonidès, qui leur fit un salut profond.

Jan Styka - Chilon - Édition Flammarion, 1901-1904

A la pensée de son hypothèse de la veille, que c'était peut-être l'amant d'Eunice, Pétrone eut un sourire. L'homme qui était debout devant eux ne pouvait être l'amant de qui que ce fût. Dans cet étrange personnage, il y avait quelque chose d'abject et de ridicule. Il n'était point vieux : dans sa barbe malpropre et dans sa chevelure crépue, paraissaient à peine, çà et là, quelques poils gris. Son ventre était cave, ses épaules voûtées, de sorte qu'au premier coup d'œil il semblait bossu ; sur l'éminence pesait une tête énorme, dont le masque au regard perçant tenait du singe et du renard. Des pustules tachetaient son cuir jaunâtre et se mamelonnaient sur un nez qu'avaient violacé les vins. Son costume sombre, tunique et manteau de poil de chèvre, décelait une misère véritable ou feinte. A sa vue, le Thersite d'Homère vint à l'esprit de Pétrone, et, répondant par un signe à son salut, il dit :

— Salut, divin Thersite. Comment vont les bosses que t'a faites le divin Ulysse, sous les murs de Troie, et lui-même que devient-il dans les Champs-Élysées ?

— Noble seigneur, répliqua Chilon Chilonidès, le plus sage d'entre les morts, Ulysse, envoie par mon canal à Pétrone, le plus sage parmi les vivants, un salut, et la prière de couvrir mes bosses d'un manteau neuf.

— Par la triple Hécate ! s'écria Pétrone, la réponse vaut un manteau...

Mais la conversation fut interrompue par Vinicius qui demanda directement :

— Sais-tu au juste de quoi tu veux te charger ?

— Quand deux familles, dans deux maisons splendides, ne parlent point d'autre chose, et quand la moitié de Rome le répète, il n'est point difficile de le savoir, répliqua Chilon. Dans la nuit d'avant-hier, on a enlevé une jeune fille du nom de Lygie, ou plutôt de « Callina », enfant adoptive d'Aulus Plautius. Tes esclaves, seigneur, la transportaient du palais de César dans ta maison. Je me fais fort de la découvrir en ville ou bien, si elle a quitté la ville, ce qui est peu probable, de t'indiquer, noble tribun, où elle a trouvé refuge.

— C'est bien, dit Vinicius, à qui avait plu la netteté de la réponse. Et quels moyens as-tu ?

Chilon sourit avec malice:

— Les moyens sont en ton pouvoir, seigneur, je ne possède que l'esprit.

Pétrone sourit également, car il était tout à fait satisfait de son hôte.

— Cet homme pourra la retrouver, se dit-il.

Cependant Vinicius avait froncé les sourcils :

— Misérable, si tu me trompes pour me soutirer de l'argent, je te ferai crever sous le bâton.

— Je suis un philosophe, seigneur, et le philosophe ne peut étre âpre au gain, surtout lorsque le gain est représenté par ce que tu viens de me faire entrevoir si magnanimement.

— Ainsi, tu es philosophe ? demanda Pétrone. Eunice disait : médecin et devin. D'où connais-tu Eunice ?

— Elle est venue me demander une consultation, car ma gloire était parvenue jusqu'à elle.

— Quelle consultation ?

— Une consultation en matière d'amour, seigneur. Elle voulait se guérir d'un amour non partagé.

— Et tu l'as guérie ?

— J'ai fait mieux, seigneur, je lui ai donné une amulette qui engendre l'amour réciproque. A Paphos, dans l'île de Cvpre, il est un temple, seigneur, où se trouve la ceinture de Vénus. Je lui ai donné deux fils de cette ceinture, dans une coquille d'amande.

— Et tu t'es fait payer largement ?

— Un amour réciproque ne saurait être assez payé. Quant à moi, il me manque deux doigts à la main droite, et je voudrais faire des économies pour acheter un scribe qui notât ma doctrine et la transmît aux générations futures.

— De quelle école es-tu, divin sage ?

— Je suis un cynique, seigneur, de par mon manteau en écumoire ; je suis un stoïcien, car je supporte patiemment ma misère, et un péripatéticien, à cause que, ne possédant point de litière, je déambule à pied de taverne en taverne, et qu'en route je fais profiter de mon enseignement ceux qui promettent de payer l'amphore.

— Et devant une amphore, tu te métamorphoses en rhéteur ?

— Héraclite a dit « Tout est fluide ! » Or, il est indéniable, seigneur, que le vin est fluide, lui aussi.

— Héraclite a aussi déclaré que le feu était une divinité, et c'est à cette divinité que ton nez allume des autels.

— Mais le divin Diogène d'Apollonie a enseigné que l'air était l'essence même des choses, que, plus l'air était chaud, plus étaient parfaits les êtres qu'il suscitait, et que l'air le plus chaud procréait les âmes des sages. Mais, comme en automne il commence à faire frais, le sage véritable doit réchauffer son âme dans le vin... Car tu ne peux nier, seigneur, qu'une cruche, même de piquette de Capoue ou de Télésie, que cette cruche, dis-je, soit. un véhicule de chaleur pour toute la charpente de notre périssable enveloppe.

Adriano Minardi - Édition Montgrédien, 1901

— Chilon Chilonidès, où est la patrie ?

— Sur le Pont-Euxin. Je viens de la Mésembrie.

— Tu es grand, Chilon !

— Et incompris ! ajouta l'autre, mélancolique.

Vinicius s'impatienta de nouveau. Il avait une lueur d'espoir, et il eût voulu que Chilon se mît immédiatement en campagne. Toute cette conversation lui semblait une perte de temps, et il se sentit furieux contre Pétrone.

— Qand commences-tu tes recherches ? dit-il en se tournant vers le Grec.

— Je les ai déjà commencées. seigneur. Et, tandis que je suis ici, en train de répondre à tes aimables questions, je continue mes recherches. Aie foi en moi, noble tribun, et sache que, si tu perdais le lacet de ta chaussure, je saurais retrouver ce lacet, ou tout au moins celui qui l'aurait ramassé dans la rue.

— On t'a déjà employé pour de semblables besognes ? demanda Pétrone.

Le Grec leva les veux :

— Aujourd'hui, la vertu et la sagesse sont si peu en honneur que même le philosophe se voit forcé de chercher d'autres moyens d'existence.

— Quels sont les tiens ?

— Savoir tout ce qui se passe, et offrir mes renseignements à ceux qui en ont besoin.

— Et on te paye ?

— Ah ! seigneur, il faut que j'achète un scribe. Sinon, ma sagesse mourra avec moi.

— Si tu n'as pu jusqu'ici trouver l'argent nécessaire pour un manteau en bon état, tes mérites doivent être sans lustre.

— Ma modestie native ne me permet point d'en faire étalage. Mais daigne songer, seigneur, que les bienfaiteurs, foule jadis, et pour qui couvrir d'or un homme de mérite était aussi agréable que d'avaler une huître de Puteola, sont un mythe aujourd'hui. Ce ne sont point mes mérites qui sont infimes, mais la gratitude des hommes. Quand s'évade un esclave de prix, qui donc le retrouve, sinon le fils de mon père ? Quand sur les murs apparaissent des inscriptions trop louangeuses pour la divine Poppée, qui donc indique les coupables ? Qui découvre chez les libraires des vers contre César ? Qui rapporte ce qui se dit dans les maisons des sénateurs et des chevaliers ? Et qui porte les lettres que l'on ne veut pas confier à un esclave, qui tend l'oreille aux propos des barbiers, qui recueille les confidences des taverniers et des mitrons, qui capte la confiance des esclaves, qui devine ce qui se passe dans une maison, de l'atrium au jardin ? Qui connaît toutes les rues, toutes les impasses, tous les culs-de-sac, toutes les cachettes ? Qui sait ce qui se dit dans les thermes, au cirque, dans les marchés, dans les écoles de lanistes, dans les baraques des marchands d'esclaves et même dans les arenaria ? ...

— Par tous les dieux ! assez, illustre sage, s'écria Pétrone, car nous allons être submergés par les flots de ton mérite, de ta vertu et de ta sagesse ! Assez ! nous voulions savoir,— nous savons qui tu es !

Vinicius était satisfait, car il se disait qu'un tel homme, comme un chien courant, une fois mis sur la piste, ne s'arrêterait point avant d'avoir trouvé le gîte.

— C'est bien, dit-il, as-tu besoin d'indications ?

— J'ai besoin d'armes.

— Quelles armes ? demanda Vinicius étonné.

Le Grec ouvrit la paume et fit de l'autre main le geste de compter dle l'argent.

— Les temps sont ainsi, seigneur, dit-il avec un soupir.

— Alors, tu seras l'âme qui prend d'assaut la forteresse au moyen de sacs d'or.

— Je ne suis qu'un pauvre philosophe, répondit l'autre humblement ; l'or, c'est vous qui le portez.

Vinicius lui lança une bourse ; il la saisit au vol, des trois doigts de sa main droite.

Puis il leva la tête et dit :

— Seigneur, j'en sais plus que tu ne supposes. Je ne suis point venu ici les mains vides. Je sais que la vierge n'a point été enlevée par les Aulus, car j'ai déjà causé avec leurs esclaves. Je sais qu'elle n'est pas au Palatin, où tous sont occupés de la petite Augusta, et je crois même me douter des raisons qui vous font me préférer aux vigiles et aux soldats. Je sais que sa fuite a été organisée par un serviteur venu du même pays qu'elle. Il n'a pu trouver assistance auprès des esclaves, car les esclaves tiennent ensemble, et ils ne l'auraient point aidé contre tes esclaves à toi. Il n'a pu trouver d'aide qu'auprès de ses coreligionnaires.

— Tu entends, Vinicius ! interrompit Pétrone. L'avais­je dit ?

— C'est un grand honneur pour moi, dit Chilon. La vierge, seigneur, continua-t-il, s'adressant à Vinicius, adore sûrement la même divinité que la plus vertueuse des Romaines, Pomponia. J'ai aussi entendu dire que l'on avait jugé Pomponia en raison de son culte pour des divinités étrangères, mais je n'ai pu apprendre par ses gens quel genre de divinité c'était, et comment se nommaient ses fidèles. Si je pouvais l'apprendre, je me rendrais auprès d'eux, je deviendrais le plus pieux des adeptes, et je gagnerais leur confiance. Mais toi, seigneur, toi qui, comme je le sais également, as passé une quinzaine de jours dans la maison du noble Aulus, pourrais-tu me donner là-dessus quelque éclaircissement ?

— Non..., dit Vinicius.

— Vous m'avez questionné longtemps sur toutes sortes de choses, nobles seigneurs. et j'ai répondu à vos questions. Permettez maintenant qu'a mon tour je vous en soumette quelques-unes. N'as-tu point, illustre tribun, remarqué quelque cérémonie ou quelque objet cultuel... une statuette, une offrande, des amulettes ? Ne les as-tu point vus dessiner des signes que Pomponia et la jeune étrangère pouvaient seules comprendre ?

— Des signes ?... Attends donc ! Oui ! Un jour, j'ai vu Lygie dessiner un poisson sur le sable.

— Un poisson ? Aah ! Oh ! Une fois seulement, ou plusieurs fois ?

— Une fois.

— Et tu es certain, seigneur, qu'elle a dessiné un... un poisson ? Oh !

— Oui ! dit Vinicius, devenu curieux. Tu devines ce que cela signifie ?

— Si je devine ! s'écria Chilon.

Et, faisant un salut, il ajouta:

— Que la Fortune vous comble toujours de ses faveurs, seigneurs illustrissimes.

— Fais-toi donner un manteau ! lui dit Pétrone.

Domenico Mastroianni - Le signe du christianisme - 1913

— Ulysse te présente ses remerciements pour Thersite, répondit le Grec.

Il salua une fois encore et sortit.

— Que penses-tu de cet honorable sage ? demanda Pétrone.

— Je pense qu'il retrouvera Lygie, s'écria Vinicius, joyeux ; mais je pense aussi que s'il existait quelque part un royaume des chenapans, il y pourrait régner.

— Incontestablement. Il faut que je fasse plus ample onnaissance avec ce stoïcien ; mais, en attendanl, je vais faire désinfecter l'atrium.

Chilon Chilonidès faisail danser dans sa main, sous les plis de son nouveau manteau, la bourse qu'il avait reçue de Vinicius, et en percevait avec délices le poids et l'agréable bruit. Il marchait lentement et se retournait, pour voir si personne ne l'épiait de la maison de Pétrone. Il dépassa le portique de Livie, et, arrivé au coin du Clivus Vibrius, il se dirigea vers Suburre.

— Il faut que j'aille chez Sporus, se disait-il, pour répandre quelques gouttes en l'honneur de la fortune. Enfin. j'ai trouvé ce que je cherchais depuis si longtemps. Il est jeune, impétueux, généreux comme les mines de Cypre et, pour cette bergeronnette lygienne, il donnerait la moitié de ses biens : Oui, c'est mon homme, l'homme que je cherchais depuis longtemps. Pourtant, il faut être circonspect avec lui, car, de sa façon de froncer les sourcils, je n'augure rien de bon. Ah ! les louveteaux commandent aujourd'hui à l'univers ! ... J'aurais moins peur de ce Pétrone. Dieux immortels, pourquoi les tripotages sont-ils plus profitables aujourd'hui que la vertu ? Ah ! elle a dessillé un poisson sur le sable ? Si je sais ce que cela veut dire, je veux être étranglé d'un morceau de cabrillon ! Mais je le saurai ! Au surplus, comme les poissons habitent dans l'eau, et que les recherches aquatiques sont plus malaisées que les recherches sur terre ferme, l'enquête le coûtera un supplément. Encore une bourse comme celle-ci, et je pourrai laisser là ma besace de mendiant et m'offrir un esclave... Eh mais, que dirais-tu, Chilon, si je te conseillais d'acheter non un esclave, mais une esclave ? Je te connais ! Je sais que tu ne renâclerais pas ! Si elle pouvait être aussi belle qu'Eunice, par exemple, tu rajeunirais auprès d'elle à vue d'œil, et même tu aurais en elle une source de profits honnêtes et exempts d'aléas. J'ai vendu à cette pauvre Eunice deux fils de mon vieux manteau... Elle est fort sotte ; mais si Pétrone me la donnait, je l'accepterais... Oui, oui, Chilon fils de Chilon... tu as perdu ton père et ta mère ! ... tu es éperdument orphelin : offre-toi du moins la consolation d'une esclave. Il est vrai qu'il faut qu'elle habite quelque part ; donc, Vinicius lui louera un logis, où toi-même trouveras refuge. Il faut qu'elle s'habille ; donc, Vinicius lui paiera des vêtements ; il faut qu'elle mange, Vinicius la nourrira. Ah ! que la vie est amère ! Où sont les temps où pour une obole on pouvait avoir de la graisse de porc aux fèves plein les deux mains, ou bien une tranche toute rouge de saucisse de chèvre, une tranche aussi longue que le bras d'un garçon de douze ans !... Mais me voilà arrivé chez ce voleur de Sporus ! La taverne est l'endroit où l'on se renseigne le plus aisément.

Il entra dans la taverne et se fit donner une cruche de vin « sombre ». Sur un regard incrédule du patron, il fourragea dans sa sacoche, en tira une pièce d'or et la posa sur la table :

— Sporus, dit-il, j'ai travaillé aujourd'hui avec Sénèque depuis l'aurore jusqu'à midi, et voici ce dont mon ami m'a gratifié comme viatique.

Les yeux ronds de Sporus s'arrondirent encore, et le vin se trouva incontinent devant Chilon. Celui-ci y mouilla le doigt, dessina un poisson sur la table et dit :

— Tu sais ce que cela signifie ?

— Un poisson ? La belle affaire ! Un poisson, — c'est un poisson !

— Et toi, un imbécile, bien que tu ajoutes assez d'eau à ton vin, pour qu'on y puisse trouver du poisson. Sache donc que c'est un symbole qui dans le langage des philosophes signifie : «Sourire de la Fortune ». Si tu avais deviné, peut-être aurais-tu fait fortune. Honore la philosophie, te dis-je, sinon, je changerai de taverne, comme me le conseille du reste depuis longtemps mon vieil ami Pétrone.

Jan Styka - Chilon - Édition Flammarion 1901-1904