Catalane teillant le lin
aquarelle de Guiraud, vers 1860
Musée Rigaud, Perpignan

Le département des Pyrénées Orientales se compose d'une partie catalane (l'ancienne province de Roussillon, et la Cerdagne française) et d'un territoire beaucoup plus petit de culture occitane : le Fenouillèdes, dont le costume est à rapprocher de celui du département de l'Aude.

I- Les costumes traditionnels catalans

Au début du XIXe siècle, avec l'avénement du Romantisme, un grand nombre de lithographies s'attachent à décrire les costumes et les types locaux, notamment ceux des «anciennes provinces» de la France.

En 1833, A. Bayot imprime chez le lithographe Vidal Collection des costumes Roussillonnais, qui révèle une image assez précise des façons dont s'habillaient les habitants du département, ce qui n'est pas le cas de certaines gravures des Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France du baron Taylor consacré au Roussillon. Un journaliste s'étonne et écrit en 1835 : «Nous regrettons pareillement que la vérité du costume n'ait pas été conservée dans les figures si habillement introduites pour animer la scène. Le vêtement des paysans choque les yeux des roussillonnais habitués à la vue du long bonnet catalan pour les hommes et du bonnet rond et de la capuche pour les femmes». Il faut donc regarder les gravures anciennes avec certaines précautions, notamment celles qui sont issues de productions hors département.

A cette époque le costume catalan désigne celui des «personnes du peuple ou de la campagne qui portent le costume national, c'est à dire le long bonnet rouge dont le bout flottant tombe sur les épaules, une veste et un pantalon de velours, une ceinture rouge et des espadrilles aux pieds». (Henry, 1823)

Famille roussillonnaise - aquarelle de Guiraud, vers 1860 -
Musée Rigaud, Perpignan

Les femmes, vers 1830, portent des peignes à la girafe sous leur coiffe. C'est ce qui donne plus de hauteur au bonnet de la coiffe. Cette mode est très bien représentée dans les gravures du chevalier Prosper de Basterot dans son ouvrage Voyage aux ermitages. On la trouve aussi dans d'autres régions de France à la même époque.

Basterot, La fontaine bleue (détail), Ermitage de Consolation
in Voyage aux ermitages (1829)

Couple de Roussillonnais
vers 1860-1870
photo JB Jacob
11 rue des Ecoles-Vieilles, Perpignan
coll. particulière

La caputxa

La capuche (caputxa) «qui descend jusqu'au milieu du dos et qui est noire ou blanche, ne tient à aucune partie du vêtement : c'est une pièce d'étoffe doublée sur sa longueur et cousue à l'un de ses bouts. On l'arrête sur la coiffe avec une épingle». Repliée carrément sur la tête lorsque la Catalane est embarrassée, la capuche est sinon portée repliée sur le bras (Hugo, 1833). La caputxa que l'on voit ici à droite est, à cause de sa forme pointue, typique de la Cerdagne : cette région est un plateau pyrénéen qui a maintenu une différence d'habillement avec la plaine du Roussillon, plus propice aux échanges et à la circulation des modes.

Caputxa de Cerdagne
Musée Casa Pairal, Perpignan

Les coiffes catalanes

Les femmes du Roussillon arborent la coiffe catalane : «un petit bonnet garni à la catalane d'une dentelle cousue à plat et descendant sur le front» (A.Tastu, 1842). El cofet, bonnet de coton léger permet de poser et d'ajuster le dessous de coiffe en taffetas noir dont les deux éléments sont el tupi (bonnet) et la plata (la passe). Noués à l'aide de coulisses et épinglés, ces éléments reçoivent et mettent en valeur la coiffe de dentelles composée elle aussi d'un bonnet et d'une passe, épinglés et amidonnés. Cet ajustement compliqué est porté en général le dimanche et pour sortir, alors que le cofet porté seul est avant tout une coiffe de travail.

Une dernière coiffure est le mouchoir carré, el mocador ajusté sur le front, retombant sur les épaules et agrafé sous le menton par une épingle. En soie noire il est alors qualifié de mocador de dol (mouchoir de deuil).

Légende des illustrations, de haut en bas et de gauche à droite

1 et 2 - Aquarelles de Louis Companyo, début XXe s. coll part.
3 - Primavera, terre cuite par G. Farraill (1837-1892) - Musée Rigaud, Perpignan
4 - Coiffe et mocador - La bénédiction des animaux à Elne, détail - M. Delaris, vers 1930 - CCI Perpignan
5 - Coiffe de deuil - Portrait de femme par E. Terrus (1857-1922) - Musée Terrus, Elne
6 - Catalane par Louis Delfau (1871-1937), coll. part.

L'abandon progressif du costume traditionnel catlan en Roussillon apparaît très tôt, notamment dans un poème d'Etienne Arago en 1841 (SASL, T.5). On remarque en effet des modifications notables dues à l'adaptation à la mode et dont le principal résultat est l'abandon de l'habit catalan masculin d'une manière rapide et progressive dès la premier tiers du XIXe siècle. D'un usage pratique, il a subsisté toutefois chez les pêcheurs, les bergers ainsi que les gitans sédentaires jusqu'au début du XXe siècle.

La cargolade, Louis Delfau (1871-1937),
Musée Casa Pairal, Perpignan (dépôt du Musée Rigaud)

Le costume féminin se standardise lui aussi après 1870, avec l'arrivée en masse des robes à corset, distribuées par les grands magasins de Perpignan. Seule la coiffe portée par les avias (grand mères) vêtues de noir et parées du tablier donnent aux passéistes du milieu du XXe siècle une image faussée de la richesse des costumes des Roussillonnaises et des Cerdanes un siècle plus tôt.

Tradition et modernité, cliché anonyme, vers 1900

II- Présentation générale

Costume masculin

Sur la chemise dont le col est fermé par un mouchoir coloré et noué devant, la plupart des hommes portaient une petite veste de velours sombre cintrée assortie au pantalon ou à la culotte où étaient cousus des boutons de cuivre doré.

Le Guide du Canigou
aquarelle de Guiraud
Musée Rigaud, Perpignan.

Berger catalan
cliché anonyme, ADPO.

Caractéristique, la ceinture (la faixa) est une bande d'étoffe rouge qui s'enroule autour de la taille en laissant pendre un bout sur le côté.

Les espadrilles (espardenyas ou vigatanas) fabriquées dans la région de Saint Laurent de Cerdans (Haut Vallespir) sont des sandales à semelle de corde, lacées le long de la cheville.

La tête est parée du bonnet de laine rouge feutrée et doublée de noir (la barretina) qui se portait long et en arrière sur les épaules dans la première moitié du XIXe siècle puis petit et replié sur l'avant jusqu'à nos jours. Le chapeau de feutre était aussi d'usage.

Costume féminin

La Roussillonnaise

Trois éléments distinguent véritablement le costume des catalanes :
1° - la coiffe (cofet, cofa) dont nous avons parlé plus haut
2° - les espadrilles (vigatanas) lacées. Elles étaient fabriquées localement dans le haut Vallespir, dans la région de Saint-Laurent de Cerdan et de Prats de Mollo. C'est une chaussure de travail et d'intérieur. Le bel habillement requiert des chaussures à la mode (escarpins), comme on le voit sur la plupart des gravures.
3° - les bijoux en or creux qui ont laissé au cours du XIXe siècle s'imposer la bijouterie en grenat. Les femmes âgées portaient le mouchoir de tête de forme pyramidale.


Costume roussillonnais v.1830
© Fonquernie

Gravure aquarellée - Loubon, 1842
coll. particulière

Pastel et fusain - Mathieu, 1834
coll. particulière

Le caraco noir bordé de dentelles tuyautées permettait d'ajuster à sa large encolure la pointe de dentelle ou de soie noire brodée de motifs floraux.

Le jupon piqué pour l'hiver est porté sous la jupe avec un large tablier sans bavette. Pour ne pas salir leur jupe, les paysannes font un noeud sur les reins des deux bords de la jupe remontés jusqu'à la ceinture : c'est un ajustement caractéristique. Ainsi, la paysanne qui figure ci-contre sur la pochade de Louis Bausil a-t-elle relevé sa jupe et l'a nouée par derrière sur les hanches. Pour se protéger du soleil, elle porte un fichu simple.

La capuche (el caputxo/la caputxa) est souvent réalisée en bayette, fin tissu de laine blanche, noire ou brune retombe sur les épaules ; sa découpe est arrondie.

Pochade Louis Bausil (1876-1945), v.1930
coll. particulière

La Cerdane

Lithographies de Bayot, in Collection des costumes roussillonnais (1833)

La coiffe des femmes de Cerdagne est constituée d'une résille de soie qui entoure la tête avec de petits rubans festonnés, tout en laissant libre le front, réseau qui descend au milieu du dos terminé par de petits boutons d'argent.

L'ensemble est agrémenté d'un fichu de mousseline noué sous le menton. Les boucles d'oreilles pendent sur les épaules et répondent aux broderies d'or et d'argent du fichu ou de la pointe de soie. Les femmes portent des bas de fine laine ou de soie qu'elles fabriquent elles-mêmes pendant le long hiver.

La capuche est terminée par une pointe tournée vers le haut et réalisée dans la découpe. Ce costume est réalisé dans des étoffes de laine épaisse à cause du froid, mais un aspect indéniablement hispanique transparaît dans le goût des enjolivements (boutons à pierreries, broderies d'or et de petits clinquants).

Jeune fille en caputxo
© Fonquernie

Des bijoux spécifiques

Les bijoux roussillonnais caractérisent également le costume féminin avec des productions de grande qualité en or creux (carbassettes et fileuses) ou bien à pierreries en argent et surtout en or et grenats, utilisant la technique du serti clos avec paillon. La croix traditionnelle qualifiée de croix Badine à cause du tremblement de sa partie basse dû à une charnière dissimulée. Cette bijouterie est encore très prisée et reste avec le port des vigatanas le dernier rempart d'une spécificité vestimentaire typiquement locale.

Coiffe catalane
© Fonquernie

Catalane avec la parure traditionnelle
© Michel Jauze

III - De la disparition au stéréotype

Le costume traditionnel voit son déclin commencer dès la fin de la première moitié du XIXe siècle. Les passéistes s'en inquiètent, cherchant à conserver l'authenticité d'un habillement sans cesse en évolution. Il semble aussi que l'intérêt soudain suscité par ces costumes ait fait perdre l'idée qu'ils étaient eux-mêmes issus du mélange entre la tradition et l'innovation.

De plus dès cette époque, le recueil des costumes roussillonnais de 1833 par Bayot tout comme les lithographies de Basterot figent ainsi très tôt les catalans dans des cadres de vie ou des expressions très précis (femmes à la fontaine, Catalan buvant à la régalade, ermite portant la capelleta...) Cela va imprimer un certain nombre de stéréotypes repris ensuite par les peintres régionaux puis par la carte postale.

Les cancans, lithographie de Bayot
in Collection des costumes roussillonnais (1833)

Alors que la coiffe et la barretina disparaissent après-guerre, ces deux emblèmes envahissent la publicité des productions locales. Le Catalan et la Catalane chantés par les poètes sont devenus mythiques, ayant complètement disparu du paysage, hormis lors des représentations des groupes folkloriques.

Publicité peinte, 2eme moitié XIXe s.
coll. particulière

Epinglette, années 1920
coll. particulière

© Laurent Fonquernie