Nouveaux bains

Plan de Pompéi Anciens bains Thermes Maison de Cornelius Rufus Visite Statue d'Holconius
Plan Thermes Visite

Les nouveaux bains, que l'on appelle aussi bains de Stabia, du nom de la rue où ils se trouvent, ont été découverts de 1853 à 1858. Dyer et la plupart des antiquaires croient ces bains plus anciens que ceux voisins du Forum. Cette supposition semble confirmée par une inscription que d'après la forme des caractères on croit pouvoir faire remonter à un siècle et demi avant la destruction de Pompéi ; elle n'aurait par conséquent nullement trait à des restaurations rendues nécessaires par le tremblement de terre de 63. Cette inscription, aujourd'hui au musée, est gravée sur une tablette de travertin trouvée le 15 mai 1857 dans une salle au nord des bains ; elle est ainsi conçue :



C. VVLIVS C. F. P. ANINIVS. C. F. II. V. I. D.
LACONICVM ET DESTRICTARIVM
FACIVND. ET PORTICVS ET PALAESTR.
REFICIVNDA LOCARVNT EX D. D. EX
EA PEQVNIA QVOD (sic) EOS E LEGE
IN LVDOS AVT IN MONVMENTO
CONSVMERE OPORTVIT FACIVN.
COERARVNT EIDEMQVE PROBARV.

«Caius Vulius, fils de Caius, Publius Aninius, fils de Caius, duumvirs chargés de rendre la justice, ont fait faire un laconicon (1) et un destrictarium (2), et refaire les portiques et la palestre de l'argent, que, d'après le décret des décurions, ils devaient dépenser en jeux ou pour un monument, et les décurions ont approuvé».

Circonscrits à l'est par la rue de Stabia, au sud par la rue des Holconius, à l'ouest par la rue du Lupanar, les nouveaux bains occupent la partie méridionale d'une île comprenant plusieurs maisons importantes et bornée au nord par la rue des Augustales. De nombreuses boutiques, sans communication avec les bains, ouvrent sur les rues des Holconius et du Lupanar ; elles furent dégagées en 1855 et l'une d'elles fut fouillée le 20 août en présence de l'archiduc Maximilien, qui, douze ans plus tard, devait payer si cher le triste honneur d'avoir porté pendant quelques mois la couronne du Mexique.

La principale entrée des bains a est dans la rue des Holconius, mais trois autres, b, c, v, existent sur la rue de Stabia, et trois autres encore d, e, f, sur la rue du Lupanar. La porte b, marquée sur la rue de Stabia du n° 42, fut la première partie découverte des nouveaux bains ; elle fut reconnue dès le 18 juillet 1853 ; elle est accompagnée de deux pieds-droits en stuc dont les chapiteaux sont ruinés et qui portent un entablement, sur la frise duquel on lit cette inscription grossièrement peinte en lettres rouges :

P. FVR. II. V. V. B. O. VF

«Je vous prie de faire duumvir P. Furius, homme honorable».

Les deux autres portes c et v sur la rue de Stabia sont sans ornements. Les portes e et f sur la rue du Lupanar sont à peu près semblables à la porte b ; la troisième d n'est pas décorée.

C'est par la grande porte de la rue des Holconius que nous entrerons dans les nouveaux bains ; après avoir franchi le large prothyrum ou vestibule g, où le 20 juillet 1855 furent découverts trois squelettes, une paire de boucles d'oreille en or et quelques autres objets, nous nous trouverons dans le vaste péristyle A qu'on appelle aussi et avec raison la palestre. Cette enceinte est de forme irrégulière, sa largeur à l'entrée étant de 28m 18 mesurée sur le mur méridional h i, le long duquel règne une banquette en maçonnerie et seulement de 20m 15 au côté nord j k. La longueur du mur oriental k i est de 39m 80.Les côtés S. et E. où règne un portique large dans oeuvre de 2m 60 se rencontrent seuls à angle droit ; en face, l'angle h est aigu et l'angle j obtus.

L'entrecolonnement du portique faisant face au prothyrum g est beaucoup plus large que les autres, et il présente à ses côtés, au lieu de colonnes, des piliers rectangulaires à chacun desquels sont adossées par les côtés des demi-colonnes. Les demi-colonnes accompagnant l'entrée sont d'un bon tiers plus hautes et plus fortes que les autres colonnes du portique méridional que surmontait un mur percé de fenêtres et qui par conséquent portait un étage. Ce portique était formé des deux piliers, de huit colonnes et d'une colonne engagée dans le mur occidental. A l'est, en comptant de nouveau la colonne d'angle, nous trouvons dix-neuf colonnes dont une n'a plus que le fût et dont quatre ont perdu leur revêtement de stuc qui, en tombant, a laissé découvert le tuf dont elles sont formées. Ces colonnes, sans appartenir à un ordre bien déterminé, se rapprochent cependant plutôt de l'ordre dorique.

Péristyle, côté S.E.

Le portique oriental n'avait pas d'étage, mais un simple toit en appentis reposant sur un entablement richement colorié dont il reste un fragment considérable porté par quatre colonnes et qu'on a eu soin de protéger par un toit moderne. Au pied du portique régnait dans l'area un caniveau de pierre interrompu de distance en distance par ces petites cavités rectangulaires dont nous avons déjà parlé plusieurs fois et dans lesquelles les eaux déposaient leurs impuretés avant de se rendre dans les citernes.

Le côté occidental de la palestre est occupé en entier par le grand bain froid, la piscine B et les salles qui en dépendent. Le premier tiers de ce côté est fermé par la muraille adossée aux pièces 1 et m. Cette muraille, percée d'une porte carrée h, à l'extrémité du portique méridional , ouvrant sur la salle 1 et d'une grande arcade o à laquelle on monte par deux degrés de marbre pour pénétrer dans la salle m, est richement décorée de stucs et de peintures, malheureusement en assez triste état. Cette décoration, dont on connaît peu d'exemples, est une heureuse combinaison des deux arts. Les sujets, soit peints, soit sculptés, étaient encadrés d'arabesques et d'architectures en stuc. Deux grands sujets en bas-reliefs ont beaucoup souffert ; le premier était Hercule tenant un rhyton que vient de lui présenter un jeune homme, peut-être Ganymède, tenant un flambeau et plus petit que lui des deux tiers ; le stuc est tombé, mais les figures ont laissé leur silhouette sur la muraille. Plus malade encore est le sujet à droite de l'arcade ; on en retrouve seulement des traces qui suffisent à faire deviner Apollon assis appuyé sur sa lyre à côté d'Admète debout et ayant une brebis à ses pieds.

Muraille occidentale. Bains froids

Un bas-relief mieux conservé et placé au-dessus du grand arc représente Jupiter assis tenant son sceptre et ayant devant lui l'aigle posé sur une colonne. Quant aux peintures elles sont effacées et c'est à grand'peine qu'on reconnaît quelques vestiges de figures et de paysages.

La grande salle l n'avait aucun ornement et nous serions bien embarrassé de lui assigner une destination positive ; nous devons dire cependant que ce n'est pas sans quelque vraisemblance que Dyer veut y voir le destrictarium mentionné dans l'inscription que nous avons citée. Le 24 avril 1856, on y trouva plusieurs monnaies de grand module fort oxydées et une grande quantité de lames de plomb.

Cette pièce communiquait par une porte percée dans l'angle avec la salle m ouvrant elle-même sur le péristyle par la grande arcade o dont nous avons parlé et sur la piscine par une arcade semblable p. Cette salle m, ainsi que la salle n qui lui fait pendant, servit évidemment d'apodyterium ; elle conserve dans le haut de ses murailles quelques belles peintures. A gauche on voit au milieu de bocages un Faune avec le pedum et des crotales et au-dessous un paysage maritime avec des nains grotesques. Au fond de la salle, aux côtés d'une niche carrée sont peintes deux femmes nues jusqu'à la ceinture, tenant des bassins ; à droite est un sphinx dont le pendant n'existe plus.

A la suite de cette salle est la grande piscine, le baptisterium, la frigida natatio B, longue de 14m 30 sur 7m 55 hors oeuvre et dans oeuvre de 13m 20 sur 6m 45, les murs ayant 0m 55 d'épaisseur. On y descendait devant et aux deux bouts par quatre degrés continus ; d'autres degrés placés au milieu du mur de fond ne pouvaient servir que de sièges aux baigneurs. Il reste peu de traces du revêtement de marbre blanc de l'intérieur de la piscine. Du dehors on montait à celle-ci par deux degrés également revêtus de marbre blanc faisant suite à ceux de l'arcade o de la salle m et continuant devant l'arcade r de la salle n.

L'eau était amenée à l'angle N.-E. de la piscine par un conduit dont la voûte était formée de fortes tuiles appuyées les unes contre les autres, et figurant un toit à double rempant. De la décoration des murs de la piscine il ne reste que deux niches s s à côté des grandes arcades p q, et sur la muraille du fond quelques vestiges de stucs et de peintures.

La salle n était semblable à la salle m, sauf qu'elle ne communiquait que par les arcades q et r avec la piscine et la palestre, son mur septentrional étant entièrement plein et adossé non à une chambre, mais au passage j d conduisant de la palestre à la rue du Lupanar. Aux côtés de la niche du fond sont également deux femmes tenant des bassins et deux sphinx, et sur le mur de droite un paysage avec des nains. La muraille des deux salles m et n n'a pas de peinture dans sa partie inférieure jusqu'à la hauteur d'un mètre et semble avoir dû être revêtue de plaques de marbre ; mais aucune n'a été trouvée.

En avant de tout ce côté occidental de la palestre règne un jeu de boules, un sphaeristerium t u, large de 2m 47, ayant un petit rebord du côté de l'area et régulièrement pavé de dalles carrées assemblées pleins sur joints et non pas bout à bout comme au passage entre le Panthéon et le temple de Jupiter.

Le côté septentrional de la palestre est occupé par une galerie z soutenue, non par des colonnes, mais par des trumeaux, et que Dyer croit pouvoir nommer un crypto-portique. De cette galerie on entrait dans la salle y qui ouvrait par une large fenêtre sur la palestre, et par une plus petite sur la pièce voisine x. Dans la salle y fut trouvé en juin 1857 un brasier de bronze long de 2m 73, large de 0m 94, et presque entièrement semblable à celui découvert dans le tepidarium des anciens bains. Un pied de derrière était détaché et présentait en haut une tête, en bas un pied de vache ; au levant, les pieds d'angle sont des espèces de sphinx, et au milieu on voit la même inscription M. NIGIDIVS P. S. et la petite vache en bas-relief, allusion au surnom de Vaccula que portait le riche citoyen qui avait fait don de ces beaux meubles aux deux bains de Pompéi. Dyer remarque, et nous sommes complètement de son avis, que ce brasier ne nous apprend rien sur la destination de la pièce, car il n'est évidemment pas à sa place, et une petite chambre avec deux fenêtres ne pouvait être chauffée par un si grand appareil.

Le même auteur voit dans la pièce voisine x une sorte de loge d'où l'on assistait aux jeux de la palestre ; cette pièce étant placée dans l'angle et en partie engagée dans le corridor j d nous paraît convenir moins à cette destination que la salle précédente y, dont nous avons signalé la large baie ouverte sur la palestre. La salle x placée en tête du sphaeristerium ne pouvait-elle pas plutôt servir de vestiaire aux joueurs et de dépôt pour les boules dont ils se servaient ?

Revenons aux portiques de l'est et du sud ; nous verrons leurs murailles ornées de panneaux rouges encadrés de jaune et séparés par des bandes verticales vertes et noires décorées d'arabesques. Au milieu des panneaux étaient de petits cartels presque tous effacés ; on y voit cependant encore quelques jolis groupes de vases plus ou moins conservés. A l'époque de leur découverte en 1855, ces peintures étaient en meilleur état, et on a pu enlever de la muraille du sud et porter au musée un lion, un tigre et un cerf.

Près de là fut trouvé en octobre 1851 un beau cadran solaire formé, comme à l'ordinaire, d'un demi-cercle creusé dans un rectangle, mais ayant pour soutien des pattes de lion et enrichi sur les côtés de gracieux ornements. Le gnomon, placé horizontalement au centre des rayons convergents du cadran, est parfaitement conservé, et ceci est une particularité jusqu'ici sans exemple. Une inscription osque gravée sur la base vient encore ajouter à l'intérêt que présente ce curieux monument. Cette inscription a été interprétée ainsi par le savant Minervini :

Marius Atinius, Marii flius, quaestor, ex multatitia pecunia conventus decreto fieri mandavit.

«Marius Atinius, fils de Marius, questeur, a fait faire cette horloge, d'après un décret de l'assemblée, de l'argent produit par les amendes».

Nous avons donc la certitude que ce cadran fut exécuté dans un temps où la langue osque était encore en usage à Pompéi ; mais nous y trouvons aussi la preuve de la continuation de l'emploi de cette langue, même après l'arrivée des colonies romaines, puisque nous voyons figurer dans l'inscription le titre de questeur, qualification essentiellement romaine et inconnue aux temps de l'indépendance de Pompéi (3).

C'est à l'angle S.-E. de la palestre que se trouve sous le portique l'entrée des grands bains C D E F. On y pénétrait soit directement du péristyle par la porte 1 dont le seuil est en marbre blanc, soit par un passage détourné 2 très simplement peint, présentant à gauche un banc de pierre, et à droite une petite salle 3 éclairée sur la rue par une large fenêtre et qui put servir de bureau au receveur, et à côté une sorte de corridor 4 où se tenaient probablement les esclaves attendant leurs maîtres ; à gauche enfin est une porte 5. Les portes 1 et 5 ouvrent toutes deux sur un charmant vestibule 6 long de 6m 35, large de 3m 80. Sa voûte est ornée de caissons peu saillants, ronds ou composés de huit segments de cercles convexes, mêlés de bizarres enlacements où dominent aussi les formes arrondies. Ces caissons dont chaque détail était colorié contenaient des bas-reliefs de stuc se détachant sur des fonds bleus ou noirs et dont il ne reste que peu de traces ; cependant on y reconnaît encore un cheval, des hippocampes, quelques Amours et des panthères.

Quatre figures plus importantes non encadrées dans les caissons représentent des femmes tenant une corbeille de fruits, une corne d'abondance, une corbeille de fleurs et un médaillon contenant une figure de femme debout. Les murs du vestibule étaient peints en rouge, mais on n'y reconnaît aucun vestige d'arabesques. Le pavé est en marbre.

Par une porte à gauche du vestibule, ou entre dans le frigidarium ou cella frigidaria D dont la disposition est identique à celle du frigidarium des anciens bains, mais qui est beaucoup moins bien conservé. Le diamètre total de la rotonde est de 6m 40 ; la voûte est en grande partie écroulée. Des peintures sur fond bleu qui décoraient les parois, il ne reste qu'une femme, couchée vue de dos, à gauche en entrant. Comme aux anciens bains, quatre niches assez larges pour recevoir des sièges sont ménagées dans la muraille ; dans une cinquième plus petite et ruinée faisant face à la porte, j'ai vainement cherché l'indication du tuyau qui devait amener l'eau dans le bassin. Celui-ci, dans lequel on descend par trois degrés, a dans sa partie supérieure 4m 50 de diamètre ; sa profondeur est de 1m 25.

Apodyterium

Revenons au vestibule 6 ; il ouvrait par une large arcade 7, que fermait peut-être un rideau, sur l'apodyterium C où l'on descendait par un degré.

Le plan de cette salle longue de 11m 95 et large de 7m 15 est des plus singuliers par son irrégularité. En effet, l'apodyterium est divisé dans sa longueur en trois travées inégales par des arcs-doubleaux a b et c d ; mais les piliers saillants de Om 60 qui les portent ne sont pas exactement en face les uns des autres, de telle sorte que les arcs coupent la salle obliquement, au lieu d'être parallèles aux deux murailles qui la terminent.



Rien ne semble motiver cet oubli de toute symétrie dans une salle du reste parfaitement rectangulaire ; mais on ne doit guère s'en étonner, car la plupart des édifices et surtout des maisons de Pompéi présentent des irrégularités tous aussi inexplicables. Le pavé en marbre gris est restauré dans quelques parties au moyen de dalles de marbre blanc ; il est encadré, de trois côtés seulement, d'une bordure en lave du Vésuve.

Au pied des murailles, excepté dans la partie comprise entre le vestibule et la porte du tepidarium, règne une banquette de maçonnerie revêtue d'opus signinum, ayant en avant un marchepied continu couvert de tablettes de marbre blanc. A 1m 4O du sol, au-dessus de la banquette, sont, comme aux anciens bains, des niches carrées en saillie hautes de 0m 67, larges de 0m 58, et dont la base est également inclinée ; seulement ici elles ne sont point séparées par des cariatides et n'ont d'autre ornement que la corniche à palmettes qui les surmonte.

Les niches sont au nombre de 9 à droite et de cinq seulement à gauche justement dans la partie qui n'a pas de banquette.

La voûte de l'apodyterium est par malheur presque entièrement écroulée et ce n'est guère que dans sa partie inférieure qu'on peut apprécier la richesse de son ornementation. La première travée e avait de beaux caissons de stuc octogones entourés de canaux et dont les intervalles étaient remplis par des grecques. On y voit encore des trophées d'armes et quelques figures dont un Faune et des Nymphes. Sur la naissance de l'arc-doubleau à droite est une figure répétée à la même place sur le second arc : c'est une femme ailée tenant un dauphin suspendu par la queue. Dans la seconde travée f on voit à droite, au bas de la voûte, des caissons carrés et deux médaillons ronds contenant des Amours ailés armés chacun d'une fronde et d'un bouclier ; comme ces deux figures se font face, l'artiste a cru devoir, pour la symétrie sans doute, placer à l'une d'elles le bouclier au bras droit et la fronde dans la main gauche. Au-dessus est une rangée de caissons hexagones contenant des rosaces. La troisième travée g offre à droite des encadrements avec fleurons. Aux trois travées les ornements de gauche ont entièrement disparu.

Au mur de fond, la grande lunette, l'espace semi-circulaire qui occupe toute la largeur de la salle offre dans sa partie inférieure des stucs bien conservés ; on y distingue deux génies sur des dauphins tournés vers une espèce d'édicule ou de laraire surmontant la porte et où l'on voit encore les jambes de la divinité. A droite de la lunette est un Hermaphrodite debout, tenant un plateau chargé de fruits. De la figure du même genre qui lui faisait pendant à gauche il ne reste que la partie inférieure.

Ce mur est percé d'une porte carrée ouvrant sur un vestibule 8 ayant sur la rue de Stabia la porte b et communiquant avec un corridor irrégulier et dénué de tout ornement 16 conduisant à la fois à l'hypocauste 15 et à la porte c, qui probablement ne servait qu'à l'introduction des combustibles et au passage des employés.

Au mur formant l'autre extrémité de l'apodyterium on voit sur le grand arc 7 du vestibule un Hercule couché sur le dos et un génie attachant une guirlande à une sorte de baldaquin. Ce génie est répété à gauche dans la partie pleine de la lunette où l'on voit aussi un Faune debout tenant un plateau qui semble contenir des chaînes.

A gauche de l'apodyterium est une porte 9 large de 1m 18 donnant accès au tepidarium E qui est dans le plus triste état. C'est une salle rectangulaire longue de 11 mètres et large de 6m 75. A son extrémité occidentale est la baignoire, alveus ou baptisterium, 10, longue de 3m 38, large de 1m 78 et profonde de 0m 70 ; on y descendait par deux degrés, seulement sur le devant ; le milieu du fond est écroulé. Ce bassin était recouvert de marbres que l'on n'a point retrouvés. Une curieuse circonstance nous a révélé l'existence de ce revêtement. Extérieurement et sur deux côtés du bassin, on avait employé à cet usage d'anciennes dalles de marbre portant des lettres gravées qui ont laissé sur l'enduit leur empreinte en relief. Ce sont les fragments d'une inscription provenant de quelque édifice public. En les étudiant avec le soin et la sagacité qu'il apporte à toutes ses recherches, M. Minervini est parvenu à reconstruire ces mots :

IMP. CAESARI
DIVI FIL.
AVGVSTO IMPERATORI
XIII TRIB. POTESTATE XV
PATRI PATRIAE COS. XI.

«A l'empereur César Auguste, fils du divin César, général pour la XIIIe fois, tribun pour la XVe, père de la patrie, consul pour la XIe fois» (4).

Aujourd'hui on chercherait vainement les traces de cette inscription.

De tout le pavé de la salle il ne reste que les parties en opus signinum existant aux deux extrémités de la baignoire ; tout le reste a disparu laissant à découvert les petits piliers ou suspensurae qui le portaient. Ces piliers au nombre de 252 (12 rangées, chacune de 21) s'élèvent d'un pavé dallé de grandes briques carrées de 0m 60 de côté ; ils sont hauts de 0m 64 et composés de briques carrées larges de 0m 20, mais d'épaisseur irrégulière ; ils étaient revêtus de stucs qui n'existent plus que sous la faible partie du pavé que nous avons dit s'être conservée.

Pour laisser à la vapeur chaude sa libre circulation, le revêtement des murailles en était tenu à distance par des plaques de terre cuite carrées, larges de 0m 46 et munies de quatre pieds en saillie de 0m 07. Ces plaques étaient maintenues non par des crampons, mais par des clous, généralement au nombre de quatre, traversant des trous irrégulièrement percés. Beaucoup de ces clous existent encore en place, et on voit intacte une partie du revêtement au bas de la muraille occidentale.

La vapeur était amenée sous le pavé suspendu et dans l'épaisseur des murailles par un double canal revêtu de terre cuite passant sous la porte 11 qui conduit au caldarium qu'elle avait déjà échauffé ; elle avait donc perdu un certain nombre de degrés lorsqu'elle arrivait au tepidarium.

La voûte de cette salle est entièrement détruite ; on reconnaît cependant qu'elle était couverte de canaux et reposait sur une frise ornée de stucs dont on voit encore quelques restes à droite ; au centre est un Amour, mais dans chacun des autres compartiments sont répétées des proues de navire. Les canaux se continuaient au-dessous de la frise. Dans les lunettes, on voit à l'est les restes de deux figures, l'une debout et l'autre assise, et à l'ouest une partie d'un sphinx ailé.

Le caldarium r, fouillé en juillet 1856, a une largeur un peu moindre que celle du tepidarium, 6m 50 seulement, mais sa longueur est de 12m 30, non compris la grande niche, le laconicon, placée à l'extrémité occidentale du rectangle et profonde elle-même de 4m 30, ce qui donne un total de 17m 10. Il ne reste plus qu'une très faible partie du pavé en opus signinum, qui, comme dans le tepidarium, reposait sur des suspensurae ; elle existe vers l'extrémité opposée au laconicon, près de la baignoire la calida lavatio, 12, occupant presque toute la largeur de la salle, mais n'ayant que 1m 75 de largeur et 0m 65 de profondeur ; elle a été déblayée le 3 juillet 1856. Le mur de fond qui la surmonte présente trois niches dont les statues n'ont pas été trouvées et n'ont peut-être jamais existé ; la niche du milieu est ronde et les deux autres plus petites sont carrées.

Au caldarium la chaleur circulait dans l'épaisseur de la muraille comme au tepidarium ; mais, bien qu'on y trouve aussi quelques tuiles à pieds, elle était le plus généralement conduite par des tuyaux plats de terre cuite.

Près de la baignoire sont déposés des fragments de marbre blanc que leur forme circulaire indique avoir appartenu au labrum 13, qui n'est plus qu'un massif de maçonnerie presque informe de 2m 30 de diamètre. Celui-ci était dans la grande niche que couvrait une voûte en cul-de-four presque entièrement détruite. Une petite portion de la voûte existe aussi au-dessus de la baignoire, mais on n'y retrouve aucun vestige d'ornement.

Entre le caldarium et le second établissement G H I appelé le bain des femmes, est l'hypocauste 14, où sont encore trois grands fourneaux de près de deux mètres de diamètre. Un corridor 15, interrompu par un petit palier au niveau des fourneaux auquel on montait par cinq marches de chaque côté, conduisait du passage 16 au péristyle ou plutôt au vestibule 17 ouvrant sur le péristyle.

Sur le mur de ce vestibule, en face de la porte 18, est une peinture en jaune, rouge et vert représentant un autel et un serpent qui s'en approche.

A l'extrémité méridionale du vestibule est une porte 19 ouvrant sur l'apodyterium G, pièce longue de 14m 35 et large de 4m 90, entourée de trois côtés de banquettes, hautes de 0m 60, profondes de Om 38, où l'on devait être fort mal assis, car à 0m 45 seulement commençait le plan incliné, l'espèce de console continue qui portait les niches que nous avons déjà observées dans le tepidarium des anciens bains et dans l'apodyterium des nouveaux.

Ces niches sont ici au nombre de vingt-neuf sans autres ornements que quelques enroulements et une rangée de feuilles d'eau à la corniche. Sur les pieds-droits qui séparent les niches, des baigneurs oisifs ont tracé à la pointe des graffiti, dessins grossiers prétendant représenter des vaisseaux, des oiseaux, etc.

Cette salle, qui, par exception, servait à la fois d'apodyterium et de frigidarium, disposition économique qui conviendrait assez bien à des bains à bon marché, avait dans son angle S.-O. une grande baignoire 20 pour les bains froids, longue de 2m 90, large de 2 mètres et profonde de 0m 85, où l'on montait par quatre marches. A l'intérieur, le long du grand côté régnait une banquette unique couverte d'une tablette de marbre. La salle était éclairée par une fenêtre percée à son extrémité occidentale et par deux trous ronds, deux oeils-de-boeuf ouverts dans la voûte. Celle-ci est complétement conservée, mais, comme le reste de la salle, elle n'avait reçu aucun ornement. Le pavé est en opus signinum divisé en losanges par des lignes de cubes blancs. Une porte 21 dans l'angle N.-E. donnait sur le corridor 22 conduisant à la porte r sur la rue de Stabia, et dans lequel est encore un gros tuyau de plomb pour l'écoulement des eaux. Dans l'angle opposé de l'apodyterium est la porte 23 conduisant au tepidarium H , pièce longue de 8m 08, large de 4m 53, dont le sol posant sur des suspensurae est pavé en mosaïque blanche, et dont les murs creux étaient garnis de tuiles à pieds semblables à celles que nous avons décrites. Ces murs étaient simplement couverts de panneaux de stuc de 1m 60 de large séparés par des baguettes verticales. La voûte qui est entière n'avait d'autre ornement que des canaux de stuc dont les seuls restes gisent à terre au pied de la muraille. On voit encore à la voûte la marque des nombreux clous qui les ont si mal retenus. La salle était éclairée par un grand soupirail ménagé à son extrémité occidentale.

Une porte 24 conduisait au caldarium I sur lequel elle était ornée d'un chambranle de marbre blanc dont il ne reste qu'un fragment cannelé. La salle, dont le mur est mitoyen avec le corridor de l'hypocauste, est longue de 11m 77 et large de 4m 78. La voûte, presque entièrement écroulée, était ornée de canaux ; le massif compris entre sa courbure et le plafond qui la surmontait était formé d'amphores de terre cuite noyées dans le ciment. Le pavé posé sur des suspensurae est en mosaïque blanche avec une bordure noire. La salle étant rectangulaire, le labrum 25 ne se trouve pas comme à l'ordinaire dans une niche semi-circulaire, un laconicon. Les murs creux garnis de briques à pieds présentaient de grands panneaux rouges séparés par des pilastres cannelés jaunes à chapiteaux blancs.

Nous avons vu que jusqu'ici toute la décoration de cette seconde division des nouveaux bains était de la plus grande simplicité et convenait bien à un établissement à bon marché ; mais le caldarium que nous décrivons semblerait par une de ses parties démentir notre supposition. En effet, à son extrémité orientale, est la plus grande et la plus belle baignoire, 26, qui ait encore été trouvée à Pompéi. Occupant toute la largeur de la salle, elle est entièrement revêtue en dedans et en dehors de plaques de marbre blanc d'une énorme dimension. La vasque a intérieurement 4m 30 de longueur, 1m 53 de largeur et 0m 57 de profondeur. On y montait par un degré extérieur et on en trouvait un semblable à l'intérieur pour y descendre. Les parois des trois autres côtés sont légèrement évasées. A droite, à son extrémité, la baignoire est percée au niveau du fond d'un arc de 0m 65 de diamètre pour l'écoulement de l'eau ; on se rend difficilement compte du procédé employé pour fermer une aussi large ouverture donnant sur une conduite de briques et de ciment d'une grandeur égale. Du même côté, mais dans le haut, et juste sous la tablette de marbre qui couvre le bord de la baignoire, est l'embouchure d'un tuyau de bronze de 0m 05 de diamètre qui y amenait l'eau.

A l'autre extrémité du caldarium est le labrum 25, vasque d'un seul morceau de pierre calcaire de 2m 16 de diamètre posant sur un massif rond de maçonnerie. Dès l'antiquité, un morceau de la vasque avait été rejoint par deux attaches de bronze à double queue d'aronde, longues de 0m 14. Au milieu de la vasque est en saillie un ajutoir de bronze qui lançait un jet d'eau.

Revenant à l'apodyterium G, nous trouvons dans son angle N.-O. l'entrée 27 d'un corridor 28 conduisant à la porte f ouverte sur la rue du Lupanar. Ce corridor, éclairé par des soupiraux carrés percés dans la voûte, n'a, comme nous l'avons déjà dit, aucune communication avec le reste de l'établissement.

Entre ce corridor et le péristyle A existe un quatrième groupe de constructions qui n'est peut-être pas le moins curieux, car rien d'analogue n'existait dans les anciens bains. Lorsqu'on entre du portique septentrional par la porte 29, on a à droite une petite salle 30 dont la destination est inconnue, et à côté la cage d'un escalier 31 qui montait à un étage maintenant disparu ou plutôt à des terrasses, solaria. Un passage 32 conduit à des latrines 33, voûtées, longues de 6m 32 sur 3m 90, exactement semblables à celles que nous avons trouvées au Forum, et dont l'utilité n'est pas moins indiquée ici.

En sortant de cette salle on trouve à droite le corridor 34 conduisant à la porte e sur la rue du Lupanar. Dans ce corridor sont à droite quatre petits cabinets de bains 35, solaria, ressemblant beaucoup à ceux de nos bains modernes ; ils sont éclairés par le haut, nouvelle preuve qu'il n'existait pas d'étage, et chacun d'eux possède sa baignoire en maçonnerie. La voûte du dernier de ces cabinets est couverte d'incrustations calcaires produites par les infiltrations des eaux.

A gauche du corridor, dans une petite pièce 36, est l'escalier d'une cave où les exhalaisons méphitiques ne permettent pas de pénétrer ; une bougie s'y éteint dès la porte. Ces dégagements de gaz délétères, ces mofettes analogues à celles qui ont fait la célébrité de la grotte du Chien ne sont pas rares dans les souterrains de Pompéi, et le Journal des fouilles constate que plusieurs fois, au grand théâtre, elles ont forcé les ouvriers de suspendre leurs travaux.

A la suite de cette pièce on trouve un dernier cabinet de bain 37, de forme irrégulière, mais un peu plus grand que les quatre autres, puis près de la porte 34 un réduit 38 qui put être la loge du portier, de l'ostiarius.

Si par cette porte nous sortons dans la rue du Lupanar, nous voyons à droite une grande boutique 39 portant le n° 94, au fond de laquelle est une enceinte sans porte 40 qui dut être un réservoir, car ses murailles sont tout incrustées de dépôt calcaire.

On voit que par leur étendue et les particularités nouvelles qu'ils ont présentées, ces bains, quoique en général moins bien décorés et plus ruinés que les anciens, ne laissent pas d'être au nombre des monuments les plus intéressants de Pompéi. Peut-être l'avenir nous réserve-t-il encore quelque découverte du même genre, ne fût-ce que celle des Thermes de Marcus Crassus Frugi, dont l'existence nous a été révélée par l'inscription que nous avons citée.

Vaisseau tracé à la pointe sur le mur de l'apodyterium


(1)  On appelait ainsi, comme nous l'avons déjà dit, la grande niche qui ordinairement formait une des extrémités du caldarium.

(2)  Le mot destrictarium ne se trouve dans aucun dictionnaire, mais il vient évidemment du verbe destringo, frotter, ratisser, et désigne un lieu où l'on se servait du strigile pour enlever, après les jeux de la palestre, la sueur, ainsi que l'huile et la poussière dont on s'était frotté avant les exercices.

(3)  «A Rome, dès l'époque des rois, le soin du trésor fut confié à des fonctionnaires nommés questeurs, du verbe quaerere, chercher, parce qu'ils étaient chargés de faire rentrer les impôts. Les rois les élisaient ; après la destruction de la royauté, ils furent élus par les consuls, puis enfin par le peuple assemblé en curies. Dès ce moment la questure, qui avait été une magistrature patricienne, fut ouverte aux plébéiens, en conservant néanmoins les insignes des grandes magistratures patriciennes, la chaise curule et les licteurs, deux seulement, mais armés de faisceaux avec la hache». (Dezobry. Rome au siècle d'Auguste. III, 79).

(4)  Le XVe tribunat et le XIe consulat d'Auguste répondent à l'an de Rome 755 (2 de l'ère chrétienne).