La maison de Paquius Proculus

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Paquius Proculus et sa femme

Ces habitations ont été fouillées en 1868.

La première maison, située au coin de la rue des Augustales, juste en face des fouilles faites devant Pie IX, porte sur la rue de Stabia le n° 38. Sur le mur de gauche de son prothyrum fort large et sans ornements, comme tout le reste de cette habitation, on put lire en lettres rouges cette inscription qui n'existe plus, mais qui fit connaître en partie le nom du propriétaire :

PROCULE FRONTONI
TVO OFFICIVM COMMODA.

«Proculus, rends service à ton ami Fronton».

Mais deux Proculus figuraient déjà dans les inscriptions pompéiennes, P. Paquius Proculus et A. Postumius Proculus ; duquel s'agissait-il ici ? c'est ce que décida un mot gravé à la pointe sur une colonne de l'atrium, le nom de PAQVIA, fille de Paquius.

Il est donc certain que cette habitation appartenait à P. Paquius Proculus, ce même citoyen qui, suivant une autre inscription publiée par Garrucci 1 avait été nommé à l'unanimité duumvir chargé de rendre la justice, P. Paquium Proculum ii v ir. i. d. d. r. p. universi Pompeiani fecerunt.

«Et qu'était, dit M. G. de Petra, ce Proculus que les Pompéiens élevèrent unanimement à la haute dignité de duumvir chargé de rendre la justice ? Rien de plus qu'un boulanger. Ce fait nous autorise à conclure qu'à Pompéi les magistratures municipales n'étaient pas le monopole des riches seuls, et que ceux-ci mêmes reconnaissaient de bonne grâce qu'il était convenable d'y faire participer les citoyens les meilleurs et les plus estimés parmi ceux de condition plébéienne».

Après avoir franchi le prothyrum, à gauche duquel sont trois marches de pierre que surmontait un escalier de bois, on se trouve dans un atrium dont le portique était soutenu à chaque angle par des piliers en forme d'équerre ayant chacun deux demi-colonnes adossées, et dans chaque face par deux colonnes isolées, le tout réuni par un pluteus. Dans l'angle gauche est une grande auge en maçonnerie, d'une hauteur égale à celle du pluteus, et où l'eau des toits était amenée par un tuyau de plomb qu'on y voit encore. Les trois entre-colonnements du portique de droite avaient été fermés après coup par un mur percé de deux fenêtres dans sa partie supérieure.

A gauche de l'atrium sont cinq portes, toutes, à l'exception de la dernière, munies d'un seuil de marbre. Les pièces auxquelles elles donnent accès sont dénuées de tout ornement. M. G. de Petra croit que la première fut une cuisine, bien que le fourneau n'existe plus, et avec nos idées modernes, le motif sur lequel il se fonde semblerait au moins singulier, si l'on ne connaissait par maint autre exemple la coutume des anciens ; ce motif, c'est qu'il y a reconnu l'indication de certain retrait, dont une inscription tracée à la pointe ne permet pas de mettre en doute la destination.

Dans la chambre suivante furent trouvées deux très curieuses peintures sur verre, de 0m 15 sur 0m 11, malheureusement en morceaux, représentant des Amours, et conservant des traces de dorures. Les trois autres pièces n'ont offert aucune particularité intéressante.

Le côté droit de l'atrium présente également plusieurs ouvertures ; la première et la troisième sont les portes de deux pièces aux murailles grossières et sans revêtement ; un petit mur se trouve au fond de chacune d'elles, et cette disposition nous porte à croire que là étaient les écuries des bêtes de somme employées aux moulins. Entre elles est le corridor, communiquant avec la maison voisine ; mais M. G. de Petra a remarqué que telle n'était pas sa destination primitive. On reconnaît en effet qu'après le premier tiers, qui ne fut d'abord qu'une réserve, une apotheca, le passage était fermé par un mur qui fut abattu lorsqu'on voulut réunir les deux propriétés. La quatrième salle était le pétrin, ainsi que le démontrent cinq massifs de maçonnerie qui portaient les tables de bois sur lesquelles on manipulait la pâte, et la présence de divers récipients destinés à contenir l'eau nécessaire à cette opération. Une baie ouverte sur le fournil, le praefurnium, permettait de passer directement les pains au furnacator chargé de les enfourner.

Au fond de l'atrium, et à la place qu'eût occupée le tablinum, est une large porte qui conduisait à la boulangerie renfermant le four, le magasin à farine et cinq moulins. Trois de ceux-ci sont entiers ; du quatrième il ne reste que la base en maçonnerie, et du cinquième cette même base surmontée de la partie conique sur laquelle tourne le corps du moulin, le Catillus. On voit aussi, dans cette enceinte, plusieurs réservoirs en maçonnerie et un puits que fermait un couvercle ; il reste peu de traces de la peinture des dieux Lares, qui existait ordinairement dans les boulangeries.

Enrichi sans doute dans son commerce et se voyant élevé à une magistrature municipale, Paquius Proculus sentit la nécessité d'adjoindre à son établissement une habitation un peu plus en rapport avec sa nouvelle position ; ce fut alors qu'il dut acheter la maison voisine et percer la communication dont nous avons parlé.

Cette seconde maison, qui avait sa véritable entrée par une boutique n° 32 faisant face à la porte de la maison de Lucretius, est encore assez modeste, bien que plus ornée que la précédente, et elle conserve quelques-unes de ses peintures. La première chambre à droite de l'atrium est un cubiculum, ayant son soubassement rouge avec des plantes aquatiques, et ses murailles blanches avec des candélabres, des cygnes, des griffons et des oiseaux surmontées d'une corniche de stuc colorié. Vient ensuite une petite ala, où l'on voit une Victoire ailée, sur fond jaune, portant un trophée. M. G. de Petra croit que la pièce suivante était destinée à tenir lieu de tablinum ; nous pensons qu'on ne doit y voir autre chose que la chambre à coucher du maître. Sa décoration est analogue à celle de la première chambre, mais un peu plus riche ; on y voit sur les parois un homme ailé avec un carquois, et une Femme nue tenant une corne d'abondance et une corbeille de fleurs.

Au fond étaient deux peintures, qui ont été portées au musée ; l'une représente l'Amour et Psyché ; l'autre, placée au-dessous, excita une certaine curiosité au moment de sa découverte en août 1868, parce qu'on la regarda comme présentant les premiers véritables portraits trouvés à Pompéi. On y voit le buste d'une jeune femme tenant de la main gauche des tablettes et de la droite un style, dont elle appuie la pointe contre ses lèvres en paraissant réfléchir à ce qu'elle va écrire.

Telle Ovide nous peint Biblis méditant sa lettre à Caunus (Met. IX, 520). Derrière elle est son mari, revêtu de la toge magistrale, tenant un rouleau, un volumen auquel pend son titre, titulus, et sur l'extrémité duquel il appuie son menton. Sa figure assez commune répond bien à l'idée qu'on peut se faire de ce boulanger devenu duumvir.

Au fond de l'atrium est le tablinum, grande pièce sur laquelle a été pris un corridor conduisant à une cuisine sans fenêtre, qui ne pouvait recevoir l'air et le jour que par le toit et la porte. Le corridor et le tablinum ont la même décoration, des médaillons sur fond jaune où l'on voit de petits génies, Hélène, Pâris avec un Amour qui lui parle à l'oreille, un jeune guerrier avec une lance, et, en pendant, une jeune femme, sans doute Méléagre et Atalante.

Dans la salle, à droite du corridor, le triclinium, est un petit génie entre deux médaillons d'homme et de femme, et en retour, à droite, sont deux autres génies presque effacés.

Cette pièce ouvrait, par une large fenêtre percée sans doute au moyen d'une servitude, jus luminum, acquise par Proculus, sur une troisième maison qui avait pour entrée une boutique ou un très large prothyrum, portant sur la rue de Stabia le n° 24. Après avoir franchi ce passage, qui comme les boutiques se fermait par des volets, on se trouve dans un péristyle qui n'avait de portiques que de trois côtés, chacun d'eux étant soutenu par quatre colonnes. Là sont dix fourneaux et des jarres de terre cuite qui semblent indiquer une teinturerie, une fullonica.