La maison des cadavres moulés

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Du côté opposé à la maison de Salluste est une habitation dont la façade s'étend depuis l'école d'archéologie jusqu'à la fontaine du carrefour formé par la voie Domitienne et la rue de Narcisse. A gauche de cette façade s'ouvre le prothyrum très large et peu profond conservant sur la rue un seuil de 4m 35 de long auquel on montait du trottoir par un degré qui n'existe plus.

On trouve en entrant un très vaste atrium qui n'a point de chambres sur les côtés ; à gauche est la muraille moderne de l'école d'archéologie ; à droite, la muraille antique est ornée de niches carrées à tablettes de marbre, larges de 1m 34, et profondes seulement de Om 21. Au delà de l'entrée du tablinum, tout est écroulé, mais d'énormes ruines indiquent que cette maison, comme toutes celles de la même ligne, avait en contre-bas deux autres étages où l'on descendait par un passage voûté partant de la rue et communiquant aussi par une porte avec l'atrium. «Le premier de ces étages, dit Dyer, contient des bains, un triclinium, un grand salon et d'autres pièces utiles aux usages privés de la famille. Devant ces chambres est une terrasse qui ouvre sur une grande cour entourée de portiques et ayant une piscine au centre. Les colonnes du côté de la maison étaient un peu plus hautes que celles des trois autres côtés, afin de donner à la terrasse une plus grande élévation. Au-dessous de ce second étage il y en a encore un troisième en partie sous terre, qui contient d'autres bains et diverses pièces destinées au logement des esclaves ; il était divisé en petites cellules sombres et humides, à peine de la longueur d'un homme».

Revenons à l'étage supérieur de niveau avec la rue Domitienne ; nous y verrons que, par une disposition exceptionnelle qu'explique la déclivité du sol, c'est à droite de l'atrium, et non au fond, que se trouve le péristyle plus large que profond ayant neuf colonnes aux grands côtés et cinq aux petits. Ces colonnes en briques n'ont pas aujourd'hui plus de 1m 30 de hauteur et ont perdu tout leur revêtement.

Cadavres de la mère et de la fille

Sur la rue en avant du péristyle est un petit bâtiment établi et restauré sur l'emplacement d'une boutique ; dans son unique salle sont exposés les quatre cadavres moulés en 1863 par le procédé inventé par le commandeur Fiorelli.

C'est dans une petite rue conduisant de la ruelle d'Eumachia à la rue du Lupanar, rue qui à cette occasion a reçu le nom de Vicolo degli scheletri, que le 5 février 1863 furent trouvés ces cadavres. Ces malheureux étaient sans doute restés enfermés dans leurs maisons et n'avaient essayé de fuir qu'au dernier moment, lorsque l'eau, la cendre et le lapillo les avaient chassés ; mais il était trop tard ! Déjà les matières volcaniques avaient rempli la rue fort étroite, et bordée de grands murs presque sans portes ni fenêtres, jusqu'à une hauteur de près de 5 mètres, et ce n'est qu'à cette élévation au-dessus du sol qu'ils furent rencontrés. Ils ne faisaient peut-être pas partie de la même famille, car ils étaient couchés assez loin les uns des autres. Deux corps cependant formaient un groupe, composé d'une femme et d'une jeune fille âgée d'environ quinze ans. C'est ce groupe que l'on voit à droite en entrant dans la petite salle de la rue Domitienne. Les deux femmes sont tombées l'une à côté de l'autre, mais en sens inverse ; leurs vêtements d'étoffe grossière semblent indiquer qu'elles n'appartenaient pas à la classe riche. A toutes deux, la partie antérieure du corps sur laquelle elles étaient étendues est fort mal venue au moulage, mais heureusement il n'en est pas de même de la partie placée en dessus.

La femme que l'on peut supposer avoir été la mère paraît avoir été asphyxiée rapidement par quelque dégagement de gaz, et être morte sans convulsions ; elle est couchée sur le côté droit dans une pose tranquille et naturelle ; son bras droit tombe librement et le petit doigt porte l'empreinte oxydée d'une bague de fer.

La jeune fille semble au contraire être morte dans d'affreuses convulsions ; elle est couchée à plat ventre, les jambes crispées et la face appuyée sur son bras gauche ; sa main presse un pan de sa robe, dont elle avait sans doute cherché à s'envelopper la tête. La forme de cette tête est parfaitement conservée et une grande partie du crâne est même à découvert ; les phalanges des doigts de la main droite sont également apparentes. Les vêtements laissent apercevoir par leurs déchirures une chair jeune et polie comme le marbre, et sur un petit pied une sandale brodée est encore reconnaissable.

Le troisième cadavre placé au fond de la salle est également celui d'une femme, sans doute de condition aisée, car on a trouvé près d'elle, avec un trousseau de clefs, deux petits vases d'argent, quelques bijoux d'or et une assez grande quantité de monnaies d'argent. Elle est couchée sur le dos, et, bien que le moulage soit en général médiocrement réussi, son expression de désespoir est presque aussi poignante que celle du cadavre conservé à l'école d'archéologie. Un bras est soulevé, les mains sont fermées convulsivement et les vêtements repoussés dans les mouvements de l'agonie ont laissé à découvert la jambe gauche admirablement modelée. Les seins ne sont point venus au moulage et le sexe n'a pu être déterminé que par la coiffure qui paraît avoir été frisée, et surtout par la largeur du bassin qui est telle qu'on pourrait supposer la malheureuse enceinte au moment de la catastrophe qui termina sa vie.

Le quatrième corps placé à gauche de la salle est celui d'un homme de haute taille, probablement un soldat, à en juger par les traces qu'ont laissées sur le bas-ventre des courroies paraissant avoir formé la partie inférieure d'une de ces cuirasses, loricae, qui étaient composées de bandes de cuir juxtaposées. Cet homme est couché sur le dos ; ses bras et ses jambes étendus naturellement semblent indiquer qu'il a succombé sans convulsions. Tout le côté droit du corps est mal venu, mais le moulage a généralement bien reproduit le côté gauche ; la main portant un anneau de fer est parfaitement modelée, le nez et le menton sont bien rendus, et la bouche, quoique contractée, laisse apercevoir quelques dents. Les pommettes saillantes et osseuses, les joues creuses semblent indiquer un homme d'une cinquantaine d'années. La jambe gauche semble maigre auprès de la droite grossie par l'empreinte d'une étoffe épaisse ; les pieds portent de fortes chaussures à semelles garnies de clous.

Dans les coins de la salle où ces moulages si curieux sont exposés, on voit debout deux squelettes de Pompéiens montés comme dans les cabinets d'anatomie.