Jean Blanca (XVe siècle)

Bourgeois de Perpignan, il reçut, le 15 novembre 1460, de Jean II, roi d'Aragon, désignation pour retirer les revenus de l'abbaye de Saint-André de Sureda qu'il avait mise sous sequestre. Il était propriétaire de moulins à farine situés sur la Tet et la Vassa, à Perpignan, et remplissait la charge de premier consul de cette ville, lors du siège qu'elle soutint, en 1471, contre les troupes de Louis XI. A son sujet, la tradition s'est emparée d'une légende que l'historien a le devoir de détruire, en ramenant les faits à leur juste proportion. D'après les on-dit, Blanca serait l'auteur d'un acte de vertu civique digne des beaux temps de Grèce et de Rome : Dans une sortie, durant le siège, le fils de Jean Blanca fut fait prisonnier, et les Français, croyant intimider ce consul, lui envoyèrent déclarer que, s'il ne leur ouvrait les portes de la place, ils massacreraient son fils sous ses yeux. Le généreux gouverneur, loin de céder à cette sommation, répliqua que sa fidélité à son souverain lui était plus chère que ses affections de famille ; il ajouta que, si les Français manquaient d'armes pour exécuter leur menace, il leur enverrait son propre poignard. Jean Blanca, par son héroïque réponse, perdit son fils unique ; mais il eut la gloire de prolonger, durant huit mois encore, la défense de Perpignan, quoique le roi d'Aragon Jean II, qu'il regardait comme son légitime souverain, lui eut permis de capituler. Les Perpignanais puisèrent dans l'exemple de leur chef un courage invincible ; et ce ne fut qu'après avoir subi les dernières extrémités qu'ils acceptèrent la domination des assiégeants. Elle ne leur fut cependant imposée qu'à des conditions honorables : Perpignan reçut le nom de «ville très fidèle», et le souvenir du dévouement de Jean Blanca fut perpétué par une table de marbre scellée à la porte de sa demeure, et sur laquelle, au commencement du siècle dernier, on lisait encore les paroles suivantes : Hujus domus dominus fidelitate cunctos superavit Romanos.

Cette inscription a été transférée de Perpignan au château de Corbère. Dans la réalité, une première tentative pour reprendre Perpignan aux Français avait été faite par Jean II et avait échoué. Une seconde réussit complètement. Le roi d'Aragon, à la tête de quelques troupes d'élite, traversa en silence les Pyrénées et se présenta inopinément devant Perpignan, le 1er février 1473, après minuit. «Sur le cri général : Aragon ! Aragon ! Jean Blanca, premier consul de cette ville et ses collègues ouvrirent au roi cette porte (de Canet) ; la garnison française, épouvantée, se retira au château». Voilà ce que François de Fossa a lu dans un manuscrit du temps, et ce qu'il cite dans son Mémoire pour l'ordre des avocats.

Cependant ce trait d'héroïsme n'a pas été avancé sans quelque fondement par les historiens catalans. Dans les registres de Bonfill, notaire contemporain à Perpignan, où l'on trouve quelques dates exactes des événements de ce temps, on lit : «Aujourd'hui, jour de sainte Lucie (13 décembre), on a exécuté dans le château D. Bernard d'Oms et le fils de J. Blanca. Ce malheureux jeune homme, victime de l'attachement de son père à la cause nationale, périt presque sous ses yeux, puisque J. Blanca était enfermé dans Perpignan». Les biens de Jean Blanca furent confisqués et donnés par Louis XI à Régnaud du Chesnay, gouverneur de Montpellier et capitaine de Salses.

Après la restitution du Roussillon à la couronne d'Aragon, un Pierre Blanca fut bailli de Salses. A ce titre, il percevait, en 1494, des pensions sur les revenus de Prats-de-Mollo, Montbolo, Cortsavi, La Bastide et Conat ; mais il ne tarda pas à donner la démission de son office.

Archives des Pyr.-Or. B. 296, 299, 302, 342, 357, 407 - Moreri, Dictionnaire historique. - Fossa, Mémoire pour l'ordre des avocats. - De Bonnefoy, Epigraphie roussillonnaise. - De Gazanyola, Histoire de Roussillon.