Jean Rosembach (XVe-XVIe s.)

Prêtre, imprimeur. Il naquit à Heidelberg (Allemagne) à une date qu'on ne peut préciser, à cause de l'incendie qui dévora les archives de cette ville en 1693.

D'après Hurtebize et autres historiographes de l'imprimerie en Catalogne, Rosembach aurait imprimé à Barcelone un bréviaire sans date auquel Blanc, dans l'archiépiscopologie de cet archidiocèse, donne la date de 1483. En 1490, il termina à Valence un livre intitulé : Tirant lo blanch, qu'y avait commencé Spindeler. En 1491, Rosembach règla ses comptes avec des clients de Saragosse et de Pampelune : «Le27 avril 1491, Jean Paris, imprimeur de livres, donne procuration à Nicolas Zimmerlin, son serviteur (employé) pour régler ses comptes avec Jean Rosembach. imprimeur de Valence, et pour retirer d'entre ses mains les livres qu'il détient : «levandum,percipiendum et exigendum a Magistro Johanne Rosembach, impressatore Valencie magne, omnes res, libros et summas, etc.» avec Pierre Vrerdet, presbitero habitatore Panrpelone», et enfin avec Denis de la Roche, habitant de Saragosse «a Donitio de la Rocha habitatore de Saragosse». (Etude sur l'origine et la propagation de l'Imprimerie à Toulouse au XVe siècle. Communication de M. Macary au comité des Travaux historiques et scientifiques, Bulletin de 1898, pages 242 et suivantes).

M. Claudin, l'auteur distingué des Origines de l'Imprimerie en France, ouvrage monumental destiné à l'Exposition Universelle de 1900, pense que Rosembach pourrait bien être l'imprimeur du Bréviaire de Narbonne, sorti en 1491 du cloître de Saint-Just. En 1493, dit encore M. Hurtebize, «Rosembach quitte Valence où il vend son atelier et il se rend à Barcelone où ses travaux jouissaient d'une telle réputation qu'il fut, durant sept ans, l'imprimeur le plus en faveur à cause du soin extrême qu'il donnait à ses oeuvres». Rosembach imprima à Barcelone, en 1493, d'ordre de Jean Margarit, évêque de Gérone, un Missel qui fut réprouvé, mais conservé comme monument de l'art. En 1494, il imprima à Barcelone le Llibre dels Angels, en catalan, de Mgr Ximenez, évêque d'Elne, ouvrage qui a été imprimé : en latin, à Genève, en 1478 ; en français, à Genève, en 1478 ; en espagnol, à Burgos, en 1498, 1516, 1527, et en catalan à Barcelone, en 1495, avec le nom de Pere Miquel. En 1495, il imprima le Llibre de les dones, du même auteur, traduit aussi et publié plusieurs fois. Ce livre a été également copié à la main par le colonel Puiggari en 1881 et par l'abbé Jalabert, de la Réal, en 1888. La première copie surtout est une merveille par la finesse des dessins qui ornent les initiales. Rosembach a encore fait sortir de ses presses : Franciscus Niger, de modo epistolandi, 18 sept. 1493 ; Constitutions de Cathalunya, 30 mai 1494 ; Historia e conquestes dels comtes de Barcelona y reis d'Arago, 4 juin 1495 ; P. Aelii Donati in sex P. Torenti afri comisediis interpretatio, 17 mars 1498 ; et quelques autres de peu d'importance.

Ce fut à cette époque, c'est-à-dire vers le milieu de l'année 1498, que Rosembach importa l'imprimerie à Tarragone. Dans cette ville, il a imprimé deux ouvrages importants : Liber hymnorum, 18 sept. 1498 ; Missale ecclesie Tarraconensis, 26 juin 1499. Après cette impression, Rosembach vint à Perpignan. Un fait qui peut avoir une très grande importance, c'est le décès ab intestat à Perpignan, en 1499, d'un imprimeur nommé Jean Valdes, qui avait imprimé à Gérone. Est-ce un ouvrier de Rosembach ou avait-il entrepris pour son compte une oeuvre que Rosembach dut continuer ? Nous savons seulement que celui-ci imprima, en 1500, le Bréviaire d'Elne dont un bel exemplaire sur velin, le seul qui existe, est conservé à la bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris. C'est un don fait par Mgr Le Tellier, archevêque de Reims. En voici le titre avec ses abréviations : Breviarium Elnense. Incipit breviarium secudu // usum Elne. Ad honorem san//ctissime trinitatis. Et Beatis//sime virginis Marie, sanctis//simarumq. virginu ac mrm // Eulalie et Julie. Ce bréviaire est imprimé sur deux colonnes de 35 lignes chacune, format in-8°, caractères gothiques, sans réclames, avec signatures. Il contient 472 feuillets chiffrés plus 28 feuillets non chiffrés, destinés aux offices particuliers. Au recto, 2e colonne du 218e feuillet de la troisième partie, on lit cette inscription en rouge : Ad honore e gloria sanctis//me (sic) individue trinitatis... Breviari//um ad usum elnesu ecclesie // optime ordinatu ad diligetu cu//ra castigatu :... impressa sunt felici//ter ppniani per Joanem Ro//sembach Germanu de Handelberg anno incarnationis do//minice millesimo // MCCCCC. A la fin la marque de l'imprimeur petit format (il en avait plusieurs). La première et la dernière page de ce précieux incunable ont été reproduites dans le bel ouvrage de M. O. Thierry-Poux, Premiers Monuments de l'imprimerie en France au XVe siècle.

Rosembach imprima d'autres livres à Perpignan à cette époque. M. P. Deschamps, dans son Dictionnaire de géographie ancienne et moderne à l'usage du libraire et de l'amateur de livres (Paris, Didot, 1870), colonne 1013, cite d'après Gallardo, un Vocabularius catalan y aleman, in-8° à deux colonnes, qui aurait été imprimé en 1502 avec les caractères du Breviarium Elnense. Avec la date de 1503, il existe un volume imprimé à Perpignan par Rosembach, appartenant à la bibliothèque particulière de M. Claudia, 16 rue Dauphine à Paris, qui a bien voulu nous endonner le titre : «La cirurgia del reverend e meritissim doctor en arts e en medicina lo reverend Mestre Pere de Argilata loqual estat traduit de lati en lengua vulgar cathalana per lo venerabile en Narcissola batxeler en arts e en medecina cirurgia cuilada de Barchelone, corrigit emendat per los reverendissims e meritissims doctors en arts e en medecina Mestre Francesch Servent y Mestre Alfonso de Torrelleo e Mestre Gelabert cirurgia tots de la vila de Perpinya». On lit à la fin : «Estampat ab gran diligencia en la noble vila de Perpinya per Mestre Johan Rosembach alamany a XV del mes de gener any M. D. III.» Au-dessous, la marque de Rosembach. C'est un labeur important qui ne comprend pas moins de CCC.VIII feuillets chiffrés plus 6 feuillets non chiffrés de table ; le tout-imprimé en lettres gothiques, à deux colonnes. M. Puiggari conservait dans ses dossiers une page manuscrite, copiée de cet ouvrage. M. P. Deschamps cite encore un autre ouvrage imprimé à Perpignan : Tomas de Perpinya, del estilo de escribir a cualquier persona (en catalan), junii 1510, in-4° ; mais cette date ou le lieu d'impression soulèvent quelques doutes, car Rosembach imprimait en 1509, à Barcelone, un Missel de Tarragone, et en 1510, le 20 avril, la Recollecta de tots los privilegis, provisions, pragmatiques e ordinacions de la fidelissima vila de Perpinya, qu'on appelle communément la Rigaudina, du nom de son auteur Rigaud. Cet ouvrage comprend en tout 99 feuillets chiffrés en 198 pages, est imprimé sur une seule colonne, en lettres gothiques, avec initiales et notes marginales. Au milieu du livre se trouve un titre imprimé en rouge : Taula dels estils de la Cort del veguer de Rossello e de Vallespir. à la première page, au-dessous du titre, sont les armes de la ville dont le dessin est le plus ancien connu. C'est certainement une planche xylographique exécutée par Rosembach lui-même. A la fin on lit : «A lahor e gloria de Nostre Senyor Deu Jesu Christ fonch acabada la present obra appellada Recollecta de tots los privilegis provisions pragmatiques e ordinacions de la fidelissima vila de Perpgnya estampada en la insigne ciutat de Barcelone per Mestre Johan Rosembach alemany a XXIIII del mes de abril Mil DX».

En 1511, Rosembach imprima à Barcelone le Missel d'Elne, dont un exemplaire se trouve actuellement aux archives des Pyrénées-Orientales. En 15l6, il imprima aussi à Barcelone un livre dont il ne subsiste probablement que l'exemplaire trouvé dans la bibliothèque du colonel Puiggari : MATUTINE BEATE MA//RIE VIRGINIS SECUN//DUM ELNENSIS // DIOCESIS. C'est un livre de petite dimension comme les paroissiens modernes ; il mesure : le papier 97 x 70 millimètres, et le texte 73 x 45 millimètres ; il y a de nombreuses gravures, les unes occupant toute la page et d'autres, plus petites, remplissant environ la moitié de la hauteur et la moitié de la largeur du texte. Elles sont assez grossièrement faites. A la fin on lit, imprimé en rouge, le nom et la ville en noir : «Officiuz beatissime Virginis Marie ad usum elnensis diocesis missa eiusde : officium mortuor : septem psalmi penitentiales : officiu sancte crucis et sancti spirit : plures orationes devotissima : tam post kalendarium, q. in fine finiunt feliciter. Impressum Barcinone per Magistrum Joannem Rosembach, alemanus, anno salutis M. D. XV1. Die XXII mensis februarii.» (Sans marque).

En 1518, Rosembach vint diriger l'imprimerie que les religieux de Montserrat avaient établie pour leurs besoins dans le couvent. Parmi les nombreux travaux sortis de ses mains, on cite la gravure d'une belle image de la Vierge, ce qui prouverait que Rosembach s'occupait aussi de gravure sur bois. Il quitta le monastère vers 1522 et retourna à Barcelone. En 1530 il imprima de nouveau le missel de Tarragone ; c'est probablement sa dernière oeuvre.

Comet, Rosembach, étude sur les origines de l'Imprimerie à Perpignan, dans le XXXVIIe Bulletin de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales.