AREA

D'après le sens primitif du mot, place vide où l'on pouvait bâtir (Varro, L.L. V, 38 ; Horat. Epist. I, 10, 13) ; par extension, emplacement sur lequel s'élevait une maison qui avait été jetée par terre (Liv. IV, 16). On a ensuite donné à ce mot les sens particuliers qui suivent :

  1. Large espace découvert dans une ville : ce qu'on appelle en français place, en italien piazza, et en anglais parade ; on le laissait libre ; on n'y élevait point d'édifices, pour qu'il pût servir aux exercices et aux divertissements du peuple (Vitruv. I, 7, 1 ; Horat. Od. I, 9, 18). Ces areae étaient souvent embellies par des statues et des oeuvres d'art, quelquefois entourées par des poteaux et des grilles pour en déterminer l'étendue et empêcher les particuliers de bâtir sur un terrain public (Inscript. ap. Bellori, Fragm. Urb. Rom. p.70) ; et de plus, pour empêcher toutes les tentatives d'empiètement, elles étaient consacrées à quelque divinité qui avait un autel élevé au centre.

On les distinguait l'une de l'autre par le nom de la divinité sous la protection de laquelle elles étaient placées, comme l'area de Mercure, l'area de Pollux, l'area d'Apollon ; cette dernière est représentée, dans la gravure, d'après un ancien plan de Rome en marbre, conservé maintenant au Capitole, mais qui dans l'origine formait le pavé du temple de Romulus et Rémus. L'autel, auquel on montait de chaque côté par un étage d'escaliers, se voit au centre ; l'espace découvert qui l'entoure est assez apparent, et on en peut deviner l'étendue en complétant l'inscription mutilée, qui était AREA APOLLINIS.

  1. L'espace découvert au-devant d'une maison romaine, d'un temple ou d'un autre édifice, qui forme l'aire du vestibule (vestibulum : Plin. Paneg. 52, 3 ; Inscript. ap. Nardini, Rom. Ant. III, 4), comme dans la figure ci-jointe, tirée d'une ancienne peinture qui contenait quelques-uns des principaux édifices de Rome ; on y voit l'area entre les deux ailes en saillie au-devant de l'édifice.


  1. Espace découvert au-devant d'un cimetière, autour duquel étaient rangées les tombes et qui servait d'ustrinum. On y élevait les bûchers et on y brûlait les corps (Stat. Theb. VI, 57 ; Tertull. ad Scapul. 3 ; Marini, Inscriz. Alb. p.118). La figure ci-jointe représente une area de ce genre, avec des sépultures élevées à l'entour ; on la trouva dans les fouilles de la villa Corsini, à Rome.
  1. (ἀλωή). Aire, ou plus exactement surface circulaire et plate, en plein air, pavée de cailloux, puis recouverte d'argile ou de craie et nivelée au cylindre ; le blé y était détaché des épis par le bétail qu'on y faisait tourner (Virg. G. I, 178 ; Horat. Sat. I, 1, 45 ; Cato, Columell. Pallad.) : mode de battre le blé communément adopté en Egypte, en Grèce et en Italie, même aujourd'hui, et clairement expliqué par la gravure, prise d'une tombe égyptienne.
  1. Espace carré découvert entre les deux côtés d'un filet à glace quand ils sont étendus sur le sol ; c'est là que le chasseur jetait sa graine pour inviter les oiseaux à y descendre (Plaut. Asin. I, 3, 64).
  1. Planche ou bordure dans un parterre ou un potager (Columell. XI, 3, 13 ; Pallad. I, 34, 7).
  1. Dans Martial (X, 24, 9), ce mot semble désigner les courses du cirque : area serait alors l'espace autour duquel couraient les chaiots et qu'on appelait plus communément spatium ; mais la leçon est douteuse.

Illustration complémentaire

Area située devant le Capitole de Sbeitla (Tunisie), 2001

© Agnès Vinas