Nous n'exposons ici que les formes légales de l'affranchissement. Nous renvoyons pour tout le reste à l'article Libertus. Sous la République il y avait trois formes d'affranchissement, per vindictam, censu, testamento.

  1. Per vindictam. Ce mode a lieu devant le préteur ; il s'explique par l'imitation de la procédure des legis actiones, et des formalités de la revendication des meubles et des immeubles.

    C'est la fiction d'un procès de ce genre : le maître comparaît devant le préteur avec l'esclave qui, étant incapable d'agir en justice, est représenté par l'assertor libertatis qui joue le rôle de demandeur ; le maître ne se défendant pas, le magistrat est censé constater la liberté. Quand les legis actiones furent remplacées par la procédure formulaire, ce mode d'affranchissement fut rangé dans la classe des actes de juridiction gracieuse ; le procès ne fut qu'un simulacre ; un licteur représente l'assertor libertatis ; il est nécessaire au moins jusqu'à l'époque d'Ulpien. Le maître touche l'esclave de la verge (vindicta ou fistuca) en disant : «Hunc hominem ex jure Quiritium liberum esse volo», puis il lui donne un léger soufflet et le fait tourner sur lui-même. Le magistrat peut procéder à cet acte de juridiction gracieuse non seulement sur son tribunal, mais partout où il se trouve ; il affranchit valablement ses esclaves par-devant lui-même ; il peut, étant tuteur, autoriser son pupille à affranchir et affranchir lui-même ; le gouverneur de province peut affranchir avant d'être arrivé dans son district ; mais, en dehors de Rome, il ne peut déléguer le droit d'affranchir à son légat.



  2. Censu. Il suffit que le maître fasse inscrire son esclave comme libre pendant les opérations du dénombrement ; le censeur constate ainsi la liberté. L'acte n'est valable qu'après la cérémonie du lustrum. Avait-il un effet rétroactif depuis le jour de la déclaration ? Il y avait controverse sur ce points.

  3. Testamento, par testament. C'est le mode le plus usité. Il n'y a sous la République aucune restriction légale au droit du testateur. Quand le testament est valable, il ne semble pas qu'il y ait de formalité spéciale pour confirmer l'affranchissement.

Ces trois formes légales d'affranchissement subsistent sous l'Empire. Au début du IVe siècle, le mode per vindictam ne paraît plus guère être qu'une déclaration devant le magistrat, et les licteurs jouent le rôle d'huissiers. L'affranchissement par le cens, quoique de plus en plus rare, paraît avoir duré théoriquement jusqu'à l'époque de Paul et d'Ulpien ; mais après Domitien, le dernier des empereurs qui ait exercé les fonctions de censeur, nous ne savons pas quelle procédure on aurait pu employer. Il est difficile de déterminer le sens précis de l'affranchissement sacrorum causa : le maître affranchit l'esclave sans l'intervention du magistrat, en le cédant à un temple et en s'engageant à payer dix livres d'or s'il abandonne jamais les sacra, le service du dieu. C'est sans doute un affranchissement primitif, sans forme légale. Au Bas-Empire apparaît l'affranchissement dans l'église, manumissio in ecclesia. Nous trouvons en outre sous la République des affranchissements d'esclaves publics. Il fallait sans doute l'assentiment du Sénat, qu'on voit souvent pourvoir à l'achat et à l'affranchissement d'esclaves qui avaient dénoncé des crimes. Mais nous ne savons pas au juste quels magistrats devaient accomplir les formalités. Sylla affranchit, en qualité de dictateur, plus de dix mille esclaves devenus propriété de l'Etat avec les biens des proscrits. Dans la deuxième guerre punique, un proconsul affranchit à l'armée les esclaves utilisés comme légionnaires ; le magistrat a pu employer la vindicta ou se contenter d'une simple déclaration. Sous l'Empire, ces affranchissements d'esclaves publics ont presque entièrement disparu, et, en tout cas, relèvent de l'empereur.


Article de Ch. Lécrivain