[Rome, 12 janvier 49 av. JC]

CICERON ET SON FILS, TERENTIA ET TULLIA, QUINTUS ET SON FILS, A TIRON.

Il n'est lieu où vos bons services ne me fassent faute. C'est pour vous cependant et non pour moi que votre état de santé m'afflige. Mais puisque voilà la maladie devenue fièvre quarte (c'est ce que m'écrit Curius), j'espère qu'avec des soins vous ne vous en trouverez que mieux après. Seulement, soyez aimable, mon cher Tiron, et ne songez quant à présent qu'à vous rétablir tout à votre aise. Je sais que l'impatience vous consume ; mais une fois bien portant, tout vous deviendra facile. Point de précipitation, je vous le défends. Le mal de mer peut avoir des effets graves pour un malade, et toute traversée est dangereuse en hiver. - Je suis entré à Rome la veille des nones de janvier. L'affluence a été telle au-devant de moi qu'on ne saurait imaginer rien de plus flatteur. Mais je tombe au milieu des brandons de la discorde, ou plutôt de la guerre civile. Je voudrais arrêter le mal, et je crois que j'y réussirais. Mais des deux côtés, il y a des gens qui veulent se battre et les passions se mettent à la traverse. César lui-même, notre cher ami César, écrit au sénat des lettres pleines de menace et d'aigreur, et cela au moment même où il a le front de rester, en dépit du sénat, à la tête de son armée et de sa province. Et le cher Curion aussi est là qui l'excite. Enfin Antoine et Q. Cassius, sans aucune provocation, sont allés avec Curion rejoindre César. - Le sénat vient de déclarer la patrie en péril, et a chargé les consuls, les préteurs, les tribuns du peuple, et nous autres proconsuls de veiller à son salut. Depuis ce moment le danger redouble. Jamais les brouillons n'eurent un chef plus entreprenant à leur tête. De ce côté on se prépare sérieusement à se défendre, grâce au zèle et à l'autorité de Pompée qui s'y prend un peu tard à craindre César. Du milieu du brouhaha, le sénat, en fort grand nombre, n'a pas laissé de demander chaudement mon triomphe. Mais le consul Lentulus, pour se faire valoir, a dit qu'aussitôt les affaires du moment expédiées, il s'occuperait immédiatement de mon rapport. Je ne me fais pas importun et mes titres y gagnent d'autant dans l'opinion. On vient de partager l'Italie en régions de commandement. J'ai choisi Capoue. J'étais bien aise de vous mettre au courant de tous ces détails. Allons, allons, songez à votre santé et ne manquez pas une occasion de m'écrire. Adieu, adieu ; la veille des ides de janvier.


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Edition des Lettres de Cicéron - Collection des Auteurs latins de Nisard, in Oeuvres complètes de Cicéron, tome V, Paris, Firmin-Didot (1869) - Traduction de M. Defresne