[Leucade, 7 novembre 50 av.JC]

CICERON, SON FILS, SON FRERE ET SON NEVEU, A TIRON.

La lecture de votre lettre m'a fait éprouver des sensations bien diverses. La première page m'a tout bouleversé ; la seconde m'a un peu remis. Je vois à présent que vous ne vous mettrez en route par mer ni par terre, avant d'être tout à fait rétabli. Je vous verrai toujours assez tôt, si je vous revois bien portant. Vous m'écrivez que votre médecin a votre confiance, et l'on en dit du bien. Cependant je n'approuve pas en tout son régime. Le bouillon ne va pas à un estomac malade. Je ne laisse pas de lui écrire avec tout plein d'égards, ainsi qu'à Lyson. - J'écris aussi une longue lettre à Curius, homme charmant, plein d'obligeance, d'une bonté infinie. Je l'engage notamment à vous prendre chez lui, si bon vous semble. A vrai dire, je crains que Lyson ne soit un peu négligent ; d'abord parce que tous les Grecs le sont ; puis parce qu'il ne répond pas à mes lettres. Mais vous m'en faites l'éloge ; c'est à vous de décider ce qui convient le mieux. La seule chose que j'exige de vous, mon cher Tiron, c'est de ne pas regarder à la dépense pour votre santé. J'ai mandé à Curius de vous donner tout ce que vous demanderiez. Mon avis est qu'il faut aussi faire un présent au médecin, pour stimuler son zèle. - Vous m'avez rendu d'innombrables services dans mon intérieur, au forum, à la ville, dans ma province, pour mes affaires particulières, pour les affaires publiques, pour mes études, pour ma correspondance. Eh bien ! revenez-moi aussi vaillant que je l'espère, et je vous en saurai plus de gré que de tout ce que vous avez fait pour moi. Je crois qu'une fois rétabli vous ne sauriez mieux faire que de partir avec mon questeur Mescinius. C'est un assez aimable homme, et il m'a paru vous aimer beaucoup ; mais consultez bien votre force, mon cher Tiron, avant de songer à vous mettre en mer. Ne précipitez rien, je vous le défends. Je n'ai qu'un souci, votre santé. - Soyez-en persuadé, qui m'aime vous aime, et si votre santé nous préoccupe vous et moi, le nombre est grand de ceux qui s'y intéressent. D'ailleurs jusqu'ici vous n'avez voulu faire trêve aucune à votre assiduité près de moi, et votre guérison en a souffert. Rien ne vous gêne aujourd'hui, laissez tout soin de côté. N'en ayez que de votre personne. Je jugerai de vos sentiments par l'attention que vous mettrez à votre santé. Adieu, mon cher Tiron. Adieu, adieu et portez-vous bien. Lepta vous envoie mille bonjours, et tout le monde.


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Edition des Lettres de Cicéron - Collection des Auteurs latins de Nisard, in Oeuvres complètes de Cicéron, tome V, Paris, Firmin-Didot (1869) - Traduction de M. Defresne