VII, 5 - L'Illyrie

Carte Spruner (1865)

1. Il nous reste à présent, pour compléter la description de l'Europe, à parcourir cette autre contrée qui, située en deçà du même fleuve, et enveloppée sans interruption par la mer depuis le fond de l'Adriatique jusqu'à l'Hierostoma ou Bouche-Sacrée de l'Ister, comprend non seulement la Grèce, la Macédoine et l'Epire, mais, plus haut vers l'Ister, dans la partie qui forme le double versant du Pont-Euxin et de l'Adriatique, l'Illyrie et la Thrace, l'Illyrie du côté de l'Adriatique, et la Thrace (avec les possessions des Scythes et des Celtes qui s'y trouvent enclavées) du côté opposé jusqu'à la Propontide et à l'Hellespont. Or, il convient de commencer à partir de l'Ister et de décrire en premier les pays qui font suite immédiatement à ceux que nous venons de parcourir, autrement dit les pays qui confinent à l'Italie, aux Alpes et aux possessions des Germains, des Daces et des Gètes. On pourrait, du reste, partager aussi cette contrée en deux régions distinctes, car, les montagnes de l'Illyrie, de la Paeonie et de la Thrace étant à peu près parallèles au cours de 1'Ister et formant en quelque sorte une seule et même ligne de l'Adriatique au Pont, on se trouve avoir au nord de cette ligne tout le pays compris entre l'Ister et les montagnes, et au midi toute la Grèce avec les pays barbares qui s'étendent depuis ses frontières jusqu'au pied de la même chaîne. Du côté du Pont-Euxin c'est le mont Haemus qui s'élève, et cette chaîne qui coupe la Thrace à peu près par le milieu est de toutes les montagnes de la contrée assurément la plus importante et la plus haute. Mais quand Polybe prétend que de son sommet l'on aperçoit à la fois les deux mers, il ne dit pas la vérité, la distance jusqu'à l'Adriatique est trop grande pour qu'il en soit ainsi, sans compter qu'il ne manque pas d'obstacles dans l'intervalle capables de gêner la vue : ainsi, indépendamment de l'Ardie presque tout entière dans le voisinage même de l'Adriatique, il y a, à moitié chemin, la Paeonie, autre pays fort élevé, et qui se trouve en outre borné, du côté de la Thrace, par le Rhodope, la plus haute montagne après l'Haemus, et du côté opposé, du côté du Nord, par les monts d'Illyrie, le pays des Autariates et la Dardanie.

Cela dit, commençons par l'Illyrie, et, en Illyrie, décrivons d'abord le pays attenant à la fois à l'Ister et à la section des Alpes qui part de ce grand lac contigu au triple territoire des Vindéliciens, des Rhétiens et des Toygènes, pour former la séparation de l'Italie et de la Germanie.

2. Une partie de cette première région est demeurée toute dévastée à la suite de la guerre dans laquelle les Daces exterminèrent les Boïens et les Taurisques, nations celtiques, alors gouvernées par Critasir. Les Daces revendiquaient ce pays comme leur appartenant, bien qu'ils en fussent séparés par le cours du Pathissus, rivière qui descend des montagnes et va se jeter dans l'Ister chez les Gaulois Scordisques. Ce peuple, en effet, comme les Boïens et les Taurisques, s'est établi dès longtemps au milieu des populations illyriennes et thraces ; mais, tandis que les Daces ont exterminé ses frères, il a, lui, souvent combattu pour la cause des Daces. Le reste du pays, autrement dit ce qui se prolonge dans la direction du N. E. jusqu'à Segestica et au cours de l'Ister, est occupé par les Pannoniens, [mais ne forme que la moindre partie du territoire de ce peuple,] lequel s'étend davantage dans les autres directions. Segestica, ville pannonienne, est située au confluent de plusieurs rivières toutes navigables et peut servir avantageusement de place d'armes et de position offensive contre les Daces, car elle se trouve adossée pour ainsi dire à l'extrémité de la chaîne des Alpes, laquelle vient finir chez les Iapodes, nation semi-celtique, semi-illyrienne, sans compter qu'il descend de cette partie de la chaîne un grand nombre de cours d'eau qui peuvent transporter jusque dans ses murs les marchandises de différents pays et notamment celles d'Italie. D'Aquila à Nauport, en franchissant l'Ocra, on compte 350 stades (d'autres disent 500), et les plus lourds chariots peuvent venir par cette route jusqu'à Nauport même, ancien établissement des Taurisques.

L'Ocra, comme on sait, est le point le plus bas de la section des Alpes comprise entre la Rhétie et le pays des Iapodes, où les montagnes, au contraire, recommencent à s'élever et prennent le nom de Monts Albiens.

Une autre route partant de Tergeste, gros bourg du pays des Carnes, franchit de même l'Ocra, mais pour aboutir au marais Lugeum. En outre, tout près de Nauport passe le Corcoras, et cette rivière recevant les marchandises amenées jusqu'à Nauport va se jeter dans le Save, affluent du Drave, qui tombe lui-même dans le Noare à Segestica. Or, le Noare, qui devient là justement navigable, va à son tour se réunir au Danube chez les Scordisques, après s'être encore grossi du Calapis, rivière qui descend du mont Albius et traverse tout le territoire des Iapodes. J'ajoute que le courant de ces différents fleuves porte droit au N. Quant à la distance de Tergeste au Danube, elle est de 1200 stades environ. Dans le voisinage de Segestica, et sur la route d'Italie, se trouve, avec Sirmium, une autre forteresse appelée Siscia. 3. En fait de peuples, la Pannonie renferme les Breuques, les Andizétiens, les Ditions, les Pirustes, les Mazaeens et les Daesitiates qui eurent Baton pour chef, sans compter d'autres peuplades plus obscures qui s'étendent au S. jusqu'à la Dalmatie, si ce n'est même jusqu'à l'Ardie. Mais toute la côte montagneuse, qui se prolonge depuis le fond de l'Adriatique jusqu'au golfe Rhizonique et au territoire des Ardixens, [forme une région distincte] comprise entre la mer et la Pannonie. A la rigueur même, c'est de là, c'est du fond de l'Adriatique que nous devons reprendre la description du littoral et faire partir la côte d'Illyrie. Nous reproduirons donc ici quelques lignes qu'on a déjà lues plus haut. Nous disions, en effet, en décrivant la côte d'Italie, que les Istriens sont un peuple limitrophe à la fois des Italiens et des Carnes, et qu'avec eux commence, en réalité, le littoral illyrien, mais qu'il a plu actuellement aux Empereurs de reculer les bornes de l'Italie jusqu'à la ville istrienne de Polae : or, il y a 800 stades environ du fond du golfe Adriatique à Polae, juste autant que lorsqu'on traverse de la pointe de Polae à Ancône, en laissant à droite la Vénétie. Quant à la longueur totale de la côte d'Istrie, elle est de 1300 stades.

4. Suit, sur une longueur de 1000 stades, la côte Iapodique, ainsi nommée des Iapodes, lesquels habitent aux environs de l'Albius (très haute montagne située tout au bout de la chaîne des Alpes) et s'étendent, d'une part, jusqu'à la Pannonie et à l'Ister, et, de l'autre, jusqu'à l'Adriatique. Les Iapodes ont été de tout temps passionnés pour la guerre ; Auguste, cependant, a fini par les réduire complètement. Leur pays contient quelques villes, Metulum, Arupini, Monetium et Vendôn ; mais le sol y est pauvre et ne produit guère pour les nourrir que de l'épeautre et du millet. Ils ont la même façon de s'armer que les Celtes, et, avec cela, l'habitude de se tatouer commune à tous les peuples illyriens et thraces. A la côte des Iapodes succède celle des Liburnes, plus longue que la précédente de [500] stades. On y remarque un fleuve et une ville ; par le fleuve, les marchandises peuvent remonter jusqu'au coeur de la Dalmatie. Quant à la ville, elle se nomme Scardôn, et peut être considérée comme la capitale des Liburnes.

5. Tout le littoral que je viens de décrire est bordé d'îles ; c'est ]à que se trouvent les Apsyrtides, d'abord, dans les parages desquelles la fable nous montre Médée égorgeant son frère Apsyrte qui la poursuivait ; puis Cyrictique, à la hauteur du pays des Iapodes ; et, après Cyrictique, les Liburnides, au nombre de quarante environ, et d'autres îles encore parmi lesquelles les plus connues sont Issa, Tragurium, colonie d'Issa, et Pharos, ou, comme on l'appelait anciennement, Paros, colonie parienne et patrie de Démétrius dit de Pharos.

Vient ensuite la côte de Dalmatie, avec la ville de Salôn, principal port ou arsenal des Dalmates. Ce peuple est de ceux qui se maintinrent si longtemps contre les armées romaines. Il possédait une cinquantaine de places plus ou moins importantes et, dans le nombre, de véritables villes, telles que Salôn, Priamôn, Ninia, l'ancien et le nouveau Sinotium ; mais Auguste les a brûlées toutes. Nommons encore Andetrium, position naturellement très forte, et Dalmium, ville naguère considérable, qui même avait donné son nom à la nation, mais qui s'est trouvée réduite à rien, du jour où Nasica, pour punir l'avarice de ses habitants, eut fait de la plaine environnante un vague pâturage. Les Dalmates ont une coutume qui leur est propre, c'est de faire tous les huit ans un nouveau partage de leurs terres. Quant à leur habitude de se passer de monnaie, elle peut bien les distinguer des autres populations du littoral, mais elle leur est commune avec mainte nation barbare. La Dalmatie est divisée par le mont Adrius en deux parties égales, tournées l'une vers la mer et l'autre à l'opposite.

La côte nous offre ensuite le fleuve Narôn, et, dans son voisinage,les Daorizes, les Ardiaeens et les Pléraeens, ceux-ci en face de l'île qu'on appelle Melena-Corcyra ou Corcyre-la-Noire et de la ville de même nom qu'y ont bâtie les Cnidiens, et les Ardiaeens à la hauteur de l'île Pharos, nommée, avons-nous dit, primitivement Paros, en souvenir des Pariens, ses premiers colons.

6. Les Ardiaeens, du reste, ont échangé leur nom plus tard contre celui de Vardaeens, et, comme ils infestaient ces parages de leurs pirateries, les Romains les ont peu à peu refoulés loin de la mer dans l'intérieur, les réduisant ainsi à se faire agriculteurs. Mais ils n'ont trouvé là qu'un sol âpre et pauvre, peu susceptible, par conséquent, de culture, et ils ont commencé à dépérir, si bien qu'aujourd'hui la nation est presque complètement éteinte. Tel a été le sort, comme on sait, de beaucoup d'autres peuples de ces contrées, naguère encore puissants et forts, et qui actuellement sont tout à fait déchus et comme anéantis, témoins les Boïens et les Scordistes parmi les Gaulois ; les Autariates, les Ardiaeens et les Dardaniens parmi les populations illyriennes ; et les Triballes parmi les Thraces, tous peuples qui ont commencé par s'affaiblir les uns les autres, et que les Macédoniens et les Romains ont achevé d'écraser.

7. Au bout de la côte occupée par les Ardiaeens et les Pléraeens, est le golfe Rhizonique, avec la ville de Rhizôn, d'autres villes plus petites et l'embouchure du Drilôn, fleuve dont on peut remonter le cours dans la direction de l'E. jusqu'à la Dardanie. La Dardanie, à son tour, se trouve bornée au midi par la Macédoine et la Paeonie, de même que les possessions des Autariates, des Dassarétiens [et des Agrianes], qui contiguës les unes aux autres sur certains points touchent par ailleurs à la Dardanie. A ce même pays se rattachent les Galabriens, qui possèdent une ville fort ancienne, et les Thunates, qui confinent du côté de l'E. aux Mordes, l'un des peuples de la Thrace. Bien qu'ils aient des moeurs complètement sauvages, à en juger par leurs habitations, sorte de tanières creusées dans le fumier, les Dardaniens ont de tout temps cultivé la musique et fait usage d'instruments à vent et à cordes. - Mais ce peuple habite déjà dans l'intérieur des terres et nous aurons plus loin l'occasion d'en reparler.

8. Après le golfe Rhizonique, on voit se succéder sur la côte la ville de Lissus, Acrolissus et Epidamne, colonie de Corcyre, appelée aujourd'hui Dyrrhachium du nom de la presqu'île sur laquelle elle est bâtie. Puis vient le fleuve Apsus, bientôt suivi de l'Aoüs, dans le voisinage duquel s'élève la ville d'Apollonie, si renommée pour la sagesse de ses lois, et bâtie par une colonie de Corinthiens et de Corcyréens à 10 stades du fleuve et à 60 stades de la mer. Hécatée appelle l'Aoüs Aeas et il prétend que de la même source aux environs du Lacmus, du même abîme pour mieux dire, sortent l'Inachus et l'Aeas, pour couler ensuite, le premier au midi dans la direction d'Argos, et le second au couchant vers l'Adriatique. Les Apolloniates ont dans leur territoire un nymphaeum : c'est un rocher qui vomit du feu et du pied duquel s'échappent des sources d'eau tiède et d'asphalte, provenant apparemment de la combustion du sol, qui est bitumineux, comme l'atteste la présence sur une colline ici auprès d'une mine d'asphalte. Cette mine répare au fur et à mesure ses pertes, la terre qu'on jette dans les excavations pour les combler se changeant elle-même en bitume, au dire de Posidonius. Le même auteur parle d'une autre terre bitumineuse, l'ampelitis, qu'on extrait d'une mine aux environs de Séleucie du Pierius et qui sert de préservatif contre l'insecte qui attaque la vigne : on n'a qu'à frotter la vigne malade avec un mélange de terre et d'huile, et cela suffit pour tuer la bête avant qu'elle ait pu monter de la racine aux bourgeons. Posidonius ajoute que, du temps qu'il était prytane à Rhodes, on y trouva une terre toute pareille, mais qui exigeait une dose plus forte d'huile.

A Apollonie succèdent Bylliacé, d'abord, puis Oricum, avec son port appelé Panorme, et les monts Cérauniens, où commence le canal, qui sert d'entrée au golfe Ionien et à l'Adriatique.

9. Ces deux golfes ont en effet la même entrée, mais, pour les distinguer, on est convenu d'appeler du nom de golfe Ionien la partie antérieure de la mer et du nom d'Adriatique (lequel s'est du reste étendu aujourd'hui à la mer tout entière) la partie intérieure jusqu'au fond. Le premier de ces noms, suivant Théopompe, serait celui d'un ancien chef de la contrée, originaire d'Issa ; et l'on aurait emprunté l'autre au fleuve Adrias. - De la Liburnie aux monts Cérauniens la distance est d'un peu plus de 2000 stades. Théopompe, lui, évalue à six journées de navigation la longueur totale de l'Adriatique depuis le fond même du golfe ; mais il compte en même temps jusqu'à trente journées de marche pour la longueur de la côte d'Illyrie, ce qui me paraît singulièrement exagéré. Ce n'est pas du reste la seule invraisemblance que contienne ce passage de Théopompe ; ainsi, il suppose une communication entre les deux mers au moyen de conduits souterrains sur ce qu'on aurait trouvé des vases de Chies et de Thasos dans le lit du Narôn ; il affirme aussi que du sommet de telle montagne on aperçoit les deux mers à la fois, que la plus petite des îles Liburnides a 500 stades de circonférence, qu'enfin l'Ister par une de ses branches débouche dans l'Adriatique. Or ce sont là des erreurs comme il y en a plus d'une aussi dans Eratosthène, des erreurs populaires ou laodogmatiques, pour nous servir de l'expression que Polybe a employée dans le livre où il traite de cet auteur et des autres historiens.

10. Les parages de l'Illyrie, tant la côte de terre ferme que les îles qui l'avoisinent, abondent en excellents ports et contrastent à cet égard avec la côte d'Italie, située vis-à-vis, qui en est complètement dépourvue. En revanche des deux côtés l'exposition est aussi belle et le sol aussi fertile. On n'y rencontre en effet partout que plantations d'oliviers et riches vignobles, si ce n'est dans quelques rares cantons absolument stériles. Telle qu'elle est, la côte d'Illyrie n'en est pas moins toujours restée négligée des anciens, ce qui peut tenir à l'ignorance où ils étaient de ses ressources, mais ce qui s'explique mieux encore par la férocité des indigènes et par leurs habitudes de piraterie. En revanche, le pays au-dessus de la côte est montagneux et froid ; il y neige souvent, surtout dans la partie septentrionale, et il s'ensuit que la vigne y est rare, et rare aussi bien sur les terrains en pente que dans les terrains unis. Ce sont là les plateaux de la Pannonie : ils se prolongent au midi jusqu'à la Dalmatie et à l'Ardie, s'arrêtent du côté du N. au cours même de l'Ister et confinent vers l'E. aux possessions des Scordisques, j'entends à la portion qui borde les montagnes de la Macédoine et de la Thrace.

11. Les Autariates furent longtemps le peuple le plus nombreux et le plus vaillant de l'Illyrie ; ils étaient autrefois perpétuellement en guerre avec les Ardiaeens au sujet d'une saline naturelle située près de la frontière commune et provenant d'eaux qui s'échappaient au printemps du fond d'une vallée voisine : on puisait de cette eau, on la laissait déposer cinq jours durant et le sel se cristallisait. Il avait été convenu que les deux peuples exploiteraient la saline chacun à son tour ; mais la convention était souvent transgressée et la guerre s'ensuivait. Le même peuple subjugua les Triballes ; et, maître une fois du territoire de ce peuple, lequel s'étendait sur un espace de quinze journées de marelle depuis le pays des Agrianes jusqu'au cours de l'Ister, il eut bientôt conquis le reste de la Thrace et de l'Illyrie ; mais il dut subir à son tour le joug des Scordisques, d'abord, et des Romains ensuite, quand l'empire si longtemps florissant des Scordisques eut été lui-même détruit par les armes des Romains.

12. La nation des Scordisques était répandue le long de l'Ister et se trouvait partagée en deux fractions, les Grands et les Petits Scordisques. Les premiers étaient compris entre deux affluents de l'Ister, le Noare, qui passe à Segestica, et le Margus, ou, comme on dit quelquefois le Bargus ; les autres habitaient au delà de cette dernière rivière et confinaient aux Triballes et aux Mysiens. Les Scordisques occupaient déjà à l'origine quelques-unes des îles [de l'Ister] ; mais, leur puissance s'étant avec le temps considérablement accrue, ils s'étaient avancés jusqu'aux montagnes de l'Illyrie, de la Paeonie et de la Thrace et avaient achevé d'occuper la plupart des îles de l'Ister. Leurs principales villes étaient Heorta et Capedunum. Aux Scordisques succèdent le long de l'Ister les Triballes et les Mysiens, peuples dont nous avons déjà parlé ; puis viennent ces marais de la Petite Scythie en deçà de l'Ister, dont il a été également question plus haut. Les Triballes et les Mysiens, ainsi que les Crobyzes et les Troglodytes, habitent au-dessus de la côte où sont les villes de Callatis, de Tomis et d'Istrus. Suivent enfin les montagnards de l'Haemus et les différents peuples qui bordent le pied de cette chaîne jusqu'au Pont, à savoir les Coralles, les Besses, une partie des Maedes et les Danthelètes. Il n'y a pas de peuples au monde qui soient plus que ceux-ci adonnés au brigandage. Les Besses, qui occupent la plus grande partie du mont Haemus, et qui ont mérité d'être appelés brigands par les brigands eux-mêmes, vivent dans de méchantes huttes de la vie la plus misérable : ils confinent d'un côté au mont Rhodope et à la Paeonie et de l'autre côté à la partie de l'Illyrie occupée par les Autariates et les Dardaniens. Entre ceux-ci, maintenant, et les Ardiatens, se trouvent les Dassarétiens, les Agrianes et d'autres peuplades obscures, dont le territoire à force d'être ravagé par les Scordisques s'est changé en désert et ne forme plus aujourd'hui qu'une forêt impénétrable de plusieurs journées d'étendue.


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