XII, 1 - Considérations gérérales sur la Cappadoce

Carte Spruner (1865)

1. [Comme la Médie et l'Arménie] la Cappadoce s'est divisée en plusieurs parties et a subi de fréquents changements. On peut dire pourtant que le nom de Cappadociens appartient surtout aux peuples parlant un seul et même idiome qui sont compris entre les limites suivantes : au midi le Taurus cilicien ; au levant l'Arménie, la Colchide, et, outre ces deux contrées, le groupe intermédiaire de peuples qui, [bien que dépendants de la Cappadoce actuelle,] parlent une langue différente de la langue cappadocienne ; au nord l'Euxin jusqu'à l'embouchure de l'Halys ; au couchant enfin la Paphlagonie et la partie de la Phrygie occupée par les Galates, laquelle s'étend jusqu'à la Lycaonie et la Cilicie Trachée.

2. Encore est-il constant que, parmi les [Cappadociens proprement dits ou] Cappadociens parlant la même langue, les Anciens distinguaient expressément les Cataoniens comme formant une nation à part, une nation différente de la nation cappadocienne, et que, quand ils énuméraient les peuples de cette partie de l'Asie, ils faisaient suivre les Cappadociens des Cataoniens, et les Cataoniens immédiatement des peuples d'au delà de l'Euphrate, considérant apparemment comme une dépendance de la Cataonie la Mélitène elle-même, laquelle se trouve située entre la Cataonie et l'Euphrate sur les confins de la Commagène et forme aujourd'hui juste un dixième de la Cappadoce par suite de la dernière division de cette contrée en dix stratégies ou préfectures. C'est ainsi, en effet, que de nos jours les rois de Cappadoce, prédécesseurs immédiats d'Archélaüs, ont jugé à propos de distribuer le territoire soumis à leur autorité. Du reste, la Cataonie, elle aussi, représente un dixième de la Cappadoce actuelle, et, comme la Mélitène, s'est toujours vu administrer de nos jours par un stratège ou préfet particulier. A vrai dire, quand on voit qu'aujourd'hui aucune différence sensible ni dans la langue ni dans les habitudes de la vie ne sépare les Cataoniens des autres populations de la Cappadoce, on peut s'étonner que les traces de leur origine étrangère se soient aussi complétement effacées, mais il n'en demeure pas moins certain qu'ainsi que nous le disions plus haut les Cataoniens avaient toujours formé une nation indép ridante, quand Ariarathe, qui le premier se fit appeler roi de Cappadoce, les réunit de force à ses sujets.

3. La Cappadoce figure proprement l'isthme d'une grande presqu'île, isthme resserré, étranglé pour mieux dire, entre deux mers, à savoir la partie de la Mer [Intérieure] qui forme le golfe d'Issus et se prolonge jusqu'à la Cilicie Trachée et la partie du Pont-Euxin qui s'étend de Sinope à la côte des Tibaréni. La presqu'île embrasse toute la région située à l'0. de la Cappadoce, laquelle n'est autre que la région en dedans de l'Halys d'Hérodote, puisqu'elle appartenait en entier au roi Crésus et qu'Hérodote appelle ce prince le tyran des nations sises en dedans de l'Halys. Aujourd'hui on se sert du nom d'Asie (qui est celui du continent tout entier) pour désigner particulièrement ce pays en dedans du Taurus, lequel comprend, en allant de l'E. à l'0., d'abord la Paphlagonie, la Phrygie et la Lycaonie, puis la Bithynie, la Mysie et la [Phrygie] Epictète, avec la Troade et l'Hellespontie auxquelles succèdent, d'une part, sur la côte, les possessions des Grecs moliens et ioniens et des Barbares Gariens et Lyciens, et, d'autre part, dans l'intérieur, les possessions de la nation lydienne. Nous parlerons plus loin de ces différents pays. [Pour le moment occupons-nous seulement de la Cappadoce.]

4. On sait que les Perses avaient divisé la Cappadoce en deux satrapies ; devenus maîtres à leur tour de cette contrée, les Macédoniens permirent bon gré mal gré qu'elle érigeât chacune de ses satrapies en royaume. La première forma le royaume proprement appelé de Cappadoce ou de Cappadoce taurique, voire même quelquefois de Grande Cappadoce, et l'autre le royaume de Pont, ou, comme on l'appelle quelquefois aussi, le royaume de Cappadoce pontique. Quelle sera désormais la division administrative de la Grande Cappadoce, nous ne saurions encore le dire, un récent décret de César et du Sénat intervenu après la mort du roi Archélaüs ayant rangé ce royaume au nombre des provinces romaines. Mais sous Archélaüs et sous les rois ses prédécesseurs, il avait été partagé en dix stratégies ou préfectures, dont cinq dans le voisinage immédiat du Taurus appelées la Mélitène, la Cataonie, la Cilicie, la Tyanitis et la Garsauritis, et cinq autres appelées la Laviansène, la Sargarausène, la Saravène, la Chamanène et la Morimène. Il s'était accru en outre ultérieurement de différents territoires que les Romains avaient démembrés de la Cilicie exprès pour les lui annexer, notamment, sous les prédécesseurs d'Archélaüs, d'une onzième préfecture composée des cantons de Gastabales et de Cybistres, lesquels s'étendaient jusqu'à Derbé, place d'armes du brigand Antipater ; et, sous le règne d'Archélaüs lui-même, du canton d'Elaeüssa dépendant de la Cilicie Trachée et en général de tout le pays connu pour avoir adhéré à la ligue des pirates.


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