Divinité romaine, symbolisant l'union politique entre les habitants d'une même région ou l'affection entre les membres d'une même race, d'une même famille. Ce double caractère implique l'idée qu'on a dû lui rendre un culte public et un culte privé.

I. Au début même de l'histoire de Rome, on trouve cette divinité sous les traits d'une Venus Cloacina ou Cluacina, qui aurait présidé à l'alliance des Romains et des Sabins sous Romulus et Tatius, et dont le sanctuaire s'élevait dans le comitium. Le premier temple lui fut consacré sous le nom de Concordia par Camille, en 387 de R. ou 367 av. JC., à la suite des dissensions nées dans la ville au sujet du droit de choisir un consul parmi les plébéiens. Il était très probablement placé derrière l'arc de Septime Sévère, sur l'emplacement où Tibère le fit reconstruire à neuf, et où l'on en voit encore les ruines. En 450 de R. ou 304 av. JC., un second temple à la Concorde était consacré par un simple édile curule, Cn. Flavius, contre le gré des patriciens et malgré les protestations du pontife Barbatus, qui prétendait qu'un consul seul ou un général avaient le droit de faire la dédicace d'un temple. Une décision unanime du peuple permit de passer outre, et le sanctuaire s'éleva sur l'area Vulcani ou Vulcanal, à une place qui dominait le forum. Nous trouvons la dédicace d'un troisième temple, faite par le consul Opimius, l'ennemi et le vainqueur de C. Gracchus, en 633 de R. ou 121 av. JC. ; on pense qu'il devait être attenant à la basilique Opimia, située au nord du forum. Enfin, au commencernent de la seconde guerre Punique, un préteur, L. Manlius, voua un quatrième temple à la Concorde, lors d'une sédition militaire en Gaule heureusement apaisée ; mais les travaux ne furent commencés que deux ans après, dans la citadelle même (in arce).

Sous l'Empire, cette divinité prend un caractère plus particulier et s'attache à la personne même de l'empereur par son titre d'Augusta. Livie, l'épouse d'Auguste, fonde, à côté du Porticus Liviae, un nouveau temple à la Concorde, dont la consécration se fêtait le 11 juin. La même Livie commençait à relever le premier temple de la Concorde, placé près de l'arc de Septime Sévère, sous le nom de Concordia Augusta ; mais elle en laissa la consécration à son fils Tibère, qui la fit en son nom propre et au nom de son frère mort Drusus, en l'an 10 ap. JC, le 16 janvier. Le portique d'Eumachia, à Pompéi, était dédié à la Concorde Auguste et à la Piété (Concordiae Augustae Pietati), c'est-à-dire à Livie et à Tibère, son fils, alors régnant.

II. Comme divinité privée, la Concorde représente chez les Romains l'affection entre parents et l'union conjugale principalement. Les femmes mariées l'honoraient en particulier dans la fête nommée Caristia ou Cara cognatio, le 22 février de chaque année. On l'invoquait aussi le 30 mars, associée à Pax, Janus et Salis, ainsi que le 1er avril, avec Venus et Fortuna virilis.

Dans la maison impériale, c'est également l'emblème de l'affection conjugale, et elle figure à ce titre sur les monnaies d'Antonin le Pieux, de Marc-Aurèle et de Commode, avec les attributs significatifs de deux mains étroitement serrées et d'une colombe. Elle personnifie même l'union fraternelle, par exemple entre deux frères que leur sanglante inimitié a rendus pourtant célèbres, Caracalla et Géta. Enfin elle est un gage, bien souvent illusoire, de la fidélité des soldats envers leur empereur, comme cette Concordia militaris que Julianus fit frapper sur ses monnaies, après l'assassinat de Pertinax.

III. Le type de la déesse, sur les anciennes monnaies romaines, est très simple. Elle a l'aspect d'une matrone imposante, la tête couverte d'un voile et surmontée d'un haut diadème ; au revers, deux mains unies lui servent aussi d'emblème. Sur une monnaie de la famille Vinicia elle est couronnée de lauriers, comme la statue que Tibère avait fait placer dans le temple consacré par ses soins, où les lauriers faisaient allusion à ses victoires sur le Rhin.

IV. En dehors de Rome, la Concorde prend également place dans le culte public ou privé des cités. Le plus souvent, comme la divinité grecque Omonoia, elle préside aux alliances des peuples ou elle personnifie la bonne entente des citoyens entre eux.

Article de E. Pottier