Le nom de lois caducaires fut donné aux célèbres lois Julia et Papia Poppaea rendues sous Auguste, pour encourager les mariages féconds et punir, au moyen de diverses déchéances testamentaires [Bona caduca], ceux qui n'avaient pas satisfait aux prescriptions légales. Les guerres civiles, l'anéantissement de la petite propriété en Italie, et surtout la corruption des moeurs, avaient singulièrement diminué la classe des citoyens ingénus. Cet appauvrissement progressif de l'antique race romaine avait beaucoup frappé l'esprit profondément politique de Jules César et d'Auguste, qui voyaient Rome se remplir d'une population hybride, formée surtout d'affranchis mal préparés par la servitude à l'exercice des droits de citoyen et d'homme libre. Auguste imagina tout un ensemble de législation, destiné à prévenir la décadence de Rome à l'intérieur. Il fallait inviter les célibataires au mariage par des peines, récompenser les patres, rendre plus difficile l'acquisition de la cité par les affranchis, et d'autre part fournir des ressources au Trésor, dont les charges étaient accrues par l'organisation d'une administration nouvelle. Enfin, il était nécessaire d'entourer les mariages de plus fortes garanties morales et pécuniaires. Une première loi Julia de maritandis ordinibus fut présentée à une époque incertaine. Suivant Heineccius et Puchta, c'est en 736 de Rome ou 18 av. JC. qu'Auguste fit une première tentative demeurée infructueuse, par suite des répugnances que lui opposaient les moeurs romaines, et surtout en présence de la résistance de la classe des chevaliers. Mais, suivant la plupart des jurisconsultesmodernes, l'échec subi par l'empereur remonterait à l'année 726 de Rome, ou 28 av. JC., époque de son sixième consulat. Les textes allégués en sens contraire par plusieurs auteurs se réfèrent à l'année 736, où la loi fut enfin adoptée. En effet, Dion Cassius prête à Octave, en 762, un langage qui fait supposer déjà une longue existence de la loi Julia, tandis que les auteurs cités en note tendent à placer l'adoption du projet seulement en l'année 757 de Rome, ou 4 ap. JC. Quoi qu'il en soit, pour obtenir enfin ce succès, l'empereur avait été obligé de concéder aux Romains une vacatio ou dispense de trois ans, suivie d'une seconde vacatio de deux années. Nous ne connaissons pas exactement, malgré les savantes recherches de J. Godefroy, de Ramos del Manzano et de Heineccius, la portée primitive de la loi Julia qui fut plus tard, comme on le verra bientôt, complétée par la loi Papia et par divers sénatus-consultes. La difficulté vient de ce que les historiens n'ont indiqué que très sommairement les effets de ces diverses lois, et que les jurisconsultes les ont étudiées comme un ensemble de législation, sous le titre unique de Lex Julia et Papia. On sait cependant que la première frappait déjà d'incapacité de recueillir (capere) les dispositions testamentaires, les célibataires (coelibes), à l'exception de certains parents (cognati) du testateur. Elle fixait un délai aux citoyens et notamment à la femme veuve ou divorcée pour se remarier, et permettait de donner au tuteur, à la femme dotis constituendae causa. En 762 de Rome, 9 ans après JC., fut rendue la loi Pappia Poppaea, ainsi désignée du nom des consuls suffecti qui en firent la rogatio, M. Papius Mutilus et A. Poppaeus Secundus, tous les deux coelibes et sans enfants.

Cette loi adoucissait la précédente à certains égards, et la complétait à d'autres points de vue, sans l'abroger, en sorte que de leur combinaison résultait un corps de législation harmonique en matière de mariage et de testament. Ainsi la loi Papia porta le délai de vacatio pour la veuve à deux ans, et, pour la femme divorcée, à dix-huit mois. On frappa d'incapacité de capere pour moitié, c'est-à-dire de recueillir les dispositions testamentaires de la part des tiers, les mariés sans enfants (orbi) ; la loi établit aussi une exemption de peines en faveur des alliés du testateur (adfines), et surtout concéda le privilège de revendiquer les parts caduques aux patres, nommés dans le même testament, et à leur défaut, au Trésor ; c'est ce qu'on nomme le jus caduca vindicandi. En outre elle régla le jus liberorum relativement aux femmes elles–mêmes [Bona caduca], auxquelles il procurait seulement la solidi capacitas, sans le droit de recueillir les autres parts caduques, la libération de la tutelle et la faculté de tester sans autorisation, etc. D'un autre côté, la loi Papia modifia le droit du patron et de la patronne à la succession de leurs affranchis ; elle régla la quotité disponible entre conjoints, à un certain nombre de dixièmes (decimae) : d'où le nom de decimariae leges donné quelquefois aux lois Julia et Papia. Suivant Ulpien, elle retarda l'addition d'hérédité jusqu'à l'ouverture solennelle du testament (apertura tabularum), et le dies cedit des legs purs et simples fut placé à la même époque. Justinien attribue toutefois cette dernière décision à un sénatus-consulte postérieur à la loi. Enfin, elle conserva le jus antiquum in caducis aux ascendants ou descendants du testateur jusqu'au troisième degré.

Quant au droit du Trésor public sur les parts caduques ou quasi-caduques non recueillies par les patres, ou par ceux qui avaient le jus antiquum, velut parens omnium populos vacantia teneret, il ne fut complétement organisé que par la loi Papia, bien que la loi Julia eût déjà attribué les vacantia à l'aerarium. La loi Papia réservait d'ailleurs des primes (praemia) aux délateurs ; elle fixait aussi l'âge auquel le mariage était prescrit. Rappelons du reste que les lois Julia et Papia Poppaea avaient laissé subsister en certains cas les règles de l'ancien droit d'accroissement, et notamment pour les dispositions nulles ab initio d'après le droit civil et qui étaient réputées non écrites (pro non scriptae), pourvu, bien entendu, que ceux qui pouvaient les recueillir eussent la solidi capacitas s'ils étaient conjoints ou substitués vulgairement, ou du moins le jus antiquum. De même, les dispositions d'usufruit échappaient aux règles sur les caduca ; en effet, y appliquer le jus caduca vindicandi, c'eût été altérer l'essence d'un droit exclusivement attaché à la personne du titulaire. Ce n'est pas que le coelebs ou l'orbus pût le recueillir, mais la portion défaillante était attribuée à qui de droit d'après les anciens principes en matière d'accroissement.

Rappelons qu'il faut rattacher à l'ensemble de la législation d'Auguste sur les mariages, la fameuse loi Julia de adulteriis et de fundo dotali rendue en 737 ou 736 de Rome, 17 ou 18 av. JC. Elle contenait un grand nombre de dispositions renfermées en vingt-huit chapitres au moins ; elle encourageait au mariage en donnant aux époux des garanties de stabilité de l'union, et à la femme plus de sécurité relativement à la restitution de sa dot [Adulterium].

Le système des lois Julia et Papia, qui répugnait profondément aux moeurs romaines, n'atteignit point son but, parce que diverses causes morales et économiques s'opposaient d'ailleurs au rétablissement de la population ingénue. La classe des citoyens libres, et surtout la classe moyenne, tendit de plus en plus à disparaître, et ce fut, avec les progrès des latifundia, la grande cause interne de la décadence de l'empire romain. Ces lois néanmoins ne furent complètement abolies que par Justinien. Dans l'intervalle, elles avaient été modifiées, sous Tibère et sous ses successeurs, par plusieurs sénatus-consultes, abrogées en partie par les empereurs chrétiens. Nous renvoyons, à cet égard, à l'article Bona caduca, où ces changements sont indiqués. Un grand nombre de jurisconsultes écrivirent des commentaires ad legem Papiam et Poppaeam, entre autres Terentius Clemens en vingt livres, Junius Mauricianus en six livres, Ulpius Marcellus en six livres, Gaius en quinze livres, Ulpien en vingt livres, Paul en dix livres, dont de nombreux fragments ont été conservés au Digeste ; mais nous n'avons que des débris du texte original des lois caducaires.


Article de G. Humbert