Livre X - Lettres 24 et 25


PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN

Après que votre auguste père eut, et par un très beau discours et par de glorieux exemples, incité tous les citoyens à la libéralité, je lui demandai permission de transporter, dans le lieu de mon origine, les statues des empereurs qui m'étaient venues par différentes successions, et que je gardais telles que je les avais reçues dans des terres éloignées ; et je le suppliai de trouver bon que j'y ajoutasse la sienne. Dès qu'il me l'eut accordé, avec beaucoup de témoignages de satisfaction, j'en écrivis aux décurions, afin qu'ils marquassent le lieu où je pourrais bâtir un temple à mes dépens. Ils crurent me devoir ce retour d'honnêteté, de me laisser le choix du lieu. Mais ce que je n'ai pu encore entreprendre, retenu d'abord par ma maladie, ensuite par celle de votre auguste père, et enfin par les devoirs de la charge que vous m'avez donnée, je crois pouvoir aisément l'exécuter aujourd'hui ; car mon mois de service finit au 1er septembre, et il y a beaucoup de fêtes dans le mois suivant. Je vous supplie donc, avant toute autre chose, de souffrir que votre statue ait sa place dans le temple que je vais bâtir ; ensuite, pour me mettre en état d'y travailler au plus tôt, de m'accorder un congé : mais il ne convient pas à ma franchise de vous dissimuler qu'en m'accordant cette grâce, vous accommoderez beaucoup mes affaires particulières. Je suis si peu en état de différer le bail des terres que j'ai de ces côtés-là, et qui d'ailleurs passe quatre cent mille sesterces, que le fermier qui entrera en jouissance, doit tailler les vignes aussitôt après la prochaine vendange. Les continuelles stérilités m'obligent même de songer à des remises, que je ne puis bien régler si je ne suis présent. Je devrai donc, seigneur, à vos bontés, et le prompt accomplissementdu religieux devoir que je me suis imposé, et la satisfaction de placer mes statues, si vous voulez bien m'accorder un congé de trente jours ; car un plus court ne me serait d'aucun usage, puisque le lieu de mon origine, et les terres dont je parle, sont à plus de cent cinquante milles de Rome.


TRAJAN A PLINE

Vous m'avez expliqué, pour obtenir votre congé, toutes les raisons tirées, et de l'utilité publique, et de votre intérêt particulier ; mais une seule suffisait : c'est que vous le désiriez. Car je ne doute point que, dès qu'il vous sera permis, vous ne vous rendiez à un emploi qui exige tant d'assiduité. Je n'empêche point que vous ne mettiez ma statue dans le lieu que vous lui avez destiné, bien que j'aie résolu d'être fort réservé sur ces honneurs. Je ne veux pas qu'il paraisse que j'aie traversé le cours de votre tendresse pour moi.

© Agnès Vinas

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