Détail du trophée d'Adamklissi reconstitué en 1977 - Wikimedia Commons, Alstyle
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Décébale sur la métope IV ? - Hypothèse Speidel
Métope IV - Etat actuel - © Constanta - Muzeul National de Istorie si Arheologie, Foto: Ortolf Harl 2012
Métope IV - Reconstitution Eusebiu Mironescu |
Dans son article de la Revue archéologique en 1971, Michael Speidel croit voir dans la figure humaine de la métope IV qui se dresse devant le cavalier (ci-dessus) un personnage en train de se trancher la gorge de sa main droite avec la sica, une dague recourbée typique de l'armement dace. Il lui semble être coiffé d'une coiffe en demi-globe, ce qui l'identifie comme un noble (pileatus) et pas un soldat ordinaire (comatus). Et l'emplacement de la métope dans une série qui évoque une course-poursuite le conduit à envisager qu'elle représente le moment du suicide de Décébale. Il faut cependant remarquer que la métope est brisée en deux et que la partie inférieure est manquante. Or si l'on en croit la reconstitution d'Eusebiu Mironescu (ci-contre), qui duplique le motif d'autres guerriers daces tombés à terre sur d'autres métopes, Décébale serait plutôt le personnage gisant et non pas celui qui, debout, s'appuie sur son bouclier... |
Décébale sur la métope V ? - Hypothèse Rossi
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Déroulement des métopes I à VII - © Constanta - Muzeul National de Istorie si Arheologie, Foto: Ortolf Harl 2012 | ||||||
La même année, Lino Rossi trouve une analogie entre la course-poursuite de la colonne Trajane et la série des,sept premières métopes, mais s'intéresse surtout à la métope V représentant un cavalier romain brandissant de la main droite la tête d'un homme qui se dresse encore devant lui, décapité. Il propose alors de considérer cette série comme terminant l'évocation de la seconde guerre dacique et de renuméroter ces métopes de XLVII à LIII. Dans ces conditions, la métope lui semble représenter la décapitation du roi Décébale après son suicide, hypothèse qu'il a réitérée dans un article de Athenaeum 85, 1997.
Métope V (ou VII ?) - Etat actuel |
Métope VII - Reconstitution Dinu Teodorescu |
D'autres métopes ont encore été candidates, et il serait vain de les passer toutes en revue tant ces efforts d'interprétation évoquent un véritable concours Lépine sans fondements véritablement solides. Tous reposent sur le postulat que les métopes représentent de manière réaliste des événements historiques précis et rapportés par ailleurs par les historiens. Donnons finalement la parole à Maria Alexandrescu-Vianu, qui en 1979 nous semble avoir recadré la problématique avec le plus de pertinence :
Il en faut de l'imagination pour reconnaître, par exemple, sur la métope IX le paiement du tribut, ou sur la métope XXIX la prise de Décébale... Les trophées romains, dans leur forme la plus développée, expriment en images un concept de l'idéologie impériale. L'illustration de ce concept nous est connue grâce à un groupe statuaire, souvent reproduit sur Ies émissions monétaires. Dans la décoration des trophées apparaissent également la personnification des provinces conquises ou Ies debellatae gentes. La. structure du monument d'Adamklissi, bien que plus compliquée que celle des autres trophées qui le précèdent, n'en diffère pourtant pas pour l'essentiel car, aussi que nous tâcherons de le démontrer, il appartient à la série des trophées impériaux. Or ces monuments ne présentaient jamais une narration de caractère historique [...] Dans son exemplaire analyse des représentations qui figurent sur Ies monnaies impériales romaines, Gustaf Hamberg a proposé de distiinguer entre quatre procédés d'expression :
Nous avons déjà montré qu'il existe entre Ies monnaies et le trophée un rapport significatif, qui relève de la propagande officielle et du culte impérial. On pourrait donc élargir aux trophées impériaux Ies conclusions précédentes, sans pour autant quitter le domaine de l'art aulique [...] En revenant maintenant au monument d'Adamklissi, qu'est-ce-qu'on aperçoit sur Ies métopes, lorsqu'on y jette un regard délivré du poids de l'histoire ? Chaque suite de métopes représente :
Les trois séries de scènes guerrières sont conçues selon le même schéma :
Cette « standardisation » des scènes de combat, l'absence de détails caractéristiques, tels les indications topographiques, excluent toute narrativité de la composition et rendent malaisée soit une comparaison trop poussée entre ces reliefs et ceux de la colonne Trajane, soit n'importe quelle autre tentative de suivre sur nos métopes le récit des sources historiques. K. Lehmann-Hartleben avait déjà reconnu sur la colonne Trajane un nombre réduit de types conceptuels qui s'y succèdent regulièrement : l'allocution aux troupes, le sacrifice, la construction de fortifications, les messagers et les prisonniers, Ies marches et Ies travaux quotidiens, Ies batailles. Mais à l'intérieur de ces schémas, que de détails précis et réalistes, que d'indications topographiques, que de scènes épiques qui permettent de confronter la narration gravée en pierre et Ies sources écrites, ou même combler certaines de leurs lacunes. Les métopes d'Adamklissi présentent une guerre quelconque dans ces grandes lignes, une guerre « conventionnelle ». Elle ne saurait être que l'expression plastique de la uirtus de l'armée romaine [...] C'est l'illustration par un acte historique réduit à son essence de l'un des principaux thèmes de !'idéologie d'un Etat fondé sur la force militaire, la uirtus exercitutis. Pour revenir aux catégories détachées par G. Hamberg et, en particulier, aux deux dernières - l'illustration d'un concept par un acte symbolique sans caractère historique, et l'allusion qui attribue à un événement historique une signification conceptuelle - ne devrait-on pas leur ajouter une catégorie intermédiaire ? C'est, croyons-nous, ce que nous invite !'exemple du monument d'Adamklissi. En effet, l'allusion historique y est claire, elle concerne sans doute la guerre de Trajan contre Ies Daces, mais il serait vain d'y chercher une véritable chronique. C'est justement l'absence de narrativité qui renforce le caractère symbolique et traditionnel du trophée. Quelques éléments ethnographiques, propres aux peuplades de la région du Bas-Danube, ennemies de l'Empire romain, ont suffi de marquer une certaine couleur locale, tout juste la « note historique ». C'est encore une raison d'intégrer notre monument dans la série des trophées qui ne manquent de préciser Ies populations assujetties avec leurs armes caractéristiques. |











