Copie de la stèle de Tiberius Claudius
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Tiberius Claudius Maximus, vétéran, Il servit comme cavalier dans la légion VII Claudia Pia Fidelis, Il participa à la guerre dacique, où il fut décoré pour sa bravoure par l’empereur Domitien, Ce dernier le nomma aussi explorator dans la guerre dacique, Il fut ensuite nommé décurion dans la même unité, Il se réengagea volontairement et fut congédié honorablement Année Epigraphique 1969/70, 583 et Année Epigraphique 1985, 721. |
1. La carrière militaire de Tiberius Claudius Maximus
Probablement originaire de Philippes, localité de la province de Macédoine de culture thraco-macédonienne où il s'est retiré comme vétéran, Tiberius Claudius Maximus est, comme ses trois noms l'indiquent, un citoyen romain. Le nom Claudius indique que son père ou son grand-père ont pu obtenir la citoyenneté romaine sous l'empereur Claude (41-54 apr.JC) après 25 ans de bons et loyaux services dans des troupes auxiliaires.
Compte tenu de sa carrière dans la VIIe légion, il a dû être enrôlé un peu avant 85, et est donc né aux environs de 65. Dans ce cas, il a une quarantaine d'années pendant la deuxième guerre dacique (105-106), avec vingt ans de services dans l'armée. Il aurait pu se retirer après vingt-cinq ans de services, mais il s'est réengagé pour la guerre parthique probablement en 114, à environ cinquante ans, avant d'être démobilisé deux ans plus tard et de retourner chez lui comme vétéran ; il est mort à Philippes après 117, puisque Trajan est mentionné sur sa stèle comme divus (divinisé après sa mort).
La VIIe Legio Claudia Pia Fidelis
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Maximus a intégré la VIIe légion Claudia Pia Fidelis pendant le règne de Domitien (81-96) ; elle était alors cantonnée à Viminacium en Moesie sur le Danube. Peter Connolly nous indique qu'il devait pour être admis dans la légion mesurer au moins 1,75 m, être de constitution robuste, avec une vision et une audition parfaites. En principe, il fallait servir quelques années dans l'infanterie avant de pouvoir prétendre intégrer la cavalerie de la légion : chaque légion comptait 120 equites répartis entre 4 turmes de chacune 30 cavaliers, qui servaient de messagers ou étaient affectés à des missions d'escortes ou de patrouilles en particulier. On ignore s'il dut cette promotion à ses qualités propres ou s'il bénéficia d'emblée d'une introduction qu'aurait pu lui valoir la carrière de son père ou grand père. Quoi qu'il en soit, sa stèle énumère les différentes étapes de son avancement dans cette cavalerie de la légion : |
- quaestor equitum : trésorier gérant les fonds spécifiques de la cavalerie, destinés à la nourriture et à l'équipement des chevaux. On ignore si la solde des cavaliers était incluse dans cette gestion.
- singularis legati legionis : membre de la garde du légat de la légion.
- vexillarius equitum : porte-enseigne de tout ou partie de la cavalerie légionnaire, en tant que sesquiplicarius, avec une paie 50% supérieure à celle d'un simple soldat de rang. C'est probablement en tant que vexillarius qu'il obtint de Domitien sa première décoration, peut-être après avoir participé à l'une ou l'autre des batailles de Tapae (86 et 88 apr.JC).
La IIe Ala Pannoniorum
Cette unité de cavalerie auxiliaire avait à l'origine été constituée de soldats recrutés dans les provinces de Pannonie. Elle était composée de 480 hommes, répartis en 16 turmae, chacune dotée de 30 cavaliers. Originellement située en Moesie sur le Danube, elle avait ensuite été transférée en Syrie puis rapatriée en Moesie entre 88 et 93, dans un stationnement proche de la VIIe Légion..
S'il a été transféré par Trajan dans cette unité de cavalerie auxiliaire, chargée de véritables missions de guerre, Maximus n'a pu l'être qu'à partir de 101. Nous ignorons ce qu'il a pu faire pendant la douzaine d'années qui sépare les deux guerres daciques de Domitien et de Trajan. En tout cas, sa stèle reprend l'énumération des étapes de sa promotion à partir de cette date :
- duplicarius (littéralement, qui reçoit double solde) : commandant en second du décurion commandant la turma, chargé de l'entraînement des equites (équitation, combat, techniques de guerre diverses).
- explorator : éclaireur, chargé de missions de reconnaissance et d'observation de l'ennemi. On choisissait pour ces missions fidelissimos argutissimosque cum equis probatissimis (Végèce, III, 6) : les hommes les plus fidèles, les plus clairvoyants avec des chevaux les mieux entraînés. C'est à cause de son habileté à suivre l'ennemi à la trace qu'il a été choisi, probablement à la tête de sa turma, pour se lancer sur la piste de Décébale en fuite.
- le succès de sa mission, même s'il n'a pu ramener que la tête (et la main droite) de Décébale, lui a valu la promotion de décurion, chef de turma. Michael Speidel fait remarquer que cette promotion n'est pas si spectaculaire que cela, et que l'évolution de sa carrière est remarquablement lente... Manquait-il des qualités de commandement d'un officier alors qu'il avait à l'évidence une bravoure précieuse dans l'action ? Ou Trajan l'aurait-il bien mieux récompensé s'il avait pu lui ramener Décébale vif plutôt que mort ? Après tout, il n'y avait pas grande gloire à n'avoir pu empêcher le suicide de son plus dangereux ennemi - et le triomphe de Trajan, exhibant Décébale à Rome, en eût été bien plus complet.
- en tout cas, Maximus aurait pu se retirer vers 112, après vingt-cinq ans de service dans la légion puis la cavalerie auxiliaire. Mais il devait se sentir suffisamment bien dans l'armée et encore physiquement solide à presque cinquante ans pour se porter voluntarius et continuer à servir, toujours dans l'ala II Pannoniorum, et participer à la la guerre parthique à partir de 114, sans manifestement de promotion supplémentaire avant sa libération après trente ans de service, en 116-117, juste avant la mort de Trajan.
Les décorations de Tiberius Claudius Maximus
Le texte de sa stèle indique qu'il a reçu des décorations pour sa bravoure et ses mérites à trois reprises, à la fin de la guerre dacique de Domitien, puis à la fin de la seconde guerre dacique de Trajan et pendant la guerre parthique, ce qui en fait l'un des sous-officiers les plus décorés que nous connaissions. Dans ces conditions, nous ne pouvons que nous étonner de ne voir sur sa stèle que deux dona minora, deux torques (voir torquatus) et deux bracelets (armillae).
Certains commentateurs pensent qu'il aurait pu recevoir en sus des phalères, et même la couronne d'or à la fin de sa carrière. Peut-être ces décorations figuraient-elles en bas de la stèle, qui est manquante ? La question reste ouverte. En tout cas Peter Connolly, qui considérait qu'il méritait ces récompenses, a dessiné la scène pour mettre un terme plus honorable à la carrière de son personnage...
Peter Connolly - The Cavalryman - Oxford University Press - 1988
2. La représentation héroïque de Tiberius Claudius Maximus
Le panneau en bas-relief qui surmonte la stèle de Maximus a suscité chez les spécialistes en histoire de l'art un débat dont nous n'esquisserons ici que les grandes lignes. Faut-il, avec M. Speidel, considérer que l'artiste a voulu représenter expressément la scène du suicide et de la capture de Décébale, comme a pu le faire (avec d'autres moyens) l'artiste de la colonne Trajane, avec suffisamment de réalisme pour que le Dace tombé à terre soit immédiatement identifié comme le roi vaincu ? ou faut-il considérer au contraire que l'ennemi foulé aux pieds d'un cavalier est un motif très répandu dans le genre de la représentation funéraire, et que l'artiste a simplement adapté ses personnages pour coller au mieux au texte de l'inscription ?
1. Pour M. Speidel, l'intention de l'artiste est bien de représenter la mort de Décébale :
« Maximus, strangely, does not seem to hold the bridle, and his left foot appears under the belly of the horse in an awkward way far too much in front. Since our man is going to cut off the King's head with the sword, he is not portrayed spearing the prostrate foe in the usual fashion of cavalry tombstones.
The enemy, characterized as a Dacian chieftain by trousers, an hexagonal shield, sickle-sword, and pointed Dacian cap, can be no other than Decebalus himself. He has just cut his own throat and now sinks back, mortally wounded, the sword falling from his right hand, his left pressing his stomach, his mouth open from heavy breathing. This vivid portrayal of Decebalus reproduces the King's main features as known from Trajan's column : the full beard, the large, fleshy lips and nose, the strong eyebrows and the deep eyes with their powerful expression. Since many Dacians on Trajan's column have almost the same features, this need not be a true portrait of Decebalus, but rather a standardized rendering of a Dacian chieftain. Yet Decebalus must have looked at least similar to this truly impressive image. »
« Etrangement, Maximus paraît ne pas tenir la bride, et son pied gauche apparaît sous le ventre du cheval, maladroitement tenu, trop en face. Comme il va couper la tête du roi, il n'est pas représenté dans la manière habituelle des tombeaux de cavaliers, en perçant d'un coup de lance l'ennemi prosterné.
L'ennemi, caracterise comme un chef dace par ses braies, son bouclier hexagonal, son bonnet pointu (le bonnet dace), ne peut être que Décébale lui-même. Il vient de se couper la gorge et se retire, mortellement atteint, l'épée tombant de sa main droite, sa main gauche appuyée sur l'estomac, sa bouche ouverte à cause de sa respiration difficile. Ce portrait dramatique de Décébale reproduit les caractéristiques principales du roi des Daces, connues par la colonne Trajane : la barbe ronde, le nez et les lèvres grands, les sourcils bien marqués et les yeux profonds, au regard expressif. Comme beaucoup de Daces sur la colonne Trajane ont à peu près les mêmes traits, ce portrait peut ne pas être le vrai portrait de Décébale, mais une image standardisée d'un chef dace. Décébale devait être au moins aussi impressionnant que cette image. » (traduction publiée par Leonard Velcescu).
En résumé, Speidel penche pour une représentation réaliste et historique de la scène dont Maximus, le commanditaire de la stèle, a été le protagoniste. Mais on peut l'envier d'avoir pu observer des détails aussi précis sur le bas-relief de la stèle, en particulier le visage de Décébale, dont les photographies dont nous disposons ne nous donnent qu'une image passablement brouillée...
2. A l'inverse, le professeur G. Mihailov a fait remarquer que les motifs iconographiques de la stèle s'apparentent à ceux que l'on trouve en nombre dans les monuments funéraires dits « du cavalier thrace » (un cavalier présenté de manière héroïque), et que l'artiste de Philippes s'est simplement conformé à un modèle très répandu autour de lui.
3. La position de Maria Alexandrescu-Vianu est plus équilibrée et tente, par un examen minutieux des détails du bas-relief, de dépasser l'opposition :
- certes, l'influence thrace est perceptible dans la ville de Philippes où a probablement été exécutée cette stèle, mais c'est une cité d'origine romaine qui admet donc une forte imprégnation culturelle occidentale.
- sur ce bas-relief de Philippes, le cavalier est entièrement de profil, buste et visage, ce qui s'oppose radicalement aux représentations génériques du cavalier thrace, des stèles funéraires rhénanes de Capito ou Togitio, ou des métopes d'Adamklissi, schéma héroïsant d'origine hellénistique largement répandu :
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Cavalier thrace - Bulgarie |
C. Romanius Capito - Mayence |
Togitio - Mayence |
Métope VI - Adamklissi |
- sur la stèle de Maximus, le cheval est lancé dans un galop allongé, jambes tendues vers l'avant comme celui de Trajan (XCVII) sur la colonne Trajane (ci-dessous), ce qui nous ramène à une narration historique, alors que sur les stèles thraces ou rhénanes (ci-dessus) il est plus statique, en position cabrée :
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- l'image de l'ennemi terrassé, cloué au sol, est courante dans cette iconographie funéraire, mais cette fois l'ennemi n'est pas foulé aux pieds du cheval : il se trouve plus loin en avant, et, comme sur l'autel de Vibius Gallus à Amastris (ci-dessous), il est particularisé comme un Dace par son costume et ses armes.
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Maria Alexandrescu-Vianu conclut ainsi :
« Dans la scène que nous venons d'étudier, nous sommes en présence de deux éléments iconographiques détachés de schémas différents, apparentés toutefois à l'imagerie des faits d'armes : des scènes de charge auxquelles les narrations historiques servent de cadre habituel et des ennemis vaincus représentés sur les reliefs funéraires des stèles de soldats romains [...] Dans le cas que nous venons d'étudier et si l'on veut bien admettre l'association des deux motifs, on pourra renoncer à la tentative de rattacher directement la stèle de Philippes aux representations funéraires rhénanes de cavaliers ou à la série du Cavalier thrace. Nous sommes d'avis qu'il y a eu collage délibéré de deux motifs provenant des cahiers de modèles pour la res militaris dans le but d'adapter la scène au texte de l'inscription. »
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Michael Speidel |
M. Alexandrescu-Vianu |
Annie Allély / Dan Dana |
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Peter Connolly |
Peter Connolly |













