L'exemple de Roland, neveu de l'empereur Charlemagne, est emblématique du glissement de l'Histoire à la légende par le processus d'élaboration de l'épopée (ou chanson de geste au Moyen Age) et de sa diffusion postérieure par le biais du registre épique, indépendamment des conditions de production orale originelles. Un guerrier franc mort en 778 lors d'une embuscade tendue par des montagnards vascons à l'arrière-garde de l'armée de Charlemagne, au col de Roncevaux, devient trois siècles plus tard à la fin du XIe siècle, du fait de l'amplification du bouche à oreille et du changement de contexte religieux, l'un des preux défenseurs de la foi chrétienne, affrontant avec une poignée de pairs les armées innombrables des Sarrasins dans un combat démesuré. Plus tard encore, au XIXe siècle, Victor Hugo développe La Légende des Siècles en une immense toile mettant en scène le passage progressif de l'ombre à la lumière, et il imagine, bien avant le funeste combat de Roncevaux, un duel titanesque entre Roland et Olivier, les deux protagonistes de la Chanson de Roland. Dans tous ces textes, la violence épique est célébrée, mais elle se met au service de valeurs aristocratiques, morales et religieuses, ou plus tard tout simplement humaines, propres à tout être humain civilisé : ce sont ces valeurs qu'il vous appartiendra d'identifier. |
