11. Vénus et la Lune

Vénus
Que dit-on de vous, chère Lune ? que, lorsque vous êtes en Carie, vous arrêtez votre char pour contempler d'en haut le chasseur Endymion dormant à la belle étoile ; que parfois même, au milieu de votre course, vous descendez vers lui ?

La Lune
Demande, Vénus, à ton fils : c'est lui qui en est la cause.

Vénus
Ah ! c'est un insolent ! Que de tours ne m'a-t-il pas joués, à moi sa mère ? Ne m'a-t-il pas fait descendre tantôt sur le mont Ida pour Anchise d'Ilion, tantôt sur le Liban, vers ce jeune Assyrien qu'il a rendu également aimable aux yeux de Proserpine, si bien qu'il m'a ravi la moitié de mes amours ? Je l'ai souvent menacé, s'il continuait d'agir ainsi, de briser son arc et son carquois, et de lui couper les ailes : une fois même je l'ai claqué sur le derrière avec ma pantoufle ; mais je ne sais comment lui, si effrayé, si suppliant au moment même, a tout oublié l'instant d'après. Mais dis-moi, ton Endymion est-il beau ? C'est une consolation dans les tribulations amoureuses.

La Lune
Pour moi, Vénus, je le trouve charmant, surtout lorsque, s'étant fait un lit de sa tunique étendue sur une pierre, il repose, tenant de la main gauche des traits près de lui échapper, tandis que la droite, recourbée sur sa tête, encadre avec grâce son joli visage. Quand il est ainsi plongé dans le sommeil, sa bouche exhale une haleine d'ambroisie ; c'est alors que je descends à petit bruit, marchant sur la pointe du pied, de peur de l'éveiller en sursaut et de l'effrayer. Tu connais ces sortes d'instants. Qu'ai-je besoin de te dire le reste, sinon que je meurs d'amour ?

Traduction d'Eugène Talbot (1857)