8. Vulcain et Jupiter

Vulcain
Que faut-il que je fasse, Jupiter ? J'arrive, sur ton ordre, armé d'une hache bien affilée et qui pourrait, au besoin, couper une pierre d'un seul coup.

Jupiter
A merveille, Vulcain : fends-moi la tête en deux.

Vulcain
Tu veux m'éprouver ? Ou bien es-tu fou ? Donne-moi un ordre sérieux, dis ce que tu veux que je fasse !

Jupiter
Je te l'ai dit : fends-moi la tête. Si tu désobéis, tu éprouveras une seconde fois ma colère ; mais il faut frapper de toutes tes forces, et sans tarder : je ne puis vivre avec les douleurs qui me déchirent le cerveau.

Vulcain
Prends garde, Jupiter, que nous n'allions faire une mauvaise besogne ; ma hache est affilée : elle te fera venir du sang et ne t'accouchera pas à la façon de Lucine.

Jupiter
Frappe toujours, Vulcain ; ne crains rien : je sais ce qu'il me faut.

Vulcain
C'est malgré moi, mais je vais frapper : car que faire, quand tu l'ordonnes ?.... Que vois-je ? Une jeune fille armée de pied en cap ! Tu avais là, Jupiter, un grand mal de tête ! Il n'est pas étonnant que tu te sois montré irascible, quand tu portais toute vivante, sous la membrane de ton cerveau, une jeune fille de cette taille, et cela, tout armée : nous ne savions pas que tu avais un camp au lieu de tête. Mais vois donc, elle saute, danse la pyrrhique, agite son bouclier, brandit sa lance, est saisie d'enthousiasme. Ce qui est plus fort, c'est qu'elle est devenue tout à coup fort belle et bonne à marier ; il est vrai qu'elle a les yeux gris, mais son casque embellit ce défaut. Ainsi, Jupiter, pour prix de l'accouchement, donne-la-moi pour épouse.

Jupiter
Tu me demandes l'impossible, Vulcain : elle veut rester toujours vierge : moi, cependant, je ne m'oppose pas à ce que tu désires.

Vulcain
C'est tout ce que je demandais ; le reste est mon affaire : je vais l'enlever.

Jupiter
Fais-le, si tu peux ; mais je sais que tu veux l'impossible.

Traduction d'Eugène Talbot (1857)