25. Nirée, Thersite et Ménippe
Nirée
Ah ! tiens, voici Ménippe ; il va juger qui de nous deux est le plus beau. Parle, Ménippe ; ne me crois-tu pas plus beau que lui ?
Ménippe
Qui êtes-vous ? avant tout, il faut que je le sache.
Nirée
Nirée et Thersite.
Ménippe
Qui des deux est Nirée, qui des deux est Thersite ? Ce n'est pas facile à voir.
Thersite
J'ai déjà un avantage, celui de te ressembler ; nous ne sommes pas si différents que le prétendait, pour te flatter, cet aveugle d'Homère, quand il t'appelait le plus beau des hommes ; si bien qu'avec ma tête chauve et pointée, notre juge ne m'a pas trouvé inférieur à toi. Vois maintenant, Ménippe, lequel des deux tu trouves le plus beau.
Nirée
C'est moi, sans doute, le fils d'Aglaïa et de Charops,
Le plus beau des guerriers qui sont venus à Troie.
Ménippe
Oui, mais non pas, je pense,
Le plus beau des mortels qui sont venus sous terre.
Tes os sont les mêmes, ton crâne ne diffère de celui de Thersite que parce qu'il est plus facile à briser, étant plus mou et n'ayant rien de viril.
Nirée
Demande donc à Homère qui j'étais, quand je vins me joindre à l'armée des Grecs.
Ménippe
Visions ! je vois ce que je vois et ce que tu es : ce que tu étais, ceux de ton temps le savent.
Nirée
Ainsi, je ne suis pas plus beau que lui ?
Ménippe
Vous n'êtes beaux ni l'un ni l'autre ; l'égalité règne aux enfers ; vous vous ressemblez tous !
Thersite
Cela me suffit.
Traduction d'Eugène Talbot (1857)