Frans Francken II - Etéocle et Polynice - XVIIe siècle - Royal Museum of Fine Arts - Anvers



III, 6, 1. Étéocle et Polynice passèrent un accord pour la succession au trône ; ils décidèrent qu'ils régneraient un an chacun. Certains soutiennent que le premier qui prit le pouvoir fut Polynice et qu'un an plus tard il passa le sceptre à Étéocle ; d'autres, au contraire, que le premier fut Étéocle, qui se refusa ensuite à céder le règne à son frère. Banni de Thèbes, Polynice se rendit à Argos, avec le collier et le péplos. Adraste, fils de Talaos, régnait à Argos. Polynice arriva au palais d'Adraste pendant la nuit et, immédiatement, il en vint aux mains avec Tydée, le fils d'Oenée, exilé de Calydon. À ce tapage qui s'éleva subitement, Adraste accourut et les sépara ; se rappelant un oracle qui lui avait dit de donner pour conjoints à ses filles un sanglier et un lion, il les choisit pour beaux-fils : sur le bouclier de l'un, en effet, figurait la tête d'un sanglier, sur celui de l'autre, celle d'un lion. Tydée épousa Déipyle, et Polynice Argia, et Adraste leur promit à tous deux qu'il les ramènerait dans leur patrie. Mais d'abord il décida de monter une expédition contre Thèbes, et il rassembla les guerriers les plus valeureux.

III, 6, 2. Mais Amphiaraos, le fils d'Oiclès, qui était devin, et qui avait prévu que tous ceux qui participeraient à la guerre trouveraient la mort, Adraste excepté, se montrait hésitant, et tentait de dissuader les autres de se joindre à l'expédition. Polynice se rendit chez Iphis, le fils d'Alector, pour savoir comment il pouvait contraindre Amphiaraos à combattre ; Iphis lui répondit " quand Ériphyle acceptera le collier ". Amphiaraos avait en effet interdit à Ériphyle d'accepter des cadeaux de Polynice ; mais Polynice lui offrit le collier, en lui demandant de convaincre Amphiaraos de prendre part au conflit. La décision lui revenait car, par le passé, Amphiaraos avait eu un différend avec Adraste, et Ériphyle les avait réconciliés : à cette occasion, Amphiaraos avait juré de s'en remettre toujours aux décisions d'Ériphyle, si un désaccord s'élevait entre lui et Adraste. Quand donc il fut question de savoir s'il fallait ou non marcher contre Thèbes, Adraste se déclarait favorable pour engager le combat, alors qu'Amphiaraos s'y opposait ; mais Ériphyle, qui avait accepté le collier, persuada son époux d'aller se battre aux côtés d'Adraste. Amphiaraos fut donc contraint de partir à la guerre ; néanmoins, il recommanda à ses fils qu'une fois adultes ils tuent leur mère et viennent combattre à Thèbes.

III, 6, 3. Adraste réunit une armée avec sept chefs et partit faire la guerre contre Thèbes. Voici quels étaient les chefs : Adraste, fils de Talaos ; Amphiaraos, fils d'Oiclès ; Capanée, fils d'Hipponoos ; Hippomédon, fils d'Aristomachos, ou de Talaos selon certains ; ceux-ci étaient d'Argos. De Thèbes, il y avait Polynice, fils d'Oedipe ; Tydée, fils d'Oenée, venait d'Étolie ; Parthénopée, fils de Mélanion, était Arcadien. Certains n'introduisent pas dans la liste des sept Tydée et Polynice, mais ils y incluent Étéoclos, fils d'Iphis, et Mécistée.

III, 6, 4. Arrivés à Némée, où régnait Lycurgue, ils cherchèrent de l'eau. Hypsipyle les guida sur le chemin de la source, abandonnant, pendant un moment, le petit Opheltès, le fils d'Eurydice et de Lycurgue, qui n'était qu'un bébé et dont elle était la nourrice. En effet, quand les Lemniennes avaient découvert que Thoas avait été épargné, elles le tuèrent, et vendirent Hypsipyle ; c'est pourquoi, réduite en esclavage, elle entra au service de Lycurgue. Mais, alors qu'elle montrait la source aux guerriers, le bébé, laissé sans surveillance, fut tué par un serpent. Les compagnons d'Adraste, à leur retour, tuèrent le serpent et ensevelirent l'enfant. Amphiaraos déclara que c'était là un signe de ce qui leur arriverait. Aussi appelèrent-ils l'enfant Archémoros. En son honneur, ils instituèrent les Jeux Néméens ; Adraste remporta la course de chevaux, Étéoclos la course à pied, Tydée le pugilat, Amphiaraos le saut et le lancer du disque, Laodocos le lancer du javelot, Polynice la lutte, et Parthénopée le tir à l'arc.

III, 6, 5. Quand ils atteignirent le Cithéron, ils envoyèrent Tydée demander à Étéocle de céder le royaume à Polynice, en vertu des accords passés. Comme Étéocle se montra sourd à la requête, Tydée défia en duel les chefs thébains, et les vainquit tous. Alors ils envoyèrent cinquante hommes armés pour lui tendre une embuscade sur le chemin du retour. Tydée les tua tous, Méon excepté, puis il rentra au campement.

III, 6, 6. Les Argiens en armes s'approchèrent des remparts de la cité ; il y avait sept portes. Adraste se posta devant la porte d'Homoloé ; Capanée devant celle d'Ogygos ; Amphiaraos devant celle des Proétides ; Hippomédon devant celle d'Athéna Onca ; Polynice devant celle de Zeus Hypsistos ; Parthénopée devant celle d'Électre, et Tydée devant celle des Crénides. Étéocle lui aussi arma les Thébains et opposa aux sept un même nombre de chefs ; puis il interrogea l'oracle pour savoir comment il pourrait vaincre ses ennemis.

III, 6, 8. Les Argiens battirent alors en retraite. Comme les morts étaient nombreux, sur décision des deux armées, Étéocle et Polynice s'affrontèrent en duel pour le royaume, et s'entre-tuèrent. Mais une farouche bataille s'engagea alors, où les fils d'Astacos s'illustrèrent : Ismaros tua Laomédon, Léadès tua Étéoclos, Amphidocos tua Parthénopée. Euripide affirme pour sa part que Parthénopée fut tué par Périclymène, le fils de Poséidon. Mélanippos, le plus jeune des fils d'Astacos, blessa Tydée au ventre. Comme il gisait au sol, mourant, Athéna demanda à Zeus un philtre destiné à le rendre immortel, et le lui porta. Mais Amphiaraos s'en aperçut et, comme il le haïssait - c'est contre son avis que Tydée avait persuadé les Argiens de faire la guerre à Thèbes - il coupa la tête de Mélanippos (que Tydée malgré sa blessure avait tué) et la lui donna. Tydée la coupa en deux et dévora la cervelle. À ce spectacle, horrifiée, Athéna suspendit son geste et lui refusa son salut. Amphiaraos s'enfuit le long du fleuve Isménos ; alors que Périclymène s'apprêtait à le frapper dans le dos, Zeus jeta sa foudre et ouvrit la terre : Amphiaraos disparut avec son char et son aurige Baton (Élatos pour certains) ; Zeus le rendit ensuite immortel. Seul Adraste se sauva, grâce à son cheval, Arion, né de Poséidon et de Déméter, quand la déesse, pareille à une Furie, s'était unie à lui.

III, 7, 1. Une fois sur le trône de Thèbes, Créon abandonna les cadavres des Argiens, sans sépultures ; par l'intermédiaire d'un héraut, il interdit qu'on les ensevelisse et posta des sentinelles. Antigone, une des filles d'Oedipe, déroba secrètement le corps de Polynice, et l'enterra. Mais elle fut découverte par Créon lui-même, et enterrée vive dans un tombeau. Adraste arriva à Athènes et se réfugia sur l'autel de la Pitié ; après y avoir déposé le rameau des suppliants, il implora que ses morts soient ensevelis. Les Athéniens s'armèrent, emmenés par Thésée ; ils conquirent Thèbes et rendirent les cadavres à leurs proches pour qu'ils les enterrent. Alors que brûlait le bûcher de Capanée, sa femme, Évadné, la fille d'Iphis, se jeta dans les flammes et périt à son côté.


Traductions empruntées à Ugo Bratelli, 2002, sur son site Nimispauci