XXXIV. De Hecuba regina Troianorum.

Hecuba Troianorum preclarissima regina fuit, eque perituri splendoris fulgor eximi et miseriarum certissimum documentum. Hec secundum quosdam Dymantis Aonis filia extitit. Alii vero Cipsei regis Tracie volunt, quod quidem et ipse arbitror, cum sic opinetur a pluribus. Nupsit hec virgo Priamo Troianorum regi illustri, et ex eo mixtim utriusque sexus concepit peperitque filios decem et novem, inter quos iubar illud eximium Frigie probitatis Hector; cuius tantus fuit militie fulgor, ut non se tantum eterna fama splendidum faceret, quin imo et parentes patriamque perenni nobilitaret gloria. Verum non tantum felicis regni decore ac multiplicis prolis serenitate fulgida facta est, quin, urgente adversa fortuna, orbi toto longe deveniret cognita. Hectorem nempe dilectissimum sibi et Troilum adolescentem et iam maiora viribus audentem, manu Achillis cesos et ea cede regni solidam basem fere eversam mestissime flevit. Sic et a Pyrro Paridem trucidatum, inde auribus naribusque truncatum Deyphebum atque fede exanimatum, Ylyonem igne cremari danao, Polytem patris in gremio confodi, Priamum ipsum senem secus domesticas aras exenterari, Cassandram filiam, Andromacam nurum seque captivam ab hostibus trahi, Polysenam ante Achillis tumulum obtruncari, Astianactem nepotem ex latebris surreptum saxo illidi miseranda conspexit. Et postremo tracio in litore tumulatum adolescentulum Polydorum, Polymestoris fraude occisum, comperit atque flevit. Quibus tot tanque immanibus oppressa doloribus in rabiem versam volunt aliqui traciosque per agros ritu ululasse canum; et sic mortuam et in tumulo hellespontiaci litoris, cui nomen a se Cynosema, sepultam. Non nulli dicunt in servitutem ab hostibus cum reliquis tractam et, ne miseriarum illi particula deesset ulla, vidisse ultimo Cassandram, occiso iam Agamenone, Clitemestre iugulari iussu.

 
 

Boccace, De claris mulieribus
Hécube pleurant ses enfants
Ms Français 598, Fol.47v, BNF
XVe siècle

D'Hécube, reine de Troie

Hécube, jadis tant honorée en ce monde, et depuis tant misérable qu'elle nous sert d'exemple au changement de fortune, fut très renommée reine des Troyens. Cette dame, selon aucuns, fut fille de Dimas Aon, et selon quelques autres de Cipheus roi de Thrace, comme je crois mieux, étant telle opinion de la plupart. Elle fut femme de Priam, très illustre roi de Troie, duquel elle engendra dix-neuf enfants, que mâles que femelles, entre lesquels fut ce tant renommé fléau de bataille, Hector, fleur de la chevalerie troyenne, qui fut si vaillant et preux en l'art de guerre que non seulement il en acquit pour soi bruit éternel, mais encore ennoblit par le moyen d'icelle ses parents et son pays d'une perpétuelle renommée.

Mais pour retourner à sa mère, elle n'a pas été renommée en ce monde tant pour la grandeur de son royaume et pour le beau nombre de ses enfants que pour son adverse et fâcheuse fortune. Car elle vit, en pleurant amèrement, Hector, son fils très aimé, et le jouvenceau Troïlus, trop plus hardi que son âge tendre ne portait, tués par les mains d'Achille, et par telles occasions le fondement et appui de son royaume presque tout ruiné. Semblablement vit Pâris mis en pièces par Pyrrhus et Déiphobe vilainement tué, après avoir eu le nez et les oreilles coupés. Davantage elle vit brûler Ilion par les Grecs, accravanter Polytes entre les mains du père et Priam même, déjà très vieil, vilainement tué de plus de mille coups en la chapelle de son propre palais ; vit Cassandre sa fille et Andromaque sa bru être ensemble avec elle menées prisonnières, Polyxène devnt le sépulcre d'Achille décapitée, Astyanax son arrière-fils, petit enfant, tiré hors du lieu où il était caché, être si cruellement jeté contre terre qu'il en perdit la vie ; et même trouva Polydore son fils, le plus jeune de tous, pour comble de ses malheurs, tout mort au bord de la mer de Thrace, pour toute sépulture, ayant été tué par la trahison de Polymnestor.

Pour tous lesquels ennuis reçut telles douleurs qu'étant devenue enragée, comme disent aucuns, s'en allait parmi les champs de Thrace hurlant comme un chien ; et étant ainsi morte, fut ensépulturée au rivage de la mer Hellespontique, en un sépulcre qui fut nommé depuis à cause de son hurlement Cynosenia, c'est-à-dire Sépulcre de chien. Toutefois il y en a quelques autres qui disent qu'elle, avec les autres, fut menée en servitude par leurs ennemis et, afin qu'elle n'eût faute de chacune partie de misère, qu'après la mort d'Agamemnon elle vit finalement étrangler Cassandre sa fille par le commandement de Clytemnestre.

Traduction par Guillaume Rouville, 1551 ; la ponctuation et l'orthographe ont été modernisées.