2 - Le costume roussillonnais des débuts de la IIIe République (1870-1880)

Les débuts de la IIIe République marquent une période faste pour Perpignan et le département des Pyrénées-Orientales. De grands travaux publics ouvrent de nouvelles voies de communication, de nombreuses entreprises se créent dans tous les secteurs d’activité. Les femmes de la haute société roussillonnaise rivalisent entre elles dans un raffinement constant, lors des promenades, fêtes et divertissements.

La loge du XVe siècle transformée en café - Carte publicitaire Bec Frères

La photographie d’atelier prospère, et l’engouement va vers les lauréats des expositions industrielles et des photographes titrés par telle ou telle sommité, chevalier de Charles III par exemple. Gravures et patrons envoyés par correspondance permettent à toutes de se mettre au diapason de la mode selon leurs moyens. Les crinolines laissent place aux robes à tournure, dont le volume est mis en valeur à l’arrière du dos par une bosse au niveau des hanches due à un jupon armé de volants amidonnés. C’est la « tournure », parfois appelée queue d’écrevisse, qui sera très rapidement remplacée par le faux-cul, simple rembourrage au niveau des fesses. Une surcharge décorative constituée de galons et dentelles sur jupe drapée ou volantée donne parfois à ces ensembles un air historiciste, pastiche des époques Louis XIV ou XVIIIe siècle. La coiffe catalane reste présente même auprès de la jeunesse qui revendique ainsi son identité locale.

 

Portrait d’enfant au cheval de bois

Le monde de l’enfance avec ses costumes et ses jouets est remarquablement bien illustré ici, avec cette tenue de petit cavalier, fier de sa monture. On l’imagine chevauchant son cheval à roulettes le long de la promenade des Platanes, afin d’aller rejoindre ses congénères et leurs nourrices au square.

Cliché Menozzy, successeur de Provost père, Perpignan

Jeune garçon

La mode enfantine voit l’invention de bon nombre de costumes pittoresques comme le « petit marin » et autres tenues militaires. Il s’agit en fait de former ces jeunes enfants à l’esprit patriotique, lors d’une période où le sentiment nationaliste et revanchard est très fort à cause des conséquences de la guerre de 1870.

Cliché Menozzy, successeur de Provost père, Perpignan

Quatre enfants en costumes de carnaval

Le frère et la sœur sont revêtus de tenues espagnoles, probablement pour participer aux cavalcades du carnaval de Perpignan, réjouissances qui duraient presque un mois à la fin du XIXe siècle. Les deux autres garçonnets (ci-dessous) sont habillés l'un en Catalan et l’autre en aristocrate du XVIIIe siècle.

Clichés Provost, Perpignan

 

Irma Salamo à seize ans

Les jeunes filles ont des tenues qui les maintiennent bien dans le monde de l’enfance, par la petitesse des jupes qui montrent le pied jusqu’à la cheville. Toutefois la mode des adultes est respectée avec volants et surjupe (cliché vers 1872).

Cliché Scanagatti, Perpignan

Irma Salamo à dix-huit ans

La jeune Irma Salamo était fille de commerçants droguistes de Perpignan. Elle porte une magnifique robe à tournure sensiblement à trois pièces, jupe, surjupe et corsage, généralement de couleur assortie et agrémentée de rubans traités en bouillonné. Les longs cheveux nattés le long du corps sont aussi agrémentés de rubans noués (cliché de 1874).

Cliché Provost, Perpignan


Irma Salamo

La mode des coiffures montantes est à son apogée, et l’ondulateur Marcel récemment inventé en 1872 apportera bientôt un progrès indéniable aux coquettes. Les coiffures sont rehaussées de postiches, rubans, fausses perles et peignes en écaille, rappel du XVIIIe s.

Cliché Provost, Perpignan

 

Portrait de femme

Le goût du pastiche est dû à l’éclectisme qui caractérise l’art de cette période. Pour cette robe inspirée du XVIIe s., on note une sorte de devant d’estomac descendant en pointe à l’identique des busquières du siècle précédent. L'inspiration hispanique donne à certaines femmes de Perpignan et du Roussillon des allures d’infantes.

Cliché Mas, Perpignan

Lucie Salamo en 1874

Voici Lucie, la mère d’Irma Salamo, à 48 ans. C’est l’épouse du marchand de couleurs de Perpignan, elle fait partie de la bourgeoisie commerçante de la ville. Dans ce portrait elle porte une splendide robe à tournure, avec de nombreux volants de rubans et dentelles. Le cliché semble pris le même jour que celui d'Irma à 18 ans (ci-dessus).

Cliché Provost, Perpignan

 

Portrait de femme

Un grand nombre de femmes abandonnent la coiffe, difficilement adaptée aux nouvelles coiffures, toutes en architecture complexe. Les bijoux retrouvent une grande importance à cette époque, avec ici la broche de corsage, les boucles d’oreilles à pendeloques. Cette tendance marque le début du grenat comme spécialité de Perpignan.

Cliché Provost, Perpignan

Lucie Salamo

Le corsage du portrait d’Edouard Manet « Un bar aux Folies-Bergère », est identique à celui que porte Lucie Salamo maintenant quinquagénaire. La coiffure garde son volume à grand renfort de peignes et de fleurs. On remarquera la façon historiciste de porter le pendentif avec un ruban noir noué sur le devant, proche des nœuds Sévigné.

Cliché Provost, Perpignan

 

Couple

Ce couple de Roussillonnais est en parfait accord avec la mode parisienne de l’époque : malgré les soucis de la guerre de 1870, la France aspire à retrouver stabilité politique et économique. Les coiffures féminines sont hautes, en référence à celles de Marie-Antoinette, tout en ayant des caractéristiques propres au Second Empire. Le bijou est aussi omniprésent, boucles d’oreilles à pendeloques et pendentif sur ruban de velours.

Cliché Bertomier, Perpignan


Monsieur et madame Perrin

Il est toujours intéressant de pouvoir se rendre compte de la tenue des hommes et des femmes à une époque donnée, puisque sont ici photographiés le mari et son épouse. Comme sous le Second Empire, les femmes brillent par leurs toilettes exubérantes de rubans et fanfreluches, alors que le costume des hommes dénote une sobriété en accord avec les mœurs « bourgeoises » de la fin du XIXe s.

Cliché Scanagatti, Perpignan

 

Portrait d’homme

Cet homme jeune nous propose dans ce cliché tous les accessoires à la mode : binocles, canne, montre de gousset et chapeau melon. Le dandy roussillonnais ne déroge pas aux goûts anglais du moment, ceux qui vont produire l’unification du costume masculin.

Cliché Provost, Perpignan

 

Mademoiselle Campanaud

Les Campanaud étaient boutiquiers à Perpignan avant de faire fortune dans le commerce du vin. Cette jeune personne de la famille, probablement peu de temps avant son mariage, pose avec coiffe catalane et robe à la mode, à faux-cul, donnant à l’ensemble une grande élégance.

Cliché Mas, Perpignan

 

Portraits de Catalanes (à gauche et à droite)
Ces belles Catalanes fières de leur origine roussillonnaise portent la coiffe de dentelles amidonnée et, de la manière la plus récente, le bandeau laissant apparaître les cheveux. Elles témoignent ainsi de l’élégance et de la beauté du costume catalan adapté à la mode du moment.

Clichés Provost, Perpignan

Portrait de Catalane à la croix (au centre)
Les Roussillonnaises possédaient une beauté reconnue par les nombreux visiteurs qui s’arrêtèrent à Perpignan. La coiffe donnait à leur port de tête une noblesse due à l’auréole arachnéenne des dentelles amidonnées. La guimpe de couleur sombre entourant le cou met en valeur la croix de grenats.

 

La tante Rose

Cette jeune femme possède une vêture traditionnelle puisqu’elle porte la coiffe catalane. La tradition est présente dans le choix de son pendentif, une croix empierrée. Tout est une harmonie de dentelles avec cette collerette qui ne cesse de zigzaguer jusqu’à la taille. Le col et les manchettes sont travaillés dans un brocard à motifs en relief.

Cliché Provost, Perpignan

 

Portraits de Catalanes âgées

Les femmes âgées portent souvent des coiffes antiques, conservant la forme en usage dans leur jeunesse. Le châle est imposant et il est arrêté à la fois par une épingle mais aussi par le tablier qui en recouvre les pointes.

Cliché Provost, Perpignan et Guchens-Davail, Cette


© Laurent Fonquernie
Laurent Fonquernie tient à remercier toutes les personnes qui ont bien voulu lui prêter gracieusement ces photographies.