3 - Le costume roussillonnais entre 1880 et 1890

Progressivement la tournure disparaît, ainsi que la taille bien marquée. Les jupes deviennent rondes et les caracos à la mode à Perpignan sont en forme de vestes mi-longues à la taille peu ou pas marquée. Les emmanchures aux épaules n’ont aucune fronce et les manches sont droites. Certaines jeunes femmes ont abandonné la coiffe chez le photographe et l’on peut ainsi voir la manière dont elles se coiffaient, avec nattes enroulées ou rubans. D’autres portent la coiffe catalane blanche en dentelle amidonnée assortie de bijoux, comme véritable élément d’un costume de fête.

La photographie de plein air apparaît dans certains clichés de groupes, mais le portrait reste idéalement une affaire d’atelier, et rares sont les femmes ayant alors gardé un châle sur les épaules ou un tablier, compléments indispensables d’un habit traditionnel féminin.

Les hommes restent fidèles au costume, taillé sur mesure par les tailleurs de la ville. Il n’y a pas encore de cravates telles qu’on les connaît aujourd’hui. On appelle alors cravate un mouchoir carré noué.

Pour le costume des enfants, nous retrouvons souvent des adaptations de costumes militaires, comme à la période précédente. Les petites filles conservent de ravissantes jupes courtes, signes de leur minorité et laissant apparaître bas et bottines.

 

Portrait de femme et enfant

Le cliché a certainement été pris le jour où l’on baptisa ce bambin recouvert d’un manteau et d’une coiffe de dentelle et broderie anglaise. La maman possède un ensemble deux-pièces et l’on remarquera sa natte auréolant sa chevelure.

Cliché Provost, Perpignan

 

Deux soeurs aux cerceaux

Les petites filles posent avec leur cerceau et une robe identique pour les deux. Il était d’usage de former ainsi un ensemble, même s’il ne s’agit pas ici de sœurs jumelles.

Cliché Provost, Perpignan

 

Portrait de groupe

Il s'agit d'une mère et de ses enfants. Rose Parès (1831-1905) veuve à 36 ans de Jacques Lalanne, officier de santé à St Laurent de la Salanque (1825-1867), a élevé seule ses quatre enfants : Marguerite Lalanne (1857-1936), François (1858-1859), Jacques (1860-1937) qui a été vicaire à Prades en 1885, curé de Coustouges de 1891 à 1896, curé de Tautavel en 1897, de Canet en 1908, de Port-Vendres en 1912 et puis finalement chanoine de la cathédrale St Jean en 1924, Philippe (1862-1915), avoué à Prades et enfin Louis (1866-1924) agriculteur à Saint-Laurent.

Cliché Provost, Perpignan

 

Portrait de femme

Cette jeune femme possède de longs cheveux qu’elle a enroulés en natte à l’arrière de sa tête. C’est à la fois élégant mais aussi il s’agit de la manière la plus ancienne de mettre en volume la coiffe catalane. Les bijoux se composent de pendants d’oreilles et d’une croix portée autour du cou avec un ruban noir. Un ruban plus large est noué à l’encolure du corsage.

Cliché anonyme

Portrait d'Antoinette Falip à vingt ans

La jeune fille est coiffée en arrière et on remarque un grand nœud de ruban arrêtant une probable natte sur la nuque. Un ruban plus clair passé autour du cou est noué sur le devant. Il met en valeur un médaillon porté sur chaine. Le caraco possède un joli motif géométrique damassé.

Cliché Provost, Perpignan

 

Portrait de femme et Portrait de Philomène Barrère

Une autre tendance en matière de coiffure à la mode est une sorte de ruban en serre-tête. Le portrait de geisha en miniature donne le ton d’une tenue teintée de japonisme, tendance très répandue à cette époque dans l’art et la mode.

Clichés anonymes

 

Portraits d'hommes

Les deux jeunes hommes sont de classe sociale sensiblement différente. Le premier sans cravate porte un complet veston dont la veste est arrêtée au premier bouton du haut. Le second manifeste une grande élégance masculine, autant dans l’habillement et la coupe de cheveux que dans la pose.

Cliché anonyme à gauche - Cliché Provost, Perpignan à droite

 

Portrait d’Henri Sebe

Le frère d’Hortense Sebe se prête au jeu de la photographie dans son costume d’Estudiantina, groupe musical catalan de guitares et bandurias. Il fait partie de celle de Perpignan, la première à avoir été créée. Par le costume et la posture du modèle, on ne manquera pas de mettre cette photographie en relation avec la statue de Raymond Sudre au Square inaugurée en 1910 : Muntanyes Regalades.

Cliché Provost, Perpignan

 

Mère et fille

L’appareil photo sur trépied permet de maîtriser le cliché en plein air, avec la lumière idéale du Roussillon. On voit ici une mère et sa fille, deux générations aux habitudes vestimentaires différentes. La mère possède une mise traditionnelle avec le fichu très ajusté sur les épaules, la coiffe, et un caraco à basques, alors que sa fille, tête nue, porte un joli ensemble à la mode.

 

Portrait de Catalane

Les jeunes Catalanes ont toujours été très coquettes. Celle-ci affirme clairement son identité de Roussillonnaise, avec sa coiffe bien amidonnée, les bijoux en grenat de Perpignan et en or creux, typique de la région. Le caraco montre un travail important de « bouillonné », technique décorative formant du volume sur du tissu.

 

Portrait de groupe

La photographie de ce groupe de Perpignanais a été prise autour de 1886, année où le couple Pujol (au centre) se mariait. Nous retrouvons autour des amoureux la mère et la soeur, assises dans les poses imposées, l’album photographique dans les mains. Les trois femmes portent la coiffe catalane et des ensembles en deux pièces. Le caraco a généralement le bas décoré d’une large bande de dentelle.

Cliché Provost, Perpignan

 

Jeune femme (à gauche)
Le caraco cintré et très allongé est alors à la mode. Porté par les jeunes femmes, il permet de maintenir une couche supplémentaire de tissus au niveau des reins jusqu’à la moitié des jambes. Ces caracos sont souvent agrémentés de manchettes de velours. La coiffe se porte avec les boucles d’oreilles et un ruban noué en tour de cou.

Portrait de M. et Mme Arquié (au centre)
Ces jeunes époux donnent une image idéale de la mode du moment en Roussillon. Les hommes portent des vestons ou complet-vestons avec chemise blanche et nœud papillon. Les jeunes femmes ont adopté un caraco long mais échancré qui met en valeur leur taille. Il n’est pas encore pensable de sortir en ville en cheveux, ceux-ci étant dissimulés sous la coiffe de dentelle amidonnée.

Portrait d'Hortense Sebe (à droite)
Hortense fait partie de la bourgeoisie du centre ville de Perpignan (quartier la Réal) : son père est banquier. La robe possède une légère traîne. Une ceinture à boucle ouvragée retient fortement la taille. Le ruban noué en tour de cou est agrémenté d’un plastron ou jabot en dentelle.

 

Portraits de Catalanes

Les deux portraits montrent une ancienne façon de porter la coiffe catalane, ne laissant quasiment pas apparaître de cheveux. Les deux femmes portent aussi le châle carré, plié en triangle et couvrant presque tout le haut du corps.

Cliché anonyme à gauche - Cliché Mas, Perpignan à droite

 

Portrait de groupe

La photographie se répand dans la société et elle devient un témoin privilégié de la vie des Roussillonnais. Ici, des personnes d’une même famille lors d’une journée dominicale passée au mas familial. Nous voyons là un type de vestes longues faisant office de robe, ouverte devant et laissant apparaître le jupon plissé. La jeune fille de droite possède quant à elle un ensemble à coupe plus complexe.


© Laurent Fonquernie
Laurent Fonquernie tient à remercier toutes les personnes qui ont bien voulu lui prêter gracieusement ces photographies.