[La région de Patras]
Tardieu, 1821
XVII. [5] Ces peuples sont séparés des
Eléens par le fleuve Larisse, sur le bord duquel on voit
un temple de Minerve dite Larissée. A quatre cent stades
plus loin est Dyme, de toutes les villes qui obéissaient
aux Achéens la seule qui suivit le parti de Philippe fils
de Démétrius dans la guerre qu'il eut avec ces
peuples. Ce fut pour cela que Sulpicius l'ayant prise, il
l'abandonna au pillage. Auguste la réunit depuis au
domaine de Patra.
[6] Dyme s'appellait anciennement Palée ; elle changea
de nom dès le temps qu'elle était sous la
domination des Ioniens : je ne sais pas bien si celui qu'elle
prit vient, comme on dit, d'une femme du pays nommée
Dyme, ou de Dymas fils d'Aegimius. Quoi qu'il en soit, il ne
faut pas se laisser tromper par les vers qui sont au bas de la
statue d'Oebotas à Olympie. Cet Oebotas remporta le prix
du stade en la septième olympiade, et n'eut une statue
qu'en la quatre-vingtième après un certain oracle
rendu à Delphes : voici ce que porte l'inscription
:
[7]
A la course Ebotas remporta la victoire,
Et l'antique Palée en vit croître sa gloire.
Sur la foi de ces vers on pourrait croire que Dyme s'appellait
alors Palée ; mais on se tromperait : car il faut savoir
que les anciens noms sont ordinairement plus propres en
poésie, et que par cette raison les poètes Grecs
s'en servent plus volontiers. C'est ainsi qu'ils appellent
Amphiaraüs et Adraste les Phoronides, et qu'au lieu de dire
Thésée, ils disent l'Erecthide.
[8] Avant que d'arriver à la ville, on trouve sur sa
droite le tombeau de Sostrate. C'était un jeune homme du
pays, que l'on dit avoir été aimé
d'Hercule. Après sa mort Hercule qui vivait encore, lui
fit élever un tombeau, et se coupa les cheveux sur sa
sépulture. De mon temps on voyait sur une petite hauteur
un cippe avec une statue d'Hercule adossée contre, et
j'appris que les gens du lieu rendaient tous les ans des
honneurs à Sostrate comme à un héros.
[9] On voit à Dyme un temple et une statue de Minerve,
qui sont l'un et l'autre d'une grande antiquité : on y
voit aussi un temple consacré à Dindymène
et à Attis ; ce que c'était qu'Attis, c'est un
mystère que l'on tient si secret, que je n'en ai pu rien
apprendre ; mais voici ce qu'Hermésianax poète
élégiaque en a écrit. Selon lui, Attis
était fils d'un Phrygien nommé Calaüs, et
naquit impuissant. Quand il fut grand, il alla en Lydie, et il y
enseigna le culte et les cérémonies de la
mère des dieux ; ce qui le rendit si cher à cette
déesse, que Jupiter en fut indigné, et qu'il
suscita un sanglier qui ravagea les terres des Lydiens, tua une
infinité de personnes et Attis même.
[10] Les Galates qui habitent Pessinunte, semblent confirmer
cette tradition, en ce que dans leurs sacrifices ils n'immolent
jamais ni porc, ni sanglier. Mais du reste la fable qu'ils
débitent sur Attis est bien différente de ce qu'en
dit le poète Hermésianax. Si on les en croit,
Jupiter eut un songe impur ; la terre mouillée du sang de
ce dieu devint féconde et produisit un génie de
figure humaine, qui avait les deux sexes. On le nomma Agdistis.
Les dieux épouvantés de ce monstre ne lui
laissèrent que le sexe féminin, et du
retranchement de l'autre naquit l'amandier.
[11] Cet arbre ayant porté du fruit dans la saison, une
nymphe fille du fleuve Sangar voulut en manger ; elle cueillit
des amandes et les mit dans son sein ; aussitôt les
amandes disparurent et la nymphe se sentit grosse ; elle
accoucha d'un fils que l'on exposa dans les bois et qui fut
nourri par une chèvre. Il eut nom Attis ; cet enfant prit
croissance et parut d'une beauté plus qu'humaine ;
Agdistis l'ayant vu, conçut une violente passion pour
lui. Dans la suite les pareils d'Attis renvoyèrent
à Pessinunte pour lui faire épouser la fille du
Roi.
[12] Déjà l'on chantait l'hyménée
lorsqu'arrive Agdistis, qui par ses enchantements troubla
tellement l'esprit d'Attis et du Roi son beau-père, que
tournant l'un et l'autre leurs mains contre eux-mêmes ils
se rendirent eunuques. Agdistis au désespoir d'un
événement si malheureux obtint de Jupiter que
nulle autre partie du corps d'Attis ne pût jamais se
corrompre ni se flétrir. Telle est la fable que l'on
débite à Pessinunte.
[13] Aux environs de Dyme on voit une statue d'Oebotas. Ce fut
le premier Achéen qui se distingua à Olympie. On
dit que ses compatriotes n'ayant honoré sa victoire
d'aucun monument public, il en fut si indigné qu'il fit
des imprécations contre tous ceux qui disputeraient le
prix après lui, et l'on prétend qu'un dieu
l'exauça. Les Achéens s'en aperçurent
enfin, lorsque surpris de ce qu'aucun d'eux n'était
jamais couronné aux jeux olympiques, ils
envoyèrent consulter l'oracle de Delphes pour en
apprendre la raison.
[14] Alors ils firent ériger une statue à Oebotas
dans Olympie, et lui décernèrent plusieurs autres
marques d'honneur. Incontinent après Sostrate de
Pellène fut proclamé vainqueur dans la classe de
la jeunesse. Les Achéens qui veulent se signaler aux jeux
olympiques observent encore aujourd'hui cette coutume, de
commencer par honorer Oebotas sur son tombeau, et de couronner
ensuite sa statue lorsqu'ils sont victorieux.
XVIII. [1] A quarante stades au-delà de Dyme est
l'embouchure du Pirus. Olene ville d'Achaïe fut autrefois
bâtie sur les bords de ce fleuve. Les poètes grecs
qui ont écrit la vie d'Hercule en vers n'ont pas
été peu embarrassés à rechercher qui
était ce Dexamène roi d'Olene qui reçut
Hercule chez lui, et quels étaient les présents
dont il accompagna cet acte d'hospitalité. Ce qui est de
certain, c'est qu'Hermésianax dans une
élégie sur le centaure Eurytion témoigne
qu'Olene n'était au commencement qu'une bicoque, et l'on
assure que dans la suite ses habitants à cause de sa
petitesse furent obligés de l'abandonner pour se retirer
à Pires et à Eurytées.
[2] Du Pirus à Patra on compte environ quatre-vingt
stades. Le Glaucus a son embouchure auprès. Suivant les
historiens qui ont traité des antiquités de la
ville de Patra, Eumélus originaire du pays fut le premier
qui s'y fit un établissement considérable, il
régna même sur le peu d'habitants qui s'y
trouvèrent. Triptolème venu d'Attique lui apprit
à semer du blé et à bâtir des villes.
La première qu'il bâtit fut appellée
Aroé du nom même que les Grecs donnent à la
culture des terres.
[3] Anthéas fils d'Eumélus pendant que
Triptolème dormait s'avisa d'atteler des dragons à
son char, et de courir le pays semant du blé. Mais le
jeune homme tomba malheureusement et se tua. Eumélus et
Triptolème pour honorer sa mémoire bâtirent
à frais communs une ville qu'ils nommèrent
Anthée.
[4] Bientôt après ils en fondèrent une
troisième entre Aroé et Anthée, et cette
dernière à cause de sa situation fut nommée
Messatis. Quant à ce que ceux de Patra racontent de
Bacchus, qui fut élevé, disent-ils, dans la ville
de Messatis, et qui par les embûches des dieux Pans courut
un danger manifeste, je ne m'amuse point à les
contredire, et je les laisse exalter la gloire de leur ville
comme il leur plaît.
[5] Dans la suite des temps les Achéens ayant conquis le
pays sur les Ioniens, Patréüs fils de
Preugène et petit-fils d'Agénor, fit
défense aux Achéens d'habiter Anthée ni
Messatis ; il agrandit Aroé, l'entoura d'un nouveau mur,
et voulut que de son nom elle fût appellée Patra.
Agénor père de Preugène était fils
d'Aréüs et petit-fils d'Ampyx, qui eut Pélias
pour père. Pélias naquit d'Eginète,
Eginète de Daritus, Daritus d'Argalus, Argalus d'Amyclas,
et Amyclas de Lacédémon : tels furent les
ancêtres de Patréüs.
[6] Après un long espace de temps ceux de Patra, seuls
entre les Achéens et de leur propre mouvement,
s'embarquèrent pour aller secourir leurs anciens amis les
Etoliens, qui étaient en guerre avec les Gaulois. Ils
remportèrent d'abord quelque avantage ; mais ensuite ils
furent entièrement défaits et réduits
à la dernière misère. C'est pourquoi ceux
qui regagnèrent leur pays, au lieu de rentrer dans Patra,
se dispersèrent pour la plupart dans la campagne afin de
gagner leur vie, ou allèrent habiter les petites villes
des environs, comme Anthée, Messatis, Boline, Argyre et
Arbas.
[7] Dans la suite Auguste, soit parce que Patra lui parut
être un fort bon mouillage, soit pour quelqu'autre raison,
voulut que toute cette multitude retournât en son ancienne
demeure ; il détruisit même une petite ville
d'Achaïe nommée Rhypes, et en transplanta les
habitants à Patra. Enfin il prit cette ville tellement en
affection, que ce fut la seule de toute l'Achaïe qu'il
laissa jouir de sa liberté, et il la distingua toujours
comme une colonie du peuple Romain.
[8] Dans la citadelle de Patra, il y a un temple de Diane
Laphria ; ce surnom est étranger et la statue de la
Déesse est aussi étrangère. Car Auguste
ayant dépeuplé Calydon et toute l'Etolie pour en
transférer les habitants à Nicopolis qu'il avait
bâtie sous le promontoire d'Actium,
[9] il orna cette ville d'une infinité de statues qu'il
avait enlevées aux Etoliens et aux Acarnaniens ; en
même temps il donna à ceux de Patra une partie des
dépouilles de Calydon, et nommément la statue de
Diane Laphria, que ces peuples gardent encore
précieusement dans leur citadelle. Quant au surnom de la
Déesse, quelques-uns le tirent du nom d'un Phocéen
; car ils prétendent que ce fut Laphrius fils de Delphus
et petit-fils de Castalius, qui consacra à Diane cet
ancien monument.
[10] Mais d'autres veulent que Diane ait été
surnommée Laphria, du mot grec elaphros, qui
signifie doux, léger, parce que la colère qu'elle
avait fait sentir à Oeneüs s'apaisa avec le temps,
et que les Calydoniens lui devinrent moins odieux. Quoi qu'il en
soit, cette statue est d'or et d'ivoire et représente la
Déesse en habit de chasse ; c'est un ouvrage de deux
fameux statuaires de Naupacte, Ménechmus et Soïdas,
que l'on ne croit guère moins anciens que Canachus de
Sicyone et que Callon de l'île d'Egine.
[11] Les habitants de Patra célèbrent tous les
ans une fête en l'honneur de Diane, et ils observent
religieusement les cérémonies qu'ils ont
reçues de leurs pères. Ils arrangent en rond tout
autour de l'autel des pièces de bois vend de la longueur
de seize coudées, et au milieu de ce circuit ils mettent
une pareille quantité de bois sec. La veille de la
fête ils apportent de la terre molle, dont ils font des
gradins afin de pouvoir monter à l'autel.
[12] Ensuite la cérémonie commence par une
procession où l'on porte la statue de la Déesse
avec toute la pompe imaginable ; une vierge qui exerce le
sacerdoce paraît la dernière, portée sur un
char attelé de deux cerfs. Le lendemain on prépare
le sacrifice, et tous y assistent avec autant de dévotion
que d'allégresse. Entre la balustrade et l'autel il y a
un grand espace où l'on jette toute sorte d'animaux tout
en vie, premièrement des oiseaux bons à manger ;
en second lieu des victimes plus considérables, comme des
sangliers, des cerfs, des chevreuils, des louveteaux, des
ourseaux, même des loups et des ours ;
troisièmement des fruits de toute espèce.
[13] Ensuite on met le feu au bûcher. Alors ces animaux
qui sentent la chaleur de la flamme deviennent furieux, ainsi
que j'en ai été témoin ; quelques-uns
même s'élancent par dessus la balustrade et
cherchent à s'échapper ; mais on les reprend et on
les ramène à l'autel ; ce qu'il y a de particuler,
c'est qu'au rapport de ces peuples il n'en arrive point
d'accident, et que jamais personne n'a été
blessé en cette occasion.
XIX. [1] Entre le temple de Diane Laphria et l'autel dont je
viens de parler on voit le tombeau d'Eurypyle. Je dirai qui
était Eurypyle et par quelle aventure il vint à
Patra ; mais auparavant il est bon d'exposer en quel état
se trouvaient les habitants du pays lorsqu'il y arriva. Les
Ioniens étaient encore maîtres d'Aroé,
d'Anthée et de Messatis ; ces trois villes
possédaient en commun un certain canton avec un temple
consacré à Diane, et par cette raison la
Déesse était surnommée Triclaria. Là
ces peuples célébraient tous les ans une
fête en l'honneur de Diane, et la nuit qui
précédait cette fête passait en
dévotion. La prêtresse de Diane était
toujours une vierge, qui était obligée de garder
la chasteté jusqu'à ce qu'elle se mariât, et
pour lors le sacerdoce passait à une autre.
[2] Or il arriva qu'une jeune fille d'une grande beauté
nommée Cometho étant revêtue du sacerdoce,
Mélanippus le jeune homme de son temps le mieux fait et
le plus accompli devint amoureux d'elle. Voyant qu'il en
était aimé réciproquement, il la demanda en
mariage à son père. Le naturel des vieillards est
de s'opposer toujours à ce que souhaitent les jeunes
gens, et d'être surtout fort peu touchés de leurs
amours. Par cette raison Mélanippus ne put obtenir de
réponse favorable ni des parents de la fille, ni des
siens propres.
[3] On vit en cette occasion comme en bien d'autres, que quand
une fois l'amour nous possède, toutes les lois divines et
humaines ne nous sont plus de rien. Mélanippus et Cometho
satisfirent leur passion dans le temple même de Diane, et
ce saint lieu allait être pour eux comme un lit nuptial,
si la Déesse n'avait bientôt donné des
marques terribles de sa colère ; car la profanation de
son temple fut suivie d'une stérilité
générale, en sorte que la terre ne produisait
aucun fruit, et ensuite de maladies populaires qui emportaient
une infinité de monde.
[4] Ces peuples ayant eu recours à l'oracle de Delphes,
la Pythie leur apprit que l'impiété de
Mélanippus et de Cometho était la cause de tous
leurs maux, et que le seul moyen d'apaiser la Déesse
était de lui sacrifier à l'avenir tous les ans un
jeune garçon et une jeune fille qui excellassent en
beauté sur tous les autres. De ce barbare sacrifice le
fleuve qui passe auprès du temple de Diane Triclaria fut
nommé Amilichus, car jusques-là il était
demeuré sans nom.
[5] Ainsi pour le crime de ces deux amants on voyait
périr de jeunes filles et de jeunes hommes qui en
étaient très innocents ; leur sort et celui de
leurs proches était bien cruel, tandis que
Mélanippus et Cometho, les seuls coupables, paraissaient
moins malheureux ; car du moins avaient-ils contenté
leurs desirs, et les amants se trouvent heureux de pouvoir se
satisfaire même aux dépens de leur vie.
[6] Voici maintenant comme on raconte que cessa cette barbare
coutume de sacrifier des hommes à Diane Triclaria. Les
habitants d'Aroé en consultant l'oracle d'Apollon,
avaient appris qu'un prince étranger leur apporterait un
jour une divinité étrangère, et
qu'aussitôt on cesserait de répandre le sang humain
à l'autel de Diane. Après la prise de Troie, dans
le partage qui fut fait du butin, il échut à
Eurypyle fils d'Evémon un coffre où l'on avait
renfermé une statue de Bacchus, faite à ce que
l'on croyait par Vulcain, et dont Jupiter avait fait
présent à Dardanus.
[7] Les uns disent qu'Enée prit la fuite si
précipitamment qu'il laissa ce coffre, et d'autres
assurent que Cassandre le cacha exprès, sachant bien que
quelque Grec l'emporterait et qu'il s'en trouverait mal. En
effet Eurypyle ne l'eut pas plutôt ouvert qu'à la
vue du simulacre de Bacchus, son esprit s'aliéna de sorte
que la raison ne lui revenait que par intervalles. Dans cet
état, au lieu de faire voile en Thessalie, il prit la
route de Cirrha par le golfe de ce nom, et alla droit à
Delphes pour savoir de l'oracle par quel moyen il pourrait
guérir d'une maladie si fâcheuse.
[8] La réponse fut qu'à l'endroit où il
trouverait des hommes occupés d'un sacrifice qui lui
paraîtrait étrange, il eût à
déposer le coffre fatal qu'il avait enlevé, et
à y fixer sa demeure. Les vents ayant porté sa
flotte jusques dans la rade d'Aroé, il y débarqua,
et en mettant pied à terre il vit un jeune homme et une
jeune fille que l'on conduisait à l'autel de Diane. Le
seul appareil lui fit juger que c'étaient deux victimes
que l'on allait immoler. Les habitants de leur côté
voyant un prince qu'ils n'avaient jamais vu se souvinrent de la
prédiction qui leur avait été faite, et
lorsqu'ils aperçurent un grand coffre, ils
jugèrent qu'il pouvait bien renfermer cette
divinité étrangère qui devait mettre fini
leurs maux ; c'était en effet l'accomplissement de
l'oracle.
[9] Eurypyle recouvra son bon sens, on cessa d'égorger
des hommes à l'autel de la Déesse, et le fleuve
changeant de nom suivant l'événement s'appella
Milichus, et non plus Amilichus. Quelques auteurs attribuent
cette aventure non à Eurypyle le Thessalien, mais
à un autre Eurypyle fils de Dexamène, qui fut roi
d'Olene, et qui ayant accompagné Hercule dans son
expédition de Troie reçut de lui ce coffre pour
présent ; du reste ils adoptent l'histoire avec toutes
ces circonstances.
[10] Pour moi, j'ai peine à croire qu'Hercule pût
ignorer ce qu'il y avait dans ce coffre, et qu'en ayant
connaissance il eût fait un si funeste présent
à un prince à qui il avait obligation. Quoi qu'il
en soit, ceux de Patra ne connaissent point d'autre Eurypyle que
le fils d'Evémon, et ils l'honorent encore tous les ans
sur son tombeau immédiatement après la fête
de Bacchus.
XX. [1] Le Dieu que l'on garde dans ce coffre est
surnommé Esymnète. Le peuple choisit parmi les
plus honnêtes gens de la ville neuf hommes et autant de
femmes pour être les ministres de son culte. Sa fête
se célèbre tous les ans, et la nuit qui la
précède le prêtre du Dieu apporte ce coffre
et en tire la statue. Voici la cerémonie qui se pratique
ensuite : tous les enfants du pays se rendent sur le bord du
fleuve Milichus couronnés d'épis de blé, et
dans l'appareil de ces victimes que l'on immolait à
Diane.
[2] Mais aujourd'hui ils déposent seulement leurs
couronnes aux pieds de la Déesse, ensuite ils se lavent
dans l'eau du fleuve, reprennent des couronnes de lierre, et
s'en vont au temple de Bacchus Esymnète. Dans l'enceinte
du temple de Diane Laphria il y a une chapelle de Minerve
surnommée Panachéïs, dont la statue est d'or
et d'ivoire.
[3] En descendant à la ville basse on trouvé le
temple de Dindymène où Attis est honoré,
quoiqu'il n'ait point de statue ; du moins il n'en paraît
aucune. Pour la déesse Dindymène, sa statue est de
marbre. Dans la place publique on voit un temple de Jupiter
Olympien ; le Dieu est sur un trône, ayant Minerve
à côté de lui. Près de ce temple est
celui de Junon. Apollon a aussi le sien ; le Dieu est
représenté nu, à l'exception des pieds qui
sont chaussés, et dont il tient l'un sur le crâne
d'une génisse,
[4] pour marquer que cet animal lui était
agréable comme vous le témoigne Alcée dans
un hymne qu'il a fait sur Mercure, et où il raconte
comment Mercure déroba des vaches à Apollcn. Mais
avant Alcée Homère nous avait appris qu'Apollon
sur l'espoir d'une certaine récompense voulut bien garder
les troupeaux du roi Laomédon ; car voici les paroles que
le poète met dans la bouche de Neptune :
[5]
De la superbe Troie, architecte nouveau,
Prenant moi-même en main l'équerre et le
cordeau,
Je bâtissais les murs, j'élevais les
défenses.
Apollon cependant de plaisirs et de danses
Follement occupé, conduisait des troupeaux.
Il y a bien de l'apparence que l'ouvrier avait vue ces
témoignages des poètes, lorsqu'il a
présenté ainsi Apollon, tenant un pied sur le
crâne d'une génisse. Vous verrez encore dans place
publique une statue de Minerve, qui est sans abri. Tout devant
est le tombeau de Patréüs.
[6] Le lieu destiné
à la musique tient à la place ; on y voit une
statue d'Apollon d'une grande beauté, et qui fut faite
des dépouilles remportées sur l'ennemi,
après que ceux de Patra, seuls entre les Achéens,
eurent marché au secours des Etoliens, qui étaient
attaqués par les Gaulois. Cette espèce de salon
destiné à la musique est le plus riche et le plus
beau qu'il y ait dans toute la Grèce, après celui
d'Athènes qu'Hérodès Atticus a fait
construire en l'honneur de sa femme et qui surpasse de beaucoup
tous les autres en grandeur et en magnificence. Je n'en ai rien
dit dans ma description de l'Attique, parce que ce superbe
ouvrage n'était pas encore achevé.
[7] En sortant de la place par le côté où
est le temple d'Apollon vous trouvez une porte de la ville, et
sur cette porte des statues dorées qui
représentent Patréüs, Preugène et
Athérion. Vis-à-vis de la place et du même
côté, vous avez le temple de Diane Limnatis, avec
un grand espace consacré à cette
Déesse.
[8] On dit que les Doriens s'étant rendus maîtres
d'Argos et de Lacédémone, Preugène fut
averti en songe d'enlever de Sparte la statue de Diane Limnatis,
et qu'il en vint à bout par le moyen d'un esclave dont il
avait éprouvé la fidélité. On garde
cette statue à Mésoa, parce que ce fut-là
que Preugène jugea à propos de la déposer.
Mais tous les ans le jour de la fête de Diane un des
ministres de la Déesse a soin d'apporter sa statue
à Patra, et de la remporter ensuite.
[9] Sur le terrain qui est consacré à Diane il y
a plusieurs chapelles où l'on va par dessous une galerie
; dans l'une on voit une statue d'Esculape qui est de marbre,
à l'exception de l'habit ; dans une autre on voit une
Minerve d'or et d'ivoire. Devant cette chapelle de Minerve est
la sépulture de Preugène, où l'on rend tous
les ans des honneurs à ce héros dans le temps de
la fête de Diane Limnatis. Près du
théâtre sont deux autres chapelles
dédiées l'une à Némésis,
l'autre à Vénus avec des statues de marbre blanc
plus grandes que nature.
XXI. [1] Dans le même quartier vous verrez encore le
temple de Bacchus surnommé Calydonien, parce que la
statue du Dieu a été apportée de Calydon.
Du temps que cette ville subsistait, entre les prêtres de
Bacchus il y en avait un appellé Corésus, que
l'amour rendit le plus malheureux de tous les hommes. Il aimait
une jeune fille nommée Callirhoé : mais plus sa
passion augmentait pour elle, plus il en était
rebuté.
[2] Après avoir mis en oeuvre tout ce que l'amour
suggère aux amants, soins, prières, supplications,
voyant que tout était inutile, enfin il eut recours
à Bacchus, et embrassant sa statue, il le pria de lui
être favorable. Le Dieu exauça son ministre :
aussitôt les Calydoniens furent frappés d'une
espèce d'ivresse qui les mettait hors d'eux-mêmes,
et qui en faisait mourir plusieurs. Ils envoyèrent
consulter l'oracle de Dodone ; car en ce temps-là tous
les peuples de cette contrée, je veux dire les Etoliens,
leurs voisins les Acarnaniens, et les Epirotes avaient grande
foi aux réponses qui sortaient du creux d'un certain
chêne, ou que rendaient quelques colombes de la
forêt de Dodone.
[3] L'oracle consulté répondit que le malheur des
Calydoniens venait de la colère de Bacchus, et que pour
la faire cesser il fallait que Corésus immolât
à son autel Callirhoé, ou quelqu'un qui voudrait
mourir pour elle. Cette jeune personne n'ayant trouvé ni
parent, ni ami qui l'aimât assez pour vouloir lui
conserver la vie aux dépens de la sienne propre, se
voyait condamnée à mourir.
[4] Déjà on la conduisait à l'autel, et
tout était prêt pour la sacrifier ; Corésus
attendait de pied ferme sa victime. Mais il ne la vit pas
plutôt, qu'oubliant son ressentiment et n'écoutant
plus que son amour, il s'immola lui-même et mourut pour
elle, laissant aux hommes un exemple mémorable de l'amour
le plus constant et le plus infortuné que l'on eût
encore vu parmi eux.
[5] Callirhoé au désespoir de la mort de
Corésus, et honteuse d'avoir si mal pavé tant
d'amour, alla se tuer sur le bord d'une fontaine qui n'est pas
loin du port de Calydon, et que l'on appelle encore aujourd'hui
la fontaine Callirhoé.
[6] Je ne dois pas oublier qu'à Patra près du
théâtre il y a un lieu sacré qui appartenait
autrefois à une femme de la ville, et où l'on
garde à présent plusieurs statues de Bacchus, qui
tirent leurs noms des différentes villes d'Achaïe.
Ainsi vous y voyez un Bacchus Messatéüs, un Bacchus
Anthéüs, un Bacchus Aroëus ; et le jour de la
fête du Dieu on porte toutes ces statues dans le temple de
Bacchus Esymnète, qui est à
l'extrémité de la ville ha se sur le bord de la
mer, et à la droite du chemin par où l'on vient de
la place.
[7] Au sortir de ce temple vous en trouvez un autre
dédié à la déesse Salus qui a une
statue de marbre. On croit que ce fut Eurypyle qui bâtit
ce dernier, lorsqu'il eut recouvré son bon sens. Le
temple de Neptune est tout contre le port ; la statue du Dieu
est de marbre et toute droite. Outre les divers surnoms que les
poètes donnent à Neptune sans autre vue que de
rendre leurs vers plus harmonieux et plus beaux, il en a encore
plusieurs autres tirés de la dénomination
même de chaque pays où il est honoré. Mais
on le surnomme plus généralement
Pélagéüs, Asphaliéüs, et
Hippius.
[8] Quant à cette dernière appellation, quoique
l'on en puisse rendre plus d'une raison, je la crois
particulièrement fondée sur ce que Neptune est le
premier qui a trouvé l'art de dompter un cheval. C'est
pourquoi Homère, dans la description d'une course de
chevaux, nous représente Ménélas exigeant
de son adversaire que, la main sur ses chevaux, il jure par
Neptune qu'il n'a usé d'aucune supercherie pour
embarrasser son char.
[9] Et Pamphus qui a fait pour les Athéniens des hymnes
très anciens appelle Neptune, le Dieu qui a donné
aux hommes des chevaux et des navires. Je suis donc
persuadé que c'est pour cette raison que Neptune est
surnommé Hippius, comme qui dirait le Cavalier.
[10] Près du temple de ce Dieu, Vénus a le sien
où l'on voit entre autres une statue de la Déesse,
qui vingt-cinq ou trente ans avant mon voyage fut trouvée
dans la mer par des pécheurs. Mars et Apollon sont en
bronze immédiatement devant le port, et sur le port
même on voit un temple de Vénus avec une statue
dont le visage, les pieds et les mains sont de marbre, et le
reste est de bois.
[11] Il y a sur le bord de la mer un bois où l'on
s'exerce à la course, et qui durant l'été
fournit des promenades délicieuses ; ce bois est
orné de deux temples consacrés à Apollon et
à Vénus, où ces deux divinités sont
en marbre. Le temple de Cérès n'en est pas loin.
Cérès et Proserpine y sont debout, mais la Terre
est assise.
[12] Devant ce temple il y a une fontaine qui du
côté du temple même est fermée par un
mur de pierres sèches ; en dehors on a pratiqué un
chemin qui y descend. On prétend que cette fontaine rend
des oracles qui ne trompent jamais ; elle est consultée
non sur toutes sortes d'affaires, mais seulement sur
l'état des malades. On attache un miroir au bout d'une
ficelle, et on le tient suspendu au-dessus de la fontaine, en
sorte qu'il n'y ait que l'extrémité qui touche
à l'eau. Ensuite on fait des prières à la
Déesse, on brûle des parfums en son honneur, et
aussitôt en regardant dans le miroir on voit si le malade
reviendra en santé ou s'il mourra ; cette espèce
de divination ne s'étend pas plus loin.
[13] Mais à Cyanée en Lycie il y a un oracle
d'Apollon Thyrxéüs qui est plus universel ; car en
regardant dans une fontaine consacrée à ce Dieu on
y voit représenté tout ce que l'on a envie de
savoir. Vous verrez encore à Patra près du
même bois deux temples de Sérapis ; dans l'un est
le tombeau d'Egyptus fils de Bénis. Car ces peuples
prétendent qu'Egyptus se réfugia à
Arroé, inconsolable de la mort de ses fils et ne pouvant
plus souffrir le séjour, ni même le nom d'Argos, ou
il avait tout à craindre de Danaüs.
[14] Enfin Esculape a aussi son temple dans la ville un peu
au-dessus de la citadelle et près de la porte par
où l'on sort pour aller à Messatis. Il y a deux
fois plus de femmes que d'hommes à Patra, et les femmes y
sont plus enclines à l'amour qu'en aucun lieu du monde.
La plupart gagnent leur vie à faire du raiseau, et
d'autres étoffes avec cette espèce de soie que
j'ai dit qui croît en Elide.
XXII. [1] Phares est une autre ville d'Achaïe qu'Auguste a
réunie au domaine de Patra. On compte de l'une à
l'autre cent cinquante stades, et de la mer au continent on en
compte environ soixante et dix. Le fleuve Piérus passe
fort près des murs de Phares ; c'est le même,
à ce que je crois, qui baigne les ruines d'Olene, et qui
est appellé Pirus du côté de la mer. On voit
sur ses rives comme une forêt de platanes ; ces arbres
sont si vieux, que vous les trouvez creux pour la plupart, et
ils sont en même temps d'une si prodigieuse grosseur que
plusieurs personnes y peuvent manger et dormir comme dans un
antre.
[2] La place publique de Phares est bâtie à
l'antique et son circuit est fort grand. Au milieu vous voyez un
Mercure de marbre, qui a une grande barbe ; c'est une statue de
médiocre grandeur, de figure carrée, qui est
debout à terre sans piédestal. L'inscription porte
que cette statue a été posée là par
Simylus Messénien, et que c'est Mercure
Agoréüs ou le Dieu du marché. On dit que ce
Dieu rend là des oracles. Immédiatement devant sa
statue il y a une Vesta qui est aussi de marbre. La
Déesse est environnée de lampes de bronze
attachées les unes aux autres et soudées avec du
plomb.
[3] Celui qui veut consulter l'oracle fait premièrement
sa prière à Vesta, il l'encense, il verse de
l'huile dans toutes les lampes et les allume ; puis
s'avançant vers l'autel il met dans la main droite de la
statue une petite pièce de cuivre, c'est la monnaie du
pays ; ensuite il s'approche du Dieu, et lui fait à
l'oreille telle question qu'il lui plaît. Après
toutes ces cérémonies il sort de la place en se
bouchant les oreilles avec les mains dès qu'il est dehors
il écoute les passants, et la première parole
qu'il entend lui tient lieu d'oracle.
[4] La même chose se pratique chez les Egyptiens dans le
temple d'Apis. Une autre curiosité de la ville de Phares,
c'est un vivier que l'on nomme hama et qui est
consacré à Mercure avec tous les poissons qui sont
dedans ; c'est pourquoi on ne le pêche jamais. Près
de la statue du Dieu il y a une trentaine de grosses pierres
carrées, dont chacune est honorée par les
habitants sous le nom de quelque divinité ; ce qui n'est
pas fort surprenant ; car anciennement les Grecs rendaient
à des pierres toutes brutes les mêmes honneurs
qu'ils ont rendus depuis aux statues des dieux.
[5] A quinze stades de la ville les Dioscures ont un bois
sacré tout planté de lauriers ; on n'y voit ni
temple, ni statue ; mais si l'on en croit les habitants, il y a
eu autrefois dans ce lieu nombre de statues qui ont
été transportées à Rome ;
présentement il n'y reste qu'un autel qui est bâti
de très belles pierres. Au reste je n'ai pu savoir si
c'est Phares fils de Philodamie et petit-fils de Danaüs qui
a bâti la ville de Phares, ou si c'en est un autre.
[6] Tritia autre ville d'Achaïe en terre ferme est encore
de la dépendance de Patra ; Auguste l'a voulu ainsi. De
Phares à Tritia il n'y a guère que six-vingt
stades. Avant que d'entrer dans la ville on voit un magnifique
tombeau de marbre blanc, plus précieux encore par les
peintures de Nicias, que par les ouvrages de sculpture dont il
est orné. Une jeune personne d'une grande beauté
est représentée assise dans une chaise d'ivoire ;
à côté d'elle est une de ses femmes qui lui
tient une espèce de parasol sur la tête.
[7] De l'autre côté c'est un jeune garçon
qui n'a point encore de barbe ; il est vêtu d'une tunique
et d'un manteau de pourpre par-dessus ; près de lui est
un esclave qui d'une main tient des javelots, et de l'autre des
chiens de chasse qu'il mène en laisse. On ne put pas me
dire les noms de ces figures, mais je compris sans peine que
c'était le tombeau d'un mari et d'une femme.
[8] Quant à la ville de Tritia, les uns lui donnent pour
fondateur Celbidas originaire de Cumes en Opique. D'autres
disent que Tritia fille du fleuve Triton après avoir
été prêtresse de Minerve fut aimée du
dieu Mars, et que de ce commerce naquit Mélanippus qui
bâtit une ville, et du nom de sa mère l'appella
Tritia.
[9] Quoi qu'il en soit, vous verrez dans cette ville un temple
que les gens du pays nomment le temple des plus grands dieux ;
leurs statues ne sont que de terre ; on célèbre
leur fête tous les ans avec toutes les mêmes
cérémonies que les Grecs ont coutume de pratiquer
à la fête de Bacchus. Minerve y a aussi un temple
avec une statue de marbre ; mais cette statue est d'un
goût moderne ; les habitants prétendent
qu'anciennement il y en avait une autre qui a été
portée à Rome. Ces peuples observent
religieusement de sacrifier tous les ans au dieu Mars et
à Tritia. Voilà toutes les villes d'Achaïe
que l'on trouve en terre ferme.
[10] Si vous allez de Patra à Egium par mer, à la
hauteur de cinquante stades vous trouverez le cap Rhion. Quinze
stades au-delà c'est le port Panorme, et quinze autres
stades plus loin c'est ce que l'on appelle les murs de Minerve.
De ces murs à Eriée qui est un port de mer on
compte quatre-vingt-dix stades, et de ce port à Egium on
en compte soixante ; par terre le chemin est plus court
d'environ quarante stades.
[11] A quelque distance de Patra vous avez le fleuve Milichus
et le temple de Diane Triclaria, où il n'est resté
aucune statue ; ce temple est sur le chemin à droite. Un
peu plus loin c'est un ruisseau que l'on nomme Charadrus. On a
remarqué que les animaux qui au printemps boivent de
l'eau de ce ruisseau engendrent pour l'ordinaire des
mâles. C'est pourquoi ceux qui gardent les troupeaux ont
soin de les faire boire ailleurs, excepté les vaches ;
parce que le mâle de cette espèce est plus propre
pour la culture des terres et pour les sacrifices. Mais en toute
autre espèce de bétail la femelle est plus
estimée.
XXIII. [1] Quand on a passé le Charadrus on
aperçoit quelques ruines de l'ancienne ville d'Argyre, et
à main droite du grand chemin on trouve une fontaine qui
porte encore ce nom. Le fleuve Sélimnus a son embouchure
auprès ; ce qui a donné lieu à un conte que
font les gens du pays et que je vais rapporter. Selon eux
Sélimnus fut autrefois un beau jeune berger qui plut tant
à la nymphe Argyre, que tous les jours elle sortait de la
mer pour le venir trouver.
[2] Cette passion ne dura pas longtemps ; il semblait à
la nymphe que le berger devenait moins beau, elle se
dégoûta de lui, et Sélimnus en fut si
touché qu'il mourut de déplaisir. Vénus le
métamorphosa en fleuve ; mais tout fleuve qu'il
était il aimait encore Argyre, comme on dit
qu'Alphée, pour être devenu fleuve, ne cessa pas
d'aimer Aréthuse ; la Déesse ayant donc
pitié de lui encore une fois lui fit perdre
entièrement le souvenir de la nymphe.
[3] Aussi croit-on dans le pays que les hommes et les femmes
pour oublier leurs amours n'ont qu'à se baigner dans le
Sélimnus, ce qui en rendrait l'eau d'un prix inestimable,
si l'on pouvait s'y fier.
[4] Le fleuve Bolinée est à une médiocre
distance des ruines d'Argyre, et sur sa rive était
autrefois la ville de Boline. On dit qu'une jeune fille de ce
nom voyant Apollon amoureux d'elle se jeta dans la mer pour
éviter ses poursuites, et que le Dieu touché de
son malheur la rappella à la vie et la rendit immortelle.
Vous trouverez ensuite un promontoire qui avance dans cette mer.
C'est là, dit-on, que Saturne jeta la faux avec laquelle
il avait mutilé le Ciel son père ; c'est pourquoi
on a donné le nom de Drepanum à ce promontoire. Un
peu au-dessus du grand chemin vous verrez les ruines de Rhybes,
et vous n'aurez pas fait trente stades que vous serez à
Egium ; ce pays est arrosé de deux fleuves, le Phoenix et
le Méganite qui tous deux vont tomber dans la mer
au-dessous d'Egium.
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Traduction par l'abbé Gédoyn (1731, édition
de 1794)
NB : Orthographe modernisée et chapitrage
complété.