VIII, 3 - L'Elide

Carte Spruner (1865)

1. Le nom d'Elide s'étend aujourd'hui à toute la portion du littoral qui va de l'Achaïe à la Messénie en remontant dans l'intérieur jusqu'aux cantons arcadiens du Pholoé, de l'Azanie et de la Parrhasie. Primitivement divisé en plusieurs Etats, ce pays avait fini par n'en plus former que deux, le royaume des Epéens et celui de Nestor, fils de Nélée : c'est encore Homère qui nous l'apprend en désignant, comme il fait, sous le nom d'Elis les possessions Epéennes,

«Le long des côtes de la divine Elis où dominent les Epéens» (Odyssée, XV, 298),

et sous le nom de Pylos, de Pylos sur l'Alphée, les possessions de Nestor,

«L'Alphée qui de son large cours sillonne la terre des Pyliens» (Iliade, V, 545).

Homère mentionne bien ailleurs Pylos en tant que ville,

«Ils atteignent alors Pylos, la ville de Nélée aux belles et fortes murailles» (Odyssée, III, 4),

mais ce n'est assurément pas de la ville qu'il parle, quand il dit que Pylos était traversé ou baigné par l'Alphée, car la ville est située sur un autre fleuve appelé par les uns Pamisus, et par les autres Amathus (d'où est venue apparemment l'épithète d'Emathoéis jointe parfois au nom de Pylos), et il est de fait que l'Alphée n'arrosait que la Pylie ou campagne pylienne.

2. Quant à la ville actuelle d'Elis, elle n'existait pas encore au temps d'Homère ; toute la population du pays vivait disséminée dans des bourgs, et c'est le pays même qui, en raison de sa nature, portait le nom de Coelé-Elis : le sol y est, en effet, presque partout très bas, notamment dans la portion la plus fertile. Ce n'est que bien longtemps après, et postérieurement aux guerres médiques, que plusieurs de ces bourgs ou dèmes se réunirent et formèrent la ville actuelle d'Elis. A peu d'exceptions près, du reste, il en est de même pour les autres localités du Péloponnèse mentionnées par Homère, elles doivent être considérées, non comme des villes, mais comme des espèces de cantons, de districts, composés chacun de plusieurs dèmes, qui, en se réunissant plus tard, formèrent les différentes villes que nous connaissons : Mantinée, par exemple, qui fut fondée en Arcadie par les Argiens, le fut par suite de la réunion de cinq dèmes ; Tégée se forma de la réunion de neuf dèmes, Hérée de la réunion d'un même nombre de dèmes opérée par les soins de Cléombrote on de Cléonyme ; sept ou huit dèmes réunis formèrent aussi la ville d'Aegium, sept dèmes la ville de Patrae, huit dèmes la ville de Dymé. Or, c'est là ce qui était arrivé à Elis ; cette ville située aujourd'hui sur le fleuve Pénée, lequel y passe près du Gymnase, s'était formée de la réunion de [huit] dèmes circonvoisins, auxquels s'ajouta plus tard le dème des Agriades, mais, [comme nous l'avons dit plus haut,] quand cette réunion eut lieu, les possessions de Nestor avaient passé depuis bien longtemps déjà sous la domination des Eléens.

3. Les possessions de Nestor comprenaient : 1° la Pisatide avec Olympie ; 2° la Triphylie ; 3° la Cauconie. La Triphylie doit son nom à cette circonstance qu'elle fut naguère le théâtre de la fusion ou réunion de trois peuples (tria phula), de trois races distinctes, à savoir les Epéens, habitants primitifs, les Minyens, colonie étrangère, et les Eléens, conquérants du pays. A la place des Minyens, cependant, certains auteurs nomment les Arcadiens, qui ont effectivement à différentes reprises élevé des prétentions sur la Triphylie, ce qui a même fait appeler quelquefois le Pylos de Triphylie du nom de Pylos Arcadique. Homère, lui, donne à toute cette contrée jusqu'à Messène, le nom de Pylos ni plus ni moins qu'à la ville, mais il nous fournit la preuve en même temps, dans son Catalogue ou Dénombrement des vaisseaux, par les noms de chefs et de localités qu'il indique, que la Coelé-Elide était restée en dehors des possessions de Nestor. Si je rapproche ainsi l'état actuel du pays de la description qu'en a donnée Homère, c'est qu'il y a là, je le répète, pour le géographe une sorte de contrôle rendu indispensable et par l'autorité du poète et par l'étroit commerce que nous entretenons tous avec lui dès notre enfance, chacun de nous ne croyant avoir bien traité le sujet qui l'occupe que s'il n'a choqué en rien cette tradition homérique si universellement accréditée : continuons donc de la sorte, et à la description de l'état actuel des lieux joignons toujours celle qu'en a donnée Homère, puis, dans la mesure de ce qui peut être utile, comparons les deux descriptions.

4. Au N. de l'Elide et à 60 stades seulement de la ville achéenne de Dymé s'avance le cap Araxus. Partons de ce cap, qui marque effectivement le commencement de la côte d'Elide et dirigeons-nous au couchant, nous rencontrons d'abord Cyllène, qui sert de port à la moderne Elis, située à 120 stades dans l'intérieur. C'est évidemment la même Cyllène qu'Homère a entendu désigner lorsqu'il a dit (Iliade, XV, 518) :

«Otus le Cyllénien commande les Epéens»,

car il n'eût pas mis à la tête des Epéens un chef originaire du mont Cyllène en Arcadie. Cyllène d'ailleurs est un bourg passablement grand et qui possède l'Esculape de Colotès, statue en ivoire d'un admirable travail. Vient ensuite le cap Chélonatas, qui est le point le plus occidental du Péloponnèse. A ce cap, que prolongent encore une petite île et des bas-fonds, et qu'une traversée [de 80 stades au plus] sépare de Céphallénie, correspond la limite de la Coelé-Elide et de la Pisatide, formée aussi en partie par le cours de l'Elise ou Elison.

5. Dans l'intervalle de Cyllène au cap Chélonatas, deux fleuves, le Pénée d'abord, et, après le Pénée, le Selléïs débouchent à la mer. Le Selléïs, le même dont parle Homère, descend du Pholoé et passe près d'une ville du nom d'Ephyre, qu'il ne faut pas confondre avec ses homonymes de Thesprotie, de Thessalie et de Corinthie. Celle-ci est une quatrième Ephyre, la même ville peut-être sous un autre nom qu'Oenoé, que Boenoé pour mieux dire (car le nom se prononce ainsi d'ordinaire) : tout au moins est-elle sa proche voisine se trouvant sur la route du Lasion à 120 stades d'Elis. Il y a tout lieu de penser que c'est de cette Ephyre qu'Homère parle à propos d'Astyochée, mère de Tlépolème, l'un des Héraclides,

«Il l'avait enlevée d'Ephyra, des bords mêmes du fleuve Selléïs» (Iliade, II, 659) ;

car cette partie de l'Elide, on le sait, fut, plus que les cantons dont nous parlions tout à l'heure, le théâtre de la valeur d'Hercule ; et d'ailleurs il n'existe pas de fleuve du nom de Selléïs dans les environs des autres Ephyres. De la même ville aussi provenaient et [la fameuse cuirasse] de Mégès,

«Phylée l'avait rapportée naguère d'Ephyra, des bords du Selléïs» (Iliade, XV, 531) ;

et ces poisons terribles [dont parle le poète à plusieurs reprises. Minerve], en effet, dans l'Odyssée (I, 261), dit qu'Ulysse est allé à Ephyre

«Chercher le venin homicide dont il a besoin pour y tremper ses flèches» ;

c'est aussi ce que disent les prétendants en parlant de Télémaque,

«Peut-être encore veut-il visiter les grasses prairies d'Ephyre,
et en rapporter le terrible poison qu'il nous destine» (
Odyssée, II, 328).

Ce qui explique d'autre part comment Nestor, dans le récit de sa guerre contre les Epéens, ayant à nommer la fille d'Augéas, leur roi, la représente comme une sorcière initiée à la connaissance des poisons :

«C'est moi, dit-il, moi qui le premier renversai de ma lance un chef ennemi, le vaillant Mulius : il était gendre d'Augéas, et avait épousé sa fille aînée. Celle-ci connaissait tout ce que la terre, dans son vaste sein, nourrit de sucs vénéneux» (Iliade, XI, 738).

6. Apollodore, il est vrai, voulant montrer comment Homère s'y prend d'ordinaire pour distinguer les unes des autres les villes homonymes, a écrit ceci : «De même que, pour distinguer entre les deux Orchomènes, Homère donne à l'une (celle d'Arcadie) l'épithète de polumêlon, comme qui dirait riche en troupeaux, et à l'autre (celle de Béotie) la dénomination de Minyenne ; de même encore qu'il empêche, par le seul rapprochement de deux noms,

«Entre Samos et Imbros» (Iliade, XXIV, 78),

qu'on ne confonde Samothrace avec Samos d'Ionie, de même il a su distinguer l'Ephyre de Thesprotie des autres Ephyres par l'épithète de lointaine et par la mention du Selléïs». Mais sur ce point là, dirons-nous, et, bien qu'en général il ne fasse que le copier, Apollodore se trouve en désaccord avec Démétrius de Scepsis. Démétrius nie formellement qu'il existe en Thesprotie un fleuve du nom de Selléïs et le seul Selléïs qu'il indique est celui que nous avons nommé plus haut, c'est-à-dire le Selléïs d'Elide, le Selléïs qui passe près de l'Ephyre d'Elide. L'opinion d'Apollodore sur ce point demande donc à être revisée, tout comme celle qu'il a émise au sujet d'Oechalie, qu'il n'y a qu'une seule des villes de ce nom à qui convienne la qualification homérique de ville d'Eurytus dit l'Oechalien. Pour Apollodore, cette ville est évidemment l'Oechalie de Thessalie, celle que mentionne Homère dans le vers suivant,

«Et ceux qui habitaient Oechalie, ville d'Eurytus dit l'Oechalien» (Iliade, II, 730) ;

mais alors, demanderons-nous, quelle est cette Oechalie d'où sortait Thomyris, lorsqu'il fut près de Dorium rencontré par les Muses ?

«Et arrêtant le chantre de la Thrace elles mirent fin pour jamais à ses chants».

De deux choses l'une en effet : ou il s'agit là encore de l'Oechalie de Thessalie et c'est le Scepsien qui a évoqué mal à propos certaine Oechalie d'Arcadie qu'on prétend être la ville actuelle d'Andanie ; ou bien celui-ci a eu raison, Homère a réellement désigné comme ville d'Eurytus l'Oechalie d'Arcadie, et alors il y avait deux Oechalies d'Eurytus, et non pas une seule, comme l'a prétendu Apollodore.

7. Entre l'embouchure du Pénée et celle du Selléïs, au pied du mont Scollion s'élevait naguère une ville appelée Pylos, mais qui différait évidemment de celle de Nestor, puis qu'on ne peut la rattacher ni au cours de l'Alphée ni à celui du Pamisus, ou de l'Amathus pour mieux dire. Quelques auteurs néanmoins veulent, contre la force de l'évidence, revendiquer pour elle l'honneur d'avoir donné naissance à l'illustre Nestor. L'histoire, on le sait, constate l'existence dans le Péloponnèse de trois villes appelées Pylos, on a même fait à ce propos le vers suivant :

«Devant Pylos, il y a Pylos ; derrière Pylos, encore Pylos».

Ces trois villes sont : 1° celle dont nous parlons actuellement ; 2° Pylos le Lépréatique dit aussi Pylos de Triphylie ; 3° Pylos de Messénie, ou, comme on l'appelle quelquefois, Pylos Coryphasien. Or chacune de ces villes a trouvé des garants pour établir qu'elle était le vrai Pylos Emathoéïs, autrement dit la patrie de Nestor : en général les auteurs modernes, tant les historiens que les poètes, font de Nestor un héros messénien, donnant ainsi la préférence à celui des trois Pylos qui s'est conservé jusqu'à eux. D'autres, plus fidèles à la tradition homérique, soutiennent, conformément aux vers du poète, que la ville de Nestor était celle dont l'Alphée traversait le territoire : et l'on sait que l'Alphée traverse la Pisatide et la Triphylie. Enfin, les habitants de la Coelé-Elide, mus de la même ambition pour leur Pylos, invoquent en sa faveur, comme autant d'indices certains, le voisinage d'une localité nommée Gérénos et l'existence dans le pays d'un fleuve du nom de Gérôn et d'un autre cours d'eau appelé le Géranies, ne doutant pas que ce ne soit là l'origine de ce nom de Gérénien que le poète donne habituellement à Nestor en guise d'épithète. Mais les Messéniens de leur côté se servent du même argument et il faut convenir que dans leur bouche il offre plus de vraisemblance, le nom de leur Gérènes, ville autrefois si peuplée et si florissante, étant, ainsi qu'ils le prétendent, bien autrement connu. Tel eet donc l'état actuel de la Coelé-Elide.

8. Quant à l'ancienne division dont parle Homère (Iliade, II, 615)en quatre cantons, sous quatre chefs distincts, il faut convenir qu'elle n'est pas suffisamment claire :

«Ces peuples habitaient Buprase et la divine Elis, tout ce qu'enferment dans leurs territoires et Hyrminé et Myrsine, limite extrême de la contrée, et Alisium et la Roche Olénie : quatre chefs les commandaient, suivis chacun de dix vaisseaux rapides, sur lesquels se pressaient de nombreux Epéens».

Il semblerait en effet, à voir comment Homère applique la dénomination générale d'Epéens à la fois aux Buprasiens et aux Eléens, sans plus rappeler que les Buprasiens étaient eux-mêmes des Eléens, que ce n'est point l'Elide même qu'il divise ainsi en quatre parties, mais bien le territoire Epéen qu'il subdivise, après l'avoir déjà divisé en deux parties principales, Buprasium formant à ce compte non une portion quelconque de la divine Elis, mais l'une des deux divisions du territoire Epéen, d'autant mieux qu'on trouve les Buprasiens qualifiés formellement d'Epéens dans le passage suivant de l'Iliade :

«Comme le jour où, dans Buprase, les Epéens ensevelirent Amaryncée leur roi» (Iliade, XXIII, 630).

Mais d'un autre côté, et par cela seul qu'Homère a dans son énumération réuni les noms de Buprase et de la divine Elis et qu'il a indiqué, tout de suite après, cette division en quatre cantons, il paraît évident qu'il a entendu l'attribuer en commun à Buprasium et à Elis. Tout porte à croire en effet qu'anciennement Buprasium était une des principales localités de l'Elide ; on peut même supposer que cette ville, qui aujourd'hui n'existe plus (le nom de Buprasium aujourd'hui ne désigne plus qu'un petit pays où passe la route qui va de Dymé à la moderne Elis), exerçait dans ce temps-là par rapport à Elis, tout comme les Epéens par rapport aux Eléens, une sorte de prépondérance. Mais plus tard le nom d'Eléens prit la place de celui d'Epéens et Buprasium devint elle-même partie intégrante d'Elis. Or, Homère, on le sait, par une de ces figures poétiques qui lui sont familières, énumère volontiers ensemble le tout et la partie, il dira, par exemple :

«Au coeur de la Grèce et d'Argos» (Odyssée, I, 344),

ou :

«Au coeur de la Grèce et de la Phthie» (Ibid, XI, 496),

ou bien encore :

«Curètes et Aetoliens combattaient» (Iliade, IX, 529),

ou enfin :

«Ceux qui habitent Dulichium et les Echinades sacrées» (Iliade, II, 625)

(Dulichium fait partie, on le sait, du groupe des Echinades) ; sans compter que des poètes beaucoup glus modernes usent aussi de la même figure, témoin Hipponax dans ce passage :

«Ils mangent le pain de Cypre et le froment d'Amathonte» ;

et Alcman dans celui-ci :

«Elle quitte l'aimable Cypre et Paphos entourée d'eau» ;

témoin Aeschyle quand il dit :

«Toi qui as pour domaine Cypre entière et Paphos».

Si, maintenant, l'on objecte qu'Homère n'a donné nulle part aux Buprasiens le nom d'Eléens, il y a bien d'autres faits, répondrons-nous, d'autres faits notoires, dont il n'a pas parlé davantage, et son silence en pareil cas ne prouve point que le fait même n'a pas existé, mais seulement que lui, Homère, n'a pas jugé à propos de le mentionner.

9. Au dire d'Hécatée de Milet, cependant, les Epéens et les Eléens auraient formé deux nations différentes et la preuve qu'il en donne c'est que les Epéens accompagnaient Hercule dans son expédition contre Augéas et qu'ils aidèrent le héros à vaincre ce prince et à s'emparer d'Elis. Hécatée qualifie en outre Dymé de ville épéenne et achéenne. A cela nous pourrions répondre que les anciens historiens, nourris comme ils sont dans le mensonge par l'usage continuel qu'ils font des fables, ont de temps à autre avancé juste le contraire de la vérité et que c'est même là ce qui explique comment, parlant d'une même chose, ils s'accordent souvent si peu entre eux ; mais ici rien n'empêche d'admettre que les Epéens, peuple d'abord distinct et ennemi des Eléens, ont à un certain moment pris le dessus et se sont associé les vaincus de manière à ne plus former avec eux qu'un seul et même Etat : et c'est alors apparemment que leur domination se sera étendue jusqu'à Dymé, car, bien qu'Homère n'ait pas nommé Dymé [au nombre des possessions épéennes], on peut parfaitement croire qu'à l'époque dont il parle cette ville appartenait aux Epéens et qu'elle ne passa que plus tard au pouvoir des Ioniens, ou, sinon des Ioniens, des Achéens par qui les Ioniens furent chassés. Du reste, sur les quatre divisions entre lesquelles se partageait [le territoire commun d'Elis] et de Buprasium, deux seulement, Hyrminé et Myrsine, appartiennent à l'Elide proprement dite, les deux autres, au dire de certains auteurs, se trouvant déjà en dedans des limites de la Pisatide.

10. La petite ville qui portait le nom d'Hyrminé n'existe plus ; mais i1 y a encore près de Cyllène un promontoire escarpé qui se nomme Hermine ou Hyrmine. Quant à Myrsine, elle se reconnaît dans une localité appelée aujourd'hui Myrtuntium et située sur la route de Dymé à Elis à 70 stades de cette dernière ville en tirant vers la mer. On suppose, maintenant, que la Roche Olénie n'est autre que le Scollis : on en est réduit en effet à des suppositions, quand les lieux ont comme ici changé d'aspect et de nom et qu'on n'a pour se guider que les indications souvent bien vagues d'Homère. Le Scollis est une montagne toute rocheuse, qui se rattache à cette autre montagne d'Arcadie nommée le Lampée, et qui se trouve former la limite commune des territoires de Dymé, de Tritée et d'Elis, n'étant qu'à 130 stades d'Elis, à 100 stades de Tritée et à 100 stades aussi de Dymé : ces deux dernières villes appartiennent l'une et l'autre à l'Achaïe. Enfin l'ancien Alisium se retrouve dans une localité de l'Amphidolie, nommée aujourd'hui Alesiaeum, et située sur la route qui mène d'Elis à Olympie par la montagne : c'est même là que se tient l'assemblée mensuelle de tout le canton. Il fut un temps, il est vrai, où Alisium comptait parmi les villes de la Pisatide, mais on sait que les révolutions politiques font sou-vent varier les frontières des Etats. Homère paraît l'avoir appelée aussi Aleisiou Kolônê (Alisiou-Koloné), comme qui dirait le tertre ou tombeau d'Alisius :

«Jusqu'à ce que notre char eut atteint les champs fertiles de Buprase et la roche Olénie,
et le lieu où d'Alisius s'élève le tombeau (
Kolônê)» (Iliade, XI, 756).

Otez en effet l'inversion, reste le nom de lieu Aleisiou-kolônê. J'ajoute que, suivant certains auteurs, il y aurait aujourd'hui encore dans le pays un cours d'eau appelé l'Alisius.

11. Au sujet des Caucones, comme l'histoire mentionne un peuple de ce nom en Triphylie sur la frontière de Messénie, que Dymé en outre est qualifiée quelquefois de Cauconide et qu'il existe dans le territoire de Dymé, entre cette ville et Tritée, un cours d'eau appelé le Caucon, on s'est demandé s'il n'y aurait pas eu deux Cauconies distinctes, celle de la Triphylie et celle des environs de Dymé, d'Elis et du Caucon. Le Caucon se jette dans un autre cours d'eau portant le nom de Teuthéas, c'est-à-dire le nom même d'une des petites villes qui furent réunies naguère à Dymé, avec cette seule différence que le nom du fleuve est masculin, tandis que celui de la ville est féminin et se prononçait Teuthéa sans sigma avec la dernière syllabe longue. C'est sur l'emplacement de cette petite ville que s'élève aujourd'hui le temple de Diane Némaeenne. Le Teuthéas à son tour se réunit à un fleuve, appelé Achéloüs tout comme le fleuve d'Acarnanie, et qui passe à Dymé même. Quelquefois aussi on donne à ce fleuve le nom de Piros, Hésiode, par exemple, le lui donne dans ce vers :

«Il habitait la Roche Olénie, près des bords du Piros au large lit».

Certains grammairiens à la vérité changent la leçon Peiroio en Pieroio (Piros en Piéros), mais c'est à tort. Ce qui fait qu'il est intéressant de rechercher ainsi l'origine de l'épithète de Cauconide donnée quelquefois à Dymé et du nom de Caucon que porte une des rivières des environs, c'est qu'autrement on est embarrassé de savoir quels peuvent être les Caucones chez qui Minerve annonce qu'elle se rend pour réclamer le montant d'une ancienne créance. Qu'on entende en effet ces paroles des Caucones de Lépréum en Triphylie, je n'y vois plus, pour ma part, aucun sens raisonnable et c'est aussi pourquoi certains grammairiens ont cru devoir proposer la leçon que voici :

«Car il m'est dû là, dans la divine Elis, une forte somme d'argent».

Mais ceci s'éclaircira mieux quand nous aurons décrit ce qui suit, à savoir la Pisatide et la Triphylie jusqu'à la frontière de Messénie.

12. A partir du Chélonatas commence la longue côte de la Pisatide ; puis vient le cap Phéa. Il y avait là aussi autrefois une petite place du nom de Phéa :

«Près des murs de Phéa que baigne le Iardanus».

Et le Iardanus est apparemment le ruisseau qui se voit aux environs du cap. Certains auteurs font partir la Pisatide seulement du cap Phéa : or, il y a juste en face de ce cap une petite île pourvue d'un port, et de là à Olympie, par la voie la plus courte, c'est-à-dire en continuant à ranger la côte [jusqu'à la hauteur de cette ville], la distance n'est que de 120 stades. Suit un autre promontoire [1'Ichthys], qui s'avance, ainsi que le Chélonatas, très loin dans la direction du couchant et qui n'est encore qu'à 120 stades de Céphallénie. L'embouchure de l'Alphée, qui s'offre à nous maintenant, est à 280 stades du Chélonatas et à 545 stades de l'Araxus. L'Alphée vient des mêmes lieux que l'Eurotas : le bourg d'Asée, dans la Mégalopolitide, possède deux sources très voisines l'une de l'autre, ce sont celles des deux fleuves, qui se perdent presque aussitôt, mais pour reparaître après un cours souterrain de quelques stades et pour descendre alors, l'un vers la Laconie, l'autre vers la Pisatide. C'est à l'entrée de la Bléminatide que l'Eurotas reparaît, puis il passe à Sparte même, traverse une longue vallée où s'élève Hélos, ville déjà mentionnée par Homère, et débouche entre Acrées et Gythium, port et arsenal de Sparte. Quant à l'Alphée, après s'être grossi du Ladon, de l'Erymanthe et d'autres cours d'eau moins importants, il traverse Phrixa, arrose la Pisatide et la Triphylie, passe à Olympie même et vient tomber dans la mer de Sicile entre Epitalium et Phéa. Près de son embouchure, à 80 stades environ d'Olympie, s'élève le bois sacré de Diane dite Alphéonie ou Alphéüse (le nom a ces deux formes), qu'on honore aussi une fois l'an à Olympie dans une fête ou assemblée solennelle, comme on fait Diane Elaphie et Diane Daphnie. Tout ce canton, du reste, est rempli d'Artémisies, d'Aphrodisies et de Nymphées, situées ainsi au milieu de bois que l'abondance des eaux maintient toujours frais et fleuris ; on y rencontre en outre beaucoup d'Herniées le long des routes, et de Posidies ou temples de Neptune sur les points les plus saillants de la côte. Ajoutons que le temple de Diane Alphéonie contient différentes peintures de Cléanthe et d'Arégon, artistes corinthiens : du premier, notamment, une Prise de Troie et une Naissance de Minerve, et d'Arégon Diane sur les ailes d'un griffon, tous ouvrages excellents.

13. La montagne qui se présente ensuite forme la séparation entre le canton triphylien de Macistie et la Pisatide ; puis on voit se succéder l'embouchure d'un autre fleuve appelé le Chalcis, la fontaine des Crunes, la petite place de Chalcis et enfin Samicum où se trouve ce temple de Neptune Samien, objet d'une vénération particulière dans tout le pays : un bois d'oliviers sauvages règne alentour, et l'intendance en a été de tout temps réservée aux Macistiens, chargés aussi du soin de proclamer les féries Samiennes ; mais tous les Triphyliens contribuent à son entretien. [Le temple de Minerve Scillontienne, situé à Scillonte, ville voisine d'Olympie, et au pied même du Phellôn, compte aussi parmi les sanctuaires les plus révérés de la Grèce].

14. A la hauteur à peu près de ces temples, à trente stades, guère plus, de la mer, se trouve Pylos de Triphylie, dit aussi Pylos Lépréatique et Pylos Arcadique, le même qu'Homere qualifie d'Emathoéïs et désigne comme la patrie de Nestor. C'est ce qui semble en effet ressortir du récit même du poète, soit que le fleuve qui passe au nord de la ville et qu'on nomme aujourd'hui l'Ammaüs ait porté primitivement le nom d'Amathus et que ce soit là l'origine de l'épithète d'Emathoéïs employée par le poète, soit que ce fleuve, ainsi que deux autres cours d'eau de la Messénie, ait porté le nom de Pamisus, et qu'on ne sache plus aujourd'hui quelle circonstance a pu suggérer à Homère l'épithète en question, d'autant qu'il est absolument faux, assure-t-on, que le lit du fleuve ou l'emplacement de la ville soit amathôdês, autrement dit sablonneux. Non loin de Pylos, du côté du levant, est le mont Minthé, ainsi nommé, apparemment, de cette héroïne de la fable, qui, pour avoir été aimée de Pluton, périt écrasée sous les pieds de Proserpine et fut métamorphosée par elle en une plante bien connue de nos jardins, la menthe, ou, comme on l'appelle quelquefois, l'hédyosme. Le fait est qu'il y a un temple de Pluton, temple très vénéré aussi des Macistiens, qui se trouve adossé à la montagne même, et qu'un bois consacré à Cérès domine toute la plaine de Pylos. Cette plaine est généralement riche et fertile, mais comme, dans la partie qui touche à la mer (c'est-à-dire entre Samicum et l'embouchure de la Néda), elle n'offre plus qu'une plage étroite et sablonneuse, on pourrait à la rigueur expliquer par cette circonstance le nom d'Ematholis qu'Homère a donné à Pylos.

15. Du côté du N., le territoire de Pylos confinait à Hypanes et à Typanées, deux petites villes triphyliennes, dont une seule subsiste aujourd'hui : l'autre a été réunie à Elis. Du même côté coulent deux rivières, deux affluents de l'Alphée, le Dalion etl'Achéron. En appelant ce dernier cours d'eau Achéron, on a voulu sans doute approprier la nomenclature géographique du pays au culte d'Hadès ou de Pluton : dans toute la Triphylie, en effet, règne une vénération extrême à la fois pour les temples de Cérès et de Proserpine et pour ceux d'Hadès, ce qui peut bien tenir, ainsi que le pense Démétrius de Scepsis, au triste contraste qu'y présente souvent la nature, puisque la Triphylie, avec un sol excellent, produit dans de certaines années une telle quantité de nielle et de morelle qu'à l'espoir d'une abondante récolte succède alors la plus affreuse disette.

16. Au S. de Pylos, à une quarantaine de stades aussi de la mer, est l'emplacement de l'ancien Lépréum ; puis, entre Lépréum et l'Alphée, juste à cent stades de l'un et de l'autre, s'élève ce temple de Neptune Samien [dont nous avons parlé plus haut], et le même qui figure dans l'Odyssée. C'est dans ce temple, en effet, que Télémaque arrive et trouve les Pyliens occupés à célébrer un sacrifice solennel :

«Ils atteignent enfin la ville de Nélée, Pylos aux belles et fortes murailles. Les Pyliens, réunis sur la plage, célébraient en ce moment un sacrifice, et immolaient de noirs taureaux en l'honneur du dieu à la chevelure azurée qui de son trident ébranle la terre» (Odyssée, III, 4).

Le territoire de Lépréum était riche et fertile et confinait à celui de Cyparissus, autre ville occupée par les Caucones, qui possédaient en outre la Macistie. Ce dernier canton, appelé quelquefois aussi le Plataniste, a pour chef-lieu une petite ville du même nom. Ajoutons qu'on signale dans la Lépréatide le tombeau d'un certain Caucon, qui peut avoir été soit l'archégète de la première colonie cauconienne, soit un simple individu portant le même nom que la nation à laquelle il appartenait.

17. Diverses traditions ont cours au sujet des Caucones, et cela se conçoit d'un peuple qui passe pour être originaire d'Arcadie, ainsi que les Pélasges, et pour avoir mené longtemps, comme ceux-ci, une vie de courses et d'aventures, Homère les compte au nombre des peuples venus au secours de Troie ; mais d'où venaient-ils alors ? Il ne le dit point. Peut-être était-ce de la Paphlagonie, où l'on connaît encore un peuple du nom de Cauconiates, voisin et limi-trophe des Mariandyniens, autre nation Paphlagonienne. Nous parlerons plus au long des Cauconiates, quand nous en serons arrivé à la Paphlagonie dans notre description de la terre habitée. Pour le moment, nous nous bornerons à ajouter quelques mots d'éclaircissement au sujet des Caucones de la Triphylie. Suivant certains auteurs, toute l'Elide actuelle, depuis la Messénie jusqu'à Dymé, aurait porté le nom de Cauconie. Antimaque, notamment, comprend les populations de l'Elide sous la dénomination générale soit d'Epéens, soit de Caucones ; mais d'autres nient que les Caucones aient jamais occupé ce pays en entier, et ils nous les montrent partagés en deux corps de nation, dont l'un était établi en Triphylie, sur la frontière de Messénie, tandis que l'autre habitait du côté de Dymé, dans la Bupraside et la Coelé-Elide : c'est celui dont Aristote a eu plus particulièrement connaissance. Or, cette seconde opinion a l'avantage de s'accorder mieux avec ce que dit Homère des Caucones, et de résoudre, qui plus est, la question posée plus haut. Donnons, en effet, Pylos de Triphylie pour résidence à Nestor, tout le pays au S. et à l'E. de Pylos jusqu'à la frontière de la Messénie et de la Laconie lui obéit, et, comme ce sont les Caucones précisément qui l'habitent, il s'ensuit que, pour aller de Pylos à Lacédémone, il faut de toute nécessité passer par chez les Caucones. Mais comme, d'autre part, le temple de Neptune Samien et ce port voisin du temple où Homère fait débarquer Télémaque se trouvent situés au N. et à l'O. de Pylos, si ces Caucones sont les seuls qu'il y ait en Elide, le récit du poète n'offre plus aucune vraisemblance.

[Or, bien qu'il soit loisible au poète d'user de temps à autre de fictions, toutes les fois qu'il peut dans ses récits se conformer à la réalité, c'est à ce dernier parti qu'il doit s'attacher de préférence 2.] Admettons, au contraire, que la nation des Caucones soit partagée en deux et qu'une de ses fractions habite le canton de l'Elide qui touche à Dymé, il devient évident que c'est d'un voyage chez ces Caucones que Minerve parle à Nestor, et, dès là, ni son retour au vaisseau, ni sa séparation d'avec son compagnon de voyage n'offrent plus rien que de simple et de naturel, puisque Télémaque et la Déesse ont à aller juste à l'opposite l'un de l'autre. - Nous aurions à examiner de même les différentes questions que soulève le nom de Pylos ; mais attendons pour le faire que nous ayons poussé un peu plus loin cette description chorographique du Péloponnèse et atteint le Pylos de Messénie.

18. Il y a encore un nom, celui de Paroréates, sous lequel on a désigné longtemps certaines populations de la Triphylie, j'entends celles qui occupent les montagnes de Lépréum et de Macistos, lesquelles aboutissent à la mer près du temple de Neptune Samien.

19. Au pied de cette chaîne, sur le rivage même, s'ouvrent deux grottes, dont l'une est consacrée aux Nymphes Anigriades, tandis que l'autre passe pour avoir été le théâtre des aventures des Atlantides et de la naissauce de Iardanus. C'est là aussi que s'élèvent les deux bois sacrés dits l'Ionaeum et l'Eurycydeum [...] Samicum, qui n'est plus aujourd'hui qu'un fort, était anciennement une ville, une ville appelée Santos, probablement à cause de sa situation élevée, le mot samoi (sami), dans l'ancienne langue grecque, signifiant les lieux hauts. Peut-être était-ce là l'acropole de l'antique Aréné, cette ville que cite Homère dans son Catalogue des vaisseaux,

«Et ceux qui habitaient Pylos et la riante Aréné»,

car, en l'absence d'indices plus certains, on présume, non sans vraisemblance, qu'Aréné devait se trouver dans le voisinage du fleuve Anigrus, lequel n'est autre que l'ancien Minyeius, Homère ayant dit :

«Un cours d'eau, le Minyeius, vient se jeter dans la mer tout auprès d'Aréné».

Tout le terrain aux environs de la grotte des Nymphes Anigriades est rendu humide et fangeux par la présence d'une source, dont les eaux se déversent en grande partie dans l'Anigrus, et, comme ce fleuve, malgré sa profondeur, est peu rapide, son lit se trouve également converti en un marais stagnant, dont les eaux ont une odeur infecte et sulfureuse qui se fait sentir à vingt stades à la ronde et rend immangeables les poissons qu'on y pêche. Les mythographes expliquent cette circonstance de différentes manières : suivant les uns, des centaures blessés par les flèches d'Hercule auraient lavé leurs plaies dans le fleuve pour en exprimer le venin de l'hydre ; suivant d'autres, Mélampus aurait employé les eaux de l'Anigrus comme eaux lustrales pour la purification des Preetides. Toujours est-il qu'aujourd'hui on les prescrit en lotions contre toute espèce de dartres, alphes, leucés et lichens. Il paraît même que le nom de l'Alphée vient de la propriété qu'ont aussi les eaux de ce fleuve de guérir les dartres appelées alphes. Quant à l'ancien nom de l'Anigrus, on croit, vu le peu de pente de son lit et l'espèce de résistance que lui oppose la mer (double cause qui donne à ses eaux l'aspect d'eaux stagnantes plutôt que d'eaux courantes), on croit, dis-je, que sa vraie forme était Menyeius et que la forme Minyeius adoptée par certains auteurs n'est qu'une altération de celle-là. Il pourrait se faire pourtant que cette dernière forme tînt à d'autres causes et qu'elle rappelât soit les Minyens venus d'Orchomène avec Chloris, mère de Nestor, [soit ces autres] Minyens, descendants des Argonautes, qui, chassés de Lemnos, passèrent, dit-on, à Lacédémone et de là en Triphylie, pour s'y fixer aux environs d'Aréné, dans le canton d'Hypaipée. Ce canton, il est vrai, n'a conservé nulle trace de leurs établissements ; mais on sait qu'une bonne partie de ces Minyens, sous la conduite de Théras, fils d'Autésion, descendant lui-même de Polynice, quitta le pays pour aller occuper, entre la Cyrénaïque et la Crète, l'île qui,

«Nommée d'abord Callisté, devint ensuite la célèbre Théra».

Ainsi s'exprime Callimaque, et, en effet, la ville de Théra qu'avaient fondée ces Minyens, et qui devait fonder elle-même Cyrène, n'avait pas tardé à donner son nom à l'île entière.

20. Entre l'Anigrus et le pied de la montagne d'où ce fleuve descend, on remarque la prairie dite de Iardanus, avec le tombeau du héros et les Chaées, rochers élevés, détachés de la même chaîne de montagnes, et qui supportaient, avons-nous dit, l'antique Samos, bien que la plupart des périples ne mentionnent point cette ville. On peut supposer sans doute qu'à l'époque où ces périples furent composés elle était déjà depuis longtemps détruite, mais leur silence peut tenir aussi à la disposition des lieux, car le Posidium ou bois sacré de Neptune, qui est situé, on l'a vu, sur le bord même de la mer, se trouve adossé à une colline très élevée, et celle-ci précède et masque l'autre colline où est aujourd'hui Samicum et que couronnait anciennement Samos de manière à en dérober la vue à ceux qui rangent la côte. La meilleure preuve, du reste, qu'on puisse donner de l'existence de cette ancienne ville, c'est que la plaine ici [entre les deux collines] s'appelle également Samicum (comme qui dirait la plaine de Samos). J'ajoute que dans le poème de Rhadiné (j'entends celui qu'on attribue à Stésichore, et qui commence ainsi,

«Romps le silence, Erato, muse de l'harmonie, et aux doux accords de ta lyre amoureuse,
célèbre les amants que Samos a vus naître»),

c'est bien la Samos de Triphylie qui est désignée comme patrie des deux héros. On y lit, en effet, que Rhadiné, fiancée au tyran de Corinthe, s'embarque pour cette ville et y arrive, poussée depuis Samos par le zéphire ou vent du S.-O., ce qui ne saurait s'entendre assurément de la Samos d'Ionie ; que le même vent conduit son frère à Delphes en qualité d'archithéore ; que son cousin, son amant, dans l'espoir de la rejoindre, lance son char sur la route de Corinthe, et qu'enfin le tyran, après avoir égorgé les deux amants, renvoie leurs corps aussi sur un char, puis se ravise, fait revenir le char à Corinthe et les y ensevelit.

21. Depuis Pylos Lépréatique et depuis Lépréum jusqu'à l'autre Pylos dit de Messénie et à Coryphasium, forts situés sur la côte même, juste en face de l'île Sphagie, la distance est de 400 stades environ ; elle est de 750 stades depuis l'Alphée, et de 1030 stades depuis le Chélonatas. Dans l'intervalle [des deux Pylos], on rencontre le temple d'Hercule Macistien et le cours du fleuve Acidon, lequel passe près du tombeau de Iardanus et de l'emplacement de l'ancienne Chaa, emplacement voisin de Lépréum et occupé aujourd'hui par la plaine Aepasienne. Suivant certains grammairiens, c'est au sujet de Chaa qu'aurait eu lieu, entre les Arcadiens et les Pyliens, la guerre dont parle Homère, et il faudrait, en conséquence, lire le passage du poète ainsi qu'il suit :

«Que n'ai-je encore la jeunesse et la force que j'avais, quand sur les bords du rapide ACIDON,
et près des murs de CHAA, Pyliens et Arcadiens engagèrent cette terrible mêlée»,

c'est-à-dire substituer le nom de l'Acidon à celui du Céladon, et le nom de Chaa à celui de Phéa, vu que l'emplacement de Chaa se trouve plus rapproché du tombeau de Iardanus et de la frontière d'Arcadie.

22. Cyparissie, tout aussi bien que Pyrgi et que les bouches de l'Acidon et du Néda, appartient à la côte de Triphylie. Aujourd'hui, à vrai dire, la Triphylie et la Messénie ont pour limite le cours même du Néda, et l'on sait que ce torrent impétueux, né sur le versant du mont Lycée en Arcadie, d'une source que, suivant la fable, Rhéa fit jaillir au moment de la naissance de Jupiter exprès pour s'y laver, passe ensuite près de Phigalie et [vient déboucher dans la mer] à l'endroit où le territoire des Pyrgites, dernier peuple de la Triphylie, touche à celui des Cyparissiens, premier peuple de la Messénie. Mais telle n'était pas anciennement la limite entre les deux pays, et le royaume de Nestor, s'étendant au delà du Néda, se trouvait comprendre et le territoire de Cyparisséïs et d'autres cantons encore plus éloignés : de là vient qu'Homère a prolongé la mer Pylienne jusqu'aux sept villes promises par Agamemnon à Achille, car dans ce vers,

«Et toutes elles avoisinent la mer de Pylos Emathoéïs»,

l'expression mer de Pylos équivaut évidemment à celle de mer Pylienne [ou Triphylienne].

23. Dépassons donc Cyparisséïs et continuons à ranger la côte dans la direction de Pylos de Messénie et de Coryphasium, c'est Erana qui s'offre à nous d'abord, Erana qu'on prétend, mais à tort, s'être appelée jadis Aréné, tout comme cette autre ville de la Pylie proprement dite ; puis vient le cap Platamodès, qui n'est plus qu'à cent stades de Coryphasium et de la ville de Messénie appelée aujourd'hui encore Pylos, et enfin l'île Proté, qui renferme une petite ville de même nom. Peut-être n'insisterions-nous pas autant sur l'état ancien du pays et nous bornerions-nous à le décrire tel qu'il est actuellement, si, pour nous autres Grecs, il n'y avait, dès notre enfance, une sorte de prestige historique attaché à ces lieux ; les anciens, d'ailleurs, les anciens eux-mêmes ne s'accordent pas dans ce qu'ils nous en disent, et force nous est de peser et de discuter les témoignages. Or, c'est une règle générale, qu'on s'en rapporte de préférence aux témoins les plus illustres, les plus âgés, les plus expérimentés, et, comme il n'est personne qui ne le cède à Homère à tous ces points de vue, c'est donc lui surtout que nous devons consulter pour pouvoir faire ce que nous disions un peu plus haut, comparer l'état ancien et l'état actuel du pays. Mais, nous avons déjà discuté tout au long les vers du poète relatifs à la Coelé-Elide et à Buprasium, examinons de même ceux où il décrit les possessions de Nestor.

24. «Sous ses ordres marchaient les habitants de Pylos et de la riante Aréné, ceux de Thryum, passage du fleuve Alphée, ceux de la belle et forte Aepy, de Cyparisséïs et d'Amphigénie, ceux enfin de Ptéléum, d'Hélos et de Dorium, de Dorium où les Muses rencontrèrent Thamyris le Thrace et mirent fin pour jamais à ses chants : il revenait de visiter dans Oechalie Eurytus dit l'OEchalien» (Iliade, I, 591).

De ces différentes villes, la première est le Pylos en question : nous y reviendrons tout à l'heure. La seconde est cette Aréné dont nous avons parlé ci-dessus. Quant à la troisième, il est remarquable qu'Homère la nomme ici Thryum, lorsqu'il l'appelle ailleurs Thryoessa :

«Loin d'ici sur l'Alphée, comme un rocher à pic, s'élève la ville de Thryoessa».

Ajoutons que, s'il l'a qualifiée de passage de l'Alphée, c'est qu'il existait apparemment un gué en cet endroit du fleuve : on y voit aujourd'hui Epitalium, l'une des principales localités de la Macistie. Au sujet des mots qui suivent euktiton et aipu, quelques auteurs se sont demandé lequel des deux sert d'épithète à l'autre et quelle ville actuelle ils désignent, si c'est bien réellement Margales en Amphidolie. Margales, en effet, n'est pas un lieu fortifié naturellement, et, comme il existe une de ces forteresses naturelles dans le canton de Macistie, on soupçonne que c'est plutôt cette dernière localité qu'Homère a eue en vue et qu'iEpy est ici un nom propre, un de ces noms empruntés à la nature des lieux, comme voilà Hélos, Aegialos et tant d'autres. Reste à savoir, seulement, si ceux qui tiennent pour Margales ne pourraient pas tout aussi bien renverser l'argument à leur profit. On explique de même le nom de Thryum ou de Thryoessa donné par Homère à Epitalium en faisant remarquer que tout le pays aux environs est obstrué d'algues et de joncs (thruôdês), notamment le lit des cours d'eau ; et dans les cours d'eau, on le sait, c'est, en général, aux gués que cette circonstance s'observe. Mais, à ce compte, il pourrait se faire ; ainsi qu'on l'a prétendu, que le nom de Thryum désignât uniquement le gué du fleuve et le nom d'Aepy (euktiton Aipu) l'emplacement même d'Epitalium, d'autant que l'assiette de cette ville est naturellement très forte, et qu'Homère qualifie ailleurs Thryoessa de rocher à pic :

«Loin d'ici, sur l'Alphée, s'élève, comme un rocher à pic, la ville de Thryoessa, limite extrême de Pylos Emathoéïs».

25. Cyparisséïs, dépendance de la Macistie du temps que la Macistie s'étendait encore au delà de la Néda, est, de même que Macistum, aujourd'hui complètement désert, et ne doit pas être confondu avec la ville de Cyparissie en Messénie : les deux noms se ressemblent, mais ne sont pas identiques. Aujourd'hui pourtant le nom de Cyparissie (avec cette forme de singulier féminin) se donne aussi bien à l'ancienne ville de la Macistie, tandis qu'on réserve au fleuve le nom de Cyparisséïs. Amphigénie appartenait également à la Macistia et devait se trouver au pied de l'Hypsoéïs, colline que couronne un temple de Latone.

Quant à Ptéléum, colonie de cet autre Ptéléum situé en Thessalie et qu'Homère cite également,

«Et Anchiale, et Antron et le verdoyant Ptéléum»,

ce n'est plus aujourd'hui qu'une espèce de hallier désert, connu sous le nom de Ptéléasium. D'Hélos, à son tour, les uns font un pays traversé par l'Alphée, les autres une ville comme pouvait être Hélos en Laconie,

«Et la ville d'Hélos, dont la mer baigne l'enceinte» ;

d'autres aussi [conformément à l'étymologie] reconnaissent dans Hélos le marais voisin d'Alorium, qui entoure le temple arcadien de Diane Hélée, je dis Arcadien, vu que de tout temps c'est l'Arcadie qui lui a fourni ses prêtres. Enfin on ne s'entend pas davantage au sujet de Dorium : les uns en font une montagne et les autres une plaine, mais d'autres veulent qu'il y ait eu une petite ville de ce nom, et, bien qu'il n'en reste plus vestige aujourd'hui, quelques auteurs retrouvent son emplacement dans celui de la ville actuelle d'Oluris ou Olura, laquelle est située dans l'auléin ou vallée de Messénie. Du même côté, sur l'emplacement sans doute de la moderne Andanie, se trouvait bâtie l'Oechalie d'Eurytus, petite ville arcadienne, qu'il faut se garder de confondre avec les villes de même nom situées en Thessalie et en Eubée, et qui est bien celle que venait de quitter Thamyris le Thrace, lorsqu'il fut, près de Dorium, rencontré par les Muses, qui «mirent fin pour jamais à ses chants».

26. Il résulte de ce qui précède que le fleuve Alphée, qui ne touche, on le sait, en aucun point de son cours, ni à la Messénie, ni à la Coelé-Elide, traversait dans toute sa longueur le pays sur lequel régnait Nestor et qu'Homère comprend sous la dénomination générale de territoire des Piliens, parce que là en effet s'élevait le Pylos qui vit naître Nestor et que nous nommons indifféremment Pylos Triphyliaque, Arcadique ou Lépréatique, pour le distinguer des deux autres Pylos, lesquels sont situés sur le littoral, tandis que celui-ci se trouvait à plus de trente stades dans l'intérieur. C'est là du moins ce qui ressort des indications que nous fournit Homère : nous voyons, par exemple, que Nestor expédie de Pylos au vaisseau un messager chargé d'offrir l'hospitalité aux compagnons de Télémaque, et que Télémaque, lorsqu'il revient de Sparte, ne se laisse pas ramener à la ville même, mais prie Pisistrate de se détourner dans la direction du vaisseau, la route de la ville n'étant pas la même apparemment que celle qui conduisait au port. Ajoutons qu'ainsi la navigation de Télémaque, après qu'il a pris congé de Nestor, s'explique tout naturellement :

«Ils passent devant les Crunes et les belles eaux du Chalcis ; puis le soleil se couche, et les ombres de la nuit, s'abaissant sur la terre, enveloppent tous les chemins. Leur vaisseau continue, poussé par un vent favorable que Jupiter envoie, et, atteignant Pheae, il côtoie les rivages de la divine Elide où domine le peuple Epéen» (Odyssée, XV, 295).

Jusqu'ici, on le voit, Télémaque et ses compagnons ont fait voile du sud au nord. Tout à coup ils se détournent vers l'est, leur vaisseau quitte la ligne qu'il a suivie d'abord et qui les menait droit à Ithaque, évitant ainsi la flotte des prétendants embusquée

«Dans le canal qui sépare l'une de l'autre et Ithaque et Samos» (Odyssée, IV, 671 ; XV, 298),

et il les porte dans la direction des îles Thoées (notons qu'Homère nomme ici Thoées les mêmes îles que nous appelons actuellement Oxées et qui, placées comme elles sont près de l'entrée du golfe de Corinthe et des bouches de l'Achéloiis font déjà partie du groupe des Echinades). Mais une fois qu'ils ont dépassé Ithaque, qu'ils ont même laissé cette île derrière eux, leur vaisseau, par un nouveau détour, reprend sa direction première, et, passant entre l'Acarnanie et Ithaque, va aborder de l'autre côté de l'île, juste à l'opposite du canal de Céphallénie toujours gardé par la troupe des prétendants.

27. Supposons au contraire que le Pylos de la Coelé-Elide soit celui de Nestor, on ne comprend plus comment le vaisseau, parti de ce point de la côte, dépasse les Crunes d'abord, puis l'embouchure du Chalcis avant le coucher du soleil, atteint Phéa de nuit et range ensuite la côte d'Elide. Comme en effet ces différentes localités se trouvent situées au S. de l'Elide et s'y succèdent dans l'ordre que voici : Pliées d'abord, l'embouchure du Chalcis ens'Iite, puis les Crunes et finalement Pylos (le Pylos Triphyliaque), ainsi que Samicum, il faudrait, pour que le vaisseau pût passer en vue de cette partie de la côte, qu'à son départ du Pylos de la Coelé-Elide il eût fait voile au midi, tandis que c'est au nord, du côté où est Ithaque, qu'il se dirige, il faut donc nécessairement qu'il laisse toutes ces localités derrière lui et qu'il range la côte d'Elide de prime abord et dès avant le coucher du soleil. [Comment concilier cela avec ce que dit Homère], qu'il n'atteint les côtes d'Elide que longtemps après le coucher du soleil ? - D'un autre côté, dans l'hypothèse qui veut que Télémaque se soit séparé de Nestor à Pylos en Messénie et à Coryphasium et qui fait partir de là sa navigation en vue de regagner Ithaque, la distance à parcourir se trouve singulièrement accrue et demanderait par conséquent plus de temps : on ne compte pas moins de 400 stades jusqu'au Pylos Triphyliaque et au Posidium de Samicum. J'ajoute qu'avant de signaler sur la côte et les Crunes, et le Chalcis, et Phéa, noms de localités obscures, noms de ruisseaux plutôt que de fleuves, le poète eût commencé par nommer le Néda, puis l'Acidon, puis l'Alphée avec les lieux intermédiaires, quitte à mentionner ensuite ces autres localités insignifiantes, puisque le vaisseau, en poursuivant sa route, avait effectivement à passer devant elles.

28. Du reste, le récit que fait Nestor à Patrocle de la guerre entre les Pyliens et les Eléens, vient confirmer encore notre thèse [en faveur du Pylos Triphyliaque] : on n'a pour s'en convaincre qu'à bien examiner le passage même dans Homère. Que dit Nestor en effet ? qu'après la dévastation de la Pylie par Hercule et l'extermination de toute la jeunesse mâle du pays, comme il n'était resté à Nélée de ses douze enfants que lui, lui seul, à peine adolescent, les Epéens s'étaient aussitôt pris de dédain pour Nélée à cause de sa vieillesse et de son abandon et avaient commencé à traiter les Pyliens avec orgueil et brutalité ; qu'il avait alors, lui Nestor, pour venger ces outrages, rassemblé tout ce qu'il avait pu des serviteurs de son père, et se mettant à leur tête avait envahi le territoire Eléen, qu'il y avait ramassé un immense butin,

«Cinquante troupeaux de boeufs, cinquante parcs de moutons, cinquante seurres de porcs» (Iliade, XI, 677),

autant de bandes de chèvres, plus cent cinquante juments baies, suivies pour la plupart de leurs poulains. Après quoi il ajoute,

«Chassant alors devant nous tout ce bétail que nous voulions conduire dans la ville de Nélée,
nous atteignîmes Pylos vers le milieu de la nuit» (
Ibid, 684),

comme pour bien marquer que c'était en plein jour qu'avaient eu lieu et l'enlèvement du butin et le combat dans lequel il avait mis en fuite les Eléens accourus au secours de leurs troupeaux et tué de sa main leur chef Itymonée. Que la retraite, maintenant, eût commencé dès la tombée du jour, ils avaient fort bien pu eux-mêmes être rentrés dans Pylos vers le milieu de la nuit. Mais trois jours après, comme ils étaient occupés au partage du butin et au sacrifice [d'actions de grâce], les Epéens, rassemblés en grand nombre, prennent l'offensive à leur tour et viennent camper, fantassins et cavaliers, autour de Thryum sur l'Alphée. Immédiatement avertis, les Pyliens se portent au secours de cette place, ils s'arrêtent pour passer la nuit sur les bords du fleuve Minyeus, non loin d'Aréné, et n'atteignent l'Alphée que le lendemain vers midi. Ils célèbrent le sacrifice sur les bords mêmes de ce fleuve et y passent cette seconde nuit, mais, le lendemain matin dès l'aurore, ils engagent le combat, ont bientôt mis l'ennemi en pleine déroute et ne cessent la poursuite et le carnage qu'aux abords de Buprasium,

«En vue de la Roche Olénie et des lieux où d'Alisius on voit s'élever le tombeau :
là, Minerve les arrête et fait reculer leurs bataillons» ;

ce que le poète confirme un peu plus bas quand il dit :

«Cependant, les Achéens, tournant le dos à Buprase, ramenaient vers Pylos leurs rapides coursiers».

29. Comment supposer encore après cela qu'Homère ait voulu désigner ici soit le Pylos de la Coelé-Elide soit le Pylos de la Messénie ? La première hypothèse déjà est impossible par la raison qu'en dévastant le Pylos d'Elide Hercule eût dévasté du même coup le territoire Epéen qui n'est autre que l'Elide, et qu'on ne peut guère admettre que deux peuples frères, qui auraient eu à subir d'un ennemi commun les mêmes injures et les mêmes dommages, se seraient pris l'un pour l'autre d'une haine aussi violente et auraient à l'envi couru et dévasté leurs propres pays. Comment admettre aussi qu'Augéas et Nélée aient régné sur la même contrée, quand on voit le peu d'accord qui existait entre eux ? Nélée, nous dit Homère (Iliade, II, 697),

«Avait dans la divine Elis un précieux gage à réclamer, quatre coursiers souvent vainqueurs dans les jeux de la Grèce, quatre coursiers avec leurs chars, qu'il y avait envoyés jadis pour disputer un nouveau prix (un trépied cette fois était le prix de la course) ; mais le roi d'Elis Augéas les a avait retenus, et leur conducteur avait dû revenir seul».

Nélée, enfin, Nélée n'a pu régner en ces lieux sans que Nestor y ait régné aussi. Mais comment expliquer alors qu'Homère nous montre chez les Eléens et les Buprasiens

«Quatre chefs suivis chacun de dix vaisseaux que montaient de nombreux Epéens»,

ou, en d'autres termes, le pays divisé en quatre royaumes, sans qu'il en attribue aucun à Nestor, rangeant au contraire sous les ordres de celui-ci

«Les peuples qui habitaient Pylos et la riante Aréné»

et les lieux à la suite jusqu'à Messène ? Comment expli-quer aussi que, pour aller attaquer les Pyliens [de la Coelé-Elide], les Epéens se dirigent vers l'Alphée et s'avancent jusqu'à Thryum, que les Pyliens les battent sous les murs de cette ville et les poursuivent ensuite jusqu'à Buprasium ? D'autre part, si c'est le Pylos de Messénie que ravagea naguère Hercule, on ne conçoit pas que, séparés comme ils étaient de cette ville par une aussi grande distance, les Epéens aient pu exercer contre elle les vexations dont parle le poète, qu'ils aient pu aussi entretenir avec ses habitants des relations de commerce habituelles et contracter ces engagements dont la violation fit naître entre eux la guerre. On ne conçoit pas non plus qu'après avoir envahi le territoire ennemi Nestor eût pu, avec son immense butin, et avec tout ce bétail qu'il ramenait (les moutons, on le sait, non plus que les porcs, ne marchent ni vite ni longtemps), qu'il ait pu, dis-je, franchir aussi rapidement un trajet de plus de mille stades pour regagner Pylos dans le voisinage de Coryphasium. Et quand nous voyons trois jours après les Epéens en masse marcher sur Thryoessa et venir camper sur les bords de l'Alphée pour assiéger cette place, est-ce à dire que Thryoessa et le pays environnant dépendaient des rois de Messénie ? Il est notoire cependant que les Caucones, les Triphyliens et les Pisates s'étaient partagé tout ce canton. Reste le nom de Géréna ou de Gérénia (on trouve l'une et l'autre formes), mais il peut se faire que cette dénomination [donnée à une ville de Messénie] l'ait été après coup et avec intention, il peut se faire aussi qu'il n'y ait là qu'une coincidence fortuite. En résumé, puisque la Messénie, voire même la Laconie (comme nous le montrerons plus loin), appartenait à Ménélas, et que ce pays est arrosé par le Pamisus et le Nédon et nullement par l'Alphée qui au contraire «roule ses eaux abondantes à travers le territoire des Pyliens», des Pyliens sujets de Nestor, n'est-il pas absurde de faire passer ce prince pour ainsi dire sous la domination d'un autre et de lui enlever les villes que le Catalogue lui attribue formellement pour faire régner Ménélas sur le tout ?

30. Nous n'avons plus [pour compléter ce tableau de l'Elide] qu'à décrire Olympie et à montrer comment s'établit sur la totalité du pays la domination des Eléens. C'est dans la Pisatide, à moins de trois cents stades d'Elis que s'élève le temple d'Olympie, précédé d'un bois d'oliviers sauvages, où est le stade, et bordé par l'Alphée, qui vient de l'Arcadie et va déboucher dans la mer de Triphylie entre le couchant et le midi. Célèbre à l'origine comme siége de l'Oracle de Jupiter Olympien, ce temple, loin de déchoir et de perdre de sa renommée une fois que le Dieu eut cessé d'y faire entendre sa voix prophétique, prit l'accroissement que chacun sait par suite de la célébration dans sen enceinte des panégyries ou assemblées générales de la Grèce et des jeux olympiques, jeux stéphanites réputés sacrés et solennels entre tous. Ajoutons qu'il s'était enrichi d'une quantité de pieuses offrandes envoyées de toutes les parties de la Grèce. On y voyait, par exemple, le Jupiter en or martelé, offert naguère par Cypsélus, tyran de Corinthe ; mais ce qu'il renfermait d'incomparable c'était cette autre statue de Jupiter, due au ciseau de Phidias, fils de Charmidas, l'Athénien : elle était en ivoire et de telle dimension que, malgré l'extrême élévation du temple, l'artiste semblait avoir dans son oeuvre excédé les justes proportions. Le Dieu, en effet, bien que représenté assis, touchait presque le plafond de la tête, et l'on ne pouvait s'empêcher de penser en le voyant que, s'il se fût dressé de toute sa hauteur, il eût soulevé le toit ce l'édifice. Quelques auteurs ont consigné dans leurs écrits les dimensions exactes de cette statue ; Callimaque les a même exprimées en vers ïambiques. Ce qui fit beaucoup aussi pour le succès de l'oeuvre de Phidias, c'est que le peintre Panoenus, son cousin, lui avait prêté le concours de son talent en revêtant de couleurs éclatantes certaines portions de la statue, les draperies notamment. Le temple d'Olympie possède aujourd'hui encore plusieurs peintures de Pammnus, toutes fort belles, et c'est à lui, dit-on, que Phidias fit cette réponse mémorable. Panmuus lui avait demandé d'après quel modèle il comptait faire la figure de son Jupiter. - «D'après le portrait qu'en a laissé Homère, répondit-il en citant ces vers du poète :

«Il dit, et de ses noirs sourcils Jupiter fit un signe ; ses cheveux parfumés d'ambroisie
se dressèrent sur sa tête immortelle, et tout l'Olympe en tressaillit» (
Iliade, I, 528).

Du reste, la gloire d'avoir fondé la magnificence et le prestige du temple d'Olympie revient de droit aux Eléens. Au temps de la guerre de Troie, à vrai dire, et dès auparavant les Epéens n'étaient rien moins que florissants, ils s'étaient vu écraser successivement sous les coups des Pyliens et sous ceux d'Hercule meurtrier de leur roi Augéas ; et l'état d'abaissement dans lequel ils se trouvaient alors est attesté par ce fait qu'ils n'avaient pu envoyer devant Troie que quarante vaisseaux, tandis que les Pyliens et Nestor en avaient expédié jusqu'à quatre-vingt-dix. Mais plus tard, après le retour des Héraclides, les choses pour eux changèrent de face. Les Aetoliens d'Oxylus, compagnons des Héraclides, se trouvaient avoir avec les Epéens d'anciens liens de parenté, ils s'établirent au milieu d'eux et eurent bientôt agrandi la Coelé-Elide par la force de leurs armes ; ils enlevèrent notamment une bonne partie de la Pisatide, et c'est ainsi qu'Olympie passa sous la domination éléenne. Ce sont eux aussi qui instituèrent les jeux olympiques et qui célébrèrent les premières Olympiades. Il ne faut pas tenir compte en effet de ce que les Anciens nous disent de la construction du temple et de l'établissement de ces jeux par Hercule, soit qu'ils entendent sous ce nom l'aîné des Dactyles Idéens, qui en aurait été alors l'archégète, soit qu'ils désignent le fils même d'Alcmène et de Jupiter, mais comme ayant simplement pris part à la première lutte olympique et remporté la première victoire : ces vieilles traditions, rapportées d'ailleurs de tant de manières différentes, ne peuvent plus guère trouver créance aujourd'hui et nous sommes à coup sûr plus près de la vérité en nous bornant à affirmer que, depuis la première olympiade marquée par la victoire de Péléen Coreebas jusqu'à la vingt-sixième, l'intendance du temple et la présidence des jeux appartinrent aux Eléens. Au temps de la guerre de Troie, ou bien les jeux stéphanites n'existaient pas encore, ou, s'ils existaient, ils n'avaient encore acquis nulle part de célébrité, pas plus à Olympie que dans ces autres lieux de la Grèce qui en possèdent aujourd'hui de si renommés. Toujours eet-il qu'Homère n'a point mentionné de jeux dont le prix fût une simple couronne, mais seulement des jeux d'autre sorte, des jeux funèbres par exemple. Quelques auteurs à la vérité prétendent que ce sont les jeux Olympiques qu'il a voulu désigner dans le passage où il dit qu'Augéas avait retenu les quatre coursiers de Nélée, ces coursiers déjà tant de fois vainqueurs et que leur maître avait envoyés pour disputer un nouveau prix ; ils font remarquer que les Pisates ne figurent point dans l'Iliade comme ayant pris part à l'expédition contre Troie, le carac-tère sacré dont ils étaient revêtus les en ayant apparemment dispensés. Mais ils oublient que la Pisatide, qui a de tout temps compris Olympie, n'appartenait pas alors à Augéas; que ce prince régnait sur l'Elide seule ; que les jeux Olympiques ne se sont jamais célébrés en Elide mais toujours à Olympie, tandis que les jeux dont parle Homère n'avaient pu se célébrer ailleurs que dans la divine Elis, aux lieux mêmes où Nélée avait à réclamer son bien,

«Car on lui retenait dans la divine Elis un dépôt précieux, quatre coursiers souvent vainqueurs» (Iliade, XI, 677) ;

qu'enfin ces derniers jeux n'étaient point des jeux stéphanites, puisque le prix de la course, dans laquelle avaient dû figurer les chevaux de Nélée, consistait en un trépied, et que telle était au contraire la nature des jeux d'Olympie.

Après la vingt-sixième Olympiade, il y eut un moment où les Pisates, redevenus indépendants, célébrèrent en leur nom les jeux Olympiques alors en pleine prospérité, mais ils ne tardèrent pas à retomber sous la domination des Eléens et ceux ci reprirent la direction et la surintendance des jeux. Il faut dire que les Eléens avaient trouvé de puissants auxiliaires dans les Lacédémoniens, après la chute définitive de la Messénie et en récompense de la fidélité qu'ils leur avaient toujours gardée pendant cette guerre, alors que les descendants de Nestor et les Arcadiens faisaient cause commune avec les Messéniens. Et tel fut pour eux le bon effet de ce secours qu'en peu de temps le pays tout entier jusqu'à Messène prit le nom d'Elicle, lequel s'est maintenu jusqu'à présent, tandis que les noms de Pisatide, de Triphylie et de Cauconie disparurent pour toujours. C'est alors aussi que Pylos Emathoéis fut réuni à Lépréum : les Lacédémoniens avaient voulu par là récompenser les Lépréates d'avoir combattu contre les Messéniens à leurs côtés. Les Lacédémoniens détruisirent bien encore mainte autre ville dans le pays ; mais en général ils épargnèrent celles qui tenaient énergiquement à leur autonomie, se contentant d'exiger d'elles un tribut.

31. La célébrité de la Pisatide date de l'espèce d'hégémonie ou de prééminence politique exercée [sur le Péloponnèse] par ses chefs, par Oenomaüs d'abord, puis par Pélops et par toute la lignée des Pélopides. Salmonée passe aussi pour avoir régné en ce pays et le fait est qu'au nombre des huit villes entre lesquelles s'est partagé le territoire de la Pisatide il s'en trouve une qui aujourd'hui encore porte le nom de Salmonée. La présence du temple de Jupiter à Olympie, jointe à cette hégémonie, acheva de répandre au loin le nom de la Pisatide. Sans doute il faut tenir compte aujourd'hui du peu de certitude qui s'attache à toutes ces anciennes histoires, à farce d'innover en toutes choses, les modernes en sont venus à transformer la tradition elle-même : certains auteurs par exemple font régner Augéas sur la Pisatide et Oenomaüs et Salmonée sur l'Elide, et d'autres prétendent que les deux pays n'ont jamais formé qu'un seul et même état. Le mieux cependant est encore de s'en tenir à l'opinion commune, d'autant qu'ici tout est devenu matière à controverse, voire l'étymologie du nom de Pisatide, que les uns expliquent par l'existence d'une ville qui aurait emprunté le nom de la fontaine Pisa (Pisa pour pistra, autrement dit potistra, abreuvoir) et dont ils montrent l'emplacement au haut d'un plateau entre deux montagnes appelées l'Olympe et l'Ossa comme les deux fameux sommets de la Thessalie, tandis que les autres prétendent qu'il n'a jamais existé de ville du nom de Pise (sans quoi elle figurerait au nombre des Huit cités), que ce nom n'a jamais appartenu qu'à une fontaine, la même qui s'appelle aujourd'hui Bisa et qui avoisine Cicésium la plus grande ville de l'Octopole, et que, si Stésichore a parlé d'une ville ou cité de Pise, c'est qu'il a donné la qualification de polis à la contrée elle-même [par une figure de style analogue à celle qu'emploie] Homère lorsqu'il appelle Lesbos Macaropolis ou même Euripide lorsqu'il dit dans sa tragédie de Ion :

«L'Eubée est une cité proche voisine d'Athènes»,

et dans celle de Rhadamanthe :

«Les peuples qui occupent ici près la cité Euboïde»,

ou bien encore Sophocle dans ce passage de sa tragédie des Mysiens :

«L'ensemble du pays, ô étranger, s'appelle l'Asie, mais la ville ou cité même des Mysiens porte le nom de Mysie».

32. La ville de Salmonée [dont nous parlions plus haut] est située près d'une source de même nom, d'où s'échappe le fleuve Enipée, affluent de l'Alphée, et le même apparemment que celui dont il est question dans la Fable et pour lequel Tyro s'éprend d'amour,

«Elle s'était éprise du divin Enipée»,

puisque Salmonée, le père de Tyro, régnait précisément en ces lieux (du moins Euripide le dit-il en termes exprès dans son Aeole). Ajoutons que près de Salmonée est Héraclée, qui compte aussi parmi les huit villes de la Pisatide ; distante d'Olympie de 40 stades environ, cette ville est baignée par le Cytherius, que domine en cet endroit le temple des Nymphes Ioniades, si connues pour les vertus curatives qu'elles sont censées communiquer aux eaux du fleuve. Beaucoup plus rapprochée d'Olympie, Arpina figure également au nombre des Huit villes ; elle est traversée par le Parthénias, qui prend ensuite la direction d'Hérée, en Arcadie. Puis vient, toujours du même côté, Cicysium, autre ville de l'Octopole. Quant à Dyspontium, qui était située dans la plaine même et sur le chemin d'Elis à Olympie, elle est aujourd'hui complètement déserte, la plus grande partie de ses habitants ayant émigré à Epidamne et à Apollonie. Le mont Pholoé, bien qu'il appartienne à l'Arcadie, semble aussi toucher à Olympie et de fait ses premières pentes commencent dès la Pisatide. Toute la Pisatide, avec une bonne partie de la Triphylie, confine à l'Arcadie ; de là vient qu'on a souvent attribué à ce dernier pays la plupart des localités du territoire Pylien qu'Homère a mentionnées dans son Catalogue des vaisseaux, mais c'est là une erreur, au dire des gens compétents, car de ce côté la frontière de l'Arcadie est formée par le cours de l'Erymanthe, un des affluents de l'Alphée, et ces différentes localités sont toutes en deçà de l'Erymanthe.

33. Nous lisons, maintenant, dans Ephore qu'Aetolus, chassé d'Elide par Salmonée, roi des Epéens et des Pisates, passa en Aetolie, donna son nom au pays et y fonda le peu de villes qu'on y rencontre ; qu'un descendant d'Aetolus, Oxylus, grand ami de Téménus, l'un des trois chefs héraclides, lui servit de guide, ainsi qu'à ses frères, lors de leur rentrée dans le Péloponnèse, fixa entre eux les conditions du partage et leur traça le plan de conquête du territoire ennemi, que les Héraclides l'en récompensèrent en lui permettant de reprendre possession de l'Elide, patrie de ses ancêtres, qu'il alla lever à cet effet une armée en Aetolie et revint attaquer les Epéens maîtres de l'Elide ; que ceux-ci marchèrent en armes à sa rencontre, et que, comme les forces des deux partis paraissaient égales, on vit, suivant une ancienne coutume hellénique, s'avancer pour combattre en combat singulier l'Aetolien Pyraechmès et l'Epéen Degménus : celui-ci s'était armé à la légère et n'avait pris que son arc dans la pensée qu'il lui serait facile de vaincre l'hoplite aetolien en le frappant de loin d'une flèche ; mais Pyraechmès, instruit de sa ruse, s'était muni d'une fronde et d'une besace remplie de pierres : la fronde était fine arme nouvelle récemment inventée par les Aetoliens eux-mêmes et qui portait plus loin que l'arc. Degménus fut tué et les Epéens, quittant l'Elide, durent céder la place aux Aetoliens. Ceux-ci se trouvèrent du même coup investis de l'intendance du temple d'Olympie, laquelle avait toujours appartenu jusque là à des Achéens. Alors, par amitié pour Oxylus, tous les chefs Héraclides s'engagèrent sous la foi du serment à regarder l'Elide comme une terre consacrée à Jupiter, et à traiter en sacrilèges, non seulement ceux qui l'envahiraient à main armée, mais ceux-là mêmes qui ne s'emploieraient pas de tout leur pouvoir à la défendre. «C'est ce qui explique, ajoute Ephore, comment plus tard, lorsqu'on bâtit Elis, on la laissa sans murailles et comment on vit dorénavant tout corps d'armée ayant à traverser le pays livrer ses armes à l'entrée pour ne les recevoir que de l'autre côté de la frontière». Le même auteur pense que le caractère sacré dont étaient revêtus 1es Eléens fut ce qui décida Iphitus à instituer les jeux Olympiques. De là aussi pour les Eléens une grande source de prospérité, car, tandis que les autres peuples du Péloponnèse étaient incessamment en guerre les uns avec les autres, eux seuls jouissaient d'une paix profonde, et, comme leurs hôtes naturellement en profitaient, il s'ensuivit que la population de leur pays s'accrut d'une façon extraordinaire. Cependant Phidon d'Argos, le dixième successeur de Téménus et le plus puissant prince de son temps (ce qui explique comment il avait pu et recouvrer en entier l'ancien lot de Téménus qu'il avait trouvé morcelé en plusieurs états et instituer tout ce système de poids et mesures dits Phidoniens et battre de la monnaie, même de la monnaie d'argent), Philon, après tout ce qu'il avait fait, voulut encore s'attaquer aux mêmes villes qu'Hercule avait prises et présider les mêmes jeux qu'Hercule avait célébrés, et, comme les jeux Olympiques étaient du nombre, il envahit le pays à main armée et célébra ces jeux en son nom, sans que personne eût pu l'en empêcher, car les Eléens, voués comme ils étaient à une paix perpétuelle, n'avaient pas d'armes, et les autres peuples du Péloponnèse avaient déjà pour la plupart subi son joug. Toutefois les Eléens n'inscrivirent jamais les jeux qu'avait tenus Phidon et s'étant procuré des armes ils entreprirent de se défendre eux-mêmes. Bientôt aussi il leur vint du secours de chez les Lacédémoniens, soit que ceux-ci eussent vu avec un secret plaisir la guerre succéder chez les Eléens à cette longue paix qui les avait rendus si prospères, soit qu'ils comptassent à leur tour s'aider d'eux pour renverser la puissance de Phidon et punir ce prince de leur avoir enlevé l'hégémonie du Péloponnèse. Effectivement les Eléens aidèrent les Lacédémoniens à détruire la puissance de Phidon et c'est en retour de ce service qu'eux-mêmes reçurent les secours des Lacédémoniens pour la conquête de la Pisatide et de la Triphylie. - Le littoral entier de l'Elide actuelle, ses sinuosités non comprises, peut bien avoir 670 stades de longueur.

Ici s'arrête notre description de l'Elide.


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