Avertissement du traducteur Amédée Tardieu (1867)

Tout le monde connaît la traduction française de la Géographie de Strabon, commencée par La Porte du Theil et Coray et achevée par Letronne, et tout le monde sans doute s'étonnera que quelqu'un ait eu l'idée de recommencer un travail si consciencieusement fait et que recommandaient de tels noms. Nous pourrions invoquer la cherté et la rareté du livre, son format peu commode et l'absence de tables qui le rend à peu près inutile pour les recherches ; nous pourrions dire surtout que depuis l'époque de la publication du dernier volume (1819), le texte de Strabon a subi d'importants changements et a été sensiblement amélioré, de sorte qu'en maint endroit l'ancienne traduction ne correspond plus aux éditions grecques dont on se sert d'ordinaire. Mais ce n'est pas là en réalité ce qui nous a décidé à entreprendre une tâche si longue et si pénible. Il nous a semblé que si, aujourd'hui, après les corrections et restitutions de Groskurd, de Kramer et de Piccolos, après les Vindiciae Strabonianae de Meineke et surtout après cet incomparable Index varia lectionis qui accompagne l'édition de M. Ch. Müller, la philologie et la paléographie, en ce qui concerne le texte de Strabon, avaient dit leur dernier mot, le commentaire géographique et historique de ce précieux texte était encore à faire, et que la meilleure préparation à une entreprise de cette nature était une traduction nouvelle faite avec autant de soin que pourrait l'être la traduction de l'un des chefs-d'oeuvre classiques. Notre traduction, n'est donc, on le voit, dans notre pensée, que le commencement d'un travail de très longue haleine, dont nous ne pouvons encore indiquer au juste ni la forme ni les dimensions. Telle qu'elle est pourtant, la nouvelle traduction de Strabon pourra former un tout complet. Elle paraîtra en trois volumes que nous avons coupés à dessein de la même façon que l'est l'édition grecque de M. Meineke, pour faciliter la comparaison du texte et de la traduction. Au bas des pages se trouvent les notes philologiques indispensables et les renvois à cet Index varie lectionis de M. Müller qui a été la véritable base de notre travail ; enfin le troisième volume sera terminé par une table des matières unique, mais aussi ample et aussi exacte que possible. Nous avons à coeur, en finissant, de remercier hautement M. le docteur Roulin, bibliothécaire de l'Institut et membre de l'Académie des sciences, de ses excellents conseils qui nous ont permis dans beaucoup de passages difficiles de donner à notre traduction plus de rigueur et de précision.