XI, 6 - La mer Caspienne

Carte Spruner (1865)

1. La seconde section [de l'Asie septentrionale] commence à partir de la mer Caspienne, là où finissait, on s'en souvient, la première. Cette mer est désignée quelquefois aussi sous le nom de mer Hyrcanienne. Parlons d'abord de ce qui la concerne et des nations qui l'avoisinent. A voir comme elle s'avance depuis l'Océan dans la direction du midi, on peut dire que la Caspienne forme proprement un golfe. Assez étroite à son entrée, elle va toujours s'évasant à mesure qu'elle pénètre plus avant dans l'intérieur, et se trouve avoir ainsi vers le fond sa plus grande largeur, 5000 stades environ, ce qui paraît être aussi à très peu de chose près la longueur du trajet entre l'entrée et le fond dudit golfe, bien que cette entrée touche en quelque sorte à la limite de la zone inhabitée. Eratosthène décrivant ce que les Grecs connaissaient du périple de cette mer, compte 5400 stades pour la partie de ses côtes qui borde l'Albanie et le pays des Cadusii ; 4800 stades pour celle qui baigne les possessions des Anariakes, des Mardes et des Hyrcani jusqu'à l'embouchure du fleuve Oxus ; et enfin 2400 stades depuis cette embouchure jusqu'à celle de l'Iaxarte. Mais il ne faut pas prendre trop au pied de la lettre, notamment en ce qui concerne les distances, les indications des auteurs relatives à cette seconde section de l'Asie composée de pays tous si prodigieusement éloignés.

2. Quand on entre dans la mer Caspienne, les peuples qu'on a à sa droite sont ceux des peuples Scythes qui viennent immédiatement après les derniers peuples de l'Europe et ceux d'entre les Sarmates dont nous avons parlé précédemment comme étant compris entre le Tanaïs et la mer Caspienne et comme menant de préférence la vie nomade.

Les peuples qu'on a à sa gauche sont les Scythes Orientaux qui vivent eux aussi de la vie nomade et qui s'étendent jusqu'aux rivages de la mer Orientale et aux frontières de l'Inde. Les historiens grecs ont dès longtemps compris tous ces peuples du Nord sous la dénomination générale de Scythes et de Celte-Scythes ; mais plus anciennement encore on distinguait par les noms d'Hyperboréens, de Sauromates et d'Arimaspes les peuples qui habitaient au-dessus de l'Euxin, de l'Ister et de l'Adriatique, et par le double nom de Saces et de Massagètes ceux d'au delà de la mer Caspienne, sans avoir toutefois rien de positif à énoncer sur ces derniers peuples ; car, si toutes les histoires faisaient mention d'une guerre de Cyrus contre les Massagètes, aucune d'elles ne donnait de cet événement une relation exacte et il faut bien convenir que l'histoire ancienne de la Perse, de la Médie et de la Syrie n'offrait guère plus de certitude, vu l'extrême crédulité de ces premiers historiens et leur grand amour du merveilleux.

3. Frappés du succès des mythographes de profession, ils s'étaient figuré que, pour rendre leurs propres compositions aussi agréables, ils n'avaient, en conservant la formé historique, qu'à raconter des choses qu'ils n'avaient ni vues ni entendues ni recueillies de la bouche de personnes ayant vu et entendu elles-mêmes, et que leur seul but devait être l'agrément du style et le merveilleux du récit. Et le fait est qu'il serait souvent plus facile d'ajouter foi aux fictions d'Hésiode et d'Homère char tant les exploits des héros, voire même aux fictions des poètes tragiques qu'aux [prétendus récits historiques] de Ctésias, d'Hérodote, d'Hellanicus et de tel autre logographe.

4. Il n'est guère plus facile de croire à ce que nous disent [des mêmes pays] la plupart des historiens d'Alexandre, car il est évident que ceux-ci ont profité pour mieux mentir et de la gloire du héros macédonien et de l'énorme distance qui nous sépare des extrémités de l'Asie dernière limite de ses conquêtes. Mais le moyen de vérifier ce qui est loin ! En revanche l'extension des empires romain et parthe nous en a plus appris sur ces contrées lointaines que tout ce qui en avait été publié précédemment, car les écrivains qui ont traité de ces événements récents se trouvent avoir décrit avec plus d'exactitude que leurs prédécesseurs les lieux qui en avaient été le théâtre et les peuples qui y avaient été mêlés, pour avoir apparemment plus observé par eux-mêmes.


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