© Agnès Vinas

Cette statue d'Auguste a été trouvée à Rome via Labicana, et par les reproductions qu'elle a suscitées a connu une diffusion extraordinaire dans tout l'Empire romain : du lieu de la découverte elle a donc tiré le nom du type dont elle est la première représentante, le type «Labicana».

Elle mesure 2,17 m de hauteur. Tête et avant-bras sont en marbre grec, le reste en marbre italien. Elle est actuellement conservée au Musée National des Thermes à Rome.

Elle représente Auguste en Pontifex Maximus, en toge (togatus), et tête couverte (capite velato). Elle doit donc être datée de 12 avant JC (terminus ante quem), date à laquelle Auguste put enfin accéder au Pontificat. Ce Pontificat avait été attribué en 43 au triumvir Lepidus, qui s'avéra peu fiable et fut mis sur la touche par Octave dès 36. Mais le Pontificat était viager, et Lépidus, bien que relégué dans une retraite peu dangereuse, ne fut pas très coopératif : il s'accrocha à sa charge pendant 30 ans, et ne consentit à passer la main qu'en 13 avant JC. Cependant, en matière de réformes religieuses, Auguste ne l'avait pas vraiment attendu...

La statue Labicana est importante à double titre : d'une part elle rappelle la campagne que mena Auguste en faveur du port de la toge, vêtement peu pratique mais typiquement romain et symboliquement lié à un passé plein de sa conscience nationale, mais surtout, évidemment, elle donne du prince l'image exemplaire de pietas qu'il entretint avec beaucoup d'application à partir de 27 avant JC pour faire oublier les symboles de la guerre civile, plus glorieux, moins modestes, et donc moins aptes à lui faire mener à bien la réforme religieuse et morale qu'il avait entreprise.





En matière religieuse, il faut souligner l'intervention d'Auguste dans les domaines suivants :

  1. Restauration des anciens temples :
    Dans ses Res Gestae, Auguste affirme avoir restauré 82 temples ; cette restauration de temples républicains s'accompagne évidemment de la dédicace de nouveaux temples, à Jules César divinisé, à Apollon du Palatin, à Mars Ultor, etc. Il faut remarquer que si la plupart des anciens temples républicains gardèrent leurs colonnes en tuf et leurs décorations en terre cuite, les dieux récupérés par le nouveau régime bénéficièrement, eux, de marbre blanc et de toits dorés.

  2. Restauration des anciens cultes : Avec l'aide de M. Terentius Varro, qui compila tout ce qui pouvait encore être trouvé sur les anciens rites, Auguste mit un accent particulier sur la restauration des collèges de prêtres, des fêtes, des rituels. Les sacrifices se firent plus nombreux, et eurent droit aux honneurs de la statuaire. L'addition de nouvelles fêtes au calendrier dut faire intervenir les spécialistes des Fastes, dont Ovide ne fut probablement pas le plus soumis à la doxa officielle... En revanche, l'intervention d'Auguste sur le calendrier julien fut particulièrement efficace : ce calendrier dut attendre le Moyen Age avec la réforme grégorienne pour connaître son premier amendement.

© Agnès Vinas

  1. Tentative de restauration du Mos majorum :
    Auguste insista particulièrement sur le volet moralisateur de cette tentative de restitution des anciennes valeurs républicaines, perdues depuis que les «ferments de décadence orientale» s'étaient infiltrées à Rome au IIe siècle avant JC. Tite-Live écrivit l'histoire de cette décadence, et Auguste tenta d'y remédier, avec une batterie législative complète comprenant entre autres les fameuses leges Juliae sur les mariages et l'adultère... Peine perdue. L'incitation nataliste n'eut guère plus de succès. C'est que l'exemple du prince lui-même n'était pas exempt de critiques, et celui de sa famille se passait de tout commentaire...