I. En Grèce

Dès les temps héroïques, la violation de la foi conjugale par une femme mariée fut considérée comme un crime qui donnait lieu à l'application du droit de vengeance établi dans toutes les sociétés primitives. L'époux offensé qui n'avait pas immolé l'adultère surpris en flagrant délit, poursuivait le criminel dans sa personne, dans sa famille et dans son patrimoine unis par la loi de solidarité ; mais il pouvait se contenter d'une réparation pécuniaire (moichagria), sans préjudice de la restitution des présents par le père de sa femme. Lorsque le législateur intervint dans la répression des crimes qui intéressaient au moins indirectement la société, il laissa cependant subsister des traces du système antérieur. Le mari pouvait immoler le complice de sa femme pris sur le fait, mais il devait s'exiler et subir une purification. Plus tard, certains législateurs, comme Dracon à Athènes, exemptèrent le mari de toute peine, lorsque les coupables frappés par lui avaient été pris en flagrant délit. On raconte que Zaleucus, législateur des Locriens, ordonna de crever les yeux au coupable d'adultère ; Charondas livrait les deux complices à l'insulte et à la risée du peuple ; à Cymè et en Pisidie, les adultères étaient forcés de faire une promenade sur un âne ; à Lepreum, l'homme était garrotté et traîné pendant trois jours à travers la ville ; la femme devait s'asseoir pendant onze jours sur le marché, couverte d'un seul vêtement très léger ; tous deux étaient frappés d'atimie perpétuelle ; à Gortyne, l'amant devait être couronné de laine et cousait devant le magistrat qui proclamait son infamie et l'obligeait à payer une somme considérable ; à Ténédos, les deux complices étaient frappés de la hache. A Sparte, la loi permettait l'adultère dans certains cas. Lycurgue, dit Plutarque, s'efforça de bannir du mariage la jalousie ; il se moquait de ceux qui n'admettent pas les autres à partager avec eux et qui punissent par des meurtres ou par des guerres le commerce que des étrangers ont avec leurs femmes. On a peine à comprendre comment le même historien qui nous donne des détails sur les infractions au devoir de fidélité entre époux a pu écrire que, à Sparte, l'adultère était inconnu.

A Athènes, Solon maintint pour le mari le droit de tuer le complice de sa femme surpris en flagrant délit (epi damarti, arthra en arthrois echôn) ; le meurtre était dans ce cas considéré non comme excusable, mais comme légitime ; de plus, l'époux devait, sous peine d'atimia, répudier sa femme ; il était interdit à celle-ci de paraître en public autrement qu'avec des vêtements grossiers, et de porter des ornements ou parures, sous peine de se les voir arracher et d'être en butte à toutes sortes de mauvais traitements ; l'entrée des temples lui était interdite, et, si elle essayait d'y pénétrer, elle en était expulsée ignominieusement. Enfin, il est vraisemblable que la femme adultère ne pouvait pas demander la restitution de sa dot ; c'est du moins ce que disent Sopater et Libanius ; mais ce point est contesté.

S'il fallait en croire Plutarque, une loi de Salon aurait permis à la femme l'adultère dans un cas. Lorsqu'une fille héritière [Epikleros] avait été réclamée en mariage par son plus proche parent, et que celui-ci était impuissant, elle pouvait avoir impunément des relations avec celui des parents de son mari qu'il lui plaisait de choisir. Mais il doit y avoir là une confusion entre les institutions spartiates et les institutions athéniennes. Xénophon, après avoir dit que les lois de Sparte autorisent l'adultère, ajoute que le système suivi par les Lacédémoniens est contraire aux lois qui sont en vigueur chez tous les autres peuples ; ce qu'il se fût abstenu de dire si les Athéniens l'eussent également adopté.

Quant au complice, s'il n'avait pas été tué sur le fait, la loi le livrait à la discrétion du mari, permettant de lui faire subir des peines corporelles humiliantes et cruelles, telles que l'épilation (paratilmos, nates moecho depilabantur calido cinere) et le supplice appelé raphanidôsis (raphani vel mugiles in podicem immittebantur). Quelquefois le mari entrait en composition avec celui qui l'avait offensé et se contentait d'une réparation pécuniaire : il pouvait alors le retenir captif jusqu'à ce qu'il eût payé ou fourni caution. Il avait enfin une action contre lui (graphe moicheias) et pouvait l'accuser devant les Thesmothètes, mais on ne sait pas précisément quelles peines étaient en ce cas prononcées contre le coupable ; tout porte à croire cependant qu'elles étaient très sévères. Cette action, bien qu'appartenant à la classe des actions publiques, ne semble pas avoir pu être intentée par un autre que par le mari. Celui qui prétendait avoir été faussement accusé d'adultère et avait été à tort maltraité comme tel, avait, de son côté, un recours devant les tribunaux (graphê adikôs eirchthênai ôs moschon). L'action en adultère était-elle possible contre la femme ? On a pu induire l'affirmative d'un passage de Lucien où il dit qu'il n'a pas voulu intenter contre la Rhétorique, qu'il appelle sa femme, une accusation d'adultère, malgré ses méfaits. Mais cette accusation n'était pas nécessaire, puisque, l'adultère une fois constaté, toutes les conséquences énoncées plus haut s'appliquaient de plein droit.

Quand la femme mariée n'avait cédé qu'à la force, le mari qui n'avait pas immolé le coupable ne pouvait exiger de lui qu'une amende de cent drachmes, peine ordinaire du viol ; car la violence avait paru moins à craindre que la séduction. Cependant Lysias dit qu'en pareil cas l'amende était double.

Notons que, d'après les lois d'Athènes, il y avait moicheia non seulement dans le cas où une épouse légitime avait des relations avec une autre que son mari, mais même dans le cas où une concubine (pallakê) se livrait à un autre qu'à son amant. Il en était autrement pour l'hétaïre [Hetaira].

Notons encore que le terme moicheia s'appliquait même aux relations existant entre un homme et une femme non mariée ou veuve. Il n'est pas possible cependant de voir là un adultère. Quant à l'opinion d'Hefter, d'après laquelle les rapports entre un Athénien et la femme d'un étranger n'auraient pas été traités par la loi comme un adultère, elle nous paraît inadmissible, et aucun renseignement laissé par les anciens ne peut être invoqué en sa faveur.

La loi athénienne n'édictait pas de peines contre le mari qui manquait à la foi conjugale. Peut-être même la femme n'aurait-elle pas été admise à invoquer l'adultère de son mari comme cause de divorce. Mais il résulte d'un passage de Diogène de Laërte, que si l'époux avait eu des relations contre nature avec un autre homme, le divorce aurait été permis à la femme.

II. A Rome

L'adultère, en droit romain, est le commerce d'une femme mariée avec un autre que son mari. Celle-ci prend le nom d'adultera, et son complice celui d'adulter ; mais le commerce que le mari pouvait avoir avec une autre femme non mariée n'était pas considéré comme une violation légale de la foi conjugale.

Dans les premiers temps de Rome, une loi répressive de l'adultère ne paraît pas avoir été nécessaire ; les moeurs étaient rudes, mais pures ; le peuple qui élevait des autels à la Pudeur entourait les matrones d'un profond respect, et regardait avec horreur toute atteinte à la sainteté du mariage. C'est en ce sens que Rein explique un passage de Cicéron, où l'orateur qualifie de lex sempiterna, la loi qui défend l'adultère ; d'ailleurs, il est probable que le législateur n'intervenait pas encore dans les rapports intimes de la famille. Nous pensons, avec ce savant jurisconsulte, que l'autorité paternelle [Patria potestas], ou celle du tribunal de famille [Judicium domesticum], reconnues l'une et l'autre par les lois, suffisaient pour protéger la pureté de l'union conjugale. Ce n'est que plus tard que la puissance publique en vint à surveiller l'exercice de cette magistrature domestique et en confia le soin aux censeurs ou aux édiles. Quoi quil en soit, voici les distinctions que l'on observait anciennement, en cas d'adultère.

Lorsque la femme n'était pas surprise en flagrant délit, le mari offensé pouvait convoquer le tribunal domestique dont on faisait remonter l'organisation à Romulus. Cette juridiction avait sans doute été établie par la coutume, et jamais elle ne fut légalement abrogée ; à une époque bien postérieure, on la voit encore exercée au défaut d'une accusation publique. Apuleia Varilia, sur l'avis de Tibère, fut jugée more majorum propinquis suis, et reléguée ainsi que son complice. Le mari pouvait seul aussi, non pas peut-être dès l'origine, mais au moins vers la fin de la République, répudier sa femme lorsqu'il l'avait in manu. En pareil cas, il y avait lieu sans doute à un judicium de moribus, pour déterminer les rétentions que le mari pouvait opérer sur la dot.

Lorsqu'il y avait flagrant délit, le mari était maître de tuer sa femme et de tirer vengeance à sa volonté du complice. Celui-ci, s'il n'était mis à mort immédiatement, périssait sous les verges, ou était réduit à mourir de faim, ou subissait les supplices de la castration, ou celui dont il a été parlé ci-dessus, de la raphanidôsis. Le père de la femme avait le même droit que son époux, et ce droit re monte sans doute à une époque antérieure à la loi Julia ; mais nous pensons qu'il était restreint au cas où, la femme n'étant pas placée in manu mariti, le père avait conservé la puissance paternelle ; cette conséquence paraît résulter der principes généraux sur l'organisation de la famille romaine et peut-être de la loi des Douze Tables, qui n'excusait la vengeance du mari qu'autant qu'elle s'exerçait sur les deux coupables immédiatement. C'était probablement déjà un adoucissement aux antiques coutumes.

A la fin de la République, la corruption des moeurs était déjà extrême à Rome, et la licence des femmes dépassait celle des hommes. On voyait les dames du plus haut rang répudiées pour cause d'adultère, ou divorçant volontairement pour se livrer sans frein à leurs passions. Auguste, qui avait pris à tâche de réorganiser la famille, et d'arrêter la dépopulation de l'Italie, crut devoir, en, l'an 737 de Rome, 17 ans avant JC., rendre un édit spécial pour la répression de l'adultère. C'est la célèbre loi Julia, de adulteriis coercendis. Ce code des moeurs se rattachait à l'ensemble des lois d'Auguste sur le mariage, le célibat et la paternité ; il tendait à multiplier les mariages en garantissant la pureté et la stabilité de l'union conjugale. C'était la première fois que l'adultère était considéré comme un délit public et que l'accusation était permise à d'autres que le père ou le mari. Ce fut donc toute une révolution qui fit une grande impression sur les esprits ; on peut en juger par les nombreux passages des auteurs classiques qui s'y réfèrent ; toutefois elle n'eut pas la puissance de mettre un terme à la corruption des moeurs. Essayons d'analyser rapidement les dispositions de cette loi célèbre.

Le principe fondamental se trouvait posé dans le premier chef qui, en abrogeant les lois antérieures sur ce point, disait : «Que nul à l'avenir ne commette sciemment un adultère ou un struprum». L'adultère, comme on l'a dit plus haut, était légalement défini : le commerce de la femme avec un autre que son mari, peu importait d'ailleurs que le mariage fût justum, c'est-à-dire conforme aux règles du droit civil romain, ou seulement un mariage de droit des gens, injustum, ou même formellement prohibé ; mais la loi Julia ne punissait ni l'infidélité de la fiancée, qui ne fut assimilée à l'adultère que par Sévère et Antonin, ni celle de la femme esclave, unie en contubernium avec un autre esclave. Au contraire, l'atteinte portée à l'union dite concubinatus, permettait à l'homme d'accuser la concubine jure extranei, pourvu qu'il s'agît d'une femme qui n'avait pas perdu le titre de matrone in concubinatu se dando, par exemple une affranchie devenue concubine de son patron ; la femme qui s'était fait inscrire par les édiles au nombre des courtisanes échappait à l'application de la loi ; cette inscription avait dû être interdite, au temps de Tibère, aux femmes des chevaliers, et à plus forte raison, à celles des sénateurs, sous peine d'exil.

Le complice de l'adultère était puni comme l'adultère lui-même, par exemple celui qui avait conseillé ou prêté son aide ou un asile au commerce illicite. Il est inutile d'ajouter que sans intention coupable [Dolus malus], le crime n'existait pas.

Le deuxième chef de la loi modifiait l'ancien droit de vengeance personnelle : il permettait au père adoptif ou naturel de tuer sa fille, quelle que fût sa condition, et son complice surpris en flagrant délit ; mais il fallait que le père eût conservé la puissance paternelle, ou que la femme in manu lui eût été rémancipée par le mari, et que les coupables eussent été pris dans la maison du père ou du mari ; du reste, le père devait les mettre à mort sur-le-champ, et tous deux ensemble ; l'absence d'une de ces conditions permettait de l'accuser de meurtre. Quant au mari, il lui était défendu de tuer sa femme, on son complice, à moins qu'il ne fût de basse condition, comme un mime, un leno, un histrion, un affranchi, un esclave, et qu'il ne l'eût surpris avec sa femme dans sa propre maison ; il devait chasser immédiatement son épouse et déclarer le fait dans les trois jours au magistrat ayant juridiction (eo loco ubi occidit). Lorsqu'entraîné par la passion il avait commis un meurtre en dehors des conditions légales de non-imputabilité, on le regardait comme coupable d'homicide excusable, et on ne lui infligeait qu'une peine qui ne pouvait excéder l'exil. La loi l'autorisait à retenir pendant vingt heures le complice qu'il ne voulait ou ne devait pas tuer, testandae rei causa.

Le droit d'accuser appartenait au mari aussi bien qu'au père. S'ils se présentaient ensemble, le juge désignait l'accusateur. Un délai de soixante jours utiles leur était accordé pour se porter accusateurs, après quoi le droit d'accusation devenait public ; mais le mari pouvait le reprendre, après l'inscription d'un tiers, en établissant des causes d'empêchement légitime. Tout autre ne pouvait agir que dans les quatre mois qui suivaient le délai précédent, à moins que le mari ne fût mort ou n'eût abandonné l'accusation. S'il y avait plusieurs accusateurs, le magistrat choisissait entre eux. Celui qui agissait jure extranei pouvait, en cas d'acquittement, être poursuivi comme calomniateur, pendant le délai de deux mois ; il en était autrement pour le père ou pour le mari, à moins que leur mauvaise foi ne fût évidente, circonstance qui sert à concilier plusieurs textes. Quand le procès contre la femme était terminé, la loi permettait d'attaquer son complice ; car on n'était pas obligé de les comprendre dans la même dénonciation ; l'accusateur avait même la faculté de commencer, à son choix, par l'un ou par l'autre, sauf dans le cas où la femme, ayant divorcé avant la plainte, avait épousé un autre que son complice. Alors, si l'accusé était absous, la femme ne pouvait être inquiétée ; mais quand l'adultère était devenue veuve, l'accusateur pouvait, à son choix, attaquer soit elle-même, soit son complice. Si la femme était morte, celui-ci était poursuivi isolément. Dioclétien abolit plusieurs des restrictions précédentes au droit de poursuite ; néanmoins on continua d'admettre qu'elle serait suspendue à l'égard d'un fonctionnaire public jusqu'à la fin de sa charge, moyennant la caution judiciu sistendi ; de même on attendait le retour de l'accusé absent pour le service de l'Etat : c'était la disposition formelle du septième chef de la loi Julia. L'accusation devait être intentée contre la femme dans les six mois du divorce, délai que les empereurs n'observaient pas rigoureusement, et contre son complice dans les cinq ans qni suivaient le crime ; après l'expiration du délai légal, l'action était prescrite. Remarquons d'ailleurs que cette prescription s'étendait à tous les autres délits (stuprum, incestus, lenocinium, nefanda venus) prévus et punis par la loi Julia, à moins que l'inceste ne fût joint à l'adultère. Si le divorce arrivait cinq ans après l'adultère, on ne pouvait plus inquiéter ni la femme ni son complice, car ce délai était définitif. L'accusation devait être formée au moyen d'une plainte (inscriptio libelli accusatorii) rédigée suivant les formes légales, dont l'inobservation entraînait la perte du procès. Il était prescrit au juge de faire une enquête sur le mari dont la vie et les mauvaises moeurs pouvaient servir d'excuse à sa femme. Le procès devait suivre son cours sans interruption jusqu'à la sentence, à moins que le juge n'accordât des délais pour produire des témoins.

Il nous reste à parler de la pénalité admise par la loi Julia en matière d'adultère. Certains interprètes modernes ont cru, sur la foi de Justinien, qu'elle prononçait la peine du glaive ; mais Cujas et Hoffmann ont démontré que Tribonien avait attribué à la loi Julia une disposition bien postérieure. Un texte de Paul tranche la question en nous décrivant avec détail la pénalité édictée par la loi Julia. La femme convaincue d'adultère perdait la moitié de sa dot et le tiers de ses biens ; elle était de plus reléguée dans une île ; son complice était relégué dans une île différente, et subissait la confiscation de la moitié de sa fortune. Toutefois, Rein pense que la loi prononçait l'aquae et ignis interdictio, remplacée du temps de Paul par la déportation, ou, dans certains cas, par la relégation. De plus, la loi Julia défendait à la femme condamnée de contracter une nouvelle union, mais non pas un concubinatus. Il lui était interdit de porter la stola des matrones, et on lui imposait l'obligation de revêtir la toga des courtisanes. En outre, les condamnés pour adultère étaient incapables d'être témoins. Le soldat adultère devenait incapable de servir. La loi Julia renfermait encore d'autres dispositions accessoires : ainsi elle défendait au mari d'aliéner le fonds dotal italique sans le consentement de la femme et de l'hypothéquer, même de son consentement ; elle prescrivait une certaine forme en matière de répudiation. Quant aux peines qui, du temps de Paul, étaient appliquées aux séducteurs ou à ceux qui s'étaient rendus coupables de tentative de séduction, elles ne résultaient pas de la loi Julia. C'étaient des châtiments extraordinaires, employés extra ordinem, comme l'indique la rubrique du titre du Digeste.

La loi Julia demeura en vigueur sous les empereurs et fut souvent confirmée et renouvelée, mais avec plusieurs modifications. Elle fut l'objet, comme on l'a pu voir, de commentaires de la part des jurisconsultes les plus renommés. Domitien appliqua rigoureusement cette loi, dont l'exécution était devenue plus rare sous quelques-uns de ses prédécesseurs. Cependant la corruption des moeurs n'en fut point corrigée. Sévère rendit des ordonnances rigoureuses, mais inefficaces. Antonin Caracalla outrepassa 1a rigueur des lois anciennes, en punissant l'adultère extra ordinem ; il en fut de même de Macrin et d'Aurélien. Apulée fait mention de la peine capitale. Mais ces textes sont suspects d'interpolation. Enfin Constantin, sous l'influence des idées chrétiennes, établit des peines très sévères et en rapport avec l'horreur que la religion inspirait contre l'adultère, plutôt qu'avec les nécessités politiques. Il prononça, en règle générale, la mort par le glaive, avec confiscation, contre le complice de la femme ; mais il maintint la peine de l'exil pour cette dernière, et ne punit pas l'adultère du mari avec une femme non mariée ; il restreignit le droit d'accusation au mari, et après lui à ses plus proches parents, tels que le père, le frère et l'oncle, considérant le délit comme intéressant plutôt la famille que l'Etat ; néanmoins, lorsque la femme avait commis l'adultère avec son propre esclave, l'accusation devenait publique, la femme était condamnée à mort, et l'esclave brûlé. Celui-ci obtenait l'impunité en dénonçant sa complice. La mort demeura jusqu'à Justinien la peine ordinaire de l'adultère. Les fils de Constantin outrèrent encore cette rigueur, en interdisant l'appel, et en ordonnant de soumettre les adultères à la peine des parricides, le culeus ou le bûcher. Cette loi barbare est de l'année 339. Quant à la peine bizarre imaginée par Théodose, et qui consistait à conduire publiquement les coupables avec des clochettes dans un lieu de prostitution (in prostibulum), elle ne dut être appliquée qu'exceptionnellement à ceux qui pouvaient redouter l'éclat d'une flétrissure publique.

Le même empereur prescrit la plus grande rapidité dans l'instruction des procès en adultère, sans égard à la prescription civile, ni à la compétence du Forum. En outre, il assimile à l'adultère le mariage d'un juif avec une chrétienne. Valentinien prononce contre la femme adultère la peine de mort ; mais souvent aussi on la punissait de l'exil, d'après la loi Julia, du moins sous Majorien. Justinien décide que le mari ne pourra pas répudier la femme soupçonnée d'adultère, mais qu'il devra l'accuser et, après sa condamnation, la répudier. Il confirme la peine de mort contre l'homme coupable d'adultère et supprime la confiscation, lorsque le coupable a des ascendants ou des descendants jusqu'au troisième degré. S'il est marié, sa femme reprend la dot et la donation propter nuptias, ou le quart de la fortune de son mari. La femme condamnée était enfermée dans un cloître, d'où le mari pouvait la retirer après deux ans. Si cela n'avait pas lieu, le mariage était considéré comme rompu, la femme adultère était rasée et cloîtrée pour toute sa vie. Sa fortune passait au monastère, si elle n'avait ni descendants ni ascendants, mais le mari gagnait la dot et une portion de la fortune de la femme égale au tiers de sa dot. Si la femme laissait des ascendants, ils gardaient le tiers de sa fortune, et le cloître les deux tiers ; quand elle laissait des descendants, ceux-ci conservaient les deux tiers. Les interprètes sont en désaccord sur le point de savoir si on devait soumettre ou non la femme à la peine des verges avant son emprisonnement dans le cloître. Quoi qu'il en soit, nous trouvons dans une novelle de Justinien un reste de l'ancienne vengeance personnelle. En effet, cette loi permet au mari, après trois avertissements par écrit adressés à celui qui tenterait de corrompre sa femme, de le tuer s'il le surprend avec elle dans sa maison ou dans celle d'un complice. Dans le cas contraire, il doit le dénoncer à la justice.


Article de E. Caillemer / G. Humbert