Achille à Scyros

Ovide met dans la bouche même d'Ulysse le récit de la ruse que celui-ci a employée pour découvrir Achille parmi les jeunes filles de Scyros : le poète fait parler ainsi le roi d'Ithaque (Mét. XIII, 162) :

«La Néréide, mère d'Achille, prévoyant la mort qui menace son fils, le déguise sous les vêtements de l'autre sexe ; cette ruse trompe tout le monde, et Ajax lui-même. Mais moi, parmi des objets propres à la toilette des femmes, je cache des armes dont l'aspect doit émouvoir un coeur viril : en effet, le jeune héros s'empare d'un bouclier et d'un javelot, il va se dépouiller du costume efféminé qui le couvre : «Fils d'une déesse, lui dis-je, Pergame est réservée à périr sous tes coups ; qu'hésites-tu encore à briser la puissance troyenne ?» Aussitôt je m'empare de lui, et je conduis le guerrier à ces guerres qui l'attendent».

Il faut ajouter, d'après Hygin (Fab. 96), que l'endroit où Achille fut caché par sa mère était le palais de Lycomède, roi de l'île de Scyros. Stace (Achill. II) suppose que Déidamie, fille de ce prince, devint l'amante et l'épouse du fils de Pélée : et il donne pour compagnon à Ulysse Diomède, tandis que le commentateur de l'Iliade (Eustath.) nomme Phénix et Nestor.

Ce que nous venons de rappeler indique suffisamment le sujet et les personnages de la peinture murale trouvée dans le tablinum de la maison du Questeur. La scène se passe dans le vestibule du palais de Lycomède, qu'on voit lui-même sur le second plan. Ulysse et Achille sont pris dans l'action même qu'Ovide a décrite : un autre Grec, Diomède, ou Phénix, ou Nestor, saisit en même temps le jeune héros et commence à le dépouiller de ses vêtements de femme ; à moins qu'on n'aime mieux voir dans ce personnage un confident des projets de Thétis, qui cherche à empêcher le fils de cette déesse de se trahir en saisissant les armes. Enfin, sur le second plan, paraît un personnage dont l'attitude, plus difficile à expliquer, a donné lieu à quelques méprises : c'est selon nous, Déidamie, qui, occupée à essayer pour son propre compte les parures féminines sous lesquelles Ulysse avait caché les armes, est effrayée tout à coup par la scène qui se passe entre Achille et le roi d'Ithaque ; si son état de nudité ne paraît point encore assez bien expliqué, il faut se rappeler que les artistes anciens, comme certains modernes, ne demandaient qu'un prétexte pour mettre dans leurs tableaux quelque chose de plus séduisant que des chairs d'homme et des draperies.

On remarquera que le bouclier offert au fils de Pélée est orné d'un sujet bien séduisant pour ce jeune héros, et bien fréquemment répété dans l'antiquité, ainsi que plusieurs exemples nous l'ont déjà prouvé : ce sujet est l'éducation d'Achille lui-même par le centaure Chiron.

Le casque et la patère que l'on voit sur le sol sont d'argent : le petit vase est d'or, et l'écu de cuivre rouge.

Le vêtement d'Ulysse, fort bien drapé, se compose d'une tunique violette à bordure verte et d'un manteau rouge doublé de blanc. Achille porte un pallium violet doublé de bleu de ciel ; Déidamie est sur le point de s'envelopper d'une draperie bleue, et le manteau du roi Lycomède est d'une pourpre foncée.

H. Roux, Herculanum et Pompéi, tome III, planche 95, p.9 sqq (éd. 1875)


Commentaire de M. L. Barré dans l'édition d'Herculanum et Pompéi mentionnée ci-dessus.