La maison de Castor et Pollux

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Péristyle de la maison de Castor et Pollux

Cette belle habitation fut découverte de 1828 à 1829 ; elle se compose de deux maisons distinctes, séparées par un péristyle qui paraît avoir été commun. La façade sur la rue de Mercure est décorée de refends rouges et blancs séparés par de jolies moulures en stuc ; on y trouva sur un des piliers un Mercure tenant une bourse, dont la présence, jointe à celle de deux coffres-forts dont nous parlerons plus tard, fit substituer le nom de Maison du Questeur à ceux des Dioscures ou de Castor et Pollux, qui avaient d'abord été adoptés ; c'est le dernier qui a prévalu. On lisait aussi sur la façade quelques inscriptions aujourd'hui effacées, mais dont plusieurs ont été publiées ; en voici quelques-unes :

AVLVM VETTIVM FIRMVM AEDILEM VIRVM
BONVM ORAT VT FAVEAT FELIX CVPIT.

«Féiix désire et prie qu'Aulus Vettius Firmus, homme vertueux, le favorise».

MARCVM HOLCONIVM PRISCVM AEDILEM
DIGNVM REIPVBLIAE FVSCVS orat.

«Fuscus supplie Marcos Holconius Priscus, édile digne de la république».

CAESELLIVM ERASTVS CVPIT AED.

«Eraste désire que Cæsellius soit édile».

La première habitation est la plus modeste ; on y entre par un prothyrum 1 large de 1m 75 et profond de 3m 75. Après l'avoir franchi, on se trouve dans un atrium toscan A A A A de 10 mètres sur 8m 20, ayant au centre un compluvium de pierre B. A la droite du prothyrum, et ouvrant sur l'atrium, est une cuisine 2 munie de son fourneau, au-dessus duquel se trouve dans l'angle la peinture ordinaire des deux serpents protégeant l'autel de Fornax. La cuisine est éclairée sur la rue par une petite fenêtre, ainsi qu'une espèce d'office 3 à la suite, dans lequel venaient s'écouler les eaux potagères, et où se trouvait un escalier conduisant à une chambre placée au-dessus, éclairée par trois espèces de meurtrières, et communiquant avec une autre pièce qui s'étendait au-dessus de la cuisine. A droite de l'atrium sont trois chambres à coucher 4, 5, 6. La première seule avait une petite fenêtre donnant sur la ruelle de Mercure ; elle était décorée de peintures fort simples avec une corniche en stuc. On y trouva un assez grand nombre d'objets, dont plusieurs grands vases de bronze avec des bas-reliefs incrustés d'argent, un vase à encens, acerra, trois patères, un candélabre à trois pieds, un strigile, une balance, une petite hache en fer, etc. Les deux autres chambres étaient un peu plus élégantes. A gauche du prothyrum est une jolie chambre 7 destinée aux hôtes. Le côté gauche de l'atrium ne présente qu'un mur percé d'une porte 8 ouvrant sur le péristyle. Au fond de l'atrium est un petit tablinum C de 3m 20 sur 3m 10, pavé en opus signinum, et dont la décoration est presque entièrement détruite. A sa gauche est une petite pièce 9 que l'entaille pratiquée dans le mur pour le dossier du lit fait reconnaître pour une chambre à coucher. A droite du tablinum, un large passage 10 donne accès à une grande pièce D qui fut évidemment un triclinium ouvrant sous un portique E E E qui entourait un petit jardin F de deux côtés seulement. A la gauche du portique se trouvent un cabinet 11 et trois petites chambres 12, 13 et 14. Un passage 15 conduisait dans un grand espace G qui, ouvrant par une large baie sur la rue du Faune, doit avoir été une cour servant de remise et contenant sans doute aussi une écurie. Dans toute cette partie de l'habitation il n'existe aucune peinture ayant quelque importance, soit par son sujet, soit par sa conservation.

Franchissant la porte 8, on se trouve dans la partie qui était commune aux deux habitations. D'abord se présente un grand péristyle H I J K de 21 mètres de long sur 12m 50 de large. Le portique est soutenu aux quatre angles par autant de piliers en équerre, à chacun desquels sont appliquées deux demi-colonnes, et en outre des deux grands côtés H J et I K, par quatre colonnes dont les cannelures, remplies et peintes en rouge jusqu'au tiers de la hauteur, sont blanches dans les deux autres tiers, et surmontées de chapiteaux de fantaisie. Le portique a des trois côtés H I J, J K, et K I, une largeur de 2m 60 ; du quatrième côté, devant l'exèdre, cette largeur est de 4 mètres. Le pavé est en mosaïque ; les murs étaient décorés de riches peintures dont plusieurs sont encore conservées. La première qui se présente à droite en entrant par la porte 8 est un héros armé du bouclier et de la lance ; un petit tableau représentant un perroquet, des pigeons morts, des oeufs et des fruits, le sépare d'une autre figure de héros debout auprès d'un cheval, dans laquelle il est facile de reconnaître un des Dioscures qui avaient donné à la maison son premier nom.

Dioscures - in Roux, tome III, planche 115

Presque en face, sur le pilier qui soutient le portique au S.-E, est une jolie caricature bien conservée représentant un nain faisant danser un singe. Au côté gauche du tablinum, sous le portique était un médaillon qui paraissait représenter un poète lisant des vers à une jeune femme. Au côté droit de la porte 22, qui communique avec la troisième partie de l'édifice, on trouve une Vénus céleste, vêtue d'une longue robe bleue couverte d'étoiles d'or, portant une couronne sur la tête et s'appuyant sur un sceptre et un gouvernail près duquel un Amour se tient debout sur un piédestal. De l'autre côté de la porte est une bacchante, puis un petit tableau représentant dans le bas un pigeon de grandeur naturelle tirant un épi d'une corbeille, et au-dessus deux petites antilopes couchées d'une parfaite conservation. Un Méléagre partant pour la chasse est suivi d'un petit cadre contenant deux poules d'eau, et une perdrix rouge morte à côté d'un panier de figues. Sous le portique J K, il ne reste parmi les sujets de figures qu'une femme portant le doigt à la bouche pour recommander le silence, mais on y voit encore plusieurs petites compositions représentant un cygne, et au-dessus une corbeille de fruits et de champignons, un pigeon et des vases à boire, et un porc blanc mort, qu'on est assez étonné de voir représenté dans ce pays, où ces animaux sont tous noirs. En retournant vers la porte 8 on trouve, après deux sarcelles virantes pendues par les pattes, le lieu où existait le second Dioscure aujourd'hui au musée.

Dans l'area, autour de laquelle règne un caniveau de ciment dont les eaux venaient se réunir dans le bassin dont je parlerai tout à l'heure, sont un petit compluvium L sans décoration aucune, et en avant du tablinum, le grand bassin M de 2 mètres de profondeur sur 4m 40 de large et 5m 50 de longueur, au centre duquel s'élève une colonne d'où sortait un jet d'eau du milieu d'un groupe de plantes aquatiques, de grenouilles et de lézards, le tout sculpté en marbre blanc ; à 0m 75 de la surface existe un écoulement pour le trop-plein. A l'angle N.-O. du péristyle est une petite pièce 23 pavée en mosaïque, voûtée, sans fenêtres et ornée d'arabesques sur fond noir et de jolies moulures en stuc blanc. Au fond de ce même péristyle est l'exèdre N, grande pièce de 10 mètres sur 7m 50 ; cette salle ne conserve plus aucune trace des riches ornements qui durent la décorer, mais tout annonce que le soubassement était revêtu de plaques de marbre maintenues par des crampons de bronze dont quelques-uns ont encore été trouvés en place. A la droite de l'exèdre sont deux pièces 16 et 17 qui durent être destinées à renfermer des archives et une bibliothèque. Derrière l'exèdre, avec laquelle il communique par deux portes, se trouve un corridor 0 P dans lequel est une porte dérobée, un posticum 18 ouvrant sur la rue du Faune ; sur son seuil on trouva le squelette d'une femme portant dans un sac de toile cinq bagues en or, cinq pierres gravées, plusieurs monnaies en argent et en bronze, un petit flacon de cristal et deux pendants d'oreilles en forme de balances.

A l'extrémité du corridor 0 P existent deux petites chambres 19 et 20 communiquant par un passage 21 et ayant dû servir d'habitation à des esclaves.

Par la porte 22, on entre dans l'atrium Q R S T de la seconde habitation ; on y arrivait également de la rue par un prothyrum 24, long de 3m 60 et large de 2 mètres, décoré de peintures dont il ne reste qu'un Amour sur fond jaune et quelques plantes au-dessus desquelles voltige un oiseau. Sous le prothyrum ouvre la loge du portier 25. L'atrium a 11m 15 sur 11m 40 ; son portique, large de 2m 80 dans tout son pourtour, excepté dans le renfoncement rectangulaire en avant de la porte 22 où il n'en a pas moins de cinq, était soutenu par douze colonnes dont la moitié inférieure pleine est peinte en rouge et qui entourent un compluvium U à gauche duquel se trouve un petit puteal 26 cannelé et en pierre calcaire. Les murailles de l'atrium étaient ornées de peintures dont il ne reste en place qu'un Héros et une Victoire dont le bouclier porte les lettres S C. Plusieurs autres peintures ont été portées au musée. A la droite de l'atrium se trouvent deux cabinets 27 et 28 très simplement décorés et qui n'étaient que des resserres ; leurs murailles conservent les traces des pièces de bois qui portaient deux rangées de tablettes. On trouva en effet dans le premier cabinet des vases de verre et de bronze, et dans le second des provisions de bouche telles que noix, lentilles, grains et figues. Les seuils étaient de marbre blanc et l'un d'eux conserve encore le pivot de fer sur lequel tournait la porte. A gauche du prothyrum, une jolie chambre 29, élégamment ornée de peintures, présente au milieu d'arabesques une danseuse, un génie tenant une torche et deux personnages, l'un appuyé sur un arc, l'autre passant son carquois à ses épaules. La moitié de la surface de cette salle est occupée par un massif élevé de 0m 91 sur lequel reposait le lit ; une petite porte murée dès l'antiquité avait communiqué avec le cabinet 30, qui paraît avoir été des latrines. A côté de ce cabinet et à gauche de l'atrium est une grande chambre à coucher 31, qui n'a conservé de ses riches peintures que quelques arabesques et les faibles vestiges d'un charmant tableau représentant Narcisse se mirant dans la fontaine. A la suite se présentent deux chambres plus petites 32 et 33, dont la première n'a de remarquable que les deux entailles faites dans le mur pour placer les dossiers du lit ; la seconde a un pavé de mosaïque blanche très bien conservé, entouré d'une charmante grecque noire, verte, rouge, jaune et blanche ; au soubassement étaient des plantes peintes sur fond noir. On trouva dans cette chambre le squelette d'une femme. A la suite se présente l'ala 34, à l'entrée de laquelle sont deux massifs de maçonnerie sur lesquels posaient deux coffre-forts de bois doublés de cuivre, cerclés de fer et garnis de leurs serrures et de nombreux ornements en bronze. Dans une de ces caisses on trouva 115 monnaies d'or et 5 d'argent, et dans l'autre un petit buste de la Fortune et un bas-relief en bronze représentant un chien couché.

Au fond de l'atrium est un beau tablinum V de 5m 30 sur 4m 80 entièrement ouvert et ayant dû être fermé par des rideaux, cortinae ; il est pavé en mosaïque blanche encadrée d'un filet noir ; le seuil, également en mosaïque, présentait des espèces d'étoiles blanches sur fond noir. De ses nombreuses peintures, il ne reste que deux groupes de Bacchantes et de Faunes, et trois Muses, Thalie, Euterpe et Melpomène, quatre génies ailés, et Ganymède enlevé par l'aigle de Jupiter. Les peintures principales ont été portées au musée ; elles représentent la Colère d'Achille, Achille reconnu par Ulysse, Ulysse mendiant secouru par Eumée, enfin deux groupes de Bacchantes qui faisaient pendants aux premiers. A la droite du tablinum est une pièce X qui ouvrait par une large fenêtre sur le portique du xyste, et qui dut tenir lieu de l'exèdre qui n'existe pas ici à sa place ordinaire ; cette salle est pavée en mosaïque ; ses peintures ont malheureusement beaucoup souffert ; on y reconnaît cependant de petits médaillons contenant des Amours dansant et jouant de divers instruments, Thétis portant les armes d'Achille, et deux grandes compositions, l'une représentant Thétis plongeant Achille dans les eaux du Styx, l'autre un personnage armé d'un sceptre, assis sur un trône et paraissant repousser des présents.

Thétis plongeant Achille dans les eaux du Styx
in Roux, tome III, planche 141

A gauche du tablinum est un corridor 35, où se trouvent un escalier 36 conduisant à l'étage supérieur et la porte d'une jolie pièce 37 ornée de peintures et de stucs, et qui, ouvrant sur le xyste par une fenêtre à appui de marbre, dut être un cabinet de repos et d'étude. Ses principales peintures étaient Narcisse qu'un Amour s'efforce de détourner de sa passion insensée et un Faune donnant une grappe de raisin à un enfant. Ces deux peintures ont beaucoup souffert, mais il n'en est pas de même de celle qui fait face à la fenêtre, Apollon et Daphné ; elle a été conservée par les volets dont elle a été longtemps recouverte à cause de l'obscénité du sujet. Derrière le tablinum régnait une large galerie ou pergula, Y Z W soutenue par sept colonnes d'ordre dorique dans la partie inférieure desquelles on voit jusqu'à 1m 15 du sol les entailles qui reçurent une grille à hauteur d'appui dont existent encore quelques restes ; cette galerie entoure de deux côtés un xyste a fermé des deux autres par un mur partagé en panneaux par des colonnes engagées. Sous le portique, en face du corridor 35, se trouvent un puteal d et à côté une belle table de marbre e portée par des consoles terminées par des griffes ; la tablette est ornée de deux petites têtes de lion. Sur le mur méridional se voient encore deux peintures : l'une, fort grande, représentant une prêtresse tenant d'une main une torche, et de l'autre une patère ; debout sur les marches d'un temple, elle paraît s'apprêter à faire des libations sur un autel qu'un hermès voisin désigne comme consacré au dieu de Lampsaque ; sur le second plan est un homme tenant un panier et pêchant à la ligne. L'autre peinture, plus petite et d'un meilleur style, représente Phèdre et Hippolyte, ou Jason et Hypsipyle. Sur le mur du fond du xyste on trouve entre les demi-colonnes des peintures analogues à celles que nous avons vues dans jardin de Salluste, et un charmant petit laraire c. Enfin sur la muraille septentrionale, qui ne paraît pas avoir eu de peintures, on lit en lettres rouges, de 0m 35, de hauteur le mot PROSALVE. A la même extrémité de la galerie Y Z est le triclinium b, pièce de 8m 70 sur 3m 60, qui dut être éclairée par le haut ; on y voit quelques restes de peintures représentant Hector reprochant à Pâris sa mollesse, et Vénus auprès d'Adonis ; le pavé était un opus signinum dans lequel étaient encastrés des morceaux de marbre de différentes formes. Près de la porte du triclinium est l'entrée d'un petit vestibule 38 où se trouvent à droite un puits, et au fond une chambre 39 assez vaste, éclairée par une fenêtre donnant sur le xyste, et que précède un renfoncement 40 qui dut contenir une armoire ; dans le vestibule, en face du puits, est l'entrée d'une cuisine 41 où existent encore une pierre d'évier, un fourneau, un escalier conduisant à l'étage supérieur, et dans l'angle les restes d'un petit laraire ; enfin, à la suite de la cuisine est une pièce 42 pavée en briques de champ et sous laquelle s'étend une cave. Parmi les objets trouvés dans cette maison, un des plus précieux est un superbe ex-voto de bronze en forme de croissant, présentant au milieu l'aigle de Jupiter tenant la foudre, et aux extrémités les têtes de Minerve et de Junon.

Citons encore parmi les peintures qui décoraient cette belle habitation Egée déposant son épée sous le rocher en présence d'Aethra, un Satyre découvrant un Hermaphrodite, Médée s'apprêtant à tuer ses enfants, une Cérès, et quatre charmants Amours sur des chars traînés par des chèvres ou des biches.