Les écrivains tardo-latins et médiévaux proposent systématiquement les portraits des personnages, tandis qu'Homère ne le fait qu'occasionnellement. Darès et Dictys en profitent pour préciser les circonstances de leur présence à Troie. Darès, comme d'habitude, est concis et schématique. Il se rallie à Castor et Pollux, partis tout seuls rejoindre Hélène et Pâris. Les remarques surprenantes ne manquent pas : Hector est blaesus, le vieil Anténor velocibus membris... Chez les héros grecs, on trouve une femme qui, pour les épigones de Darès, jouera un rôle remarquable et tout à fait nouveau : la belle Briséis. Immédiatement après, il passe au minutieux catalogue des nefs : la source est naturellement Homère (Iliade II 485 sqq), avec des variations plus ou moins importantes. Il faut remarquer l'insertion des deux devins Mopsus et Calchas entre les princes de Grèce.

Darès et ses épigones médiévaux ajoutent au catalogue des héros grecs la liste des alliés de Troie. Dictys, qui n'avait rien dit de Castor et Pollux ni des Troyens en Grèce, parle d'une inutile ambassade à Troie : puis les Grecs se réunissent à Argos, chez Diomède, nomment Agamemnon chef de l'armée et projettent la construction des nefs en se donnant rendez-vous à Aulis. Le catalogue des princes et de la flotte permet un récit plus détendu.

Johannes Malalas ne propose aucun catalogue, mais mentionne l'inutile ambassade de Ménélas et, à propos de l'armée grecque, de nombreux princes venus de toute l'Europe ; seul Achille fait l'objet d'un traitement particulier. Joseph of Exeter accorde lui aussi beaucoup d’importance aux portraits des héros (et des héroïnes) grecs et troyens : aux aspects physiques il ajoute volontiers des remarques psychologiques.

Benoît de Sainte-Maure et Guido delle Colonne au contraire paraissent contaminer leur sources et les amplifient comme d'habitude, en annonçant aussi quelques événements à venir : cf les notes relatives à Calchas et Briséis. La conclusion de Guido sur le nombre des navires selon Homère est bien surprenante : d'où aurait-il pu tirer cette notice, puisqu'il ne pouvait lire directement en grec le père des poètes ?


Darès - De excidio Troiae, 12-14

[12] Dares Phrygius, qui hanc historiam scripsit, ait se militasse usque dum Troia capta est: hos se uidisse cum induciae essent, partim praelio interfuisse. A Dardanis audiisse, qua facie et natura fuissent Castor et Pollux. Fuerunt autem alter alteri similis, capillo flauo, oculis magnis, facie pura, bene figurati, corpore deducto. Helenam similem illis, formosam, animi simplicis, blandam, cruribus optimis, notam inter duo supercilia habentem, ore pusillo. Priamum regem Troianorum uultu pulchro, magnum, uoce suaui, aquilino corpore. Hectorem blaesum, candidum, crispum, strabonem, pernicibus membris, uultu uenerabili, barbatum, decentem, bellicosum, animo magnum, ciuibus clementem, dignum et amori aptum. Deiphobum et Helenum similes patri, dissimiles natura: Deiphobum fortem; Helenum clementem, doctum, uatem. Troilum magnum, pulcherrimum, pro aetate ualentem, fortem, cupidum uirtutis. Alexandrum candidum, longum, fortem, oculis pulcherrimis, capillo molli et flauo, ore uenusto, uoce suaui, uelocem, cupidum imperii. Aeneam rufum, quadratum, facundum, affabilem, fortem cum consilio, pium, uenustum, oculis hilaribus et nigris. Antenorem longum, gracilem, uelocibus membris, uersutum, cautum. Hecubam magnam, aquilino corpore, pulchram, mente uirili, iustam, piam. Andromacham oculis claris, candidam, longam, formosam, modestam, sapientem, pudicam, blandam. Cassandram mediocri statura, ore rotundo, rufam, oculis micantibus, futurorum praesciam. Polyxenam candidam, altam, formosam, collo longo, oculis uenustis, capillis flauis et longis, compositis membris, digitis prolixis, cruribus rectis, pedibus optimis, quae forma sua omnes superaret, animo simplici, largam, dapsilem.

Darès de Phrygie, auteur de cette histoire, qui combattit sous les murs de Troie jusqu'à la prise de cette ville, assure que ces Lesbiens, qu'il avait vus pendant les trêves, avaient assisté à une partie des combats que les Grecs avaient livrés aux Troyens, et que des Dardaniens lui avaient appris quels étaient la figure et le caractère de Castor et de Pollux. Leur ressemblance était parfaite ; ils avaient des cheveux blonds, de grands yeux, le teint blanc, les traits réguliers et une taille élancée. Hélène, qui leur ressemblait, était belle, simple et douce, avait les jambes bien faites, une marque entre les deux sourcils, une fort petite bouche. Priam, roi des Troyens, était beau de visage, grand, avait beaucoup de douceur dans le son de la voix et de majesté dans le maintien. Hector était bègue, blanc et crépu, avait les yeux louches, des membres fort dispos, un aspect vénérable, une barbe épaisse, de la décence, de la valeur, de la grandeur d'âme, et une bonté qui le faisait chérir des Troyens. Déiphobe et Hélénus, semblables à leur père, quant aux formes extérieures, différaient entre eux de caractère : le premier était plein de courage, et le second avait beaucoup de douceur, de savoir, et prédisait l'avenir. Troïle était d'une taille élevée; fort beau de visage, d'une vigueur au-dessus de son âge, courageux, et impatient de signaler sa valeur. Alexandre avait le teint blanc, la taille dégagée, ne manquait pas de courage ; ses yeux étaient fort beaux, ses cheveux blonds et bouclés, ses traits aimables; sa voix était douce; il était prompt à la course, et passionné pour le commandement. Enée était roux, vigoureux, éloquent, affable, courageux et prudent, respectueux envers les dieux, beau de visage, et avait des yeux noirs où brillait la gaîté. Anténor était grand et mince, prompt dans ses mouvements, dissimulé et circonspect. Hécube était d'une haute stature, avait de la majesté, de la beauté, un courage viril, aimait la justice et le culte des dieux. Andromaque avait des yeux brillants, un teint blanc, une taille élevée, de la beauté, de la modestie, de la sagesse, de la pudeur et de l'affabilité. Cassandre était rousse et de la moyenne taille, avait le visage rond ; des éclairs sortaient de ses yeux; elle connaissait l'avenir. Polyxène était blanche, grande, belle, avait le cou long, de beaux yeux, de longs et blonds cheveux, les membres bien proportionnés, les doigts allongés, les jambes droites, les pieds très bien faits ; elle surpassait en beauté toutes les autres princesses troyennes : à ces dons extérieurs elle unissait un caractère franc, libéral et généreux.

[13] Agamemnonem albo corpore, magnum, membris ualentibus, facundum, prudentem, nobilem. Menelaum mediocri corpore, rufum, formosum, acceptum, gratum. Achillem pectorosum, ore uenusto, membris ualentibus et magnis, bene crispatum, clementem, in armis acerrimum, uultu hilari, dapsilem, capillo myrteo. Patroclum pulchro corpore, oculis uiuidis et magnis, uerecundum, rectum, prudentem, dapsilem. Aiacem Oileum quadratum, ualentibus membris, aquilino corpore, iucundum, fortem. Aiacem Telamonium ualentem, uoce clara, capillis nigris, in hostem atrocem. Ulyssem formosum, dolosum, ore hilari, statura media, eloquentem, sapientem. Diomedem fortem, quadratum, corpore honesto, uulto austero, in bello acerrimum, clamosum, cerebro calido, impatientem, audacem. Nestorem magnum, naso obunco, longum, latum, maximum, candidum, prudentem, consiliarium. Protesilaum corpore candido, uultu honesto, uelocem, confidentem, temerarium. Neoptolemum magnum, uirosum, stomachosum, blaesum, uultu bonum, aduncum, oculis rotundis, superciliosum. Palamedem gracilem, longum, sapientem, animo magnum, blandum. Podalirium crassum, ualentem, superbum, tristem. Machaonem magnum, fortem, certum, prudentem, patientem, misericordem. Merionem rufum, mediocri statura, corpore rotundo, uirosum, pertinacem, crudelem, impatientem. Briseidam formosam, alta statura, candidam, capillo flauo et molli, superciliis iunctis, oculis uenustis, corpore aequali, blandam, affabilem, uerecundam, animo simplici, piam.

Agamemnon était blanc, d'une haute stature, vigoureux, éloquent, prudent, et d'une illustre origine. Ménélas était d'une taille médiocre, roux, beau, poli, et agréable à tout le monde. Achille avait la poitrine large, une belle figure, beaucoup de force dans les membres, une taille majestueuse, des cheveux fort crépus et qui exhalaient l'odeur du myrte, de la bonté, une valeur bouillante, un visage gai, un coeur généreux. Patrocle était un bel homme ; il avait de grands yeux verts, de la modestie, de la droiture, de la prudence et de la générosité. Ajax Oilée était carré, vigoureux, majestueux, complaisant, courageux. Ajax, fils de Télamon, avait une grande force de corps, une voix éclatante et forte, des cheveux noirs , et l'ennemi n'avait à espérer de lui aucun quartier. Ulysse était beau, mais fourbe ; sa figure était riante, sa taille moyenne ; il avait de l'éloquence et de la sagesse. Diomède était robuste, fort, bienfait, avait un visage dur, l'habitude de pousser des cris, de l'impétuosité dans les combats, une tête ardente, et beaucoup d'impatience et d'audace. Nestor était de la plus haute stature, avait le nez aquilin, les épaules larges, la peau blanche, de beaux traits, était prudent et capable de donner d'excellent conseils. Protésilas était blanc, avait une figure noble, était léger à la course, et courageux jusqu'à la témérité. Néoptolème était grand, robuste, emporté, bègue, avait le visage doux, le nez recourbé, les yeux ronds, et d'épais sourcils. Palamède était grêle, élancé, sage, magnanime, complaisant ; Podalire épais, vigoureux, fier et naturellement triste ; Machaon grand, vaillant, ferme, prudent, patient, et porté à la compassion ; Mérion roux, de la moyenne taille, ramassé, vigoureux, opiniâtre, brutal, impatient ; Briseis était belle, grande, avait la peau fort blanche, des cheveux blonds qui se bouclaient avec grâce, des sourcils qui se joignaient à leur naissance, de beaux yeux, des membres bien proportionnés ; de plus, elle était douce, prévenante, et avait beaucoup de modestie, de candeur, et de piété envers les dieux.

[14] Deinde ornati cum classe Graeci Athenas conuenerunt. Agamemnon ex Mycenis nauibus numero centum. Menelaus ex Sparta nauibus numero sexaginta. Arcesilaus et Prothenor ex Boeotia quinquaginta. Ascalaphus et Ialmenus ex Orchomeno nauibus numero trigentia. Epistrophus et Schedius ex Phocide quadraginta. Aiax Telamonius ex Salamina adduxit secum Teucrum fratrem: Elide, Amphimachum, Diorem, Thalpium, Polyxenum, nauibus quadraginta. Nestor ex Pylo nauibus LXXX. Thoas ex Aetolia nauibus XL. Aiax Oileus ex Locris nauibus XXXVII. Antiphus, Phidippus XXX. Idomeneus et Meriones ex Creta nauibus LXXX. Ulysses ex Ithaca nauibus numero XII. Eumelus ex Pheris nauibus X. Protesilaus et Podacres ex Phylaca nauibus XL. Podalirius et Machaon Aesculapii filii ex Trica nauibus XXXII. Achilles cum Patroclo et Myrmidonibus ex Phthia nauibus L. Tlepolemus ex Rhodo nauibus IX. Eurypylus ex Orchomeno nauibus numero XL. Antiphus et Amphimachus ex Elide nauibus XII. Polypoetes et Leonteus ex Larissa nauibus XL. Diomedes, Euryalus, Sthenelus ex Argis nauibus LXXX. Philoctetes ex Meliboea VII. Guneus ex Cypho nauibus XXI. Prothous ex Magnesia nauibus XI. Agapenor ex Arcadia nauibus LX. Mnestheus ex Athenis nauibus L. Hi fuerunt duces Graecorum, numero XLVII, qui adduxere naues numero MCCII.

Tous les princes grecs dont nous venons de parler, et beaucoup d'autres, se rassemblèrent dans le port d'Athènes, avec leurs troupes et leurs vaisseaux. Agamemnon en amena cent de Mycènes ; Ménélas, soixante de Sparte ; Arcésilas et Proténor, cinquante de la Béotie ; Ascalaphe et Ialmène, trente d'Orchomène ; Epistrophus et Sehédius,quarante de la Phocide ; Ajax, fils de Télamon, amena de Salamine son frère Teucer, et de l'Elide Amphimaque, Diorès, Talpius, et Polyxenus, avec quarante vaisseaux; Nestor, quatre vingts de Pylos ; Thoas, quarante de l'Etolie ; Ajax-Oïlée, de Locres, trente sept ; Antiphus et Phidippe trente; Idoménée et Mérion, quatre-vingts de l'île de Crète ; Ulysse, douze d'Ithaque; Euméle, dix de Phère ; Protésilas et Podarcès, quarante de Phylaque ; Podalire et Machaon, trente-deux de Trica ; Achille avec Patrocle et les Myrmidons, cinquante de Phtie ; Tlépolème, neuf de l'île de Rhodes  ; Eurypile, quarante d'Orchomène ; Antiphus et Antimaque, douze de l'Elide ; Polypéte et Léontéus, quarante de Larisse ; Diomède, Euryale, Sthénélus, quatre-vingts d'Argos; Philoctète, sept de Mélibée; Gunéus, vingt-un de Cyphus ; Prothoüs, onze de Magnésie ; Agapénor, soixante de l'Arcadie; Mnesthée, cinquante d'Athènes. Tels étaient les chefs des Grecs ; leur nombre était de quarante-sept, et celui de leurs vaisseaux de douze cent onze.

[18] Aderant uero ad auxilium Priamo ductores hi cum exercitibus suis, quorum nomina et prouincias insinuandas esse duximus. De Zelia, Pandarus, Amphion, Adrastus. De Colophonia, Mopsus, Cares, Nastes, Amphimachus. De Lycia, Sarpedon, Glaucus. De Larissa, Hippothous et Copesus. De Ciconia, Euphemus. De Thracia, Pyrus et Acamas. Antiphus et Mesthles de Maeonia. Ascanius et Phorcys de Ascania. De Paphlagonia, Pylaemenes. De Aethiopia, Perses et Memnon. De Thracia, Rhesus et Archilochus. De Adrestia, Adrastus et Amphius. De Alizonia, Epistrophus. His ductoribus et exercitibus, qui parabantur, praefecit Priamus principes et ductores, Hectorem, Deiphobum, Alexandrum, Troilum, Aeneam, Memnonem. Dum Agamemnon consulit de tota re, ex Cormo aduenit Nauplii filius Palamedes, cum nauibus triginta : ille se excusauit, morbo affectum Athenas uenire non potuisse : qui aduenerit, cum primum potuerit. Gratias agunt, rogantque eum in consilio esse.

Voici les noms des princes qui marchèrent avec leurs armées au secours de Priam, et ceux de leurs provinces. De Zélia vinrent Pandarus, Amphion et Adraste; de Colophonie, Mopsus, Carès, Nastès et Amphimaque; de Lycie, Sarpédon, Glaucus ; de Larysse, Hippothoüs et Copésus ; de Ciconie, Euphémus ; de Thrace, Pyrrhus et Acamas ; de Méonie, Antiphus et Mesthlès; de l'Ascanie, Ascagne et Phorcys; de la Paphlagonie, Pilémène ; de l'Ethiopie, Persès et Memnon; de Thrace, Rhésus et Archiloque ; de l'Adrestie, Adraste et Amphius ; de l'Alizonie, Epistrophus. A ces princes et à ses propres armées, Priam donna pour chefs, Hector, Déiphobe, Alexandre, Troïle, Enée, Memnon. Pendant qu'Agamemnon et son conseil délibéraient à Ténédos, Palamède, fils de Nauplius, arriva de Cormus avec trente vaisseaux. Une maladie l'avait empêché de se rendre à Athènes; mais aussitôt qu'elle le lui avait permis, il s'était mis en mer. Les chefs de l'armée reçurent cette excuse, le remercièrent, et le prièrent d'entrer dans le conseil.


Dictys, Ephemerides belli Troiani, I 12-18

[1,12] CAPUT XII.

Dum haec apud Troiam aguntur, disseminata iam per uniuersam Graeciam fama, omnes Pelopidae in unum conueniunt, atque interposita iurisiurandi religione, ni Helena cum abreptis redderetur, bellum se Priamo inlaturos confirmant. Legati Lacedaemonam redeunt; de Helena eiusque uoluntate narrant. Dein Priami filiorumque eius aduersum se dicta gestaque; grande praeconium fidei erga legatos Antenoris praeferentes. Quae ubi accepere, decernunt uti singuli in suis locis atque imperiis opes belli parent. Igitur ex concilii sententia, opportunus locus ad conueniendum, et in quo de apparatu belli ageretur, Argi Diomedis regnum deligitur.

Pendant que ceci se passait à Troie, le bruit de l'enlèvement d'Hélène avait déjà couru par toute la Grèce. Les Pélopides s'étaient assemblés, et, par un serment solemnel, s'étaient engagés à déclarer la guerre à Priam, si on ne rendait la princesse avec ses richesses. Les députés reviennent à Lacédémone, rendent compte des sentiments d'Hélène et de sa réponse, font le récit des menaces et des actions violentes des princes, et se répandent en éloges sur la générosité d'Anténor à leur égard. D'après leur rapport, on convient que chacun retournera dans ses états pour se préparer à la guerre. On assigne la ville d'Argos, dans les états de Diomède, pour le lieu de la prochaine assemblée, où l'on devait délibérer ultérieurement sur les moyens d'assurer l'entreprise.

[1,13] CAPUT XIII.

Ita ubi tempus uisum est, primus omnium ingenti nomine uirtutis atque corporis Aiax Telamonius aduenit, cum eo Teucer frater. Dein haud multo post Idomeneus et Meriones, summa inter se iuncti concordia. Eorum ego secutus comitatum, ea quidem quae antea apud Troiam gesta sunt, ab Ulisse cognita quam diligentissime retuli: et reliqua quae deinceps insecuta sunt, quoniam ipse interfui, quam uerissime potero exponam. Igitur post eos quos supra memorauimus, Nestor cum Antilocho et Thrasymede, quos Anaxibia susceperat, superuenit. Eos Peneleus insecutus cum Clonio et Arcesilao consanguineis. Dein Prothoenor et Leitus, Boeotiae principes. Itemque Schedius et Epistrophus, Phocenses; Ascalaphus et Ialmenus, Orchomenii. Tum Diores et Meges ex Phyleo genitus, Thoas ex Andraemone, Eurypylus Euemonis, Ormenius, et Leonteus.

Lorsque le temps parut favorable pour agir, Ajax, fils de Télamon, renommé pour sa valeur et la force de son corps, se présenta le premier avec son frère ; bientôt après vinrent Idoménée et Mérion, unis par l'amitié la plus sincère. J'ai suivi ces deux princes. Ce qui s'est passé à Troie avant notre départ, je l'ai rapporté le plus fidèlement que j'ai pu ; j'écrirai également les événements qui ont eu lieu dans le cours de la présente guerre ; et je le ferai avec d'autant plus d'exactitude, que j'en ai été moi-même le témoin oculaire. A la suite de ceux dont nous venons de parler, arrivèrent Nestor avec Antiloque et Thrasymède, ses fils, qu'il avait eus d'Anaxibie. Ils furent suivis de Pénélée, de Clonius et d'Arcésilaüs, qui étaient proches parents ; vinrent encore Prothénor et Léitus, chefs des Béotiens ; puis les Phocéens Schédius et Epistrophus ; Ascalaphus et Ialménus d'Orchomène ; Diorès et Méges, fils de Phylée, Thoas d'Andrémon, Eurypyle d'Evémon, Ormenius et Léonteus.

[1,14] CAPUT XIV.

Post quos Achilles Pelei et Thetidis, quae ex Chirone dicebatur. Hic in primis adulescentiae annis, procerus, decora facie, studio rerum bellicarum omnes iam tum uirtuteque et gloria superabat. Neque tamen aberat ab eo uis quaedam inconsulta et effera morum impatientia. Cum eo Patroclus et Phoenix; alter propter coniunctionem amicitiae, alter custos atque rector eius. Tlepolemus dein Herculis: eum insecuti sunt Phidippus et Antiphus, insignes armorum specie, auo Hercule. Post eos Protesilaus Iphicli, cum Podarce fratre. Affuit et Eumelus Pheraeus, cuius pater Admetus quondam uicaria morte coniugis fata propria protulerat. Podalirius et Machaon, Triccenses, Aesculapio geniti, adsciti ad id bellum ob solertiam medicinae artis. Dein Paeantis Philocteta, qui comes Herculis, post discessum eius ad deos sagittas diuinas industriae praemium consecutus est. Nireus pulcher, ex Athenis Menestheus, et Aiax Oilei ex Locride. Ex Argis Amphilochus et Sthenelus; Amphiarai Amphilochus, Capanei alter: cum his Euryalus Mecistei. Dein ex Aetolia Thessandrus Polynicis. Postremo omnium Demophoon atque Acamas fuere, cuncti ex origine Pelopis. Sed eos quos memorauimus, plures alii ex suis quisque regionibus, partim ex rerum comitibus, alii ipsius regni participes insecuti sunt : quorum nomina singillatim exponere haud necessarium uisum est.

Enfin Achille, fils de Pélée et de Thétis, que l'on disait fille de Chiron. Dès sa plus tendre jeunesse, ce prince était doué d'une haute stature et d'une beauté parfaite. Il surpassait tous les Grecs en courage, et sa célébrité répondait à sa valeur ; on l'accusait pourtant d'une témérité aveugle ; on lui reprochait surtout son caractère violent et inflexible. A ses côtés étaient Patrocle et Phénix, l'un son intime ami, l'autre son guide et son gouverneur. Nous vîmes bientôt Tlépolème, fils d'Hercule, suivi de Phidippus et d'Antiphus, tous deux remarquables par l'éclat de leurs armes : ils avaient Hercule pour aïeul. Après Protésilas, fils d'Iphiclus, avec son frère Podarce ; ensuite Eumelus de Phères : son père Admète avait racheté jadis sa vie aux dépens de celle de son épouse. Podalirius et Machaon de Tricca, fils d'Esculape, appelés à cette guerre à cause de leur habileté dans l'art de la médecine. Ensuite Philoctète, fils de Paean et compagnon d'Hercule, qui hérita des flèches de ce dieu pour prix de sa rare adresse dans cet exercice. On vit aussi le beau Nirée de Syme. D'Athènes vinrent Mnesthée, et de la Locride Ajax, fils d'Oïlée ; d'Argos Amphiloque, fils d'Amphiaraüs, et Sthénélus, fils de Capanée; avec eux Euryale, fils de Mécistée ; puis de l'Etolie, Thessandre, fils de Polynice ; enfin Démophoon et Acamas, tous descendants de Pélops. Les princes que nous venons de nommer étaient suivis de beaucoup d'autres qui, sortis de différents pays, leur servaient de compagnons d'armes, ou partageaient avec eux l'honneur du commandement. Il ne nous a pas paru nécessaire d'en faire ici une plus longue énumération.

[1,15] CAPUT XV.

Igitur ubi omnes Argos conuenere, Diomedes hospitio cunctos recipit, necessariaque praebet. Dein Agamemnon grande auri pondus Mycenis adportatum per singulos dispertiens, promptiores animos omnium ad bellum, quod parabatur, facit. Tum communi consilio super conditione proelii, iusiurandum interponi hoc modo placuit: Calchas Thestoris filius, praescius futurorum, porcum marem in forum medium adferri iubet; quem in duas partes exsectum, orienti occidentique diuidit, atque singulos nudatis gladiis per medium transire iubet. Dein mucronibus sanguine eius oblitis, adhibitis etiam aliis ad eam rem necessariis, inimicitias sibi cum Priamo per religionem confirmant: neque prius se bellum deserturos, quam Ilium atque omne regnum eruissent. Quibus perfectis, pure lauti, Martem atque Concordiam multis immolationibus sibi adhospitauere.

A mesure qu'ils arrivaient, Diomède les traitait honorablement, et leur fournissait abondamment tout ce dont ils pouvaient avoir besoin. Agamemnon, de son côté, leur distribua une somme considérable qu'il avait apportée de Mycènes, afin de les intéresser davantage à la guerre que l'on méditait. Pour ajouter encore à la force de l'engagement, on résolut, d'un commun accord, de se lier par un serment solennel ; ce qui s'exécuta de cette manière. Calchas, fils de Thestor, savant dans l'art de prédire l'avenir, fait amener un porc mâle au milieu de l'assemblée, et le coupe en deux ; une des parts est tournée vers l'orient, l'autre vers l'occident. Alors, par son ordre, chacun des assistants passe entre deux, l'épée nue à la main, en trempe la pointe dans le sang de l'animal, et, après les cérémonies prescrites en pareil cas, voue à Priam une haine immortelle, et jure qu'il ne posera les armes qu'après avoir détruit son empire et renversé les murs d'Ilion. Les chefs se purifient ensuite, et immolent nombre de victimes sur les autels de Mars et de la Concorde, pour se rendre ces divinités favorables.

[1,16] CAPUT XVI.

Dein in templo Iunonis Argiuae rectorem omnium declarari placuit. Igitur singuli in tabellis, quas ad deligendum belli principem quem cuique uideretur acceperant, punicis litteris nomen Agamemnonis designant. Ita consensu omnium, secundo rumore, summam belli atque exercitus in se suscipit : quod ei et propter germanum, cuius gratia bellum id parabatur, et propter magnam opum uim, quibus praeter caeteros Graeciae reges magnus atque clarus habebatur, merito occiderat. Dein duces praefectosque nauium Achillem, Aiacem et Phoenicem destinant. Praeponuntur etiam campestri exercitui Palamedes cum Diomede et Ulisse, ita ut inter se diurnas uigiliarumque uices dispertiant. His peractis, ad parandas opes atque instrumenta militiae, singuli sua in regna discedunt. Interim belli studio ardebat omnis Graecia: arma, tela, equi, naues, atque haec omnia toto biennio praeparantur: quum iuuentus partim sua sponte, alii aequalium ad gloriam aemulatione munia militiae festinarent. Sed inter haec, summa cura uis magna nauium praecipue fabricatur: scilicet ne multa millia exercituum undique uersum in unum collecta, incuria nauigandi tardarentur.

Le sacrifice achevé, ils vont ensemble au temple de Junon, déesse particulièrement adorée à Argos, pour procéder à l'élection d'un chef. Là on distribue à chacun des votants une tablette pour inscrire son suffrage, et tous écrivent, en caractères phéniciens, le nom d'Agamemnon. Ainsi ce prince, d'une voix unanime, et aux acclamations de toute l'assemblée, est proclamé le chef de l'expédition, et prend le commandement de l'armée. On lui devait cet honneur à cause de son frère en faveur duquel on allait combattre, et à cause de sa grande puissance, qui lui procurait l'avantage d'être le premier et le plus illustre des rois de la Grèce. On désigne ensuite pour commander la flotte Achille, Ajax et Phénix ; pour conduire l'armée de terre, et se partager les soins du service, tant de jour que de nuit, Palamède, Ulysse et Diomède. Après cette opération, chacun se retira pour mettre ses forces sur pied, et préparer tout cc qui lui était nécessaire pour l'expédition. Cependant toute la Grèce ne respirait que les combats. Deux ans furent employés à rassembler de toutes parts armes, chevaux, munitions de guerre et navires. La jeunesse, en partie de son propre mouvement, partie enflammée d'une noble ardeur, se présente en foule pour l'enrôlement. Cependant on construisait, avec une activité incroyable, nombre de vaisseaux, afin que tant de milliers d'hommes rassemblés sur un seul point, ne fussent pas retardés dans leur marche.

[1,17] CAPUT XVII.

Igitur peracto biennio ad Aulida Boeotiae, nam is locus delectus fuerat, singuli reges pro facultate opum regnique instructas classes praemittunt. Ex quibus primus Agamemnon ex Mycenis naues C, aliisque LX, quas ex diuersis ciuitatibus quae sub eo erant, contraxerat, Agapenorem praeficit, Nestor XC nauium instructam classem, Menelaus ex omni Lacedaemona naues LX ; Menestheus ex Athenis L ; Elephenor ex Euboea XXX ; Aiax Telamonius Salamina XII ; Diomedes Argis LXXX nauium classem ; Ascalaphus et Ialmenus Orchomenii naues XXX ; Oileus Aiax XL ; item ex omni Boeotia Arcesilaus, Prothoenor, Peneleus, Leitus, Clonius naues L ; XL ex Phocide Schedius et Epistrophus ; dein Thalpius et Diores cum Amphimacho et Polyxeno Elide aliisque ciuitatibus regionis eius, naues XL :Thoas ex Aetolia XL ; Meges ex Dulichio et ex insulis Echinadibus, XL ; Idomeneus cum Merione ex omni Creta classem nauium LXXX; ex Ithaca Ulisses XII ; XL Protheus Magnes ; Tlepolemus Rhodo aliisque circa eam insulis VIII ; XI Eumelus Pheris ; Achilles ex Argo Pelasgico L ; III Nireus ex Syme ; Podarces et Protesilaus ex Phylaca aliisque quibus praeerant locis, naues XL; XXX Podalirius et Machaon; Philotecta Methona aliisque ciuitatibus naues VII ; Eurypylus Ormenius XL ; XXII Guneus Perrhaebis ; Leonteus et Polypoetes ex suis regionibus XL ; XXX ex insulis congregatis cum Antipho Phidippus ; Thessandrus quem Polynicis supra memorauimus, Thebis naues L ; Calchas Acarnania XX ; Mopsus Colophona XX ; Epios ex insulis Cycladibus XXX. Easque magna ui frumenti aliarumque necessariorum cibi replent. Quippe ita ab Agamemnone mandatum acceperant ; scilicet ne tanta uis militum necessariorum penuria fatigaretur.

Au bout de deux ans, chaque roi fait partir en avant la flotte qu'il avait équipée selon sa puissance et ses facultés, pour le port d'Aulide, en Béotie, qui était le rendez-vous de l'armée. Agamemnon, le premier, amène de Mycènes cent vaisseaux, et donne à Agapénor la conduite de soixante autres qu'il avait tirés de différentes villes de sa domination. Nestor en fournit quatre-vingt-dix ; Ménélas, de toute la Laconie, soixante ; Mnesthée, d'Athènes, cinquante ; Eléphénor, de l'Eubée, trente ; Ajax, fils de Télamon, de Salamine, douze ; Diomède, d'Argos, quatre-vingts ; Ascalaphus et Ialmenus, d'Orchomène, trente ; Ajax, fils d'Oilée, quarante ; de la Béotie, Arcésilaüs, Prothénor, Pénélée, Léitus et Clonius en font passer cinquante ; de la Phocide, Schédius et Epistrophus, quarante ; ensuite Thalpius et Diorès avec Amphimaque et Polixénus, de l'Elide et autres villes de ce pays quarante ; Thoas, de l'Etolie, quarante ; Mégès, de Dulichium et des îles Echinades, quarante ; Idoménée et Alérion, de l'île de Crète, quatre-vingts ; Ulysse, de l'île d'Ithaque, douze ; Prothoüs, chef des Magnètes, quarante ; Tlépolème, de Rhodes et des îles voisines, huit ; Eumèle, de Phères, onze ; Achille, du pays des Pélasges, cinquante ; Niréus, de Syme, trois ; Podarce et Protésilas, de Phylax et autres lieux, quarante ; Podalirius et Machaon, trente ; Philoctète, de Méthone, sept ; Eurypyle, Orménien, quarante Gunéus, chef des Perrhaebes, vingt-deux ; Leontéus et Polypétès, de leur pays, quarante ; Phidippe avec Antiphus, des îles réunies, trente ; Thessandre, fils de Polynice, dont nous avons déjà parlé, en envoya de Thèbes cinquante ; Calchas, d'Acarnanie, vingt ; Mopsus, de Colophone, vingt ; Epius, des îles Cyclades, trente. Tous ces navires étaient chargés d'une grande quantité de blé et d'autres munitions de bouche, suivant l'ordre qui en avait été donné par Agamemnon, pour que la disette ne se fît point sentir dans une armée aussi nombreuse.

[1,18] CAPUT XVIII.

Igitur inter tantum classium apparatum equi atque currus bellici, pro locorum conditionem multi, sed pedestres milites pars maxima; ob eam causam, quia per omnem Graeciam multo maiore egestate pabuli, equitatus usus prohibetur. Praeterea fuere multi, qui ob artis peritiam necessarii nautico apparatui credebantur. Per idem tempus Lycius Sarpedon neque pretio, neque gratia Phalidis Sidoniorum regis inlici quiuit, ut societatem militiae nostrae aduersus Troianos sequeretur. Quippe quem iam Priamus donis amplioribus, iisque postea duplicatis fidissimum sibi retinuerat. Omnium autem classium numerus, quem ex diuersis Graeciae regnis contractum supra exposuimus, toto quinquennio praeparatus instructusque est. Ita quum nulla iam res profectionem nisi absentia militis retardaret, cuncti duces ueluti signo dato una atque eodem tempore Aulida confluunt.

Au milieu de cet appareil, on n'oublia point les chars armés en guerre et les chevaux ; mais la majeure partie de l'armée était composée d'infanterie, parce que, dans presque toute la Grèce, le manque de fourrage interdit l'usage de la cavalerie. On envoya aussi la quantité d'ouvriers qui fut jugée nécessaire pour l'équipement et l'entretien de la flotte. Dans le même temps, ni les offres de récompenses, ni l'amitié de Phalis, roi des Sidoniens, ne purent engager le Lycien Sarpédon à prendre parti pour nous contre les Troyens. Priam se l'était déjà attaché par de magnifiques présents, et depuis il l'unit plus étroitement à sa cause par des avantages plus précieux encore. Cependant il fallut cinq ans entiers pour équiper et mettre en état cette flotte immense, qui, comme nous l'avons dit, avait été tirée des différents états de la Grèce. Enfin, on n'attendait plus que les troupes pour partir, lorsque les chefs, comme à un signal donné, arrivèrent ensemble en Aulide.

[2,35] CAPUT XXXV.

Per idem tempus apud Troiam exercitus sociorum, quique mercede conducti auxiliares copias adduxerant, tempore multo frustra trito, taedione, an recordatione suorum, domuitionem occipiebant. Quod ubi animaduertit Hector, coactus necessitate, militibus, ut in armis essent, iubet ; ac mox ubi signum daret, sequerentur sese. Igitur postquam tempus uisum est, et omnes in armis nunciabantur, iubet egredi, ipse dux atque imperator militiae. Res postulare uidetur, eorum reges, qui socii atque amici Troiae, quique ob mercedem auxiliares ex diuersis regionibus contracti Priamidarum imperium saquebantur, edicere. Primus igitur portis erumpit Pandarus Lycaone genitus, ex Lycia : dein Hippothous Pyle, ex Larissa Pelasgidarum ; Acamas et Piros, ex Thracia : Euphemus Troezenius Ciconiis imperitans : Pylaemenes Paphlagonius, patre Melio gloriosus : Odius et Epistrophus, filii Minii, Alizunorum reges : Sarpedon, Xantho genitus rector Lyciorum, ex Solemo : Nastes et Amphimachus Nomionis de Caria : Antiphus et Mesthles genitore Pylaemene, Maeonii : Glaucus Hippolochi Lycius; quem sibi Sarpedon, quod praeter caeteras regionis eius consilio atque armis pollebat, participem bellicarum rerum adsciuerat : Phorcys et Ascanius Phryges : Chromis Midonis, ex Maesia : Pyraechmes Axii Paeonius : Amphius et Adrastus Merope geniti, ex Adrestia : Asius Hyrtaci Sesto : dein alius Asius, Dymante genitus, Hecubae frater, ex Phrygia. Hos omnes, quos memorauimus, secuti multi mortales inconditis moribus, ac dispari sono uocis, sine ullo ordine, aut modo proelia inire soliti.

En même temps, chez les Troyens, les alliés et les auxiliaires voyaient avec peine la guerre traîner en longueur ; et, soit ennui, soit regret d'avoir quitté leur patrie, ils soupiraient après leur retour. Hector s'en aperçut, et, contraint par la nécessité, ordonna aux troupes de se tenir prêtes à le suivre au premier signal ; puis trouvant bientôt une occasion favorable, il fit prendre à tous les armes, et sortit de la ville avec l'armée qu'il commandait. La circonstance semble exiger de moi que je fasse connaître les rois amis de Priam et alliés des Troyens, et ceux qui, à la solde de ce prince, étaient venus de différents pays combattre sous ses enseignes. Le premier qui se présente est Pandarus, fils de Lycaon, roi de Lycie ; vient ensuite Hippothoüs, fils de Pyléus de Larisse, ville des Pélasges ; Acamas et Piros de Thrace ; Euphémus de Trézène, chef des Ciconiens ; Pylémènes de Paphlagonie, fier d'avoir eu pour père le brave Mélius ; Odius et Epistrophus, fils de Minius, rois des Alizoniens ; Sarpédon, fils de Xanthus, roi des Lyciens de Solème ; Nastès et Amphimaque, fils de Nomion, de Carie ; Antiphus et Mesthlès, fils de Pylémènes, Maeoniens ; Glaucus, fils d'Hippoloque, Lycien, que Sarpédon s'était adjoint au commandement de l'armée, à cause de sa grande prudence dans les conseils, et de sa rare valeur dans les combats ; Phorcys et Ascanius de Phrygie ; Chromis, fils de Midon, Mysien ; Pyraechmès, fils d'Axius, Paeonien ; Amphius et Adraste, fils de Mérope, d'Adrestine ; Asius, fils d'Hyrtacus, de Sestos ; enfin un autre Asius, fils de Dymas, frère d'Hécube, de la Phrygie. Tous ces princes que nous venons de nommer étaient suivis d'une foule de barbares, qui différaient entre eux de moeurs comme de langage, accoutumés à combattre sans ordre et sans art.


Johannes Malalas, Chronographia, liber V

Γνόντες δὲ οἱ περὶ Ἀγαμέμνονα καὶ Μενέλαον τὴν τῆς Ἑλένης ἐπὶ τὴν Τροίην μετὰ Πάριδος παρουσίαν, ἔπεμψαν πρέσβεις ἀποδοθῆναι τὴν Ἑλένην· ὤχλει γὰρ καὶ ἡ ἀδελφὴ αὐτῆς Κλυταιμνήστρα τῷ ἰδίῳ ἀνδρὶ Ἀγαμέμνονι, τῷ βασιλεῖ τοῦ Ἄργους, διὰ τὸ ἐλθεῖν τὴν Ἑλένην, τὴν αὐτῆς ἀδελφήν· ἥτις καὶ ἐποίησε πρὸς αὐτὴν γράμματα καὶ ἔδωκε Μενελάῳ ὀφείλοντα πεῖσαι τὴν Ἑλένην. καὶ ἦλθεν ὁ Μενέλαος πρὸς Πρίαμον ζητῶν τὴν Ἑλένην, τὴν ἑαυτοῦ γυναῖκα, πρὸ τοῦ πολέμου· καὶ οὐκ ἐπείσθησαν οἱ Πριαμίδαι δοῦναι αὐτήν. καὶ λοιπὸν ἐπεστράτευσαν κατὰ τοῦ Ἰλίου οἱ Ἀτρεῖδαι βασιλεῖς, προμάχους, ἤτοι τοπάρχας, προτρεπόμενοι. καὶ ἐδυσώπησαν τὸν Πηλέα καὶ τὴν αὐτοῦ γυναῖκα, τὴν Θέτιν, καὶ τὸν αὐτῆς πατέρα Χείρωνα, τὸν φιλόσοφον βασιλέα, παρασχεῖν αὐτοῖς τὸν Ἀχιλλέα, υἱὸν τῆς Θέτιδος καὶ τοῦ αὐτοῦ Πηλέως, ἔκγονον δὲ Χείρωνος. ὅστις Χείρων πέμψας ἤγαγεν αὐτόν· διῆγε γὰρ μετὰ Λυκομήδους βασιλέως, τοῦ πενθεροῦ τοῦ αὐτοῦ Ἀχιλλέως, πατρὸς δὲ τῆς Δηιδαμείης, ἐν τῇ νήσῳ. καὶ ἀπῆλθε μετὰ τῶν Ἀτρειδῶν ὁ αὐτὸς Ἀχιλλεύς, ἔχων ἴδιον στρατὸν τῶν λεγομένων Μυρμιδόνων τότε, νυνὶ δὲ λεγομένων Βουλγάρων, τριῶν χιλιάδων, ἅμα Πατρόκλῳ στρατοπεδάρχῃ καὶ Νέστορι· οἵτινες ἐδυσωπήθησαν παρὰ Χείρωνος καὶ Πηλέως καὶ Θέτιδος συνεῖναι τῷ Ἀχιλλεῖ. ἀπῆλθε δὲ ὁ Ἀχιλλεὺς μόνος μετὰ τοῦ ἰδίου στρατοῦ ἐπὶ τὸ Ἴλιον τῶν Ἀργείων καὶ τῶν Μυρμιδόνων. προετρέψαντο δέ, ἤτοι ἐδυσώπησαν, οἱ αὐτοὶ Ἀτρεῖδαι βασιλεῖς καὶ τοὺς λοιποὺς βασιλεῖς, ἤτοι τοπάρχας, καὶ προμάχους τοὺς ἀπὸ ἑκάστης χώρας τῆς Εὐρώπης, ἕκαστον μετὰ τοῦ ἰδίου στρατοῦ καὶ τῶν νηῶν. καὶ ἀπέπλευσαν πάντες συναχθέντες ἐν Αὐλίδι χώρᾳ οὕτω λεγομένῃ.


Josephus Iscanus, Yliadis IV, vv. 35-205 passim

Descriptio principum
35 Nunc utinam, quo quisque animo, quo fulserit ore,
Quis membris inscriptus honos, quis pectora motus
Extulerit, meminisse queam, vultusque peremptos
Suscitet eloquii virtus, oculisque sepulti
Pectoribus vivant scripto precone tiranni !
40 Sic olim positos populis mirantibus offert
Elinguis pictura viros, sic culta profatur
Carta duces, oculis hec blandior, auribus illa.

Priamus
Celsa duci Priamo late surgentibus arinis
Effulcit roseum cervix caput, ardua scribunt
45 Membra virum, blandoque genas terrore minaces
Regius ornat honos. Placide vox nuncia mentis
Nil tumidum, nil triste sonat propiorque precanti
Mollibus imperiis famulantes instruit aures.

Hector
Hector magnanimum librato culmine pectus
50 Erigit, intorto candet coma crispa capillo
Succinctum complexa caput blandeque recisos
Furatur vox blesa sonos. Pernicia membra
Mens placida in cives, faciem lanugo serenam
Induit. At visus acies obliqua cadentes
55 In geminas spargit partes semperque supina
Occiduo stabilem contristat lumine vultum.

Helenus et Deiphebus
Ore pares patremque genis vultuque secuti
Priamide gemini, studio certante Minervarn
Partiti colit hic artes, hic arma fatigat ;
60 Deiphebum Mavors, Helenum demulcet Apollo.

Troilus
Troilus in spacium surgentes explicat artus,
Mente Gigas, etate puer nullique secundus
Audendo virtutis opus, mixtoque vigore
Gratior illustres insignit gloria vultus.

Paris
65 Imperii cupidus, habiles prolatus in armos
Siderea vernat acie Paris, ore serenus,
Eloquio lenis, pede preceps, strenuus armis,
Vertice flavescens; frontemque auctura superbam
Prereserat tonsura genas in summa recurrens
70 Tempora, neve vagans forme furetur honorem
Cesaries, utramque comam sua detinet auris.

Eneas
Crine minax, vultu placidus, sermone serenus,
Affatu facilis, oculo nigrante venustus
Consiliisque pius stabiles libratur in artus
75 Eneas fusis humeris et lumine grandi.

Anthenor
Anthenor tenui productus corpore, sura
Succincta, motu facili, quo nemo suorum
Insidias vel nosse prior vel nectere maior.

Hecuba
Regius incendit Hecubam decor, ardua pingit
80 Gloria, nec partu species effeta frequenti
Marcida vectoris uteri dispendia sentit.
Mens victrix nil molle monet, nil debile dictat ;
Sonti difficilis, at miti blanda rigorem
Exuit, afflictis clemens et civibus equa.

Andromache
85 Forma, modus, pietas, sensus, pudor auctius ornant
Andromachen erectam humeris visuque serenarn.

Cassandra
Non membris egressa modum, non ceca futuri,
Fulta genu tereti, suspecto crine cruorem
Mentitur flagratque acie Cassandra micanti.

Polixena
90Yliadum populo victore Polixena vultu
Preradiat, solique decus speciale meretur
Lactea membrorum series, ridentis ocelli
blandicie, pede fulta brevi procera venustas
Poplitis erecto librans vestigia gressu.
95 Articulos non equat ebur, non lilia colli
Ardua, non rutilum pavonis fimbria crinem.
Ipsa humilis, simplex, facilis nil turget herile,
Nil varium fingens, numquam frustrata petentes.

Agamennon
Martius ornat honos Agamennona, fusa vigorem
100 Celsaque membra vovent, vultu precone potestas
Enitet et regem species armata profatur.
Mixta virurn phalerant cirro candente : decora
Virtus, nobilitas dives, facundia prudens.

Menelaus
Gratior equato Menelaum forma venustat
105 fulta statu; virusque come geniale rubentis
Mens domat, ipse actu mentitos indice crines
Arguit, acceptus noto gratusque merenti.

Achilles
Audax, munificus, hilaris, pius equat Achilles
Vultu Phebum, animo Gradivum, Pelea membris.
110 In pectus laterum laxatur culmen, in arctos
Crispatur cirros coma mirtea, crinis in armos
Deprimitur, poplesque gradus consurgit in altos.

Patroclus
Actorides acie grandi vernaque, decoris
Artubus, alloquio leni, cui cura iuvare
115 muneribus, constare sibi, disponere cunctis.

Aiax Oileus
Vox teneris discincta iocis, mens ardua, fusi
Artus Locrensis titulos Aiacis opimant.

Aiax Thelamonius
Aiacern Thelamone satum coma pulla venustat
In torquem collecta levem, modulata serenis
120 Lingua sonis, mens fraudis hebes, sed strenua bellis.

Ulixes
Ore hilaris modiceque humiles collectus in armos
Dux Ithacus, prudens consultum pendere, gnarus
Obliquare dolos, doctus captare loquendo.

Diomedes
Voce ferox, animo preceps, fervente cerebro
125 Audentique ira validos quadratur in artus
Titides plenisque meretur Tidea factis,
Sic animo, sic ore fero, sic fulminat armis.

Nestor
Nestora magnificat morum prudentia custos,
Consilii librata fides et sobria dandi
130 Gloria; porrectoque humeris senioque nitenti
Nasi grata minus brevitas incurva sedentis.

Prothesilaus
Phillacides vernante gena, candente capillo,
Alite mobilior, Scitica torrentior aura,
Ardua nulla timens, animum non viribus equans
135 Nil grave, nil durum censet, nil linquit inausum.

Pirrus
Ore virum fassus indignantique minaces
Suspendens cervice genas livore superbo
Obliquat socios Pirrus, scribuntque ferocem
Ardua membra, teres oculus, proiectior alvus.
140 Texendis vox egra sonis teneroque laborans
Eloquio lingua blesos frustratur hiatus.

Palamedes
Naupliaden tenui progressum corpore, lenem,
Magnanimum prudens animi moderatur honestas.

Polidarius
Arduus in fastum, pingues demersus in artus
145 Crispanti vestit humeros Polidarius umbra.

Machaon
Cesaries ceu iussa iacens, patientia suplex,
145 Vis temere ausa nichil pietasque Machaona pingunt.

Merion
Impia precipitem natura Meriona mergit
Invidie cinctum stimulis cureque tenacis
150 Defessum excubiis. Teretes cumulatur in artus
Carnea massa tumens, animique ebullit Herinis
In caput, in corpus reliquum. Livescit inustum
Sanguineis pectus maculis, gena disputat idris
Indicio peiore virens, et mentis hanelas
155 Accusant Furias flammati incendia crinis.

Briseis
In medium librata statum Briseis heriles
Promit in affectum vultus. Nodatur in equos
Flavicies crinita sinus, umbreque minoris
Delicias oculus iunctos suspendit in arcus.
160 Diviciis forme certant insignia morum,
Sobria simplicitas, comis pudor, arida numquam
Poscenti pietas et fandi gracia lenis.

Castor et Pollux
Tindaridis geminis geminum nichil, unicus ambos
Oris honos ambit; similis flavescit utrique
165 Crinis, par hilares augescit visus in orbes ;
Equus membra modus, concordes pectora motus
Conciliant spirantque unum gena, lumina, mores.
Sola pares variis presumunt nomina formas
Distinxisse notis, at victor vindice vultu
170 eludit dubios error vocumque repugnans
Discidio alterno confundit nomine nomen.

Helena
Inclita cognatos equat Spartana Lacones
Vultu, crine, genis ; socie cunabula stirpis
Par oris testatur honos. At plenius haurit
175 Sidereum Ledea Iovem totosque per artus
Lactea materni spirant mendacia cigni.
Nativum frons fundit ebur, caput exerit aurum
Equatis crinale comis, gena candida bissum
Equat, dextra nivem, dens lilia, colla ligustrum.
180 Auris inexpleto crispata volumine, visus
Excubitor nasusque vagi venator odoris
Alternum poscunt titulo certante triumphum.
Productum modice mentum candescit et alta,
Lenius ut pressis insidant basia labris,
185 Parcius in roseum consurgunt ora tumorem.
Fundit apex humeros, pressum tegit ubera pectus,
Ilia succingit levitas tractusque lacertos.
Pes brevis incessu terram libante supino
Lascivum suspendit iter crurumque decora
190 Mobilitas compto libramine ponderat artus.
Sola superciliis labes interflua raris
Audaci macula tenues discriminat arcus.
Haut minus insignes latebras secretius ornat
Vitalesque colit thalamos et digerit urbem
195 Interior natura suam. Cor principe motu
Libratum disponit opus, modulamina lingue
Limat pulmo loquax, modico dispensat hiatu
Splen risum, facili fel castigatius ira
Uritur. At teneri titillat mollius equo
200 Pruritus iecoris meriteque insignia fame
Mergens nativi titulos incestat amoris.
Hoc monstrum non ales edax, non labile saxum,
Non axis torquens, non mendax vicerit unda ;
Cum bene fracta tepet moriturque sepulta libido,
205 Respirant plenis incendia pristina fibris.
Sic Helenen totam pars unica mergit et ipsum
Excitat in cladem regnis certantibus orbem.


Benoît de Sainte-Maure, Roman de Troie en prose

LES GRECS SE PREPARENT A LA GUERRE

66. Si come Menelaus se pleint a son frère Agamenon de son domage. Mais de tant laisse le Conte a parler de ceaus de Troie et si retorne a conter de Menelaux et de Agamenon et des autres princes, si comme chascun prist la chose sur soi.

Or dit li Contes que tant atendi Menelaus que le rei Agamenon son frère fu venus. Quant il le vit, si se plainst a lui de son domage et sus toutes choses de la perte de sa feme. Agamenon, qui moût fu sages, li dist : « Biau frère, gardés que por nule rien ne faites nule dolour ne ne moustrés mauvais semblant de chose qui avenue soit. Et membré vos que li sages homes des anciens tens ne conquistrent pas l'onor que il orent por plorer de leur pertes ; quar, se il alast ensi, cil qui sont de vil et de povre corage eussent tout le mont en lor subjection. Mais ils tenoient autre chemin, quar, quant il recivoient outrage, si prenoient enging et cure cornent il le peùssent amender. Et ensi doivent faire tous gentis cuers quant il ont aversité. Car cornent acroistra sa vertu et son honour celui qui se tendra ocïeus sans désir de vengier son domage? Remenbrez vos ancessours qui l'onor que il orent et qu'il nos laissèrent conquistrent par enging de cuer et par fine force de cors. Or n'i a rien de plus soufrir, ne longues parolles n'ont ici point de leu ; meis pensés de prendre la venjance en manière que vostre honor i soit acreùe, et envoions maintenant letres par toute Grèce as reis et as dus et as princes et lor faisons a savoir l'outrage de ceaus de Troie. Et il n'i avra ja nul que volentiers n'i viegne a Troie por la venjance prendre. Et puis que nos avrons aculli nos gens ensemble, je sui certain que nos ferons tous nos voloirs de nos anemis ».

67. Si come il mandèrent lor letres par toutes les terres de Grece.

Sans prendre plus de respit envoïrent par message et par letres a tous lor amis la chose devisee com dit avons. Et maintenant s'apareillirent tous de venir a Parthe, ou li doi frère estoient. Si poés oïr les nons d'auques de ceaus qui plus estoient : Achilles, Patroclus, Diomedès, Eliolus, Neptolonus, li duz d'Athènes et autres assés de grant pooir, qui promistrent par lor messages, que trop lointain estoient. Cil establirent lor afaire, et jasoit ce que il i eùst de plus riches, si firent il de Agamenon chevetain et souverain prince de tous por le sens et por la valor qui en lui estoit.

69. [Que toz li terriens princes asenblerent a Troie].

Oïr poés coment la besoigne est comenciee et enprise, et sachiez vraiement c'onques au siècle ne demoura un terrien prince qui n'i fust, qui dehors por envaïr ceaus de Troies, qui dedens por défendre la ville. Ensi comme vos pores oïr, la plus grant partie d'eauz i definerent lor vie douleurousement, et cil qui eschaperent furent puis destruit avant que il se peùssent largement reposer en lor pais, si comme le vos deviserai, quant tens en sera. Et por ce que vos l'entendes mieux quant l'en en parlera, si vos en deviserai les nons et l'estre des princes de dehors et dedens. Et laissons ester de Castor et de Polus, qui en la mer sont péri.

70. LES PORTRAITS

Ici devise les façons des princes.

Dame Elaine [estoit] leur suer, et por ce qu'ele fu achoisor de ceste doulourouse euvre, la metons nos premièrement. Si vos di que ce fu [la plus bêle feme] que l'on trovast en Grèce. Agamenon, que lor princes estoit, fu grant de cors et brun, mais engignous et bieauz parlieres fu sus tous les Grizois, et a merveilles sambloit bien dignes d'estre sires. Menelaus, qui estoit ses frères, ne fu pas trop grant ne trop petit, mais a merveille estoit agréable a tos ceaus qui le regardoient. Achilès fu home de grant biauté, grant et membrus et fiers et hardis en mi la chiere et moût amiables vers ses amis. Large fu moût en despendre et moût sages et bien parlant. Chevalerie ama sur tous homes et pris d'armes ot il sur tous les Grizois. Si fu [filz] Peleùs le roi, dont nos avons parlé. Patroclus fu jeunes hons et de merveillouse biauté. Les iauz ot vairz et rianz et tous jors sambloit honteus come une pucele. Larges estoit en doner et miaux estoit tailliés a sejorner delicïousement que a travail d'armes.

71. De ce meïsme.

Un autre Ayas i avoit qu'en surnon fu Thalamons apellés; si fu moût chevalerous et, selonc la grant valeur qu'il avoit, moût se prisoit petit, dont son pris li dobloit entre les autres. Ulixès les sormontoit trestous de grant savoir et de soutil enging et de souverainement parler. Jeus et gabois disoit trop volentiers, meis foi ne loiauté n'avoit nule envers ses amis. Dyomedès fu de toute bone taille por estre fors et hardis, et si fu il sanz faille un de [s] souvrains qui fust en l'ost de Grèce, mais moût estoit félons et estoux en ses parolles, et moût ama par amors; et en la fin endura il grant poine. Nestor fu moût grant et biauz de cors et riches hons de grant manière, et si estoit moût sages parliers et de bon conseil envers ses amis ; mais quant il estoit soupris d'ire, il perdoit toute mesure, mais pou demouroit en corous. Prothiselaus estoit biauz hons et de grant enprise, et estoit si hastief qu'a poine tant pooit soufrir avoir faite la chose que l'en l'eùst compliement dite. Thoas le roi, qui cousiens Achillès estoit, iert de meindre estature, si fu moût sage et amesurés en parler et as armes fu de merveillouse esprouve. Neptolonus, li dus d'Athènes, fu grant et gros de cors. Moût fu covoitous, mais de plais [et de lois] savoit assés; et des armes fu de merveillous pooir, si come vos orrés. Palamedès fu grailles et bien tailliés et de belle forme, et sur tout desiroit seignorie et honor. Philiptoas estoit de bêle façon, mais il estoit si orguillous que nus ne pooit a lui durer. Machaon iert un merveillous roi et de grant travail en penser [et] en veillier au domage de ses henemis. Le roi Cercès estoit uns hons de grant porpens et moût amoit bons chevaliers, et por cen en ot il assés au besoing en son service.

(v. 5093-5582) 49

Briseda fu fille Calcas de Troie, dou quel vos orrez avant coment il se contint; meis de [sa] fille dirons quar elle fu de tout grant biauté et de belle fachon et de grant manière sage et bien parlans, et moût mist son cuer en amor, ensi come vos orrés.

72. Come il devise la façon des princes de Troie.

Or vos ai dit l'estre et la manière des princes de Grèce, si pores oïr après de ceaus de Troie. Le roi Priant fu de moût bêle façon et de moût bêle taille, mais un poi avoit la vois casse et douce ; et loial fu sur toute rien, et larges fu en doner, et moût se delitoit en choses de solas. Bons chevaliers ama sus toutes riens, et il meïsme fu au besoing merveillous as armes de sa main.

73. Ci endroit conte l'estre Hector.

De ceaus de Troie et de tous ceaus qui furent devant son tens fu son aine fis Hector li soverains, et croi que de tous ceaus qui i estoient ne qui estre dévoient le fist Nature por le plus soverain, car en toutes bontés que puisse mortex home avoir moustra elle tout son pooir en lui, tout soit il chose que le poïst avoir fait plus bel ; meis de meillor croi je que Nostre Sire li commanda que elle i meïst sa force, si qu'ele restorast en lui toutes ses detautes; et se rienz mesavenoit en lui, trestout estoit covert par son bien faire ; quar vos savés que par bone euvre sont maintes laides fâchons covertes, meïsment en homes plus que en femes. Si vos dirai la some de lui qui de vaillant pris sormontoit tous homes, mais un poi estoit baubes et borgnes d'ambedous les iaus. Onques d'escharnissour n'avoit cure et, quant au besoing venoit, ne fu onques nus hons trové de sa force ne si asseùr as armes. De sa largesse ne fu nus, quar se tout le siècle fust a son commandement, si l'eùst il doné as gens d'avantaige et de vallour. A lui ne duroit ne or ne argentne drap de soie ne bon cheval, quar sa proësse le semonoit tous jours de bien faire. De cortoisie fu il tels que tous ceauz de Troie et de Grèce furent villein envers lui. D'estre regnables et amessurés surmonta il toutes créatures, quar onques por ire que il eùst ne por joie ne dist chose que l'en le peûst a droit reprendre. Por quoi je ne croi que jamais soit homs de sa valour ne qui des armes peùst ensi faire son plaisir, si com il en faisoit. Onques ne fu homme tant amé en ville come ceaus de Troie tamoient, et ce estoit bien droit, quar il sembloit que il fust frères a trestous. Tout autel estoit Helenus come son père, et Deïphebùs ses frères, et moût estoient et biauz et gens de cors et moût semblables, mais de corages estoient divers.Quar Deïphebùs estoit moût fort et penable as armes, Helenus estoit bons clers et bons devins a merveilles. Troiolus fu merveillous chevaliers et grant et bien tailliés de membres, le visage cler et amiable, les iauz pleins de joie, et as armes fu tels que nus ne se peûst apareillier a lui fors seulement Hector son frère, qui fu sires et roi des autres et d'armes portanz, meis cestui lien tient bien fraternité et compaignie. Larges et cortois fu et moût mist son cuer en amor. Paris fu moût fort de cors et bien fait, mais sus toute chose desiroit seignorie, si fu archiers merveillous.Chiens et oiseauz amoit ; de son cors fu merveillous chevaliers au besoing. Eneas fu gros et petis de cors et sages en parler et en euvre, et moût soit bien sa raison moustrer par parolles, et fort et vertuouz fu a desmesure, et de chevalerie ot grant pris. Antenor fu de bele forme, et moût fu très sages et de bon conseil. Un sien fil ot qui ot non Polidamas, dont l'Escrit ne se doit pas taire, quar il fu moût sages et cortois sor toutes créatures et passible comme une damoiselle ; mais en fais d'armes fu il moût merveillous, si comme vos orés avant.

(v. 5093-5582) 51

Le roi Menon fu moût grant et gros, et bien sambla [sages] comme il estoit. Par lui ne pooit l'en granment traire de lui parolle, quar tous jors sembloit il pensis. As armes fu il de merveillouse proësse et maintes choses fist il dont l'en parlera as tous jors mais. Et Ecuba la roïne, la feme dou roi Priant, fu moût très sage feme et bone vers Dieu et grant almosniere, et si n'avoit en mont de choses féminin tallent. Andromata ot non la feme Hector, qui moût fu bêle et sage et de noble manière. Grans almoniere fu sus toutes dame[s] et grant amor et grant foi ot vers son seignour. Cassandra fu bêle de façon, mais de clergie fu sage a merveilles, quar ele sot d'art tant que nus humains cuers en poroit plus savoir. De la biauté de Polixena ne vos poroit l'en escrire la menor partie, quar elle fu longue et graille, estroite en mi les flans. Le chief ot blont corne fin or, les sorciz déliez et votis, le vis blanc et colouré par mesure, si que miauz sembloit espirituel chose que humaine. Que vosdiroi je ? Se la biauté de toutes les autres femes fussent ensemble, si seroit plus celle de Polixena. Autres grans gens ot assés a Troie et par dehors dont le Livre ne fait pas mention, quar assés i a d'autre chose a traitier.

74. COME GRIZOIS ASSEMBLERENT LOR GENS QUE IL ORENT AMASSE A ATHENES.

Quant l'iver s'en fu aies, ce fu entor demi mars, que li Grizois, qui moût avoient porchacié s'asemblerent a Athènes tuit, ne onques si grant gent ne fu veûe ne si grant estoire de nés come il i ajosterent, que par amor, que par prière, que par doute ; quar moût estoient cremus par mi le monde ; et ci après orrés comme bien de nés il i ot et qui les amena.

75. Ci conte le nombre des nés.

Agamenon i amena [de Micene] cent nés, et Menelaus son frère de Parthe quarante. De Boëte et del honor en amena Protenor quarante. Alermus et Archelaus, qui dous frères estoient, en amenèrent trente. Epistrophus et Secondus cinquante. Thalamon Ayas en amena de Salemine cinquante; si ot en sa compaignie cinc grans princes: Teùcer, Emplimar, Dorion, Polixenart et Tiseùs. De Pile en i ot li viax Nestor cinquante, et autres cinquante Thoas de Telias. Oïlenus et Aïax en orent de lor terre trente et set. Eminecus, de la cité de Heminois, en ot soissante et trois. Philiptoas et Santipus en amenèrent de Calsidoine trente. Ydomenés et Merion en orent cent. Ulixès d'Acaye en ot cinquante, Emelius dis. De Pilasta Portacus cinquante, et aveuc lui fu Prothèselaus. Macus et Polidri en orent trente et dous, de la terre de Lescope. Achilès en amena de Sezilles septante, et de Rode en amena Empolida cinquante. Santipus d'Elide en ot trente. Polixetès et Lavertin en amenèrent de Larise soissante. Diomedès, Cerilus et Aurialus en orent d'Argués et de l'onor uitante. Liotède de Melibee en ot set. Eûmenus en i ot onze. Menesteûs, li dus d'Athènes, en i ot quarante.

DENOMBREMENT DES NAVIRES (= V. 5583-5702) 53

76. Ci endroit le nombre des princes de Grèce et des nes que il amenerent.

Ensi come vos poés oïr et entendre fu la some des rois et des princes trente et sis. Des nés furent mil et dous cens et dis. Si devés savoir que moût i ot d'autre gens. Et quant il furent tous assemblé a Athènes, Agamenon, que il orent fait prince, fist assembler dehors la ville tous les barons et l'autre pueple por tenir parlement, si commença sa raison en tel manière.

77. Si come Agamenon parla.

« Seignor, fait il, me plaist dou riche concilie et de la noblesse que je voi ci assemblée, et me semble que en grant péril se met celui qui se revelle contre nos et poi aime [sa terre] et son henor. Quar, selonc mon avis, j'en vois tel mil que celui qui meins a de pooir devroit par la force abatre l'orgueil de celui qui ci nos a fait assambler. Et ore est il voirs que a notre droit et a grant tort de nos henemis est guerre venue entre nos et eauz. Et nos somes ici por la venjance prendre, que reprochié ne soit a nostre lignage, quar nos ancessors nos laissierent grans henors, ne nos ne devons soufrir que la hautesce et la seignorie de Gresce ahaisse entre nos mains, ançois devons pener que nostre renomee, que tant [s'Jestent loins, reluize et resplendisse plus et plus par mi le monde. Et nos somes si d'une acort que il n'a nulle génération de gent au monde qui osast faire contre nos, fors que ceste mavaise gent, qui mal virent lor folie. Et bien poés savoir que il ont mavais conseil, quant il ne se membrent que un soûl poi de gent destruirent autre fois toute la ville de Troiez. Et ce me fait penser que lor outrequidance soit tele quar qui les laisseroit sans venjance prendre, qu'il quid[e]roient encores sousmetre a lor seignorie tout cest pais. Et bien soi qu'il ont encores enforcié lor ville et gens aquise de maint pais por eaus défendre contre nos. Et tout soit il chose que moût sera legiere chose de eauz destruire, selonc mon avis, si conseil je endroit de moi que, avant que nos meùssons de ci, envoïssons a Apollo a prendre conseil de ceste besoingne et a quel cief nos en porons venir. Et je sai que les dieuz nos en diront le voir, quar a ceauz se doit l'en conseillier de toutes choses, et puis porrons plus seûrement ouvrer ».

ALLIES DES TROYENS (= V. 6658-6929) 6l

Mais dèsoremeis m'est il avis et drois est eins que ge aille plus avant, que vos die ques gens vindrent Troies défendre : non mie por ce que je tous les sache nomer, mais des plesoùrs pores oïr les nons.

89. Les nons de[s] princes qui vindrent secorre Troies.

D'un pais que l'en apelle Cacton, qui moût est loing entre souleil levant et septentrion, vindrent dui rois, Pandarus et Adastrus : cil amenèrent merveillouses gens as armes, plus de sis mile chevaliers. D'une autre contrée que l'en apelle Colophon vindrent Caras et Marcius et Phimacus et Nestor : cist quatre vindrent Priant secorre a grant compaignie de chevaliers qui furent entor de uit mile. Dou roiaume de Lice en fu Glaçon et Sarpendon son filo quatre mile chevaliers. Eùfrates, le soudan dou Coigne, qui hons estoit dou roi Priant et ses voisiens, i amena sis mile chevaliers, qui moût i firent d'armes. De Larise, qui est au comencement de la terre d'Egypte, vindrent deus dus qui frères germains estoient, Upos et Cupresus, si amenèrent trois mile chevaliers. Et de Cisoine vint Remus le roi, et aveuc lui uit contes, dont li pires valoit un roi ; et amena dis mile chevaliers. De Trace, ou il a moût hardie gent, y vient Pilex et Calamus qui trois mile chevaliers amenèrent et cinccens. De Peoine, ou il a maintes merveillouses choses, avint Preienisus, qui roi en estoit et aveuc lui Trepeu et Cascon, qui amenèrent dous mile chevaliers. De Frise i fu Antyophus, Misères et Calamon, que chascun i amena mil chevaliers. De Boétes i vint Amphimas, et Forthins a dous mile chevaliers. Dou règne de Bethine vindrent Poëtès [et] Pistros qui quatre mile chevaliers amenèrent en lor compaignie. De Paphagoine i vint le noble roi Felimenis. Paphagoine est une terre endroit le levant et moût lontaigne. Et estoit Philemenis plus grant d'un autre chevalier, et sa gent moût merveillouse et tous armés d'autres manières que les autres, et ça avant vos orrés cornent il se contint. D'Ethiope i vint le roi Perse, et aveuc li amena deus mile et cinc cens chevaliers qui des armes ne savoient point, mais archiers estoient moût merveillous et estoient tout ausi noirs corne pois. De Terrache vint Thiseûs et Archilagus ses fis, qui orent chascuns mil et dous cens chevaliers. D'Agreste, une ille estrange moût durement, y furent dous rois, Phion et Edras, avec trois mile chevaliers. De Lizoine, qui est près dou roiaume de Femenie, i vint Epistros le roi, qui [moût estoit sages et engignos. Cestui] amena avec lui le Sagitaire, que grant merveille fu a esgarder, si corne vos oreis ; avec lui mil chevaliers.

90. COME TROÏENS FIRENT GRANT JOIE DE LOR VENUE.

Tuit cist que només vos ai et maint autre vindrent défendre Troies, que por requeste, que por homage, que por honor aquerre et pris. Si n'oï onques nus hons parler de si grant diversité de 'gent et de lenguages, dont la terre fu bien garnie. Et furent nombres les princes a cent et trois, et de trestous fu Hector maistres et sires, quar bien en estoit dignes. Paris, Troylas, Deïphebus, Antenor, Polidamas, Eneas, chascun fu chevetaine des siens. Et tous les ordena Hector par certain nombre et que chascun obeïst a son souvrain et de l'armer et del monter et de l'issir hors de la ville selon le commandement de son prince. Les gens a pié furent tous ordenés en quel manière et en quel euvre par nuit et par jour il dévoient estre et a quel prince et a quel baniere et en quel endroit de la ville chascuns se devoit tenir : non mie por ce que il se doutassent d'estre assaillis as murs, quar tout en fust assés loing et il issoient tous contre eus, si comme vos orés ; mais ce faisoient il por estre plus ordenés en toutes lor afaires.


Guido delle Colonne, Historia destructionis Troiae

[Incipit liber viiius de Grecis inchoantibus finire consilium, ad quos de raptu Helene fama peruenit, quid sint inde facturi.]

Cum hec itaque in vrbe Troyana feliciter (ymo cecis insidiis infeliciter) gererentur, nondum Troyanis applicantibus in insulam Thenedon, fama loquax et euolans tumultuosis relatibus Menelay regis in multa stupefactione aures inuadit, qui nondum a Pyra discesserat nec a ducis Nestoris comitiua. Cui postquam patefacta sunt singula de disrobacione templi videlicet in insula Cytharea, dominio suo subiecta, de nece suorum interfectorum ibi nequiter a Troianis,de captiuitate mulierum et aliorum deductorum in Troiam, et demum de raptu sue Helene, quam plus quam seipsum amore tenerrimo diligebat, tantorum dolorum aculeis factus est anxius. Qui pronus cadens in terram, debilitatus est spiritum et factus est deficiens in loquela. Sed dum post longam horam uires resumpsit, in multa doloris anxietate corporea suorum deflet excidium, captiuorum abduccionem, et Helene sue absenciam sub tanti uituperii siggilatione transducte. Deflet eius pulchritudinem alienis manibus contractandam. Deflet eius delicias quas habituram non estimat in nacionibus barbarorum. Nullus est finis lamentis eius et lacrimis. Et demum hoc Nestori nunciato, Nestor ad ipsum ueniens, quem sibi carum astrinxerat in amicum, factus suarum lacrimarum particeps, blandis sermonibus et piis affatibus solari mestum intendit. Qui dum nullis monitis, lacrimis, et fletibus finem daret, celer se accingit ad reditum regni sui. Quem Nestor non deserens ipsum in comitiua multorum militum flebiliter commeauit.

Qui suum postquam peruenit in regnum, pro rege Agamenone, fratre suo, ut ad ipsum accederet, fideli nuncio demandauit, sic regibus Castori et Polluci similiter, qui, eius audito nuncio, statim ad eum omnes predicti tres reges cursu celeri peruenerunt. Agamenon autem, ut vidit Menelaum fratrem suum tanto dolore torqueri, ipsum est hiis uerbis consolatoriis allocutus : « Ad quid, frater, tanto dolore deprimeris ? Etsi te iusta causa dolendi moueat, non tamen est prudentis uiri animi sui motum extrinseca demonstratione uulgare. Dolor enim patefactus extrinsecus in aduersis ad dolendum amicos plus prouocat et maiora gaudia generat inimicis. Finge ergo propalare leticiam, cum dolor habundat, et finge te non curare de hiis in quibus te debet rationabilis cura mordere. Curis anxiis aut fluuiis lacrimarum honor non queritur nec uindicta. Ense igitur petenda est ulcio, non murmure querelarum. Nam sapientis probitas tunc apparet cum casibus examinata contrariis aduersa mouit sustinere certamina et malorum ponderibus animum non submittit. Excita ergo tue strennuitatis animum ad hec mala, ut ubi iustus dolor te prouocat rigidum assumas animum ulciscendi, vt iniuria tibi et nobis illata dura non transeat sine pena, que non lacrimis est querenda sed in magna offendendi uirtute. Nosti enim nos abundare uiribus et in hac ulciscendi cura nos multos habere consortes, cum in hoc tocius Grecie assurgat imperium et a nobis mon-iti reges singuli arma Troyanis ingerere non negabunt. In brachio fortissimo et multa classe apud Troyam nos vnanimiter onferemus, in cuius litus si nostra figere tentoria nos contingat, durum erit et impossibile Frigiis nos a litore posse deicere. Ante erunt maiores eorum neci traditi et seruituti durissime populares eorum, cum Troyana urbs in nostra potencia funditus euertetur, et ille Paris, tot malorum actor, si contingat intercipi, uelud nequam latro furca suspensus amarissimas penas luet. Cessandum est ergo ab omni dolendi tristicia et ad omnes reges Grecie, duces et comites, maiores et nobiles, nostra scripta mittemus vt in huius ulciscendi causa dedecoris nobis potenter assistant ».

Sicque uerbis et sermonibus fine facto, acquieuit humiliter Menelaus, et sic incontinenti per vniuersos Grecie principes litteris destinatis, inter alios accesserunt primi illi viri nobiles, Achilles strennuus et Patroclus necnon et fortissimus Dyomedes. Statimque eis tocius negocii materia declarata, omnes disponunt vnanimes in maximo exercitu et in multo nauigio cumulari ut pro recuperanda Helena et illicite iniurie obtinenda uindicta se potenter conferant apud Troyam. Pro huiusmodi autem executione negocii ante omnia statuerunt eligere aliquem in ducem et principem, cui totus exercitus pareat et sub cuius ductu regali exercitus ipse salubriter gu-bernetur. Et sic de communi assensu omnium presencium tunc ibidem Agamenonem regem, multe strennuitatis uirum, omnis sani consilii discretione uigentem, in imperatorem eorum assumpserunt et ducem.

Et quia Frigius Dares uoluit in hoc loco quorundam Grecorum et Troyanorum colores et formas describere, qui, etsi non omnium, saltem describere uoluit famosiorum. Asseruit enim in codice sui operis, Greca lingua composito, omnes illos suis oculis inspexisse. Nam sepius inter treugas factas inter exercitus ipse se ad Grecorum tentoria conferebat, vniuscuiusque maioris formam inspiciens et contemplans ut ipsorum in suo opere sciret describere qualitates. Dixit enim primo Helenam speciositate nimia refulsisse, de cuius statura et forma satis aperte supra retulimus, hoc addito quod ipse dixit Helenam ipsam inter duo supercilia quandam habuisse modicam et tenuem cicatricem, que miro modo decebat eandem. Agamenon autem, rex multa proceritate, submissus, lacteo candore fulgebat. Fortis erat in viribus, dum membris esset fortibus conformatus. Laboris erat amicus, dum esset quietis impatiens, discretus, audax, et multo loquendi lepore facundus. Menelaus autem, frater eius, non erat tanta proceritate distensus, sed eius forma inter longitudinem et terminos breuitatis medium decenti statura seruabat. In armis erat strennuus et in bellandi desiderio nimium animosus. Achilles uero mira pulchritudine fuit decorus, flauis crinibus sed crispatis, oculis glaucis et grossis sed amorosi aspectus, am-plum habuit pectus et scapulas, brachia grossa, renes largos, et in statura longitudinis competentis. Hic in fortitudine multa preualuit. Nullus Grecorum tunc fortior ipso fuit, bellandi cupidus, largus in donis, et prodigus in expensis. Tantalus uero corpore grandis fuit, fortis multum, uariis oculis, candidus rubore permixto, veridicus, humilis, lites fugiens sed prelia iusta peroptans. Ayax Oileus corpore grossus fuit, amplis scapulis, grossis brachiis, longus multum, et semper uestibus caris comptus. Multum uero fuit pusillanimis et facilis ad loquendum. Thelamonius Ayax multa pulchritudine fuit decorus, nigris tamen crinibus sed circulatis. Delectabatur in cantu, dum uocem commodam haberet, cantionum et sonorum in multa copiositate repertor. Hic fuit multe strennuitatis vir, bellicosus multum, et qui pompas in suis uirtutibus non dilexit. Vllixes uero omnes alios Grecos speciositate precessit, strennuus quidem fuit sed omni astucia et dolositate plenus, mendaciorum maximus comentator, multa diffundens uerba iocosa sed leporis tanta disertus facundia quod neminem sibi parem habuit in composicione sermonum. Dyomedes multa fuit proceritate distensus, ampio pectore, robustus scapulis, aspectu ferox, in promissis fallax, in armis strennuus, victorie cupidus, timendus a multis, cum multum esset iniuriosus, seruiencium sibi nimis impaciens, cum molestus seruientibus nimis esset, libidinosus quidem multum, et qui multas traxit angustias ob feruorem amoris. Dux Nestor longe stature fuit, latis membris, brachiis grossis, facundus nimium in loquela, discretus ac utilis et fidelia consilia semper prebens, ad irascendum facilis et prouocatus ad iram nulla poterat frenari temperie, licet esset in eo brevi spacio duratura. Huic nullus equari potuit in tanta sinceritate fidelitatis amicus. Prothesilaus pulcher fuit et decenti statura decorus, strennuus quidem multum, nullus eo celerior, et in armis nimium animosus. Neptholomus statura grandis fuit, nigris crinibus, grossis oculis sed rotundis, latus pectore, largus scapulis, superciliis iunctis, in loquela balbutiens. Sed doctus erat in legibus et exercicio multo causarum. Palamides autem, filius regis Nauli, forma pulcherrimus, longus et gracilis sed moderata fuit proceritate distensus, animosus ad prelia, affabilis, tractabilis, urbanus, et multa dona diffundens. Pollidarius multa erat plenus grossicie et tanta pinguedine tumefactus quod uix seipsum ducere poterat aut stare multum erectus, animosus multum sed multa superbia ceruicosus, letari non nouit, et semper erat ex nimiis cogitacionibus curiosus. Machaon uero fuit equali forma compositus, dum non esset multum longus nec multa breuitate correptus, superbus tamen, animosus multum, nudatus fronte caluicie, et qui nunquam de die dormiuit. Briseyda autem, filia Calcas, multa fuit speciositate decora, nec longa nec breuis nec nimium macillenta, lacteo perfusa candore, genis roseis, flauis crinibus, sed superciliis iunctis, quorum iunctura, dum multa pilositate tumesceret, modicam inconuenienciam presentabat. Multa fulgebat loquele facundia ; multa fuit pietate tractabilis. Multos traxit propter suas illecebras amatores multosque dilexit, dum suis amatoribus animi constantiam non seruasset. Preter hos et alios maiores scripsit idem Dares in Grecorum auxilium Persarum regem in multa uenisse militum comitiua, cuius colorem et formam inter ceteros non omisit. Scripsit enim eum fuisse magne stature, vultum habuisse pinguissimum, faciem lentiginosam, capillos et barbam uelud igneam rubicundam.

De illis autem qui fuerunt in Troia idem Dares formas suo stilo descripsit. Scripsit enim regem Priamum longe fuisse stature, gracilem et decorum, uocem habuisse depressam, hominem strennuitatis multe et cibos ualde diluculo affectantem, virum intrepidum et absque timore et blandicias hominum habentem exosas. Fuit enim in suis sermonibus omnino veridicus ; iusticiam coluit. Sonos musicos et canciones amoris libenter audiuit. Nec fuit rex alius qui maiori honore suos commilitones amasset et maiorum donorum affluencia ditasset eosdem. De filiis itaque regis Priami nullus fuit qui tanta animositate vigeret sicut primogenitus eius Hector. Hic fuit ille qui suo tempore omnes alios in uirtutis potencia superauit. Parum uero erat balbuciens in loquela. Habuit membra durissima, sustinencia pondera magna laborum. Magnus erat in forma. Nunquam tanti uigoris uirum Troya produxit neque magnanimum, multa repletum nube pilorum. Nunquam uerbum iniuriosum aut indecens ab ore eius exiuit. Nunquam sibi extitit tediosum laboribus incumbere preliorum. Nullis enim sudoribus bellicis lassabatur. Nunquam legitur aliquis in aliquo regno fuisse qui tantum a suis regnicolis amaretur. Deyfebus, secundus filius regis Priami, et, sequens, Helenus, eius frater, ita fuerunt vnius forme et similitudini coequales quod nulla discrepancia erat in illis. Vix enim vnus ab alio dignosci poterat, siquis eos subito inspexisset. Eorum enim forma proprie talis erat qualis erat eorum regis Priami genitoris. Illa enim sola eos tres dissimilitudo distinxit, quod rex Priamus erat etate prouectus et illi duo iuuentutis gloria pubescebant. Item illorum duorum alter, videlicet Deyfebus, in armorum multa strennuitate vigebat, et alius, scilicet Helenus, multis erat edoctus liberalium arcium disciplinis. Troylus uero, licet fuerit corpore magnus, magis fuit tamen corde magnanimus, animosus multum sed multam habuit in sua animositate temperiem, dilectus plurimum a puellis, cum ipse aliqualem seruando modestiam delectaretur in illis. In viribus uero et stren-nuitate bellandi uel fuit alius Hector uel secundus ab ipso. In toto eciam regno Troye iuuenis nullus fuit tantis uiribus nec tanta audacia gloriosus. Paris uero fuit pulchritudine multa venustus, flauus coma ita quod tota eius cesaries nitorem aureum presentaret, arcus magisterio excellenter edoctus et in uirtute venandi, multa fuit in armorum strennuitate securus et rigidus miles in bellis. Heneas autem fuit grossus pectore, paruus uero corpore, mirabiliter discretus in factis et temperatus in dictis. Eloquentia multa refulsit, sanis consiliis satis plenus, mirabiliter sapiens, et multa litteratura peritus. Vultum habuit multa alacritate iocundum, dum eius oculi essent uarii et multa speciositate fulgentes. Inter alios Troye maiores nullus extitit qui tantarum rerum immobilium possessionibus habundaret, locuples in castris et diues in uillis. Anthenor autem fuit longus et gracilis, multis habundans sermonibus sed discretus. Vir fuit industrie maxime, circumspectus multum, a rege Priamo affectuose dilectus, et cum se prestabat occasio, iocose multum suos socios deridebat. Absolute tamen erat omni grauitate maturus. Pollidamas uero, ipsius Anthenoris filius, iuuenis speciosus, multa fuit strennuitate conspicuus, laudandus moribus, corpore longus et gracilis, sicut pater, sed parum fusco colore respersus. Multum fuit hic fortis in uiribus et ualde potens in armis; ad irascendum tamen velox sed moderamine multo frenatus. Rex nero Menont pulcher in forma sed grandis, latis scapulis, grossis brachiis, pectore durus, crinibus autem crispatis et flauis. Oculorum uero eius orbes nigro fuerunt colore perlucidi. Mire strennuitatis miles et qui in Troyano bello multa uirtuosa et laudanda peregit. Regina uero Heccuba corporea proceritate distensa, magis declinauit ad uirilem formam quam ad speciem muliebrem. Mulier fuit mirabilis sagacitatis, illustris, multis erudita doctrinis, pia nimis, honesta multum et opera diligens caritatis. Andromachas uero, uxor Hectoris, nimia fuit speciositate decora, longa corpore, lacteo candore refulgens. Oculos habuit multo fulgore lucifluos, rubicunda maxillis, roseis labiis et cesarie deaurata. Inter omnes mulieres honestissima uere fuit, in omnibus suis actibus moderata. Cassandra autem fuit stature decentis, candida multum, lentiginosa facie, oculis uariis, virginitatem appetens et omnes quasi actus fugiens muliebres. Multa nouit predicere de futuris, cum in astrorum scientia et aliis liberalibus disciplinis esset potenter et patenter edocta. Pollixena uero, regis Priami filia, virgo tenerrima, multa fuit speciositate decora. Hec fuit uere uerus pulchritudinis radius, quam natura studio multo depinxit et in qua natura rerum nichil errauerat nisi quod mortalem eam statuerat. Cuius speciem particularibus explicare sermonibus labor esset inutilis, cum eius forma quasi omnium aliarum procelleret speciem mulierum. Intelligitur ergo omnem in ea membrorum pulchritudinem habundasse et ea floruisse uirtute quod omnis generis exosas habuit uanitates.

De hiis tantum Dares Frigius uoluit formas et colores describere tam Grecorum quam eciam Troyanorum, cum in utroque exercitu multi fuerunt multa uirtute conspicui, quorum nomina et virtutes, hinc inde pu[a]gnancium, seriatim per sequencia narrabuntur. Superest ergo quod ad ipsius hystorie seriem explicandam per suos actus continuos successiue stilus noster deinceps veridicus acuatur.

[Incipit liber VIIII de numero navium quas Greci duxerunt ad Troiam.]

Tempus erat quod, iam bruma suis exuta pruinis et gelu suo tempore soluto, glacies iam liquerat, cum iam, niuibus liquefactis, varii fluuii per uallium concaua uarios iam tumescerent in decursus, et pigra hyems, ignei mendica caloris, ultima terga daret ob uicinum primi veris aduentum, sole sub extremo signo Piscium decurrente, dum extremi dies et ultimi Februarii mensis instarent, et mensis ille Marcius succederet iam uicinus, cum vniuersus Grecorum exercitus, in multa classe fecundus, in Athenarum ciuitatis portum totus insimul conuenisset. Sciant igitur presentis hystorie lectores ab ipsa mundi institucione nunquam tot nauigia insimul confluxisse, tanto piena milite nec tantòrum cumulo pugnatorum, que, ut descriptibili sermone patefacta, legentur. Sciendum est Agamenonem, regem et Dana[th]orum ductorem exercitus, ex ciuitate sua, scilicet Mecenarum, C naues militibus onustas pugna(n)tibus adduxisse ; Menelaum autem, uirum Helene et ipsius Agamenonis fratrem, ex regno suo quod est dictum Spartem LX naues plenas militibus adduxisse. De regno uero Boecie Archelaus et Prothenor, ipsius regni domini, naues L duxere. Ascalafus uero dux et comes Helimus de prouincia Cythomenie naues duxere XXX. Rex uero Epistrophus et rex Tedius de regno Forcidis L naues adduxerunt in multa militum comitiua. Thelamonius autem Ayax de regno suo et de sua ciuitate nobili Salemina L naues adduxit. In cuius comitiua fuerunt multi duces et comites et sunt hii : dux Teucer, dux Amphiacus, comes Dorion et comes Theseus. Senex autem dux Nestor cum L nauibus ex Pilon aduenit. Rex uero Thoas de regno suo Tholie L naues adduxit. Rex autem Deximais de regno suo naues secum detulit L. De regno autem suo, quod Demenium dicebatur, Ayax Oyleus XXXVI naues adduxit. Polibetes uero et Amphymacus, de prouincia Calcidonie domini, naues adduxere XXX. Rex autem Ydumeneus et rex Merion de Creta naues LXXX duxerunt. De regno autem Tracie ille facundissimus rex Vlixes L naues adduxit. Dux uero Melius de ciuitate sua dicta Pigris detulit naues X. Prothotacus autem et Prothesilaus, duces prouincie que Phylarca communiter dicebatur, duxerunt naues numero L. De regno uero Tricionico rex Machaon et rex Polidus fratres, filii quondam regis Colephis, adduxerunt naues XXII. De nobili uero ciuitate sua que dicebatur Phites L naues adduxit Achilles. Rex autem Thelephalus de insula regni sui que dicta est Rodon XXII naues adduxit. Euripilus uero rex de regno suo quod dicitur Ortomenie L naues adduxit. Dux autem Anthipus et dux Amphimacus, domini cuiusdam rusticane prouincie que dicta est Hesida, naues XI adduxerunt. Rex uero Polipetes de regno suo quod dicebatur Richa et dux Losius, sobrinus eius, adduci fecerunt nauigia LX. Strennuus uero Dyomedes et in eius comitiua Thelenus et Eurialus de terra sua Argis naues detulit LXXX. Rex uero Poliphebus de regno suo, quod nondum multa fama pollebat, detulit naues VII. Rex Fineus de regno suo, quod tenebat a Grecis, XI naues adduxit. Rex autem Prothoylus de regno suo quod dictum est Demenesa naues detulit L. Et totidem rex Capenor de sua prouincia Capadie. Treorius vero rex de regno suo quod Beisa dicebatur XXII naues secum adduxit.

Et sic facta summa de predictis regibus et ducibus fuerunt numero LXVIII. Naues uero Grecorum illorum MCCXXII, preter Palamidem, filium regis Nauli, qui ultimus cum suis nauibus, ut infra proximo refertur, aduenit. Homerus uero dixit in temporibus suis fuisse naues MCLXXXVI sed forte pre tedio numerum integrum non descripsit.


Merci au professeur Francesco Chiappinelli, auteur de l'Impius Aeneas, de nous avoir fourni ces textes.
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