La fullonica

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Atrium de la fullonica

L'édifice désigné sous le nom de Fullonica, la foulerie, est le plus intéressant exemple d'un établissement industriel qui soit sorti des fouilles de Pompéi. Reconnu à la fin de 1825 et fouillé en 1826, il ouvre à la fois sur la rue de Mercure et sur celle à laquelle il a donné son nom. Sur la première de ces rues sont plusieurs boutiques 1, 2, 3, dont la première a une grande arrière-boutique 4. A la suite est la porte principale donnant accès à un prothyrum 5 plus grand qu'à l'ordinaire, ayant à gauche une loge de portier 6 et la fenêtre d'un réduit de 1 mètre en carré dont il est difficile d'expliquer la destination, car il n'avait pas de porte ; on a cependant peine à croire qu'il n'ait eu d'autre emploi que celui de dessiner l'alcôve de la chambre 7 qui se trouve sous le portique à gauche en entrant dans l'atrium, d'autant plus que cette chambre manquant de largeur suffisante, on avait été forcé d'entailler le mur à la tête et au pied du lit.

L'atrium A, long de 25 mètres sur 16m 60, avait son portique soutenu par douze piliers carrés. Quelques fûts qu'on a trouvés renversés pourraient faire supposer qu'au-dessus des piliers s'élevait un ordre de colonnes portant un toit qui aurait protégé l'area contre le soleil et la pluie, sans empêcher la circulation de l'air. Dans cette hypothèse, l'atrium eût été de ceux qu'on nommait testudinata. Deux morceaux d'entablement en lave avec denticules et moulures gisent sur le sol entre les piliers de gauche. Ainsi que nous l'avons dit, la première pièce qui se présente sous le portique est la chambre à coucher 7 ; cette pièce était assez élégamment décorée ; on y voit encore deux chars tirés, l'un par deux biches, l'autre par deux paons ; elle était pavée en mosaïque et ouvrait à la fois sur le prothyrum par une petite fenêtre, sur l'atrium par une large baie, et par une porte sur la salle 8. Celle-ci, ouverte dans toute sa largeur sur l'atrium, me paraît avoir été une sorte de salon destiné à recevoir les clients de l'établissement ; elle était ornée de peintures médiocres parmi lesquelles on reconnaît encore Vénus et Adonis et Thésée vainqueur du Minotaure. Un troisième sujet au fond de la salle est aujourd'hui méconnaissable ; on y distingue avec peine un personnage debout ; à l'époque de la découverte, en juin 1826, on crut y voir Admète dans un paysage. Devant cette salle, entre les colonnes du portique, était une charmante fontaine 9 composée d'une vasque de marbre blanc posée sur un pied cannelé.

Activités de la fullonica
in Roux, tome III, planche 127

Sur le pilier à droite de cette fontaine, se trouvaient de très curieuses peintures qui ont été emportées au musée de Naples avec le pilier lui-même ; elles peuvent donner une idée des différentes opérations de l'art du foulon chez les anciens ; on y voit un ouvrier occupé à frotter avec une espèce de carde un manteau blanc bordé d'une bande de pourpre ; un autre ouvrier apporte une grande cage d'osier sur laquelle on étendait les étoffes pour les exposer à la vapeur du soufre brûlant sur un fourneau (1); l'ouvrier est couronné d'olivier, et sur la cage est perché l'oiseau de Minerve, divinité protectrice de ceux qui travaillaient les tissus. Sur le premier plan est une femme assise et richement vêtue recevant une étoffe des mains d'une jeune ouvrière. Dans un autre compartiment on voit des ouvriers qui, placés dans des espèces de niches semblables à celles qui existent dans une pièce de l'édifice, foulent de leurs pieds nus ou lavent avec les mains des étoffes renfermées dans des cuves. Sur un autre côté du pilier est une presse sous laquelle on mettait les draps, et un groupe représentant la directrice de l'établissement donnant des ordres à des esclaves près desquels sont des étoffes étendues sur une perche. Sur le pilier à gauche de la fontaine, on voit encore en place les deux serpents symboliques et un fleuve appuyé sur son urne.

A côté de la salle que nous avons décrite, est une chambre à coucher 10, puis, sous le côté méridional du portique, se présente d'abord un grand triclinium 11, ou peut-être un magasin, pavé en mosaïque blanche et noire, et dont le seuil malheureusement fort endommagé est orné de rinceaux de diverses couleurs. Suit une chambre à coucher 13 à laquelle on montait par trois degrés et que précédait un procaeton 12, sur lequel elle avait une porte et une fenêtre. De cette chambre on descendait par trois autres degrés dans la chambre 14, qui avait son procaeton 15. Dans le corridor 16, qui n'était autre que la cage d'un escalier ayant dessous un réduit ouvrant sur l'atrium se trouve l'entrée d'une pièce 17 où était un petit moulin qui a été déplacé, mais où sont encore deux pieds de table, un fourneau et un four autrefois surmonté d'une image du même genre que celle qui existait au même lieu dans la boulangerie de la maison de Pansa ; dans l'avant-four, aujourd'hui détruit, étaient trois tuyaux en terre cuite pour l'évaporation de la fumée. A côté du fournil est une chambre d'esclave 18 près de la porte de laquelle, sous le portique, se trouve un grand vase de terre rouge, un dolium, qui avait été raccommodé avec de fortes agrafes de métal (2). Enfin, à l'extrémité du portique, existent deux petites pièces 19 et 20 dont la première contint probablement une presse, tandis que la seconde était la loge du portier préposé à la garde de la seconde entrée de la maison, du posticum 21. La partie ouest de la cour, adossée à la rue de la Fullonica, est occupée presque entièrement par quatre grands bassins carrés 22 construits en maçonnerie, placés à des niveaux différents afin que l'eau pût passer successivement, de l'un dans l'autre ; leur profondeur varie de 1m 15 à 0m 50. On montait au bassin le plus élevé par un escalier au pied duquel est un cinquième bassin carré 23 enfoncé dans le sol. Au devant des bassins 22 règne une large et longue banquette de pierre, à l'extrémité gauche de laquelle est un petit bassin ovale en marbre, tandis qu'à l'autre bout sont un vase de terre encastré dans la maçonnerie, et sept bassins plus petits, ou plutôt des espèces de cases 24 dont le fond est légèrement creusé et dans lesquelles les étoffes étaient probablement empilées pour être foulées aux pieds comme nous l'avons vu dans la peinture du pilier voisin de la fontaine ; peut-être aussi ces cases servaient-elles de dépôt pour les différentes matières nécessaires à la teinture. Les anciens semblent avoir teint et nettoyé leurs étoffes avec un grand soin, et s'être servis de soufre et autres ingrédients tels que la terre grasse dite à foulon, et la chaux dont on a trouvé ici une jarre pleine (3). Sous le portique septentrional est une pièce voûtée 25 où existent encore les restes d'une baignoire ou d'une cuve, puis une chambre à coucher 26 que précède un procaeton 27, et dont le pavé en mosaïque est entouré d'une jolie bordure blanche et noire. A côté du procaeton et près d'un petit réduit 28 qui dut servir de resserre ou de bureau pour un caissier, est l'entrée d'une petite maison dont l'emplacement est emprunté au terrain de l'habitation voisine, la maison de la grande fontaine de mosaïque, avec laquelle elle n'a aucune communication. Cette petite maison, qui semble avoir servi d'appendice à l'habitation du propriétaire de l'établissement, a une entrée particulière 29 sur la rue de Mercure ; elle se compose d'un atrium a b c d soutenu par six colonnes avec un compluvium présentant à l'une de ses extrémités un puteal de terre cuite orné de triglyphes, et à l'autre une base carrée de marbre blanc, et de deux chambres 30 et 31 ; dans la première on voit pour la tête et les pieds du lit une entaille assez longue pour pouvoir le tirer ; dans la seconde qui contenait un escalier est également une entaille pour le chevet.

Les façades de la Fullonica et de la maison suivante sont faites sur le même modèle et composées de grandes pierres de lave parfaitement appareillées, pleins sur joint, avec des refends.

Sur le pilier qui sépare la Fullonica de la maison de la grande fontaine fut trouvée, le 11 août 1826, cette inscription peinte en lettres rouges qui paraît se rapporter au magistrat dont la statue décorait le théâtre :

M. HOLCONIVM
PRISCVM II VIR. I. D.
POMARI VNIVERSI
CVM HELVIO VESTALE ROGANT.

«Tous les marchands de fruits et Helvius Vestalis invoquent M. Holconius Priscus, Duumvir chargé de rendre la justice».


(1)  «Trouvant une cage d'osier cintrée par le haut, qui servait à étendre le linge pour le blanchir à la fumée du soufre, elle le fait se blottir dessous» (Apulée, Met. IX).

(2)  «Le tonneau du cynique, dit Juvénal, ne craint pas l'incendie ; s'il le brise, demain il retrouve une autre maison ou répare la même avec du plomb».
Dolia nudi
Non ardent cynici ; si fregeris, altera fiet
Cras domus aut eadem plumbo commissa manebit.
(Sat. XIV).

(3)  «Voici l'ordre des manipulations : d'abord on lave l'étoffe à l'aide de la sarde (terre de Sardaigne), puis on l'expose à une fumigation de soufre ; ensuite on nettoie à la terre cimoliée (terre bolaire, craie de Cimole, une des Cyclades) les étoffes dont la teinture est solide». (PLINE, XXXV, 57).