ROSTRUM (ῥύγκος)
Proprement, le museau d'un animal, surtout le groin d'un
porc, le bec d'un oiseau ; par suite, on transporte ce nom
à différents objets faits de main d'homme, et qui,
soit par leur forme, soit par leurs usages, ressemblent à
l'un des organes indiqués ci-dessus.
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ἔμβολος. L'éperon, comme nous disons d'un bâtiment de
guerre, partie de la proue qui fait saillie et se termine en
pointe, tantôt de bronze, tautôt de fer, et
destinée à agir sur les flancs des navires
ennemis comme le bélier sur un mur (Liv. Hor. Hirt.
Plin. etc.). Dans la marine primitive, c'était une
simple poutre se terminant par une pointe de métal qui
représentait presque toujours la tête d'un
animal quelconque, comme le montre le spécimen que
nous reproduisons.
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C'est un
rostrum antique, original peut-être
unique, qui fut trouvé au fond du port de Gênes, et
qui, on le suppose du moins, y aurait été
précipité lors de la bataille que s'y
livrèrent les Génois et le Carthaginois Magon.
L'éperon partait et faisait saillie de l'avant du navire
à une hauteur au-dessus de la ligne de flottaison qui est
indiquée par la gravure au mot
navis, 6. Mais quand se perfectionna le système
de la guerre maritime, le
rostrum fut formé par
plusieurs poutres en saillie, garnies de pointes
métalliques aigues, ce qui n'empêchait pas de
conserver quelquefois, concurremment avec elles, la grosse
poutre isolée dont nous venons de parler ; en tout cas,
elles étaient placées soit au niveau de la quille,
soit au-dessous, de sorte que chaque trou percé par
l'éperon, non seulement endommageait le navire, mais y
ouvrait une terrible voie d'eau. Ces différents traits se
retrouvent dans la gravure qui suit, d'après deux
médailles romaines ; la figure de gauche nous montre le
rostrum sur la même ligue que la quille, suivant le
système de construction adopté pendant les guerres
puniques ; celle de droite a le
rostrum primitif, en
forme de bec d'oiseau, au-dessus de la quille, et le
rostrum perfectionné et plus redoutable au-dessous de
la quille et sous l'eau, comme cela se faisait habituellement du
temps d'Auguste (Scheffer,
Mil. Nav. II, 5).
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Rostra, au pluriel (οἱ ἔμβολοι, Polyb. VI, 53, 1)
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L'extrémité recourbée et
pointue de la serpe du vigneron (falx
vinitoria), la pointe qui est tournée
en l'air dans la figure ci-jointe, empruntée
à un ancien manuscrit de Columelle ; elle
ressemble fort au bec de certains oiseaux de proie
(Collumell. IV, 25, 3).
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L'extrémité recourbée de la
charrue romaine primitive qui servait pour les
terres légères ; elle était
formée d'un tronc d'arbre courbé, soit
naturellement soit artificiellement, en crosse, et
armé d'un fer à l'un de ses bouts,
quand il le fallait, comme le montre très
bien la gravure, empruntée à un petit
groupe étrusque en bronze, découvert
à Arezzo (Plin. H.N. XVIII, 48).
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Le bec d'une lampe à huile (lucerna),
d'où sort la mèche, et dont le contour
est marqué par une ligne courbe qui se
détache du corps de la lampe, et, vue de
profil, présente quelque ressemblance avec le
bec d'un oiseau, ainsi que le montre le
spécimen ci-joint, d'après une lampe
romaine antique (Plin. H.N. XXVIII, 46).
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La tête d'un marteau de forgeron (malleus) ;
dans ce cas, l'analogie vient de l'emploi, non de la forme de
l'instrument ; on appelle rostrum la partie avec
laquelle sont portés les coups, par allusion au
rostrum d'un vaisseau qui frappait les bâtiments
ennemis. La gravure ci-dessous représente des
forgerons à leur enclume, d'après un bas-relief
(Plin. H.N. xxxiv,41).
Illustration complémentaire
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Rostre de navire
Monument funéraire de Cartilius Poplicola
Ostie (Italie)
© Agnès Vinas, 2001
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